Petites foulées, naufrages en série et chapelles abandonnées
Le PS, le Modem, l’UMP, revue des forces en présence à la veille des législatives, sans parti pris et avec quelques clins d’œil à la « grande » histoire.

Le navire PS dérive. En capitaine courageux, François Hollande tient son premier meeting de campagne en vue des législatives... Sans Fabius, ni Strauss-Kahn, ni... Ségolène Royal. Quel entrain ! Quelle solidarité autour du saint François des assises du PS ! Alors, à l’instar de son illustre et très canonisé prédécesseur, il montre à tous les stigmates qui le rongent. Les blessures infligées par les siens. Et il se fâche. Il rabâche la fin de son mandat, lors du prochain congrès en novembre 2008. A mots couverts, il appelle à en avancer la date. Tel François d’Assises qui rendit l’âme le 4 octobre 1226, achevant ainsi le dernier verset de son Psaume 141 : « Tirez mon âme de sa prison, Seigneur, afin qu’elle aille chanter vos louanges ».
Au PS, nombreux sont ceux qui souhaitent un congrès à l’automne 2007. Mais les remplaçants timoniers sont rares à se déclarer, un Manuel Valls par ci, du menu fretin par là... Rien de sérieux, aucun ténor pour revendiquer la place de premier secrétaire avant les législatives. On lui laisse entier le crédit du reliquat de déroute annoncée et le soin de faire toucher le fond au parti, avant de se proposer pour redonner le coup de pied qui propulserait le PS vers la radieuse surface.
Les élus PS sont tous aux chaloupes, courbés sur l’aviron, bien trop occupés à tenter de conserver leurs postes. Quitte à ramer à contre-courant socialiste... Les militants, eux, errent encore sur le pont, hébétés, sanglés dans leurs gilets de sauvetage. Ils ont perdu le cap depuis longtemps. Gauche, centre, les boussoles tournent folles. Avarie de barre et panne de moteur, le navire PS est désemparé. Les récifs sont proches et aucun remorqueur ne se décide à proposer son aide. Avec à peine 100 à 150 sièges, le naufrage est inévitable.
Certains l’anticipent et quittent le bord. Selon une dépêche AFP datée du samedi 26 mai, « au moins dix-sept candidats socialistes, et éventuellement leurs suppléants, se présentent contre des candidats investis par le parti et ont été systématiquement exclus du PS, selon les indications fournies par le PS ». Il s’agit en général de candidats de la gauche du PS, notamment fabiusiens, la plupart du temps choisis par les militants locaux contre le candidat officiel du parti. Le début du grand « recentrage » du PS sur les valeurs traditionnelles de la gauche et le glas de l’illusion centriste ? Le retour à une France bipolaire et la victoire de l’orthodoxie socialiste sur la bouillie intellectuelle servie aux militants depuis plus de deux ans. Une manière de logique !
Au Zénith (la salle parisienne, pas le symbole), voilà le Modem qui lance sa campagne pour les législatives. C’est le nouveau-né des réseaux, le périphérique de l’agglomération politique dont François Bayrou est le pilote. Mais comme son cousin de boulevard circulaire, s’il est commode d’y circuler sur les voies de gauche, la priorité à l’entrée est souvent à ceux qui viennent de la droite...
Quel avenir pour le Modem, ce périph toujours autour et jamais au cœur de l’action ? Il revendique aujourd’hui 75 000 pré-adhérents et présente pas moins de 535 candidats aux législatives. Voilà pour la carrosserie. Mais sous le capot, il y a bien peu de chevaux. Dans cette liste de 535 candidats de bric, de broc et de 45 ans de moyenne d’âge, on ne compte que quatre députés sortants : Bayrou lui même, Jean Lassalle (Pyrénées-Atlantiques), Anne-Marie Comparini (Rhône) et Gilles Artigues (Loire). Et la défection récente de Jean-Christophe Lagarde (Seine-Saint-Denis), parti grossir les rangs des sympathisants de l’UMP, n’est pas pour rassurer. Au total, 23 des 29 députés UDF se sont aujourd’hui rangés derrière l’UMP. Dans ces conditions, et sans vouloir minimiser l’apport des nouvelles recrues tels Azouz Begag ou Corinne Lepage, il est hautement improbable que le Modem puisse atteindre le nombre de vingt députés qui lui permettrait de disposer d’un groupe parlementaire à l’Assemblée. Entre trois et cinq, tout au plus.
C’est quoi le Modem aujourd’hui ? Un parti orange, pas d’expérience et peu de... mandarin(e)s. Un périphérique qui peine à connecter ses réseaux d’électeurs. Moins de 10% d’intentions de vote selon les derniers sondages. Une pelure de programme qui se résume pour l’instant à scruter l’abominable homme des manèges politiques et à dénoncer l’illusion sarkozyste, le « pouvoir des riches pour les riches ». Beaucoup de bruit pour annoncer... une « longue marche » vers 2012, cinq ans à démasquer les fins symboles de la dérive sarkozyste, à profiter de la désorganisation de la gauche (si elle dure)... C’est mince pour exister sur la scène politique. La longue marche ressemble à un chemin de croix, une éternité loin des affaires. Mao Bayrou c’est pas le .. Pérou.
Et si l’histoire se répétait ? Déjà en 1820, un prince d’Orange se proposait de remplacer Louis XVIII en cas de succès d’une insurrection en France, lors du complot du 19 août 1820, dit du Bazar français (sic). Les rapports de police de l’époque attestent sa présence auprès des insurgés et son rôle obscur dans les manigances visant à abattre le régime de la restauration. Préciserai-je que cela n’avait pas vraiment marché à l’époque ?
