Pour un enseignement universitaire en langue anglaise
Le débat sur la francophonie bat son plein à nouveau avec la récente proposition d'introduire l'anglais comme langue d'enseignement au niveau universitaire, et une fois de plus les voix hostiles se font entendre avec des arguments qui n'en finissent pas de se répéter et de mener à l'impasse.
A mon point de vue, un des meilleurs moyens de promouvoir la francophonie et de développer le goût de la langue française est de s'ouvrir au monde, c'est à dire d'attirer plus d'étudiants étrangers sur le territoire national en proposant des cursus universitaires accessibles à tous et donc en langue anglaise. L'université en anglais ne signifie pas la mort du français, bien au contraire. En attirant plus d'étudiants étrangers en France, qui une fois installés apprendrons le français, la France et ses universités pourront à nouveau se placer fièrement sur la carte des grandes universités internationales. Les étudiants étrangers sortis de ses bancs contribueront au rayonnement culturel de la France et permettront d'établir des échanges culturels plus durables parce que basés sur l'expérience de vie. Aux derniers classements des grandes universités internationales, les instituts universitaires de la métropole ne figurent pas en tête de liste, bien loin de là. Selon les palmarès consultés et il y en a plusieurs, ils n'arrivent même pas dans les dix premiers, trainant loin derrière les autres pays. D'après le classement mondial des universités du Times Higher Education 2012-2013, l'Ecole Normale Supérieure arrive en 59ème position et l'Ecole Polytechnique en 62ème position. Il est peut-être temps de réagir, mais pas en luttant à contre-courant contre l'évolution du monde. Ce que les étudiants potentiels regardent aujourd'hui, c'est la qualité de l'enseignement et le prix de cet enseignement, c'est sur ce plan que la France peut se placer car elle conserve néanmoins beaucoup d'atouts.
De plus en plus de familles, dont je fais partie, s'éloignent du système scolaire français (souvent à regret) pour aller vers des systèmes plus internationaux parce qu'il ne répond plus aux exigences du monde moderne. Trop axé sur les filières scientifiques et trop focalisé sur l'accumulation en masse de connaissances toujours plus denses, il va à l'encontre de la réflexion individuelle, de la créativité et de l'épanouissement personnel. Les grandes universités européennes, lasses de voir défiler des dossiers identiques, privilégient davantage des profils atypiques ou des cursus plus internationaux tels que le Baccalauréat International mis au point par une organisation suisse.
Dans un pays qui vit depuis trop longtemps sur ses acquis, c'est toute une approche et tout un enseignement qui sont à revoir, y compris les langues dans lesquelles cet enseignement est dispensé. Nos voisins européens ne se tourmentent pas sur la question, et je pense ici à l'allemagne, l'Espagne ou l'Italie, pays dont la tradition linguistique est également très forte. Leurs universités offrent des programmes en langue anglaise et réussissent ainsi à se mettre sérieusement en concurrence avec les vieilles universités anglaises ou américaines, contribuant ainsi à la diversité de l'enseignement, car on peut enseigner en anglais et rester allemand ou italien dans sa vision des choses. Leurs établissements secondaires ont depuis longtemps introduit certains cours dans d'autres langues pour justement préparer à ces filières universitaires. Pendant ce temps, la France, elle, reste coincée dans des combats d'arrière-garde qui au lieu d'appeler au respect, laissent ses voisins perplexes.
Ces mêmes voisins n'en conservent pas moins une identité forte, comme le démontrent leurs réseaux culturels internationaux, tels que le Goethe Institut pour l'Allemagne ou l'Institut Cervantes pour l'Espagne. Par ces réseaux, leur culture continue de rayonner dans les cinq continents. La France, elle aussi, a son réseau culturel à l'étranger avec les Alliances françaises et les Instituts français, mais malheureusement elle s'éparpille et gaspille les ressources qu'il lui reste. Entre les alliances d'une part et les instituts de l'autre, les deux étant souvent présents dans la même ville, plus personne ne comprend qui fait quoi et comment fonctionne ce réseau. En allant même au-delà, dans beaucoup de cas ces instituts n'ont pas les moyens de leur ambition, et sont souvent contraints de fonctionner avec un personnel réduit ou insuffisamment rémunéré pour la tâche requise ou le montant de travail fourni. Peut-être que, pour la défense de la francophonie, il serait plus opportun de mettre en place un réseau intégré et unique et d'y investir plus de moyens pour présenter une image solide de la France et de la langue française plutôt que d'interdire l'anglais dans l'enseignement universitaire ? La France et la langue française vont mal, rien de nouveau ici. Il en tient cependant à la France de changer l'image qu'elle donne d'elle-même, cette image désuète, alimentée par de vieux clichés usés, pour se présenter au monde sous un jour nouveau et attirer le monde vers elle. Mais pour cela, elle doit redécouvrir son identité, et c'est peut-être là que se situe le coeur du problème : quelle est l'identité de la France aujourd'hui ? Une défense acharnée et mal à propos de la francophonie ne suffira pas à résoudre cette question.
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