P. Kagame : 98,76 % à l’élection présidentielle au Rwanda de ce 15 juillet ? Non 99,15% ? (2/2)
"Le pouvoir est une drogue qui rend fou quiconque y goûte »
F. Mitterrand.
La première partie de mon précédent « papier »[1] portait sur une rétrospective (sans prétention d’exactitude historique) des pouvoirs au Rwanda qui ont toujours, selon moi, oscillé entre Autoritarisme et Totalitarisme.
Avant les gouvernements républicains actuels, le code ésotérique de la royauté prévoyait les successions des Mwami suivant des cycles bien établis. Les noms de règne « Mutara » et « Cyilima », se suivant alternativement, étaient les premiers de chaque cycle (régne ?) de 4 Mwami successifs, « Yuhi » étant, dans chacun de ces cycles, le dernier. Il s’agissait de monarques « pacifiques » (selon moi « autoritaires »). Les « Kigéri » et les « Mibambwe », deuxièmes et troisièmes monarques de chaque cycle, étaient des « guerriers » (selon moi « totalitaires »)
Ce qui correspond assez bien à ma perception du balancement entre deux formes du pouvoir au Rwanda, jusqu’à aujourd’hui, où malheureusement un pouvoir totalitaire est « soudé » indéfectiblement aux mains d’un tyran[2] (« étymologiquement » : celui qui tue son prédécesseur pour lui prendre la place[3]). Donc, comme après le coup d’Etat de 1896[4] l’exercice actuel de ce pouvoir n’est pas « traditionnellement » légitime, suivant le code ésotérique de la dynastie rwandaise. Il ne l’est pas non plus, actuellement, issu qu’il est des assassinats de Rwigéma, et d’Habyarimana et de milliers de civils Rwandais et Congolais, au regard des Conventions de Genève[5] et du Droit International.
Le score définitif des dernières élections présidentielles est bien de 99,18%[6] . Il tient du stalinisme et la Communauté Internationale ne réagit pas….ou presque (sauf par un semblant d’« abstention symbolique » aux cérémonies d’investiture ?). Quand on parle de stalinisme on parle évidemment d’une certaine forme de « folie totalitariste ». C’est donc l’occasion de relire :
« L’éloge de la Folie » - Erasme (1523)
« Les origines du totalitarisme » – Hannah Arendt.(1961)
« Ces malades qui nous gouvernent » - Pierre Accoce et Pierre Rentchnick (1993)
« Ces fous qui nous gouvernent » - Pascal de Sutter (2007)
« The Psychology of Totalitarism » - Mattias Desmet (2022)
“Psycho-Pathologie du Totalitarisme” – Ariane Bilheran (2022).
J’avais souligné mon ressenti de « trop peu », mon amertume et ma déception, à l’événement « Forbidden stories – Rwanda Classified »[7], commis par un consortium de journalistes international. Je dois donc à mon fidèle lectorat des précisions sur cet aspect de mon approche de la « situation » actuelle.
Les journalistes de cette plateforme d’investigations, de cette communauté sont, comme j’ai cru bien le comprendre, des membres de la nébuleuse : « Der Spiegel – Die Zeit – Haaretz – Knack – Le Soir – Le Monde – Radio France – M28 Investigates – NRC – OCCRP – Paper Trail Media – RTBF – RTS – SVT – The Guardian – ZDF – ZAM » …. Rien que cela ! Et plus mainstream que cela : tu meurs !!!!
J’ignore quels sont les liens entre cette association et l’ICIJ[8],The GIJN[9] et/ou d’autres encore. Toutes se présentent comme indépendantes. Mais ne formeraient-elles pas toutes, selon moi, en quelques sortes, des « cartels »[10] ?
Je n’en veux pour indice que ce n’est que lors de l’un des derniers assassinats de journalistes rwandais, celui de John Williams Ntwali, que l’attention de ses confrères de l’internationale journalistique semble bien avoir été éveillée et mobilisée. En quelques sortes, une opportunité d’afficher une certaine forme de corporatisme « pigistique », louable en soi, mais peut-être, finalement, assez tardive. Car enfin, avant cette dernière victime il y eu beaucoup d’autres sacrifiés.
