Par-delà le mariage pour tous
Bien que catho pratiquant, je ne m’oppose pas au fameux mariage pour tous. Cependant, n’étant pas un bizuth, je possède ma petite idée sur la question comme je tente de m’en expliquer dans ce qui suit.
Cette affaire a pris un ton polémique dont la virulence ne laisse guère de temps à l’analyse sérieuse. Serge Dassault, certes un brin outrancier, en a fait récemment l’expérience lorsqu’il s’est vu lancer par Philippe Turle, rédacteur en chef de la rédaction anglaise de RFI « Merde ! Fermez votre gueule ! ». Autre exemple, lorsque Philippe Barbarin affirme que « Le mariage gay ouvrirait la voie à la polygamie et à l‘inceste », il joue d’un effet de manche qui attire l’attention du public mais laisse ce dernier sur sa faim puisqu’il ne démontre pas son assertion. L’Union des Organisations islamiques de France n’est pas en reste qui déclare « Qui pourra délégitimer la zoophilie, la polyandrie, au nom du sacro-saint amour ? ».
Attardons-nous un moment sur ces déclarations à l’emporte-pièce. Tout d’abord, pour des raisons anthropologiques évidentes, on ne peut mettre dans le même panier la polygamie et la polyandrie d’une part l’inceste et la zoophilie d’autre part. Pour la petite histoire, citons Léon Blum : « Dans un premier temps, l'homme et la femme sont d'abord polygames ». Mais voyons si le mariage pour tous va vraiment ouvrir la voie à la légitimation de pratiques encore jugées perverses telles que l’inceste et la zoophilie.
L’AMOUR
Avant de répondre, il nous faut regarder l’amour. Contrairement à d’autres langues, le français n’offre qu’un seul signifiant pour exprimer les sentiments d’attirance et de désir envers les vivants, les arts et le reste. Pourtant, l’amour embrasse un vaste domaine s’étendant des extases mystiques aux fièvres des collectionneurs en manque, sans oublier les diverses amours humaines ou les envies pulsionnelles et méprisantes de l’adoratrice des divinités de Dior. Selon son registre particulier, chaque amour se réduit à une combinaison propre des trois ordres pascaliens : la chair, la raison et le cœur. Et nos amours ne sont pas toujours ce que l’on voudrait qu’elles fussent n’est-ce pas ?
DEVIANCES
Venons-en à la zoophilie. En 2012, vibromasseurs et autres masturbateurs ne se cachent pas plus que des chaussettes, que ce soit sur le net ou dans nos boîtes à lettres. Or, en quoi la libido guidant vers l’animal diffère-t-elle de celle conduisant à un gode ? N’équivaut-elle pas à une réification ou à une désanimalisation d’un fétiche vivant ? On répondra que l’animal n’est sans doute pas consentant mais il s’agit d’une réponse tortueuse à la question laquelle concerne essentiellement le désirant et non le désiré. En passant, notons que des centaines de millions d’animaux se voient trucidés quotidiennement sans qu’on leur demande leur consentement … A mon avis, nous nous acheminons vers une déculpabilisation progressive d’une zoophilie règlementée où, toutefois, les violences sexuelles, SM et autres, envers nos amies les bêtes tomberont plus que jamais sous le coup de la loi. Notons cependant que les Verts allemands demandent l’abrogation d’une loi datant de 1969 autorisant certains actes zoophiles. Observons enfin que l’implication, justifiée ou non, de la zoophilie dans certaines pandémies et zoonoses pourrait tempérer son expansion (on se souvient du sida et des singes …).
A l’inceste maintenant ! Regardons le seul aspect biologique du tabou, hors de toute considération freudienne. Hormis chez certaines dynasties, la crainte d’une descendance tarée a pu constituer le principal obstacle aux unions consanguines. Claude Lévi-Strauss y voyait l’obligation faite aux groupes d’échanger des femmes afin de renforcer une solidarité sociale étouffée par l’endogamie. Le sujet reste complexe et les opinions des spécialistes, quelquefois orientées, divergent sur l’origine de cet interdit quasiment universel. Cependant, à l’instar de la zoophilie, l’inceste – en tant que pure réalisation d’un acte sexuel mutuellement consenti, hors de toute visée procréative et, par conséquent, de tout risque biologique – est appelé à sortir du bois. La raison majeure tient au principe libertaire « Au nom de la liberté et de l’égalité, Il est interdit d’interdire le plaisir, notamment sexuel, et tous les tabous à ce sujet doivent tomber ». Bien entendu, l’inceste généralisé rongerait la cellule familiale traditionnelle telle une apoptose diffusant un poison létal auto-généré. Rappelons qu’en France il existe des empêchements au mariage au sein des familles adoptives (entre l'adoptant et l'adopté ou ses descendants, par exemple). Lien de sang ou pas, il y a encore des choses « qui ne se font pas ! ».
