Pour en finir avec la lutte contre le système
L’objet de cet article ne sera pas de prouver en quels aspects le système est à conserver en l’état mais de démontrer que l’acharnement contre ce système est contre-productif dans l’optique d’une évolution de notre société. Il ne s’agit pas de prétendre à la face de citoyens qui se battent pour leur avenir qu’ils se trompent complètement et que moi, j’ai mieux saisi qu’eux la nature du problème mais plutôt de fournir des pistes de réflexion.

La détestation du système est-elle si répandue ? Ce n’est pas sur AgoraVox qu’on me répondra le contraire, nous ne pouvons que constater quotidiennement l’abondance d’articles qui traitent la plupart des problèmes présents dans les médias sous l’angle de leur rapport avec le système. Mais au-delà du média citoyen, nous pouvons constater que la fixation sur le système est largement présente : Des (ex-)candidats comme Montebourg, Mélenchon ou Marine Le Pen font clairement de leur opposition au système leur cheval de bataille. Les « indignés » qui se rassemblent un peu partout protestent également contre les injustices du système. Je pourrais consacrer davantage de temps à la mise en évidence de cette réalité mais je ne crois pas que cela soit nécessaire, personne ne viendra me dire que le système est un sujet qui n’apparait pas dans l’actualité ces derniers temps.
Manifestement, cette opposition très présente est le résultat d’une volonté de changer la société telle qu’elle est. J’aimerai montrer qu’on pourrait probablement mieux s’y prendre si l’on cherche véritablement à enclencher un changement, une évolution . L’ennemi désigné du citoyen désireux d’horizons meilleurs est – selon bien des discours – ce système. Ce qui me semble regrettable dans une telle structuration du problème, c’est qu’elle nous oppose à un adversaire bien trouble. Voilà la vraie question pour moi : Que signifie ce terme ? Que recouvre comme réalité le terme de système ? Je ne sais si pour le lecteur, la réponse sera évidente et immédiate mais pour ma part, en y songeant, je réalise que les traits qu’on peut lui prêter diffèrent énormément d’une personne à l’autre : Pour les uns ce système correspond simplement aux idées dogmatiques des élites à la tête de ces structures, d’autres disent au contraire que ce système comprend à la fois les structures existantes et les idées de ceux qui les dirigent, d’autres encore (plus marginaux, certes) prétendent que les connivences idéologiques des élites servent les intérêts d’une « islamisation » ou encore du sionisme. L’abondance des attributs (parfois contradictoires) de ce système montre bien la nécessité de s’interroger précisément sur ce que ce terme peut signifier. Je me réfèrerai donc à une définition du dictionnaire qui –selon lui – relève de la sociologie : « Organisation sociale, société considérée comme aliénante » . Nous parlons donc d’une organisation de la société qui serait aliénante pour les citoyens. Cette définition correspond-elle à la réalité ? Sommes-nous réellement asservis par le système ? S’il est indéniable que les libertés offertes par nos sociétés modernes sont loin d’enchanter l’ensemble de la population, encore faut-il rappeler qu’il ne s’agit que de libertés, jamais d’obligations sociales (même si beaucoup peuvent les considérer comme telles). Par exemple la télévision est une liberté supplémentaire offerte aux individus de s’informer beaucoup plus qu’avant, d’être au courant de bien plus de choses, bien plus vite et partout dans le monde. Si certains considèrent que la télévision recèle un caractère aliénant, rien ne les oblige à en posséder une, cela n’est pas une nécessité sociale ! La définition du système donnée par le dictionnaire nous évoque plutôt une contre-utopie orwellienne, ce monde où les individus sont véritablement asservis et contre lequel l’auteur veut nous mettre en garde. Et soyons honnêtes, il y a un écart immense entre notre société et ce monde cauchemardesque. Le terme de système semble donc bien poser un problème car la réalité à laquelle il renvoie est tellement abstraite que chacun peut finalement y donner le sens qu’il veut y voir et surtout que le combat pour notre avenir prend lui-même une tournure très abstraite. Le citoyen est bien dépourvu face à des problèmes qui deviennent aussi abstraits, c’est là qu’intervient la nécessité de l’homme politique : Face à des problèmes aussi peu compréhensibles pour l’individu lambda, il nous faut des spécialistes de la politique qui vont eux-mêmes contribuer à rendre ces problèmes plus abstraits et insaisissables pour renforcer leur légitimité. Cela se fait-il sans heurts ? Non, le citoyen sent bien que le problème de son avenir lui échappe et tente d’y répondre par ses moyens, des moyens concrets. Mais il tente de donner une réponse au problème abstrait, posé comme tel par des spécialistes de l’abstraction dont la légitimité est difficile à remettre en cause. N’avons-nous pas senti le caractère dérisoire de la manifestation des indignés devant Wall Street ? Une réaction très concrète (une présence physique) face à un symbole de l’abstraction des enjeux contemporains. Je suis convaincu que l’effet de cette manifestation, s’il y en a un, sera infime.
