Posture de classe : « Lorsqu’on s’en prend ainsi à Gérard Depardieu, c’est l’art que l’on attaque »
La tribune publiée dans la soirée du 25 décembre, signée par une cinquantaine d’artistes qui prennent la défense de Gérard Depardieu est à vomir.
Je pensais sincèrement que le Moyen Âge était révolu. J’avais tort. Il y a toujours une caste qui s’accroche aux privilèges qu’elle s’arroge à cause de la structure inégalitaire d’une société malade de l’absence de culture.
Je ne vais pas citer ceux qui ont signé cette tribune ; c’est leur faire trop d’honneur que de les cataloguer dans la catégorie « artiste ». Ils ne représentent que la pire espèce de profiteurs et de pourris- gâtés du système de valeurs qui marche sur la tête.
Le pire, c’est que le texte a été publié cinq jours après qu’Emmanuel Macron a défendu Depardieu, qui, selon le président, « rend fier la France ».
Les plaintes de plusieurs femmes pour viol, les propos obscènes envers les femmes et une petite fille, la pisse dans un avion, l’évasion fiscale (dans la bouche de ceux qui le défendent il s’agit « d’optimisation fiscale »), etc, ne comptent pas...la liste est vraiment longue…
Il y a quelques siècles, le seigneur était placé au-dessus de tout le monde et avait droit de vie ou de mort sur ses sujets. Aujourd’hui l’artiste est placé au-dessus des lois et comme le seigneur du Moyen Âge a le droit de cuissage sur les manants.
Cependant, les signataires de cette tribune ont de toute évidence été influencés par les déclarations de Macron qui s’est permis, cette prise de position inacceptable pour faire diversion de sa loi sur l’immigration. Je pense sincèrement que la fin ne justifie pas les moyens dans ce cas précis, d’autant plus que cette loi est inique, mais ça c’est une autre histoire… Car, si le « grand chef tout puissant » l’a dit quelque chose, il faut y aller : haro donc sur les gens qui osent critiquer le comportement scandaleux de Depardieu.
On peut être un artiste génial (ou dans le cas précis, avoir été), mais cela ne vous place pas au-dessus des lois. C’est valable pour les sportifs, les politiques et quelques autres « corporations » également, pas seulement pour les artistes.
Comme le décrypte l’historienne spécialiste du genre au cinéma, Geneviève Sellier, dans un entretien au The Huffington Post [1], « il existe dans le cinéma un droit de cuissage indéniable, qui s’exerce de la part des hommes de pouvoir sur des jeunes femmes qu’on force à se déshabiller jusqu’à ce qu’elles aient suffisamment de pouvoir pour pouvoir se rhabiller et imposer le respect ». Et celles qui se plaignent et se disent agressées par Depardieu sont les femmes pas connues (ou pas encore connues et célèbres), donc celles qui ne pouvaient pas au moment des faits supposés (comme disent les signataires de la tribune et Macron, la présomption d’innocence doit demeurer intacte, ce que je respecte également).
Pour rappel, lorsque le sujet est arrivé sur la table de « C à vous », lors de l’interview d’Emmanuel Macron, ce dernier expliquait aussitôt qu’il était un « grand admirateur de Géranrd Depardieu ». Il dénonçait une « chasse à l’homme » et estimait que l’acteur « rend fière la France », tout entière. Comme si le comédien n’était pas mis en examen en 2020 pour viol et agression sexuelle. Dans un article relatif, le quotidien Le Monde dit à propos de cette séquence de la déclaration de Macron que le président faisait « comme si Médiapart, France Inter et Le Monde n’avaient pas rapporté de multiples témoignages sur le comportement de l’acteur, lors de tournages[2] ». Le quotidien poursuivait : « Rappelant la présomption d’innocence, le chef de l’Etat n’a pas eu un mot pour les femmes qui se disent victimes du comédien. »
Geneviève Sellier poursuit dans l’article cité plus haut : « Le système dont je vous parlais, l’autorisation qui est faite aux artistes d’être au-dessus des lois, est littéralement théorisé comme quelque chose qui serait l’identité de la France. C’est quand même hallucinant. Cela suppose que l’art est un permis de tuer, un permis de violer. C’est caractéristique de la France que les artistes revendiquent le droit à la fois de dire et de faire tout ce qu’ils veulent sous prétexte de génie. Mais qui dit qu’ils ont du génie ? Leurs pairs. Il y a une sorte de conspiration qui s’organise à l’intérieur de la classe dominante qui permet à ceux qui ont été identifiés par cette classe comme des génies de faire et de dire tout ce qu’ils veulent. Pour une démocratie, c’est quand même un peu problématique. Et puis c’est problématique, surtout, parce que c’est réservé aux hommes. C’est une façon détournée de faire perdurer la domination masculine via le prétexte du génie artistique. »
Question : Comment Macron peut-il insister uniquement sur l’argument que Depardieu participe au « rayonnement » de la France à l’étranger pour juger et classer ainsi une affaire qui – judiciairement – commence à peine ? A-t-il le droit de dire le droit, de juger et d’absoudre un éventuel crime pénal en contournant l’enquête en cours et tout ce qui suit ? Enfin, le comportement de Depardieu avec ses déclarations sur les tournantes et sur les femmes ainsi que ses copinages politiques plus que contestés, participe-t-il au rayonnement de la France également ? Est-il finalement un ambassadeur de la France ?
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