Nous nous limitons ici à la zoophilie et à l’inceste mais nous aurions pu traiter de la pédophilie et de bien d’autres cas tels que le libertinage de mœurs (sexualité de groupe, échangisme, mélangisme). Nous aurions pu aussi nous demander si, un jour, l’être humain ne préfèrera pas s’adresser à des robots humanoïdes, réels ou virtuels, pour rassasier sa libido émoussée plutôt qu’à des partenaires de chair, de sang et de larmes.
LES IDEOLOGUES
On peut condamner de telles évolutions des mœurs ou, au contraire, attendre leur détaboutisation avec impatience. Quoi qu’il en soit, les homosexuels lambda désireux de s’unir ne peuvent en être tenus pour directement responsables. On peut même penser que le mariage des homos régulera leur vie sexuelle en la fidélisant au risque de « se taire pour ne pas couper en deux la table, l’armoire, les deux chaises » comme le chante Serge Lama. Ou, tout simplement, leur procurera la joie simple de « communiquer à quelqu‘un les actes et les incidents insignifiants de chaque jour, de verbaliser le quotidien » comme l’écrit Annie Ernaux dans Les années.
Cependant, des idéologues se tapissent derrière les rangs des braves homos lambda à la recherche d’un cadre légal apte à faciliter leur vie administrative quotidienne. Ces idéologues peuvent être hétéros ou homos, là n’est pas la question. En gros, ils visent à déconstruire les civilisations basées pour la plupart sur des religions dans lesquelles ils voient des croyances obscurantistes. Archimède aurait déclaré « Donnez-moi un point d’appui et un levier : je soulèverai le monde ». En 2012, les leviers majeurs de nos doctrinaires s’appellent « Mariage homo, PMA, GPA, euthanasie, eugénisme ». Chez nous, ils appuient leurs outils sur le tas des copeaux tombés des coups de rabot portés par leurs prédécesseurs aux piliers de la civilisation judéo-chrétienne depuis près de trois siècles.
Pour ces tireurs de ficelles, il était fondamental que le nouveau contrat entre homosexuels fût qualifié de « mariage » et non point de « convention » ou autre « union ». En effet, le mot « mariage », même civil, garde, encore de nos jours, une connotation sacrée pour ne pas dire religieuse : faute de pouvoir l’escamoter, il faut le diluer dans une soupe administrative. Cette usurpation du mot marque une défaite cuisante des opposants au mariage homosexuel : il y a 14 ans, au lieu de tirer immédiatement les leçons du PACS, ils ne surent pas anticiper en prenant l’initiative d’une « union civile » des homosexuels avant leurs adversaires. Bref, il y a chez eux beaucoup plus de gueulards que de stratèges. Aux églises, il ne reste qu’une attitude : rappeler leurs positions sans ambages, courber l’échine cette fois encore et, surtout, préparer les luttes à venir dans le champ des leviers majeurs énumérés plus haut. Faute de mieux, elles pourraient aussi explorer les racines sanscrito-arabo-gréco-latines dans de vieux lexiques pour y extirper la racine d’un nouveau nom en béton afin de distinguer une fois pour toutes le sacrement de tous ses ersatz possibles.
Mais qui sont-ils donc, ces idéologues ? Nichent-ils dans le Marais ? On connaît la célèbre déclaration du général de Gaulle « La politique de la France ne se fait pas à la corbeille ». Pourrait-il dire aujourd’hui « Les mœurs matrimoniales françaises ne se fricotent pas au Marais » ? Perso, je ne le pense pas même si, à l’époque de la manif en faveur du mariage pour tous, la SNCF proposait 12000 aller-retour Lyon / Paris à 5 € avec le petit clin d’œil « Amis Lyonnais, envie d’une petite séance shopping dans le Marais ? ». Même si encore Jean-Pierre Delaume-Myard, écrivain homosexuel pacsé, se rebiffe contre le projet de mariage pour tous en ces termes :
« Alors pour qui fait-on cette loi ? Pour les homosexuels ou pour les quelques centaines de gays qui vivent dans le Marais ? … Le gay se réclame d’une culture, d’un mode de vie. Il a besoin que son charcutier, son boulanger, son marchand de journaux soit gay. Il veut vivre avec d’autres gays… En tant qu’homosexuel, c’est-à-dire en tant qu’individu appartenant à part entière à une nation, que cela soit à Paris ou en province, j’ai toujours fait le choix de me loger sans me préoccuper de l’orientation sexuelle de mes voisins. » ( Nouvel Obs 22.11.12).
