Paul IV : le pape profondément antisémite qui ghettoïsa les Juifs de Rome
L'histoire pluriséculaire de l'Église catholique est complexe et souvent très sombre. Parmi les figures les plus controversées se trouve le pape Paul IV, dont le pontificat (1555-1559) fut marqué par un antisémitisme virulent. Ses actions, motivées par une profonde hostilité envers le peuple juif, ont eu des conséquences désastreuses pour la communauté juive de Rome et ont laissé une tache indélébile sur l'histoire de la papauté.
L'ascension d'un inquisiteur zélé
Avant de revêtir la tiare pontificale, l'homme qui allait devenir Paul IV était connu sous le nom de Gian Pietro Carafa. Né en 1476 à Capriglia Irpina, près de Naples, il gravit rapidement les échelons de la hiérarchie ecclésiastique. Marqué par une piété austère et une profonde méfiance envers toute forme d'hérésie, il se distingua par son zèle inquisiteur. En 1542, fut nommé contrôleur général de l'Inquisition, l'institution chargée de la répression de l'hérésie.
Le cardinal Carafa considérait les Juifs comme une grave menace pour la foi chrétienne. Il les accusait de propager des idées hérétiques et de corrompre les chrétiens. Cette vision, profondément ancrée dans les préjugés de l'époque, allait guider ses actions lorsqu'il accéda au trône pontifical en 1555, à l'âge avancé de 79 ans. Son élection, sous le nom de Paul IV, marqua un tournant dans la politique multiséculaire de l'Église envers les Juifs.
Dès le début de son pontificat, Paul IV manifesta son intention de durcir sévèrement la législation anti-juive. Il considérait les mesures existantes comme trop laxistes et souhaitait imposer de nouvelles restrictions pour isoler les Juifs et les marginaliser. Cette volonté de ségrégation et de contrôle allait se traduire par une série de mesures discriminatoires qui allaient profondément bouleverser la vie de la communauté juive romaine.
La bulle papale "Cum nimis absurdum" et la création du ghetto de Rome
Le 12 juillet 1555, Paul IV promulgua la bulle papale "Cum nimis absurdum". Ce document, véritable acte d'accusation contre les Juifs, justifiait les mesures discriminatoires par une rhétorique théologique et accusait les Juifs de crimes imaginaires. La bulle affirmait que les chrétiens ne pouvaient tolérer la présence de ceux qui avaient crucifié Jésus-Christ et qui persistaient dans leur "aveuglement".
La bulle papale "Cum nimis absurdum" imposait une série de restrictions sans précédent à la vie des Juifs. Ils étaient désormais obligés de vivre dans un quartier séparé, le ghetto, fermé la nuit, et de porter un signe distinctif, un chapeau jaune pour les hommes et un voile jaune pour les femmes. Leur liberté de mouvement était restreinte, leurs activités économiques limitées et leur accès aux professions libérales interdit.
La création du ghetto romain fut un événement traumatisant pour la communauté juive. Confinés dans un quartier insalubre et surpeuplé, les Juifs furent coupés du reste de la société et soumis à une surveillance constante. Le port du signe distinctif les stigmatisait et les exposait à la vindicte populaire. La bulle "Cum nimis absurdum" marqua un tournant dans l'histoire des Juifs de Rome, inaugurant une période de ségrégation et de persécution qui allait durer plus de trois siècles.
Confiscations, conversions forcées et autodafés
Les mesures discriminatoires de Paul IV ne se limitèrent pas à la création du ghetto et au port de signes distinctifs. Le pape ordonna la confiscation des livres hébreux, qu'il considérait comme source d'hérésie. Des synagogues furent fermées et transformées en églises. Les Juifs furent également soumis à des pressions très fortes pour se convertir au christianisme.
Paul IV encouragea la création de "maisons de catéchumènes", où les Juifs étaient endoctrinés et forcés d'assister à des sermons. Ceux qui refusaient de se convertir étaient victimes de persécutions. Des accusations de crimes rituels, comme le meurtre d'enfants chrétiens, furent instrumentalisées pour justifier des arrestations et des condamnations.
Le pontificat de Paul IV fut également marqué par des autodafés, ces cérémonies publiques au cours desquelles des livres hérétiques étaient brûlés. En 1559, un autodafé spectaculaire eut lieu à Rome, au cours duquel des milliers de livres hébreux furent jetés aux flammes. Ces actes de destruction symbolique visaient à humilier les Juifs et à affirmer la domination de l'Église catholique.
La mémoire de la persécution antisémite
Le pontificat de Paul IV, bref mais intense, laissa une profonde cicatrice dans la mémoire de la communauté juive. Ses mesures discriminatoires, motivées par un fanatisme religieux aveugle, contribuèrent à renforcer les préjugés anti-juifs et à légitimer leur persécution. Le ghetto romain, symbole de la ségrégation et de l'oppression, devint un modèle pour d'autres villes d'Europe pendant plusieurs siècles.
L'héritage de Paul IV est aujourd'hui encore sujet à de vives controverse. L'Église catholique a reconnu les erreurs du passé et a engagé un dialogue avec le judaïsme. Cependant, le souvenir des persécutions perpétrées sous le pontificat de Paul IV reste vif et continue de hanter les relations judéo-chrétiennes.
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