Petit vocabulaire personnel : l’anarchisme
On ne devient pas, on naît anarchiste.
Et c'est sûrement là que réside le problème ; l'utopie de l'anarchisme.
« La fibre anarchiste » que l'on possède ou que l'on ne possède pas. Ce serait quoi ? Une certaine sensibilité qui nous pousse à la compassion plutôt qu'à l'identification aux héros ; un cheminement. Je me suis demandée ce qui pouvait caractériser les anarchistes ; j'ai pensé à ces rats dont l'étude est décrite dans un des livres de Cyrulnik et qui, en tant que rats dominants ont refusé les lois de la domination d'un autre ; relégués dans une chambre exclusivement pour eux, ces rats, sans hiérarchie s'entre déchiraient. J'en ai conclu que les dominants sans volonté de dominance ( ni possibilité de la subir) ne peuvent vivre enfermés, contrairement aux dominants qui dominent et leurs dévoués. Là réside toute la différence : la nécessité d'espace et de liberté pour les uns, qui deviennent fous dans l'enfermement, l'accommodement des autres dans les rets imposés qui leur servent de structure extérieure à eux-mêmes, de sécurité !
La conscience aiguë d'une vigilance obligatoire, pour assurer la survie, leur interdit tout tour de clef dans la serrure, tout barreau à leur fenêtre, toute sortie unique de leur « terrier », toute alarme, toute assurance.
Ces êtres dominants possèdent la dominance, qui est l'exclusivité du monde animal, et même spécifique des mammifères ( ne connaissant pas l'organisation sociale des oiseaux, étourneaux, ou oiseaux migrateurs je ne me risquerai pas plus avant) ; cette dominance n'a rien à voir avec la domination chez les humains « civilisés » ! Elle est une autonomie qui peut guider, aider mais qui n'a rien à voir avec le pouvoir ! Elle empêche toute adaptation à une quelconque hiérarchie artificielle et toute position dominatrice sur quiconque. Aussi, dans ce monde ainsi structuré, elle donne des êtres forcément solitaires – ou solidaires s'ils se rencontrent et s'organisent- désobéissants, résistants mais compassionnels et non égoïstes.
L'anarchisme se déclinent en petits groupes qui commercent, qui échangent. L'anarchisme a existé, c'est même le seul modèle de société spontané : l'organisation du vivre ensemble, sans seigneurs, sans pouvoir, sans État, toujours totalitaire, toujours complice, ami et pourvoyeur de fortunes aux fortunés !
C'est le contraire de l'Empire ( qu'il soit imposé par les armes ou par le consentement de peuples abusés).
Opposé à la mondialisation.
L'homme n'a pas encore muté : son corps ne lui donne qu'une capacité de préhension proche et son cerveau une capacité de compréhension partielle. Donc les hommes ont besoin les uns des autres.
La découverte de la vérité universelle, le Saint Graal, ou le OM des bouddhistes, n'a d'utilité que pour ceux qui se mettent en route sur le chemin de la sagesse. Pour le péquin moyen, bien qu'extraordinaire, avoir un toit, qu'il construit lui-même si possible, une oeuvre à accomplir ou simplement une tâche, un labeur, un ouvrage, un travail qu'il conçoit, exécute et dont il garde les fruits seraient plus désirables qu'un emploi à mi-temps !
Avoir la maîtrise de sa vie dans une multitude de métiers, la responsabilité et la dignité, est primordial.
Ce qui exclut d'emblée, on le comprend tout de suite, l'exploitation, l'obéissance. On peut s'arrêter là parce que l'exploitation entraîne la servitude et l'obéissance le pouvoir.
Quiconque se croit autorisé à élaborer, sur papier millimétré, un monde qui lui serait idéal, est un imposteur. Méfiance donc. Car la vie se vit et n'a aucun besoin d'experts ni de commandants sauf à partir en guerre.
D'un cerveau humain ne peut sortir aucune organisation ; un ordre, une hiérarchie en émanent forcément. La vie se vit et ne s'énonce pas.
L'organisation spontanée d'un peuple, c'est l'anarchisme.
La volonté première d'un être encore neuf, c'est l'anarchisme. Tout le reste n'est que pathologie.
La pathologie de la soumission au pouvoir !! Mais aussi celle à une mode.
