Pour que rien ne soit plus comme avant, voici ce que vous auriez pu dire !
Lors de sa campagne présidentielle, Emmanuel Macron avait choisi son slogan : « La France doit être une chance pour tous ». Un an et demi plus tard, le mouvement contestataire des Gilets jaunes venait nous dire que la France était une malchance pour beaucoup. Mais, notre Président ne l’a pas entendu comme cela et a voulu jouer au plus malin pour, finalement, en venir à la force, éborgner, exploser des mains et tenter de manipuler les Français grâce aux médias vendus aux milliardaires, ses amis.
Tout aurait pu aller pour le mieux, si la contestation n’avait pas été justifiée et n’était l’effet que d’un caprice d’une partie du peuple. Or, dès le début, 80% de la population a soutenu les revendications des Gilets jaunes. Le Président a tenté de nous acheter avec ses fameux 10 milliards qui ne sont, en vérité, que 4 malheureux milliards. Et la France s’est engluée dans un mouvement social contestataire, quasi séditieux, tout cela parce que notre Président est incapable d’éprouver une quelconque empathie pour les personnes dans la difficulté.
Tant et si bien, qu’il a bien fallu trouver quelque chose pour faire sortir la France de ce marasme qui plombait ses folles espérances comptables. Alors, il a inventé le Grand débat, pour lequel il s’est bien gardé de faire appel aux bons souvenirs de la Commission nationale du débat public, afin de s’en servir à son avantage.
En général, on dit « contre mauvaise fortune bon cœur » pour dire qu’on accepte le compromis. C’est sans connaître le bonhomme. Du Grand débat, il en a fait une scène pour ses one man show, pendant que, par derrière, il nous concoctait de nouvelles lois liberticides après celle sur le secret des affaires qui musèle les lanceurs d’alerte : loi pour le contrôle d’Internet sous le prétexte de stopper les fake-news et la loi anticasseurs « pour mieux garantir la liberté de manifester ». Sans parler des questionnaires du Grand débat, dans lesquels, une majeure partie des questions comprenaient la réponse attendue. Une grande manipulation qui interdisait même de rentrer un tableau lorsque la question était ouverte ; celui-ci étant automatiquement converti en texte, rendant l’objet totalement incompréhensible. À bien y regarder, le Président n’avait pas très envie de plancher sur des idées neuves.
Et, c’est comme cela que le Grand débat a clôturé ses cahiers de doléances et son site Internet. Immédiatement, le gouvernement s’est emparé du taux de participation pour nous dire que l’opération était un succès inattendu, juste le temps, que tout soit analysé et de démontrer le fiasco complet. Car, lorsqu’on fait le tri des copiés/collés en dizaines ou centaines d’exemplaires et qu’on ne garde que les contributions où les gens se sont donnés la peine de sortir des questions manipulées pour développer leurs idées, et bien, il n’en reste plus que 255 000 personnes. Soit 0.36% des français ou 0.57% du corps électoral. Qui plus est, la classe la mieux représentée est celle des CSP+. C’est dire, le peu de chance de trouver des solutions pour les moins fortunés. Sans parler de la méthode pour l’analyse des résultats qui est contestée par la plupart des chercheurs en science de l’information. Bref !
Nous attendions donc les annonces du Président avec anxiété pour les uns, espoirs pour d’autres et pour la plupart d’entre nous, avec grande méfiance. Il faut dire que le lascar nous a tellement piégés dans sa rhétorique alambiquée, pour ne pas dire schizophrène, effets littéraires et sourire dents blanches, qu’on ne peut que l’écouter qu’avec incrédulité.
Il nous avait pourtant assuré que « rien ne sera plus comme avant ». Donc, si rien n’est plus comme avant, c’est qu’il ne va plus faire comme avant, ni faire comme faisait ses prédécesseurs puisqu’ils nous ont tous emmenés dans le panneau. En clair, il allait sortir de ce système dans lequel nous tournons en rond comme dans un bocal : travailler plus pour gagner plus ou alors, payer moins d’impôt et réduire les aides sociales et les services publics. Il allait nous proposer une démocratie participative, diminuer le train de vie de l’État, reconnaître le bulletin blanc, prendre des décisions radicales en matière de transition écologique.
