Pour le législateur et les autres c’est quoi l’antisémitisme ?
Le 21 avril 1939 dans un climat de propagande antijuive, le gouvernement Daladier promulguait la première loi contre « … la diffamation ou l’injure, commise envers un groupe de personnes appartenant, par leur origine à une race ou à une religion déterminée, qui aura eu pour but d’exciter à la haine entre les citoyens ou les habitants. » Près d’un siècle après qu'est-ce qui a changé (1) ?
Le néologisme « antisémitisme » s’est imposé pour parler d’une façon diffuse d’un dissentiment envers des juifs sans le définir et dont l’utilisation varie au gré des événements et au fil du temps, au point de se poser toujours la question ; c’est quoi l’antisémitisme aujourd’hui ? Un même vocable pour des causes si différentes.
Cette question à laquelle doivent d’abord répondre nos tribunaux avant de prononcer une éventuelle sentence pour ce motif, n’a pas encore de réponse. Il est pourtant fréquent d’entendre dire que l’antisémitisme est condamnable, sauf qu’aucun de nos textes législatifs ne se risquent à en donner la définition. Nos tribunaux ne condamnent donc pas un antisémitisme indéfini, mais suivent une loi d’ordre général applicable à tous ; juifs, musulmans, belges ou français sont égaux devant nos lois qui les protègent pareillement. Une condamnation ne sera donc pas différente selon les origines de la victime malgré certaines velléités. On ne comprendrait pas que les actes les plus nombreux contre les chrétiens soient moins condamnables que ceux envers des juifs ou des indous.
Pourtant les tentatives sont nombreuses.
Avec sa dernière proposition de loi n°667 du 3/12/2024 le député Pauget ajouterait une page à la « cause sémite ». Il mentionne abondamment l’antisémitisme dans son exposé des motifs sans le définir pour autant. Comment s’y prend-il ?
Pauget n’invente pas grand-chose. Pour amener son initiative il se réfère au droit allemand qui prévoit que dorénavant ; « … l’obtention de la nationalité est impossible pour toute personne ayant été définitivement condamnée pour acte antisémite… » L’honnêteté aurait voulu qu’il ajouta que le débat fut long et finalement vidé de sa substance « antisémite » au motif que « … ce texte de soutien aux juifs d’Allemagne s’est vite enlisé dans des débats portant sur la définition de l’antisémitisme et sur les mesures répressives proposées pour le combattre, ratant au bout du compte en partie son objectif… » (Le Monde 8/11/24). L’antisémitisme reste donc indéfini outre-rhin aussi, on ne dit toujours pas ce que c’est. La rectrice du Collège scientifique de Berlin Barbara Stollberg-Rilinger a défendu l’idée que l’accusation d’antisémitisme était « un excellent moyen de réduire au silence et de diffamer les opposants politiques », rejoignant en cela Shulamit Aloni ancienne ministre israélienne de l’éducation d’Israël qui dit à propos de ce truisme (Interview édifiant 1mn27) « … c’est une ruse, nous l’utilisons tout le temps en Europe lorsque quelqu’un critique Israël on lui sort l’holocauste, quand dans ce pays (USA) les gens critiquent Israël, alors ils sont antisémites. Le réseau est fort il a beaucoup d’argent, les liens entre Israël et l’establishment juif américain sont forts, avec des médias entre autres… leur attitude est « Israël est ma patrie pour le meilleur et pour le pire » ils ne sont pas prêts à entendre la critique… il est bien plus facile d’accuser ceux qui critiquent certains actes du gouvernement israélien d’antisémitisme … cela justifie tout ce que nous faisons aux palestiniens … » . Ces tergiversations démontrent s’il le fallait la diversité des causes et la fragilité de l’intention condamnable hors quelques cas rares comme certains négationnistes attardés qui ne mériteraient même pas une loi.