Les choses les plus simples sont les plus difficiles à réaliser ; et c'est vrai pour les arts, c'est vrai pour l'amour, et c'est vrai pour la vie.
Ceux qui se clament anarchistes d'aujourd'hui, sont pour la plupart des égofrustrés en chambre ; individualistes râlant, peu satisfaits de la reconnaissance qu'on leur donne.
Oui, j'exagère, il y a tous ceux qui s'éloignent du marasme général, se retranchent, solitaires ou en clans et ne se mêlent à rien ni de rien. Des pépites qu'il faut soigneusement rencontrer.
Mais je crois qu'il nous faudra attendre encore un peu avant de voir fleurir des roses sur le fumier ambiant parce que nos ordures sont imputrescibles et que l'on ne peut y rêver de fécondité.
Car, pour ne pas courir à l'appel du colonel, il faut être très fort ; pour ne pas enfiler ses gants de latex, sa blouse bleue et son filet plastique sur la tête, pour aller à l'heure dite, en pleine nuit l'hiver, éviscérer des poulets à la chaîne, alors qu'on a le sommeil dans les yeux, que le petit est malade à la maison, il faut être très forte ; pas forte d'une fortune tombée dans le berceau, ni de savoir appris à l'école, forte de la rébellion de la vie.
Nos soi-disant anarchistes, avachis et qui cherchent des poux dans la tête de leurs voisins, ont acquis le statut de vilain-petit-canard avec force satisfaction, mais ne seront pas ceux-là qui, bientôt induiront le chemin dans la faille !
On ne devient pas anarchistes, parce qu'on a lu ou parce que cela sonne joli à nos oreilles.
C'est l'ordonnance d'une chimie intérieure qu'aucun chimiste n'a identifiée.
Qui ne supporte pas l'injustice. Qui n'en supporte pas le pouvoir, s'y soumettre ou y soumettre.
Georges Brassens disait : « Je suis tellement anarchiste que je fais un détour pour passer dans les passages cloutés ».
Ici tout est dit ; on pourrait s'arrêter là. Mais, je veux en faire un article alors j'ai encore deux pages à noircir !
Mais, anarchiste, il ne faut pas rester à l'état d'innocence ; cela ne suffit pas. Il faut rencontrer ceux qui avant nous ont fait des découvertes, ont vécu l'Histoire, on monté des trames sur lesquelles on pourra entrecroiser nos chaînes. La souche culturelle sur un terreau fertile est la greffe nécessaire à toute évolution. L'anarchisme n'est pas l'état originel de l'homme bon ! Sur un talent le destin d'un artiste se construit ; ou pas. Sur cette fibre anarchiste, l'anarchisme se construira ; ou pas. L'anarchisme n'est pas un vœu d'égalité, un nivellement avec, juste, personne en haut de la pyramide pour ordonner. L'anarchisme est la vie, blessée, meurtrie par des siècles de croyances, d'ignorances et de faux-savoirs mais la spontanéité raisonnable d'un humain sociable.
Des livres, il y en a tant ; je ne vous en dirai rien car on les trouve si on le veut et ils sont sans nécessité si on ne le veut point.
Qu'est-il arrivé à nos contemporains qu'ils aient perdu à ce point la notion d'humilité – qui résonne à nos oreilles perverties comme la servitude volontaire ! l'acceptation d'un sort décidé par un tiers ! baisser les yeux devant le puissant ? Humilité qui n'est que bon sens, décence : savoir ce qui se fait et ce qui ne se fait pas !
Depuis qu'un best-seller a donné à tous l'autorisation de s'indigner, chacun s'indigne. C'est déjà ça vous direz-vous. Eh bien, non, ce n'est pas déjà ça et j'irais jusqu'à dire que c'est pire que tout.
Je m'indigne, tu t'indignes, il s'indigne ( il est des nôtres) nous nous indignons, vous vous indignez !On nous tend le doigt en direction de ce sur quoi il faut s'indigner ; comme les gens ne sont pas imbéciles, ils regardent les riches qui ne payent pas assez, les pauvres qui crèvent dans la rue, la médecine au rabais, l'enseignement itou et ainsi de suite ; bon ; mais, tout ça, c'est de la politique ! Doit-on s'indigner d'une politique menée avec notre assentiment ?
Ils ne voient pas le doigt.
Je milite, tu milites, il milite ( il est des nôôtres), nous militons, vous militez, ils militent. C'est déjà mieux. Mais on milite contre ce sur quoi on s'indigne.