L’indignation aura peut-être gagnée certains lecteurs qui me verront comme un lâche critiquant de nobles combats. Toutefois j’aimerai avancer une piste de réflexion sur la façon la plus appropriée de nous donner un autre avenir que celui qui nous effraie tant. Nous avons bien mis en évidence le fait que l’abstraction des problèmes reposait sur un artifice mis en place par les élites pour légitimer leur présence, il faut donc déconstruire cet artifice et reposer les problèmes en termes concrets pour pouvoir y fournir des réponses adaptées. Je m’empresse de fournir un exemple concret de ce discours lui-même un peu abstrait : Posons le problème du travail en France face à la concurrence des pays en développement. Ces pays disposent d’une main d’œuvre plus économique, les produits qu’ils nous proposent donc sont souvent plus intéressants que ceux fabriqués en France. Certains hommes politiques, dits protectionnistes, proposent de taxer les produits en provenance de ces pays, on s’empresse alors de leur reprocher leur amateurisme en économie et on pose de nombreux problèmes qui découleraient de cette alternative pour mettre en évidence le manque de sérieux de cette idée. Il est évident que l’on a encore affaire à un phénomène de monopolisation des problèmes par les élites : « C’est moi qui saisit le caractère abstrait de ce problème, lui est un charlatan qui propose des solutions tout simplement ridicules. » Mais même les thèses protectionnistes me semblent relever d’un détournement abstrait du problème. Le problème, très concrètement, en quoi consiste-t-il ? Et bien le consommateur, au lieu d’acheter des produits français, achète des produits moins chers qui viennent de l’étranger. A ce problème concret, je propose une solution concrète : Cessez d’acheter des produits qui viennent de l’étranger, achetez des produits français. Evidemment, la première réaction sera de protester parce que cela se fait aux dépends du consommateur puisqu’il doit acheter des produits plus chers. Est-ce une critique pertinente ? Certes, aller acheter des produits frais au marché local ou dans des commerces de proximité peut revenir plus cher que d’acheter l’équivalent en grande surface. Mais les grandes surfaces se développent-elles sur leurs ventes de produits frais ? Non, elles se développent plutôt sur la vente de nombreux produits dispensables, malsains et superflus. La solution serait donc d’acheter moins et d’acheter mieux. Le consommateur ne fait pas que participer au développement général (contribution à la fin d’un système clairement néfaste pour le pays exportateur comme pour le pays importateur) mais y gagne également personnellement.
La solution me semble donc résider dans notre capacité à nous défaire de nos habitudes de penser ou d’agir. Il nous faut envisager le fait que le problème n’est peut-être ni compliqué, ni abstrait et que nous sommes capables, à notre échelle individuelle d’y fournir une réponse sérieuse et concrète. Il nous faut renoncer à cette croyance insensée en la politique comme système collectif qui changera notre avenir (croyance qui caractérise aussi trop souvent tous les citoyens qui appellent à une autre forme de gouvernement) pour comprendre qu’elle n’en est qu’une infime partie, que le véritable changement ne peut venir que de nous et cela pour des problèmes parfois bien plus sérieux et bien plus importants que celui que j’ai pris en exemple. Cette solution nécessite un recul conséquent, un élargissement de notre conscience pour remettre en cause ce que nous tenions jusqu’ici pour des vérités immuables.
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