Et mon étonnement est d’autant plus grand qu’on ne retrouve pas, dans les « Forbidden stories », à ma connaissance, les dénonciations des crimes sur les libertés de la presse du tyran Kagame, faites par à un certain Anjan Sundaram, depuis ses expériences de 2009-2010, sur le terrain. Il[11] est l’auteur de « Bad News », un livre sur la destruction de la presse libre au Rwanda. En plus, il est l’un « des commentateurs traditionnels les plus incisifs sur la dictature au Rwanda ». Un documentaire « L’homme de l’année 2021 » aurait été réalisé par Benedict Moran[12] et produit, justement, par ce Anjan Sundaram. « L’homme » de cette année-là, était-il justement Paul Kagame ou bien était-ce Paul Rusesabagina ? Ce qui est étrange c’est que ce documentaire ne semble pas être disponible ni sur internet, ni en DVD du commerce, à me connaissance. Or le financement assuré de ce « témoignage » n’est autre que celui de la Fondation Lantos[13].
Ce qui m’amène au cas de Rusesabagina, citoyen américano-belge d’origine rwandaise[14]. Ce cas est aussi intéressant par la couverture médiatique (assez discrète finalement ; jusqu’à présent) qui a été faite des pérégrinations de cet « Héros de l’Hôtel des 1.000 Collines de Kigali », à travers les mailles des réseaux maffieux de Kigali. Se rendant de Washington à Bujumbura (Burundi), il fut enlevé lors d’une escale à Dubaï, pour être livré à Kigali où, après arrestation et jugement, il fut condamné[15], en 2021, à 25 ans de prison. Les diplomaties des USA et de la Belgique semblent avoir été fort subtiles dans ce cas, au vu des « silences » des presses « conformes » et/ou « correspondantes » pendant un certain temps (celui nécessaire au refroidissement du canon, comme on dit en artillerie). Mais toujours est-il que Paul Rusesabagina a été libéré en mars 2023 et a pu retourner aux USA. Il semble que les interventions aient été le fait de certaines personnalités Congressistes Américaines (Cynthia MC Kinney ?), de certaines ONG des Droits de l’Homme (HRW ?), de certaines démarches diplomatiques (belges ?) mais surtout, entre autres, de la Fondation Lantos, déjà citée plus haut.
Ce qui est assez surprenant aussi c’est que, pour deux autres citoyens belges[16] mystérieusement « DCD » en Afrique du Sud, il semble que, selon les « Forbidden stories », les enquêtes officielles belges diligentées sur place n’ont rien pu « donner » et seraient toujours en stand-bye, sans autres « alertes » journalistiques. Sauf qu’un quasi-incident diplomatique vient d’avoir lieu à Bruxelles, selon mon correspondant sur place. Le gouvernement belge n’a pas donné son agrément à la candidature du nouvel Ambassadeur Rwandais en Belgique. A la fin du terme en Belgique de l’Ambassadeur précédent, Shebashongore, un nouvel Ambassadeur du Rwanda en Belgique devait, normalement, être proposé par le gouvernement Rwandais, en la personne, justement, de l’ancien Ambassadeur du Rwanda en Afrique du Sud, Vincent Karega. Et les « Forbidden stories »[17] font plus qu’insinuer que les tueurs de Karageya (ainsi que de ces deux citoyens belges) et les assaillants de Nyamwasa[18], ont été exfiltrés, échappant à la justice sud-africaine, par les services de l’Ambassadeur rwandais à Prétoria[19], son Excellence Monsieur Karega, justement. (Celui-ci avait aussi été ambassadeur du Rwanda en RDC mais en avait été, en plus, expulsé en 2022 pour son attitude « positive » vis-à-vis de la participation rwandaise aux attaques du M23). Toutes ces informations étaient bien connues par ailleurs mais n’avaient pas reçu la publicité qu’elles auraient dû mériter, à l’époque. Or les deux citoyens belges dont question plus haut étaient justement en quête d’informations sur des meurtres et disparitions de témoins et/ou d’informateurs sur les circonstances de la condamnation d’un certain Ngeze Hassan (père de Thomas cfr. note de bas de page 16 ) au TPIR à Arusha[20]….