La boucle est bouclée.
On surf ; on est la crème du lait mais à la battre on deviendrait tous beurs. Quelle horreur !
Il y a de toutes petites choses, insignifiantes et l'insignifiance n'est jamais mentionnée.
Je me suis indignée longtemps, voire toujours, et le jour où on m'en a donné l'autorisation, c'est tombé d'un coup ; la vérité comme sortilège est sorti du chapeau de Hessel.
Les petites insignifiances... comme, les assurances.
Assurances obligatoires. Bien. Contre le vol : chacun compense la franchise par de menus autres larcins fictifs ; un cambriolage, ou le vol de sa voiture, n'est une agression que lorsque toute sa maison est sens dessus dessous ; pour le reste, on est remboursé. Alors, cela fait voir d'un tout autre œil l' œil que l'on pose sur la délinquance. Les pauvres, eux, sont ceux qui sont le plus volés, mais ce qu'ils possèdent ne vaut pas un clou, alors, assurés ou non, c'est une perte.
Il n'y a plus un courant politique qui n'ait accepter la présence- si ce n'est le pouvoir- du tout argent. Il est évident pour tous que la justice ne se rende qu'en « dommages et intérêts » ; cela semble assez correct à tout le monde et cela évite de se casser la tête à trouver autre chose, ainsi il est convenu que toutes les agressions, préjudices, blessures se monnayent, et non pas selon une évaluation consensuelle avec des critères précis- dont on n'imagine rien à l'heure actuelle tellement l'idée est farfelue, en équivalent argent/traumatisme psychique ( un viol, une insulte, etc.) valable pour tous.
Non, le riche se fait payer à la hauteur de son train de vie (une atteinte à son image par exemple), le pauvre n'aura pas grand chose ! D'un autre côté, il vaut mieux se faire violer par Strauss-Kahn que par son voisin de palier !
Mais jamais dans l’histoire, l’homme a cru qu’il était libre alors qu’il était enchaîné. C’est pourtant ce que vivent nos contemporains.
Prenons le paysan, le plus exposé, le plus exemplaire parce que le plus précieux :
Il arrache, sème, récolte ou met en jachère ses terres au gré des ordres qu’il reçoit. Mais les ordres qu’il reçoit ne sont pas militaires, aucune sanction ne le menace… on l’achète, tout simplement et ce « on » prétend être apte à gérer les affaires du monde.
Donc l’exploitant agricole ( notez la nuance entre « paysan » et « exploitant ») consacre la moitié de son temps à suivre les flux et les reflux d’une politique internationale, à lorgner les subventions, les aides, les idées qu’ont pour lui les technocrates qui, de leur vie, n’ont jamais vu un plant. Il s’oriente différemment, sentant le bon coup, va même vers l’agriculture biologique s’il pense que cela arrangera ses affaires ; de la même manière il plantera des OGM, l’agriculteur étant, en moyenne, peu respectueux de la terre qui le nourrit ; on dirait même qu’il lui en veut à cette terre et c’est elle qu’il accuse de l’aliéner ! Quand il était serf, c’est sûrement elle qu’il accusait : il s’est libéré des seigneurs, mais pas de la terre ! Au moindre appât, il s’est laissé enchaîner de nouveau. Ainsi flatté, il est sûr d’être son propre maître et d’avoir gagné des points sur la misérable existence de ses parents et parce qu’il possède un 4X4, un frigo américain, des engins puissants et des outils très spécialisés, il oublie son embonpoint, sa santé déficiente que lui procurent gratuitement sa position perpétuellement assise au volant de son tracteur, de sa voiture ou devant son ordinateur, la proximité quotidienne de produits toxiques, le stress de toujours courir derrière « quelque chose » qu’au fond il ne maîtrise pas. Il est tenu par ses emprunts et lorsque ceux-ci sont à jour, il s’est passé tellement de temps qu’il ne sait plus ce qu’est la terre et ses exigences naturelles ; il fait les choses sans y penser, dans un enchaînement mécanique et s’il n’avait pas la météo en direct, il ne saurait pas « quand » faire.
Mais il ne s’étonne pas que ses enfants ne veuillent pas faire la même chose.