Enfin, pour en conclure avec l’ethnocentrisme parisien, relevons cette sortie de Roselyne Bachelot, émoustillée comme jamais, lors de la manif du 27 janvier : « Être gay friendly, une condition nécessaire pour être élu à Paris ». Fille de ville-lumière vous dis-je !
En vérité, les vrais doctrinaires gravitent au sein d’une immense nébuleuse de laïcards, de bouffeurs de curés, de scientistes, de laïcistes, de positivistes, de rationalistes, de néopaïens, de satanistes, de nietzschéen et autres esprits-forts. On y croise aussi des combistes invétérés, certains maçons et les fils spirituels non repentis de ceux qui tentèrent, à la Révolution, de transformer Notre-Dame de Paris (Aujourd’hui le monument le plus visité en France. Merci Hugo ! ) en entrepôt de vinasse avant de la démolir. Un point commun : ils se prennent tous pour des lumières ! Attention : dans ce pot-pourri, je n’inclus pas tous les politiques en faveur du mariage pour tous. Ces illuminati à leur manière ne sont pas nécessairement athées. Ceux qui le sont pensent sincèrement que l’humanité ne progressera pas tant qu’on n’en aura pas extirpé – quel qu’en soit le prix – l’ultime trace de transcendance ; ceux qui ne le sont pas n’acceptent pas la condition humaine et la nature voulues par Dieu : défiant ce dernier, ils cherchent à remettre son ouvrage sur le métier. A ce sujet, on ne relira jamais assez L’homme révolté de Camus, quitte à déplaire à Sartre …
Si l’anthropologie appartenait aux sciences dures, le temps et l’espace n’auraient pu la modeler au gré de l’histoire de l’humanité. Par contre, il existe des modèles proposant un cadre au comportement des hommes. Le Décalogue en est un. On y trouve notamment :
Tu ne commettras pas d’adultère.
Tu ne convoiteras pas la femme de ton prochain.
Tu honoreras ton père et ta mère
Le 27 janvier 2013, Caroline Mecary – avocate, membre de E.E.L.V., militante homosexuelle – souhaite « Séculariser le mariage civil en supprimant l'obligation de fidélité et la présomption de paternité ». Ainsi, ne se cache même plus le projet de faire sauter les verrous bibliques. Plus généralement, une sécularisation pointilleuse, dévote et jusqu’au-boutiste dissimule le plus souvent une christianophobie fanatique (D’ailleurs annoncée par le Christ, voir Matthieu. 5.11-12 , par exemple). Faut-il rapprocher cela d’une déclaration récente de Francis Gorge, archevêque de Chicago « J’espère mourir dans mon lit : mon successeur mourra en prison, et le sien mourra martyr sur la place publique » ? Après tout, lorsque l’homme déboussolé se heurtera comme une volaille fraîchement décapitée aux barreaux de la prison d’immanence dans laquelle il se sera enfermé, il ne lui restera sans doute plus qu’à braver le sixième commandement. Là encore, revoir Camus.
LA REFONTE DE L’HOMME
Dans l’immense entreprise prométhéenne de refonte totale de la condition humaine, envers et contre Dieu, il convient de procéder méthodiquement. Le but ultime restant, bien entendu, l’éradication de la mort. Avant tout, il convient de « calibrer » la vie en la débarrassant de tous les embarras et aléas inhérents au facteur humain. La théorie du genre constitue la première pièce de la normalisation puisque, selon elle, les différences biologiques à la naissance sont susceptibles de s’estomper. Ainsi, la distinction entre l’identité sexuelle, soit la distinction « mâle ou femelle » (Comprenez « père et mère » en puissance), est appelée à passer au crible d’une incontournable orientation sexuelle à venir dont nul ne peut préjuger de l’issue. A RTL Soir, le 28 janvier 2013, Jean-Michel Ribes déclare « La filiation vient aussi des idées ». Dans ces conditions, parler d’hétérosexualité devient non avenu : CQFD !