A ce propos, mon correspondant à Bruxelles me signale qu’en plus de l’ébullition « mitigée » provoquée par le « diplomatic case », (« il ne faut pas ombrager les intérêts diamantaires anversois de la De Beers » [21]) le Rwanda n’a toujours pas d’Ambassadeur en Belgique et que, de plus, les services de la chancellerie de la « Rwanda House » de Bruxelles[22] auraient déjà été transférés à Berlin…(retour à la « case départ » ?)…Alors qu’à Bruxelles la « Rwanda House » détenait la troisième place sur le podium de l’espionnage des Commissions Européennes, derrière la Chine et la Russie…… est-ce que le jeu en vaut la chandelle ?.
Pour en revenir aux « Forbidden stories », il faut signaler effectivement que les recherches et les conclusions, faites par les Michela Wrong et Judi Rever y sont citées ainsi que les péripéties qui ont entourées la publication de leurs livres tant en anglais qu’en français.
A ce propos, je renvois mes lecteurs à mes précédents papiers référencés ci-dessous :
1 - Pour Michela Wrong de :
https://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/kagame-wrong-paul-kagame-a-paris-233132
jusqu’à
https://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/kagame-wrong-suite-rusesabagina-et-236235
2 – Pour Judy Rever de :
https://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/judi-rever-et-paul-kagame-le-218870
jusqu’à
https://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/judi-rever-et-paul-kagame-le-219748
Ce qui me laisse un peu sur ma faim, comme dit plus haut, en ce qui concerne les témoignages de ces deux « autrices-actrices », leucodermes (anglaise et canadienne), portent sur des faits rapportés qui ne sont que des syndromes du mal rwandais, qui ne font qu’effleurer les diagnostiques de psychopathologies totalitaires dans le chef de Kagamé et des membres de son entourage… Quasiment rien sur l’indifférence de la communauté internationale …
La parole donnée à deux consœurs des Rever et Wrong, les leucodermes Colette Braeckman (née en 1946) et Maria Malagaris (née en 1965), est assez indirecte et limitée et donc difficile à analyser objectivement tant leurs points de vue me paraissent « unipolaires, manichéens », « hypnotisées et médusées » qu’elles semblent toujours être par le « charme » de celui qui a dû leur apparaître, dans les années 90-94 de l’invasion du Rwanda, comme le « Ché Guévara », le « Patrice Lumumba » de leur 18 ans….Elle ont oublié le totalitarisme castriste et non pas connu le Subcommandante Marcos et ses Indiens du Chiapas. Tant il est vrai qu’il est difficile, pour ces « témoigneuses » de renoncer à l’ensemble du système de croyances dans lequel elles ont été formatées : un « savoir » intellectuel théorique et non une expérience vécue de terrain.
Enfin la parole donnée à des mélanodermes s’est limitée à ceux qui ont eu les moyens de « fuir » et de se convertir en « opposants – victimes ». Ceux dont justement Kagame disait « que ceux qui se comportent comme des chiens meurent comme des chiens ». En plus, rien sur les moyens matériels et financiers de ces « bras droits » de Kagame durant les 20 ans de collaboration aux pires crimes commis par le holding du FPR. Car enfin « in South Africa », « vivre » à Prétoria, Johannesburg ou CapeTown, non pas dans un « Township » mais bien dans un « Compound » ex – « white only » n’est pas donné aux premiers « venus ». Il faut un « revenu » minimum, ne fut-ce qu’alimentaire !…. N’aurait-il pas été plus convainquant et satisfaisant que des mélanodermes natifs, tels que Charles Onana et Patrick Mbéko, toute culture vécue et connaissance de terrain pratiquée, soient également entendus ?