Le texte allemand retiendra finalement une proposition de l’Alliance internationale pour la mémoire de l’Holocauste (IHRA) « l’antisémitisme peut se manifester par des attaques à l’encontre de l’Etat d’Israël lorsqu’il est perçu comme une collectivité juive... » Ce qui pose une autre question ; une collectivité juive c’est une communauté de croyants ? d’israéliens ? des membres athées de la communauté juive hors d’Israël ? des colons de Cisjordanie ? ... L’IRHA ajoute « … Cependant, critiquer Israël comme on critiquerait tout autre Etat ne peut pas être considéré comme de l’antisémitisme ». On voit bien l’intention de différencier des individus non responsables et un pays coupable. Ainsi un individu qui porte à la tête de son pays un gouvernement coupable partage une responsabilité collective qui ne peut pas lui être imputée même s’il le cautionne. Il vote, il soutient mais ne serait pas responsable. La même IHRA mentionnait avant Gaza dans sa Déclaration de Jérusalem contre l’antisémitisme (C.13) : « Ainsi, même si c’est controversé, il n’est pas antisémite, en soi, de comparer Israël à d’autres cas historiques, y compris le colonialisme de peuplement ou l’apartheid. »
Le député Pauget propose donc de sanctionner toute « discrimination à l’égard d’une personne ou d’un groupe de personnes en raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non‑appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une prétendue race ou une religion déterminée ». Rien de nouveau ici pour caractériser les coupables. On retrouve les discriminations tirées de l’art 225-1 du Code pénal qui condamne déjà avec ces mêmes termes les discriminations et sous un angle plus large.
Le député va néanmoins plus loin en ce qu’il interdirait la naturalisation, la nationalité et le droit de séjour des antisémites évoqués dans ses motivations. Un pas timide vers une désignation silencieuse d'antisémites qui n’auraient pas la nationalité française. Trouvera-t-on dans leurs seuls rangs suffisamment d'auteurs des actes rappelés partout dans la presse (1) ? Evidemment non. On voit bien ici les limites qui contraignent notre démocratie et ses dirigeants qui refusent de désigner les groupes communautaristes antisémites actifs en Europe depuis plusieurs décennies et qui se réveillent à chaque événement dont sont victimes les musulmans. Erdogan et d'autres pratiquent à ce titre l’ingérence dans nos démocraties pour rappeler à leurs compatriotes coreligionnaires, leur devoir de soutien à la communauté. Netanyahu s'y emploie aussi.
Il est à craindre qu’en ces temps de tensions entre Israël et le reste du monde pour cause de Gaza, l’exploitation de la victimisation de l’holocauste tragique qui continue même envers ceux qui n’ont aucune responsabilité dans cette histoire judéo-nazi, ne serve pas la lutte contre l’antisémitisme, au contraire. Multiplier les appels à la mémoire du 2e génocide allemand s’oppose à ce qu’en pensait le député Chambrun membre d'honneur du MRAP, quand il déposait sa loi contre le racisme et l’antisémitisme en 1969, regrettant déjà « … une trop grande exposition inutile de la victimisation des juifs. » Il n’avait pas deviné l'exploitation politique qui en serait faite plus tard, dénoncée par Shulamit Aloni citée plus haut.
Pauget sincère ou manipulé, trouverait certainement davantage de soutiens de ses collègues s’il supprimait de son préliminaire la singularité antisémite indéfinie, ou s’il la définissait clairement, car il parle abondamment de l’antisémitisme dans ses motivations mais n’en dit pas un mot dans son projet de loi et pour cause, en France chaque individu juif ou non-juif, doit pouvoir bénéficier sans distinction de la même couverture législative.
Pour ajouter en consistance à son projet le député aurait pu exiger au titre d'une réciprocité évidente, un engagement du gouvernement israélien pour lutter contre les agressions d'extrémistes juifs orthodoxes à Jérusalem qui crachent sur les chrétiens, vandalisent les tombes des chrétiens et se félicitent comme le rabbin Aviner de l'incendie de Notre-Dame au nom d'une revanche juive contre un autodafé du XIIIe s. Qui comprendrait qu'au titre de la lutte contre l'antisémitisme des contraintes législatives s'imposent ici pendant que des chrétiens continuent d'être agressés en Israël en toute impunité ?