Bon, à ce stade, un brin de lassitude me prend. Je ne ferai donc pas là, le résumé de ses réformettes dont on ne sait même pas comment il les financera. Disons-le tout net, rien de nos maigres espoirs n’est au rendez-vous. Énonçons tout de même sa démagogie envers son électorat des seniors avec la réindexation des retraites (qui devrait être retoquée une nouvelle fois par le Conseil constitutionnel. Mais ça ce sera pour l’année prochaine) et de la gauche avec éventuellement, le renoncement à supprimer les 120 000 postes de fonctionnaires. Éventuellement…
Alors voilà, Monsieur le Président, voilà ce que vous auriez pu dire pour que rien ne soit plus comme avant.
Vous auriez pu annoncer que, désormais, nous allions partager le travail de manière à descendre en-dessous du seuil des 3% de victimes du chômage. Pour cela, développer la production écologique qui est un marché en pleine expansion.
Vous auriez pu annoncer une 6ème République fédérale qui replace le citoyen au cœur de la démocratie en redonnant tous les moyens au niveau de la municipalité. Développer les assemblées du peuple à tous les échelons de la Nation. Supprimer l’assemblée nationale pour la rassemblée par une assemblée du peuple représentant l’exacte sociologie du pays dans laquelle siègent des députés tirés au sort. Fusionner le Sénat avec le CESE…
Vous auriez pu nous annoncer que la première urgence étant la question de l’environnement, celle-ci ne pouvait trouver sa réponse que par une transition économique. Que nous allions bifurquer pour une nouvelle économie dans laquelle, vous alliez tenter d’entrainer le monde entier en changeant les critères de calcul de la richesse, en responsabilisant le droit à la propriété, en limitant la création de l’argent de manière à ce que nous ne produisions et consommions que ce qu’une planète peut donner en une année.
Cela aurait été un fameux défi à la hauteur de votre orgueil et à l’esprit français qui sait tant donner des leçons au monde entier. Mais non. Vous ne l’avez pas fait. N’y auriez-vous pas pensé par hasard ?
Vous auriez pu aussi aller chercher de l’argent en dehors de nos chemins habituels. Par exemple, avec la taxe sur les transactions financières. Elle existe déjà en France, mais celle-ci est très limitée et est très loin d’avoir le rendement qu’elle pourrait avoir. Par exemple, en élargissant son assiette à toutes les transactions. En les taxant à 0.05%, vous pourriez retirer une recette de près de 7 milliards. Alors imaginez avec 0.1%, ce que vous pourriez récupérer : 13 à 14 milliards… Sans compter qu’en mettant en place une telle taxe, vous amorceriez une pompe qui pourrait au fil des années, augmenter, et ainsi remplacer tous nos impôts et même abonder les caisses sociales, divisant ainsi le coût de la main d’œuvre par deux. Mais non, pas question de toucher aux banques et aux spéculateurs.
Parce que si vous vouliez vraiment changer les choses et mettre un peu de justice sociale dans notre Union européenne, vous pourriez aussi vous battre pour que l’article 123 du Traité européen soit supprimé et remplacé par une mesure qui redonnerait du souffle à toutes les économies des pays membres. Il s’agirait tout bonnement que la BCE, au lieu de prêter aux banques à taux zéro, prête aux économies nationales à ce même taux. Nous n’aurions plus à être obligés de payer des intérêts aux banques. Lesquelles banques s’amusent inconséquemment aux risques des populations.
Parce qu’à parler des boursicotages des banques, vous pourriez aussi penser à cette idée folle de leur faire payer la dette publique qu’elles ont générée en 2008 dans les économies nationales. La BCE les a sauvées. Soit ! Qu’elles nous sauvent maintenant de ces politiques d’austérité dont les peuples n’en peuvent plus. Quand on sait qu’au début de 2008, notre dette publique était de 66% du PIB et qu’en 2009, nous étions directement passés à 83%, vous rendez-vous compte que si les banques nous avaient renflouées une fois que l’UE les avait renflouées, nous n’aurions pas, aujourd’hui, une dette de 99% du PIB, mais seulement de 82%, soit un déficit public bien en deçà du critère des 3% de déficit.
Oui, Président, vous aviez de quoi tenir parole en nous disant que « rien ne sera plus comme avant ». Mais non. Tout sera comme avant.
Tiens, j’oubliais. Vous auriez pu supprimer la Commission nationale du débat public que vous avez jugée inutile. Mais, même cela, vous n’y avez pas pensé. À défaut, vous pourriez vous occuper de nommer les deux représentants des usagers et des consommateurs. Comme par hasard, ce sont eux qui manquent à l’appel.
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