Pour parler comme les métaphysiciens, on pourrait dire que s’opposent les monistes – la sempiternelle féministe Elisabeth Badinter en est - pour lesquels il n’existe qu’une substance sexuelle indifférenciée et les dualistes – Sylviane Agacinski, épouse de Lionel Jospin, en fait partie - selon lesquels la différence entre mâle et femelle est fondamentale. Les premiers désacralisent le ventre ( Le fruit de vos entrailles n’est plus béni … ) ce qu’illustre fichtrement Pierre Bergé, président de Sidaction, lorsqu’il déclare, le 16 décembre 2013 « Louer son ventre pour faire un enfant ou louer ses bras pour travailler à l’usine, quelle différence ? ».
Le calibrage de la vie suppose d’abord la maîtrise de la quantité et de la qualité des embryons. Dans un premier temps, la contraception déleste la sexualité de sa charge reproductive. Dans l’étape suivante, la sexualité se limite à une récréation anodine, la reproduction s’effectuant par ectogenèse après sélection eugénique de gamètes anonymes et labellisés. Paternité, maternité, parenté, filiation, adoption, reproduction sexuée deviennent alors ringards, trop humains dirait Nietzsche. Entre temps, on aura dû recourir à des méthodes vulgaires et barbares telles que IVG, PMA et autres GPA pour parer au plus pressé. Terminées donc les manips tarabiscotées telle que celle de la stérile Sarah offrant sa servante égyptienne à son mari Abraham pour lui donner un fils.
En fait, on en arrive au Meilleur des mondes d’Aldous Huxley. Des critères économiques et productivistes déterminent la roadmap de chacun selon sa fonction et son niveau hiérarchique. Ce monde achevé assure ainsi un pouvoir d’achat et de divertissement strictement planifiés et inscrits dans une durée de vie optimale. Les consommateurs, comme des poulets élevés en batterie, ne présentent aucune aspérité puisqu’ils ne sont pas issus d’archaïques processus hétérosexuels aléatoires. Car, comme le dit Jean-Michel Ribes à Frigide Barjot au cours de l’émission déjà citée « Le papa et la maman ça a aussi donné Hitler ». Pourrait-on trouver propos plus révélateurs ?
CONCLUSION
En dépit de cette vision apocalyptique, je voudrais conclure sur une note optimiste. Le chanteur Dave, homosexuel notoire, va m’y aider. Si vous le connaissez un tant soit peu, vous savez sans doute qu’il serait plutôt moins sot que la moyenne. Donc, le 26 septembre 2012, Dave déclare sur RTL :
« Oui, mais justement, on n’est pas égaux, on n’est pas normal quand on est gay. La normalité, c’est l’hétérosexualité. Heureusement pour la survie de ce globe. Donc la normalité, c’est suivant les normes ! Et quand on est PD, on n’est pas normal, on est anormal, et c’est très bien comme ceci. Je suis ravi d’être anormal. »
Et pan sur le bec de MOF, son interviewer un tantinet consensuel ! Vois-tu, Dave, on a besoin de types comme toi, de types qui s’en foutent du politiquement correct, qu’ils soient homos ou hétéros.
La langue de bois on n’en veut plus ! Début novembre, Brigitte Lahaie cause avec Aurélie Godefroy (La présentatrice de l’émission bouddhique sur France 2, le dimanche matin). Comme d’hab, on écorne l’église catholique au passage – on ne risque rien, ça ne mange pas de pain - mais on omet de rappeler la position du Dalaï-lama et du bouddhisme en général sur l’homosexualité. Des émissions biaisées comme ça, on n’en veut plus car on va en crever, a fortiori quand elles émanent de belles femmes !
Il y a une vingtaine d’années, j’écrivais ces lignes, ce que je n’oserais peut-être plus faire aujourd’hui :
Lorsque le fils aîné dont tu étais si fier
Brusquement te présente, dans une garçonnière,
Le type avec lequel il veut vivre sa vie
Puisque, de la normale son corps mâle dévie.
Tes semblables, tes enfants et les autres, tu fais avec, comme tu fais avec ta vie, comme tu t’arranges avec ta condition humaine. Tu ne fais surtout pas comme ces paniqueurs, ces maillons faibles qui, tout au long de l’histoire, ont persécuté ceux dont ils n’acceptaient pas la différence.
En cette époque de Vendée Globe, voyons notre humanité comme une caravelle à la recherche perpétuelle d’un havre hypothétique. Elle a besoin de toutes ses voiles pour voguer : les grandes, les petites, les latines, les carrées et les triangulaires. Evidemment, certains, pour détourner leur angoisse, ne vont pas manquer de me sortir « à la voile et à la vapeur ». Hélas, comme ils devraient le comprendre, il se fait tard et le temps n’est plus aux gauloiseries.
M.L.D. Aber
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