Plaidoyer pour Julian Assange, fondateur de WikiLeaks
Car il est par trop évident, après les récentes révélations de WikiLeaks concernant les très peu glorieuses magouilles militaires de l’armée américaine comme les tout aussi infamants secrets diplomatiques de la plupart des chancelleries occidentales, que Julian Assange, par son extraordinaire volonté de transparence, dérangeait au plus haut point, par-delà ses hypothétiques « crimes sexuels », dont il reste par ailleurs tout à prouver et dont on est donc en droit de soupçonner qu’il ne s’agisse là que d’un prétexte tout arbitraire, l’ordre établi, si ce n’est le pouvoir en place et même suprême à échelle mondiale : les Etats-Unis d’Amérique, impitoyable clé de voûte d’un système monstrueux d’inhumanité tout autant que de cynisme et dont aucun des rouages, tous parfaitement contrôlés, ne permet plus la moindre ligne de fuite, sinon à se retrouver soudain, tel Julian Assange précisément, broyé sous l’énorme poids d’une implacable, tyrannique, machine de guerre.
Preuve en est que, bien qu’écroué par la police britannique, Scotland Yard chez qui Assange s’est courageusement rendu tout seul, sur un mandat d’arrêt lancé, via Interpol, par la justice suédoise (là même où auraient eu lieu lesdits « viols » sur deux femmes), ce soit le Secrétaire américain à la Défense, Robert Gates, qui, alors même qu’il n’a bien sûr rien à voir ni à dire en cette sordide quoique encore toute théorique affaire de mœurs, s’en est félicité le premier. Pis : c’est encore lui qui demande ni plus ni moins, contre tout sens juridique comme toute logique pénale, l’extradition de ce même Assange vers l’Amérique afin qu’il y soit jugé pour délit d’espionnage (le fameux et largement surévalué « 11 septembre d’Internet »), avec à la clé, ainsi que le réclament bon nombre de sénateurs conservateurs de ce pays, la peine de mort. Rien que ça !
Autant dire qu’Assange/Ben Laden ou WikiLeaks/Al Qaïda, c’est apparemment, contre toute raison, le même combat - les ennemis publics N°1 à abattre aux quatre coins de la planète - tant pour l’Amérique de George Bush, hier, que pour celle de Barack Obama, aujourd’hui. Et ce aussi absurde cela puisse-t-il paraître tant les choses sont là mélangées et les chefs d’accusation disproportionnés. Car, alors que Ben Laden, lui, ne voulait, par l’ampleur de son terrorisme meurtrier, que la fin de la démocratie, Assange, au contraire, ne souhaitait, en y mettant à nu ses impostures tout autant que ses subterfuges, que la préserver, fût-ce du peu de crédibilité qu’il lui restait encore aux yeux des plus lucides d’entre nous. La différence, gigantesque, est de taille : bien mal cependant, à voir la peine qu’il encourt maintenant et les menaces dont il est désormais la proie démunie, lui en a, par le plus grand mais prévisible des paradoxes, pris !
Certes les bras, face à pareille injustice et inique sort, nous en tombent-ils, à nous qui nous sommes tant battus, non seulement pour la liberté de pensée ou de parole, mais, de manière peut-être plus significative encore au regard de toute véritable et authentique démocratie, pour la simple liberté de la presse. Aussi ne me vient-il à l’esprit comme à la bouche, à présent, qu’un seul mot d’ordre, mais aussi imprescriptible que tout impératif catégorique, et non seulement kantien : démocrates de tous pays, hommes et femmes de bonne volonté, peuples épris d’un humanisme non nécessairement utopique, amants de la révolution, unissons-nous, en criant haut et fort notre indignation, afin de sauver, de toute urgence, Julian Assange de ce fascisme larvé, quoique désormais déclaré au vu de cette ignominie dont il est le tout récent objet, qu’est le nouvel et toujours plus rampant, jusqu’à nous asphyxier, ordre mondial. Il en va de l’avenir de la démocratie et, par là même, de nos enfants !
* Philosophe et écrivain, auteur de l’essai « Critique de la déraison pure - La faillite intellectuelle des ‘nouveaux philosophes’ et de leurs épigones (Bourin Editeur).
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