Pour terminer :
« C’est une astuce que nous utilisons toujours, l’antisémitisme est notre combine pour faire taire les critiques. En Europe quand quelqu’un critique Israël, on lui sort de l’Holocauste …Cela justifie ce que nous faisons aux Palestiniens »[23] (Shulamit Alon)i
Serait-ce du négationnisme que de remplacer, pour paraphraser Shulamit Aloni, « Israël », « Holocauste », « Palestiniens » par « Rwanda », « Génocide des Tutsis » « Hutus » ?
La question est posée !
[1] Malgré l’iconographie et le titre accrocheurs, les 1754 visites et les 15*1 étoile : pas un commentaire. Interpellant. Je m’attendais à des corrections, des remarques et autres réflexions. Mais non, nib de nib, walou !
[3] Un tyran (du grec ancien τύραννος / túrannos, « maître absolu ») désigne dans l'Antiquité grecque un individu disposant d’un pouvoir absolu, après s'en être emparé de façon illégitime, en général, par la force.
[4] Les Bega « renversant » les Nyigina
[5] « Nous étions en guerre. J’avais le droit de me défendre. Si c’était Habyarimana qui m’aurait tué… est-ce que ce juge l’aurait poursuivi ? » (Sic P Kagame)…. « Mais vous aviez signé les accords de paix d’Arusha !!!! » (Sic BBC)
[6] Et non 99,15%cpmme annoncé dans le titre.
[8] The International Consortium of Investigative Journalists - https://www.icij.org/journalists/
[9] The Global Investigative Journalism Network - https://gijn.org/about-us/
[10] Entente réalisée entre des entreprises juridiquement indépendantes d'un même secteur d'activité, afin de limiter la concurrence en s'accordant sur les prix et le partage du marché.
[11] https://www.monde-diplomatique.fr/2018/10/CESSOU/59173 « Bad News. Derniers journalistes sous une dictature » 2018 et https://www.amnesty.be/infos/rapports-annuels/rapport-annuel-2022/rapport-annuel-2022-afrique/article/republique-rwanda-chef-etat-paul
[12] Moran est un cinéaste primé qui a réalisé, rapporté et produit pour de grands diffuseurs mondiaux et des publications dans des dizaines de pays
[14] Qui a été rendu célèbre par la mise en scène de son livre « Un homme ordinaire » qui retrace dans « Hôtel Rwanda », l’histoire de son vécu en tant que gestionnaire de l’Hôtel des Mille Collines de Kigali durant le génocide. (Film américano-britanico-italo-sud-africain -Terry George, 2004).
[15] Hannah Arendt in “Eichmann à Jérusalem” : “Que dirions-nous si, demain, quelque Etat africain se met dans la tête d’envoyer ses agents dans le Mississipi pour y enlever un des responsables du mouvement ségrégationniste ? Et que répondrons-nous si un tribunal du Ghana ou du Congo cite le cas d’Eichmann comme précédent ? ». Serait-ce ce qui est arrivé, justifiant la discrétion des tractations entre le Rwanda, les USA et la Belgique dans ce le cas Rusesabagina ?
[16] L’un belge natif, l’autre d’origine rwandaise, Pieter-Jan Staelens et Thomas Ngeze
[18] Nyamwasa et Karageya deux des bras droits de Kagamé pendant près de 20 ans, temps mis pour se rendent compte « qui était » Kagamé. Nyamwasa était chef d'État-major Adjoint de la Gendarmerie Nationale ;et Karageya chef des services secrets du Rwanda Paul Kagame. Suivant Michela Wrong il était appelé, entre Gysényi (Rwanda) et Goma, (Capitale du Nord Kivu en RDC), Monsieur Diamant …….
[19] Ce qui était « secret public » depuis pas mal de temps
[21] Les diamants du sang ne sont-ils pas prétaillés à Kigali, pour devenir de la sorte, des produits, « Made in Rwanda » and « in dignity » » et atterrir à Anvers via Dubaï ( ?) ….Bonne question ?
[22] Où se trouvent les Commissions Européennes et où le Rwanda occupait la troisième place, après le Russie et la Chine, sur le podium de l’espionnage ….rien que ça !
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