Parachutes dorés : injustes mais nécessaires ?
En Suisse, Daniel Vasella, patron du groupe pharmaceutique Novartis, devait bénéficier d’un parachute doré de 59 millions d’euros (72 millions de francs suisses) qui découlait d’une clause de non-concurrence signée avec son employeur. Face à la colère populaire qu’a provoqué l’annonce publique de cette somme au moment de son départ, Daniel Vasella a du se contenter de 5 millions de francs, plus une compensation annuelle de 250K francs.
Le parachute doré est un concept que l’opinion publique a bien du mal à digérer : difficile effectivement, quand le gouvernement prétend faire tout ce qui est en son pouvoir pour sortir de la crise, d’entendre qu’un seul individu se fait en un jour l’équivalent de 50 000 SMIC. Et pourtant, le parachute doré est et reste une dure réalité, et sa surenchère, même si tiraillée par des principes de justice sociale, est inévitable.
Peu de gens, beaucoup d’argent
En 2006, Lee Raymond est sorti de Exxon Mobile avec… 351 millions de dollars. La même année, Hank McKinnel de Pfizer a touché 213 millions, et Wallace Malone de SouthTrust Bank a lui touché 135 millions. En 2007, Stanley O’Neal sort de Merryl Lynch avec 161,5 millions de dollars, Robert Nardelli a quitté Home Depot avec 210 millions de dollars.
Côté français, les sommes ne sont pas négligeables non plus : En 2005, Daniel Bernard est parti de Carrefour avec 38 millions d’euros, et en 2007 Antoine Zacharias a quitté Vinci avec 13 millions en poche. Bien que plus modeste, Noël Forgeard d’EADS a empoché 8,5 millions à son départ (alors que Jean-Paul Gut a lui touché 2,8 millions) et sans oublier bien sûr Jean-Marie Messier qui devait toucher 20 millions à sa sortie de Vivendi Universal en 2002, non sans quelques soucis.
Car si certains s’en tirent à bon compte sans avoir de compte à rendre, d’autres se font tirer dans les pâtes et sont obligés de céder une partie de leur pactole : En 2003, c’est Pierre Bilger, PDG d’Alstom, qui renonce à 4 des 5 millions de sa prime afin de s’éviter un scandale alors que son groupe est en difficulté financière. En 2004, le PDG du groupe belge Picanol récolte 22 millions, mais se voit ensuite contraint face au scandale suscité de restituer 10 millions à son ancien employeur.
Un parachute éthique ?
La question se pose alors de l’acceptation sociale du principe de parachute doré. Du côté des entreprises, le parachute reste l’un des meilleurs moyens de fidéliser des dirigeants convoités par les concurrents. Mettre plus d’argent que son concurrent sur la table reste une approche fair-play pour fidéliser des dirigeants constamment dragués par la compétition. Garantir une forte somme à son dirigeant est aussi un moyen de préserver son savoir-faire, de s’assurer que le dirigeant ne va pas faire demain chez un concurrent ce qu’il fait aujourd’hui chez soi. En d’autres termes, l’entreprise qui ne joue pas le jeu de la surenchère vis-à-vis des primes aux dirigeants a plus de chances de les perdre.
Il n’est donc pas possible, dans le contexte de compétitivité libérale qui définit notre économie, de négliger l’option des parachutes. Alors, comment faire l’équilibre entre stratégie défensive (payer plus pour fidéliser) et justice sociale ?
Les suisses, qui ont eux aussi leur lot de parachutes dorés, ont pris la décision radicale de faire voter par les actionnaires toutes les formes d’indemnités concernant les membres du conseil d’administration, de la direction et du comité consultatif. Cette nouvelle loi, née de l’initiative Minder et intégrée à l’article 95 de la Constitution fédérale, s’applique à toutes les sociétés anonymes suisses. Ce sont donc maintenant les actionnaires qui décident des rémunérations de leurs dirigeants.
Des critiques émergent déjà sur le fait que, si l’initiative Minder permettra de lutter contre les grands abus, elle ne permettra pas de manière générale de changer la logique des parachutes dorés dont le principe reste d’attirer les meilleurs dirigeants avec le plus d’argent possible. Les actionnaires ne s’opposeront donc logiquement pas à de fortes rémunérations si la survie ou le profit de leur société est en jeu. Ainsi va la fuite en avant de notre économie.
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