L’opinion de la ministre israélienne Shulamit Aloni doit attirer notre attention sur les manipulations israéliennes répétées des opinions. On a vu que Netanyahu à propos de Gaza a osé parler (L. Ferrari CNEWS) du rôle d’Israël pour la défense du modèle judéo-chrétien. Pour Cohn-Bendit juif aussi (LCI sur un autre sujet), « lorsqu’on parle d’un judéo-christianisme qui n’existe pas c’est pour du racolage » (LA CIVILISATION, L’ÉDUCATION OU LA MORALE JUDÉO-CHRÉTIENNE… DE PIEUX PONCIFS INFONDÉS.) Netanyahu a donné raison à Cohn-Bendit.
On voit avec ces échanges que l’antisémitisme indéfini peut aussi servir des intérêts politiques moins respectables avec cette séquence révélatrice, voyons. Netanyahu a accusé le gouvernement français d’incapacité à protéger les juifs sans stigmatiser non plus les origines des coupables en France, pourtant il s’y risquera ailleurs en 2019 quand il voudra le soutien des pays européens dits « populistes » réputés opposés à l’immigration musulmane - Pologne, Tchéquie, Slovaquie, Hongrie - pour soutenir son objectif ; « lever l’hostilité de l’UE à la colonisation des territoires palestiniens ». En vain.
Dans le même temps, le député S. Maillard avec une trentaine de parlementaires estimaient que « La haine d'Israël est une nouvelle façon de haïr les juifs … On peut critiquer le gouvernement d’Israël mais pas remettre en cause l'existence même de cet État. » Le député présentait l’antisionisme comme une nouvelle forme d’antisémitisme et occultait l’occupation expanSionniste des territoires palestiniens condamnée par la France, cette posture du gouvernement de Netanyahu a été relayée par le crif et le député juif Habib Meyer. Se faisant, contribuant à l’exaspération arabo-musulmane pour ces motifs, ils entretenaient le feu de l’antisémitisme qu’ils demandaient à d’autres d’éteindre.
Toujours en 2019, invité du crif, le Président Macron annonçait que la France allait intégrer l'antisionisme à sa définition juridique de l'antisémitisme, ce que l’Assemblée Nationale refusera de voter.
Depuis Gaza, personne n’oserait renouveler cette grossière magouille abusive qui aurait eu pour conséquence d’interdire en France toute opposition à l’expanSionnisme israélien en Cisjordanie à Gaza et ailleurs, alors que la Cour internationale de justice (CIJ) a rendu un arrêt qui reconnaît comme le Pape François dans son livre en Novembre 2024, "le risque plausible de génocide de la population palestinienne à Gaza" la CIJ ajoute " ... avec demandes de mandats d’arrêt à l’encontre de Benjamin Netanyahu, Yahya Sinwar et d’autres hauts responsables israéliens et du Hamas. "
L’antisémitisme apparaît bien comme une malédiction pour le peuple juif entretenue aujourd’hui par des autorités extrémistes ou des rabbins condamnables (2).
On sait que l’antisémitisme dont Sartre a tenté une définition toujours controversée par ses coreligionnaires, est une histoire millénaire qui n’est pas près de s’éteindre, « … L’Histoire, toute l’Histoire, nous apprend que l’antisémitisme fleurit, sous une forme ou une autre… Tel est le nouvel antisémitisme, si vieux (2) … » (Attali). Avec Gaza et la Palestine colonisée, l’état juif a créé des générations d’antisémites dans le monde musulman qui n’en avait pas besoin. Pourtant quand le mot est apparu, les musulmans n’étaient concernés ni de près ni de loin par les événements liés à son origine au XIXe s.
Depuis, l’antisémitisme poursuit un expansionnisme qui ne sera pas arrêté avec des lois en France.
(2) - (1/4) Aux sources juives de l’antisémitisme (cause et effets - Luther – un poncif)
- Des juifs ultra-orthodoxes ont été filmés en train de cracher au passage de pèlerins chrétiens dans la Vieille ville de Jérusalem. Des violences qui se sont répétées à de nombreuses reprises... (BFM)
Des dizaines de tombes de chrétiens ont été profanées par des juifs orthodoxes à Jérusalem
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