Parc éolien offshore d’Yeu/Noirmoutier : quand GDF Suez veut faire trinquer les pêcheurs
Ceux qui s'intéressent de près au dossier ont peut-être vus passer l'info. Ceux qui débarquent sûrement pas. Il y a pourtant urgence à la relayer, pour ne pas que l'irréparable soit commis. Un parc éolien doit être construit entre les îles d'Yeu et de Noirmoutier. Deux consortiums ont déposé des projets. L'un d'eux est piloté par GDF Suez. Son projet est tout simplement catastrophique pour les marins pêcheurs locaux. Des plans tamponnés "Ministère de l'Ecologie, du Développement durable et de l'Energie", que le site Economie Matin a réussi à se procurer, le prouvent. Noir sur blanc.
Plus de surface occupée
Dans cette affaire, depuis le début, GDF Suez et ses associés, Areva, Neoen Marine et EDP Renovaveis, ont confectionné un scénario à double fond. Ciselé comme une pièce de dentelle. Le parc éolien qui sortira des profondeurs de l'Atlantique doit avoir, peu ou prou, une puissance de 500 MW. GDF et consorts ont décidé de mettre le paquet, en annonçant, s'ils remportent l'appel d'offres, la construction d'une éolienne de 8 MW, quand celle de la concurrence n'affiche "que" 6 MW. Il n'en fallait pas davantage pour qu'un raccourci logique s'opère presque instinctivement dans l'esprit des observateurs : moins d'éoliennes = moins de surface occupée en mer = moins d'emprise sur le territoire des pêcheurs.
Faux, pourtant. Rien n'est moins vrai. Malgré un nombre d'éoliennes inférieur (62 contre 83), le parc élaboré par GDF Suez s'étale sur 83 km2, contre 75 km2 pour EDF. Le nombre d'éoliennes importe beaucoup moins que celui de km2 sur lesquels elles s’étalent. S'il n'y avait que cela...
Un parc totalement désaxé
L'axe d'implantation des éoliennes montre le total mépris du consortium mené par GDF Suez pour l'activité des pêcheurs. Son projet suppose de disposer les turbines en vrac, sans aucune espèce de cohérence apparente. Si GDF remportait la mise, on se retrouverait donc avec des épis d'éoliennes foutraques, encombrant les lignes Toran, système de positionnement géographique des pêcheurs. Ces derniers ne s'y trompent d'ailleurs pas. Eric Taraud, responsable de l'antenne de l'ile d'Yeu du comité régional des pêches, témoigne : "L'un respecte les demandes de l'ensemble des professionnels, l'autre installe ses machines en quinconce sans respecter les lignes Toran".
Même tarif pour le câblage. Eric Taraud, toujours à propos des deux projets : « L'un suit les lignes des éoliennes, l'autre croise les lignes des éoliennes. Ces câbles seront recouverts d'un tapis de roche, il nous semble logique que le câblage suive les lignes des machines. Cela limite le risque de croche et permet d'envisager sereinement la poursuite de nos pratiques de pêche. » Encore une fois, là où le consortium concurrent paraît désireux de respecter l'harmonie de l'écosystème en place, GDF semble avoir pour projet de dévider des bobines à la va-vite, créant un écheveau de câbles sans queue ni tête.
Des fonds marins dévastés
L'entreprise de tronçonnage du lieu de pêche des marins locaux ne s'arrête pas là. Jusque dans la façon dont GDF Suez compte planter ses éoliennes, le désastre écologique et économique menace. Alors qu'il aurait fallu opter pour des fondations gravitaires, c'est à dire massives et susceptibles de favoriser un "effet-récif" propice à multiplier le nombre de poissons, le consortium mise sur des fondations en jacket, structures en treillis métallique sur lesquelles aucune vie ne peut se greffer.
Surtout, GDF Suez et ses petits copains de chez Areva, Neoen Marine et EDP Renovaveis, plutôt que de poser naturellement leurs plots en acier sur les fonds marins, veulent les ficher dans le sol, en creusant ce dernier à grand renfort de tours de forage. Totalement inepte au regard de la nature des sols en question, réputés extrêmement durs.
Le dessous des cartes
Les cartes diffusées par le site Économie Matin ont pour mérite de placer GDF Suez face à ses contradictions. En laissant croire à qui voulait bien l'entendre que le parc qu'il propose serait le moins étalé des deux, sous prétexte qu'il comporterait moins d'éoliennes, le consortium fait preuve d'une certaine malhonnêteté intellectuelle, qui aurait pu s'avérer fatale pour les pêcheurs locaux s'ils n'avaient pas été vigilants. Ces derniers n'ont heureusement pas oublié de laisser les écoutilles grandes ouvertes. Leur choix est fait. Souhaitons que les autorités compétentes, Philippe Martin en tête, s'en souviennent au moment de rendre leur verdict. Vouloir équiper le pays d'éoliennes par respect pour l'environnement c'est bien, le faire en respectant... l'environnement et la pêche, c'est encore mieux !
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