Le Front national s’est replié tel l’escargot dans sa coquille et son vieux tortillon n’est plus près d’en sortir. L’extrême gauche affûte ses armes pour un troisième tour dans la rue. Du lourd, du classique... De la bonne vieille grève Sud ferroviaire et PTTienne ; la loi du service minimum et de l’emmerdement maximum. Le trotskiste aime la marche à pied, le vélo, et son facteur sonne toujours trois fois, c’est connu... Il aime par dessus tout nous mettre le nez droit dans la mouise. Recta ! Qu’on n’ait pas d’excuses, qu’on ne puisse pas dire qu’on ne connaissait pas l’odeur du pouvoir et de son service public, nous les dociles panurges asservis au grand patronat, les bienheureux félibres dodelinants de l’abattoir, béats droit au tranchet capitaliste et même pas bêlants.
Et pendant ce temps, Nicolas Sarkozy travaille. Ses pions investissent l’échiquier. Les fous bloquent les diagonales médiatiques, les tours s’activent. Kouchner va à Beyrouth, Woerth met en œuvre les premières mesures de défiscalisation (déductions des intérêts d’emprunt immobilier, successions, bouclier fiscal, réforme de l’ISF), Xavier Bertrand négocie une loi-cadre (revue à la baisse de l’ambition initiale ?) sur le service minimum. La reine échappe au contrôle ? Bah ! Joséphine en son temps était connue pour ses frasques... Cela n’a pas empêché Napoléon de faire carrière.
Dans tous les domaines, Nicolas Sarkozy multiplie les gages d’ouverture. Comme depuis le début de la campagne, il sème et récolte sur les terres de gauche, ces mêmes terres stupidement mises en jachère par la gauche. Simple bon sens politique, récemment justifié par une étude BVA (22/05/2007) qui vient de passer au crible six mois de résultats et d’attentes des Français. Et qui démontre, comme l’indique Gaël Sliman, directeur adjoint de BVA Opinion, que « contrairement à l’impression que pourraient donner les résultats de l’élection présidentielle, la France ne s’est pas droitisée ». Nicolas Sarkozy, gros consommateur d’études d’opinion, a parfaitement compris et intégré l’adage ancien qui veut que les Français aient le cœur à gauche, et le portefeuille à droite. Rien de nouveau sous le soleil, décidément.
En campagne, il faisait son marché sur les thèmes de gauche, le social, l’emploi, le concret « travailler plus pour gagner plus », pendant que la Madone égarait son parti sur les voies de garage de la « démocratie participative » et lâchait la proie sociale pour l’ombre trompeuse des « ordres justes ». Au soir du 6 mai, les premières paroles du nouveau pensionnaire de l’Elysée furent pour les faibles et les déshérités. Au pouvoir, il garde son cap en proposant un gouvernement d’ouverture incluant des personnalités de gauche et aucun représentant de la droite dure (Devedjian, Lellouche). Parallèlement, avec François Fillon, il rencontre activement les organisations syndicales. Il les rassure, on les associera aux négociations. En contrepartie, on leur demande de ne pas faire de blocage systématique. Ouf de soulagement dans le fragile landerneau syndical ! Le business va pouvoir continuer « as usual ». C’est qu’avec un taux de syndicalisation aussi faible (environ 8% des salariés), où iraient-ils la chercher leur légitimité, ces messieurs Mailly, Thibault et Chérèque, si ce n’est auprès du nouveau prince de l’Elysée ? Seul le trotskyste SUD ne pliera pas... Avec Sud Etudiant on n’ira plus en cours... Avec Sud Rail on n’ira plus au train. La grève SNCF, c’est plus que possible !
Côté concitoyens, Nicolas 1er, tsar des médias, inonde le pays de pipôlatreries. Je précise (on n’est jamais trop prudent) que je ne fais aucun parallèle avec le « vrai » Nicolas 1er de Russie, alias Nicolas la Trique qui régna sur le Russie de 1825 à sa mort en 1855 et qui fut connu pour le régime autocratique qu’il instaura et... le contrôle permanent de l’opinion. Habile transformiste, le Nicolas passe, toujours sous l’œil de la caméra, du short au bois de Boulogne, au jean en famille à Brégancon et à l’habit de la photo officielle, immortalisé à la gauche du drapeau et doré sur tranche et sur fond de bibliothèque aux livres ornés du lys royal. Les livres et l’étendard sacré, deux symboles de la continuité historique. Evacuée l’image du martyr, aujourd’hui la trilogie de Nicolas c’est le naturel, l’humain et le sacré. Nicolas Sarkozy, l’amoureux de l’effort vivifiant, le père de famille recomposée et pas du tout modèle, l’époux loyal et fidèle de la France plurielle. Ouvrir et communiquer ! Toujours plus azimuts...
Certains apprécient. Les fidèles se pâment, les prudents font allégeance. D’autres fulminent, à l’affût du plus insignifiant grippage de la machine infernale. Ils attendent, l’index crispé sur la formidable goupille, tapis couillons mais bien ardents à dégainer, à déclencher foisons de croisades libératrices immensément furibondes. A la première occasion, contre rien et contre tout... Le tyran, la veuve joyeuse, les balades en mer, huit cent mille colossaux raffuts et autres grands guignolesques tintamarres...
La République elle, suit son parcours, imperturbable, insensible aux naufrages en série, indifférente aux chapelles abandonnées. Et de joggings en réunions de travail, du bois de Boulogne à Matignon, la politique des petits pas de l’ère Chirac fait place à celle des petites foulées.
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