Comme les terres ont grimpé jusqu’à des prix mirobolants, convoitées par les nouveaux riches qui trouvent coquins de se faire seigneurs des temps modernes, il ne trouvera pas de successeurs, alors il vendra aux multinationales ou aux milliardaires étrangers qui, au mieux, loueront les plus belles parcelles aux nouveaux serfs.
Et pendant tout ce processus, une infime minorité s’est rendu compte du piège ; une infime minorité lutte sans pouvoir renverser la vapeur car chacun sait que les minorités n’ont pas le pouvoir.
Mais leur parler de leur aliénation les vexent car ils se sentent libres ; en tout état de cause le processus s’est produit par étapes savamment dosées par un Crédit Agricole qui a multiplié par une puissance « n » ses bénéfices et une politique menée par des bureaucrates dont le souci principal n’est pas la qualité de la vie, l’autonomie du citoyen, la préservation des richesses, la santé de la planète mais le profit des banques et des magnats de l’agro-alimentaire.
Ainsi, être liés à notre condition d’homme ou être liés à la rapacité de certains d’entre eux, pour eux, ne fait aucune différence. Et ils n'imaginent pas avoir pu faire autrement. La technologie inventée par quelques génies n’aurait dû être qu’un outil d’émancipation ; par quelques tours du sort, elle a favorisé d’autres chaînes.
Et tout est ainsi fait ; le niveau de vie du peuple a augmenté mais trois décennies plus tard, le constat est consternant : la qualité de vie n’était qu’un mirage, un marché de dupes pour le profit du capital.
L’erreur que l’on commet toujours quand on veut changer les choses, c’est de vouloir adoucir la vie et non pas nous rendre forts ; car la vie est rude ; la vie est dure dans tous les recoins de la planète pour toutes les espèces. Et toutes les technologies n’y pourront rien changer : la mort est au bout de notre existence et la maladie d’autant plus atroce que nous sommes démissionnaires de nous-mêmes. Adoucir ici rend plus rude là ; adoucir pour l’un rend plus dur pour l’autre car personne ne maîtrise rien et ceux qui le croient n’ont comme seul atout que celui d’effacer sans honte ni culpabilité la mémoire de leurs actes.
Rien n’est plus difficile que de se séparer de ses acquis et pourtant, aujourd’hui, les joujoux proposés par la société de consommation paraissent plus précieux que les acquis sociaux. Un verre de champagne quand on est déjà ivre est plus désirable à mes contemporains qu’un verre d’eau quand on a soif !
Organiser le monde de haut en bas dans les moindres détails, est l’illusion d’humains qui ne sont que démiurges mais le petit homme en place de pouvoir qui veut tout maîtriser ne fait qu’étouffer ; il déjette la multitude, la masse, le peuple ( ah ! le peuple, le vulgaire, la populace ! ) et chacun s’en tire comme il peut !
Pour pouvoir accomplir cette œuvre, les profiteurs ont eu besoin de sbires et ont opéré la multiplication des petits chefs en chaque domaine ; la connaissance de la faiblesse humaine leur est indispensable, et ils flattent et ils achètent et ils divisent et ils punissent. Et comme le roi à sa cour, ils distribuent les bons points, les petites gratifications, les petites vexations… Mais les rois aussi peuvent être trahis ; aucune organisation humaine, basée sur l’esclavage ou l’exploitation, sur la répression, n’a perduré.
Le temps n’est-il pas venu de cette trahison, de ce renversement ?
Pour l’instant, nous en sommes encore à la trahison du peuple envers lui-même, qui courtise et se vautre des les rets des puissants ; son infantilisme qui recherche la reconnaissance paternelle n’a d’égal que son individualisme qu’il prend pour la réussite de son ascension sociale.
Nous avons bien déboulonné la supériorité de droit divin de l’aristocratie ; qui l’aurait cru à l’époque ? Nous allons déboulonner la suprématie du capital.
Et à ce moment-là, nous aurons besoin des anarchistes pour ne pas mettre en place un pouvoir à la place du pouvoir ! Car seuls les anarchistes refusent d'avoir quelqu'un à leur service,
de se croire d'une essence supérieure au point de décréter qu'ils ne savent pas laver eux-mêmes leurs propres chaussettes sales.
Et le premier d'entre eux n'a-t-il pas dit ;
« Ne pas dérober ni voler. Aider chacun à posséder les fruits de son travail » Siddartha Gôtama
Que de convergences n'est-ce pas ?
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