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Pour un pôle arabe dans le monde multipolaire

Tout comme la communauté européenne est née des nécessités de la Guerre Froide, dans le cadre de la domination américaine, une « communauté économique et politique arabe » est, dans le contexte d’un monde multipolaire, une opportunité de réaliser ce rêve des populations de l’Atlantique au Golfe ainsi qu’une chance de stabilisation dans une zone sensible pour l’occident et toutes les économies mondiales, pétrole oblige.

La course aux ressources, en premier lieu énergétiques, est devenue le paradigme de base de la politique internationale des grandes puissances. Cette course aux ressources explique pour beaucoup l’instabilité au Moyen-Orient, entre la volonté des Etats-Unis de contrôler les ressources pétrolières de l’Irak, la guerre « quasi-pétrolière » au Soudan. Elle est aussi pour le moment facteur de stabilité dans le Golfe, les Occidentaux soutenant des régimes riches en pétrole en contrepartie de l’approvisionnement régulier en or noir des pays demandeurs. Dans la structure toutefois de cette course aux ressources, la stabilité d’un Irak libéré (mais est-ce de Saddam Hussein ou des Américains…) et du Golfe n’est pas garantie, le pétrole et le gaz de cette région éveillant les convoitises de toutes les puissances émergentes. Du fait de l’importance symbolique de l’Arabie Saoudite (du fait de la présence dans son territoire de deux lieux saints de l’islam), de l’importance géographique de la région (carrefour entre l’Asie et l’Europe, les seuls pirates somaliens sont déjà une perturbation d’importance), une instabilité chronique dans cette région est un facteur d’instabilité mondiale.

Plus à l’Ouest, les arabes du Maghreb sont aussi pour le moment un facteur de stabilité. La faiblesse des Etats plus au Sud (Mali, Niger surtout) provoque à elle seule les problèmes en Europe liés à l’Aqmi, je vous laisse imaginer des Etats ruinés ou faibles plus au Nord. Le détroit de Gibraltar est aussi le lieu de passage de 25% du commerce mondiale, enfin, des Etats faibles au sud de la Méditerrannée provoqueraient des regains de vagues d’émigration clandestine des populations locales alors que le Maroc et la Tnisie jouent dores et déjà le rôle de tampons à l’émigration sub-saharienne…

Tous ces Etats, au Sud de la Turquie, à l’Ouest de l’Iran et au Sud de l’Europe ne disposent toutefois pas des conditions économiques, géopolitiques et idéologiques structurelles pour être des Etats forts sur le long terme.

Sur le point de vue économique, une grande dépendance des Etats pétroliers envers le pétrole et des Etats non pétroliers envers l’Europe provoque une faiblesse dans la négociation de ces Etats dans les accords bilatéraux et multilatéraux. Les Etats peuplés, pétroliers ou non, doivent aussi faire face aux besoins de populations pauvres, et donc à une justification économique faible de leur régime. Ils ne participent pas, du fait du manque de ressources ou d’une trop grande assise pétrolière au développement scientifique mondial, seul garant de ressources pérennes. Ils ne disposent pas non plus des matériaux permettant une prévention efficace d’attentats ou autres troubles comme des pays comme la France disposent.

D’un autre côté, au niveau géopolitique, les Etats arabes présentent rarment un front uni dans les grandes questions qui les concernent. Ainsi partent-on de modérés et de durs sur la question du Proche-Orient, de rivalités dans le Golfe, de la menace irakienne sur les emirats, des difficultés entre la Syrie et le Liban, entre le Maroc et l’Algérie, tout cela étant une liste non exhaustive. Divisés sur à peu près toutes les lignes de fracture possibles, ils restent donc à la merci des grandes puissances, ayant besoin de leur aide au niveau de leurs divergences régionales. Au niveau géopolitiques, ils constituent donc des territoires de lutte entre les grandes puissances, ce qui pousse à la fragilté de leurs Etats. L’exemple type reste le Soudan, mais ce schéma pourrait se reproduire dans de nombreux pays pourvu que les divergences entre grandes puissances s’accentuent dans un domaine où ce dit Etat est important.

Enfin, au niveau idéologique, au-delà des disours, le contenu idéologique de ces régime pour la plupart reste faible. En dehors de la posture de résistance à Israel de la Syrie et du wahhabisme saoudien (auu-delà de ce que le lecteur pense de ces idéologies), les autres régimes disposent d’un fond idéologique ne permettant pas une grande légitimité idéologique de l’Etat et du régime en place.

Pour ma part, je ne prétends pas révolutionner la pensée arabe. Je pense juste que un élan unitaire arabe durable et présentant des résultat en terme d’unité face aux forces externes et en termes économiques pourrait permettre de limiter ces trois problèmes à la fois.

Il s’agirait ainsi d’augmenter, selon un modèle propre aux conditions dans cette région, la coopération financière (une Fond arabe de développement par exemple ou tout autre institution permettant de réguler les grandes inégalités économiques entre nations), scientifique (des structures de recherches inter-arabes etc…), agricole (un accord de libre-échange agricole arabe ou des accords multilatéraux arabes de commerce agricole) et énergétique (un prix préférentiel du pétrole pour les pays non-pétrolier, un projet arabe d’énergies renouvelables surtout) les facteurs d’interdépendance entre pays arabes ainsi que les facteur d’appartenance, notamment au sein des élites à un ensemble commun.

Un monde arabe plus développé et plus stables permettrait de limiter de nombreux facteurs de risques en Europe (baisse de l’émigration et du trafic de drogues, nouveaux marchés pour les entreprises européennes, sûreté de l’investissement etc…) et dans le monde en général en limitant l’attrait idéologiques des groupes radicaux violents et assurant un approvisionnement régulier en pétrole.

En clair, le monde arabe, et le monde global ont besoin d’un pôle arabe dans le monde multipolaire en gestation.


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6 réactions à cet article    


  • Daniel Roux Daniel Roux 1er octobre 2010 13:52

    @ l’auteur

    Pourriez vous définir ce qu’est la « Communauté arabe » ?

    Quels seraient les critères requis pour qu’un pays en fasse partie ?

    Est ce que la « Ligue Arabe » ne remplit-elle pas déjà ce rôle ?


    • Ben Slimane Mohamed Réda bensred 1er octobre 2010 14:01

      Bonjour Mr Roux,
      La communauté arabe est une communauté linguistique et culturelle partageant la langue et le culture arabe surtout. Les peuples de l’Atlantique au Golfe se sentent appartenir à cet ensemble identitaire commun, malgré la présence de minorités ethniques et religieuses relativement importantes.
      Quant à la Ligue Arabe, c’est une structure essentiellement diplomatique, disposant d’un pouvoir faible vu les divergences citées dans l’article. Son rôle pourrait être élargi à la création progressive d’une communauté économique (entre autres), mais l’idée de l’article n’est pas de présenter un package institutionnel à prendre ou à laisser.
      Au plaisir.


    • HELIOS HELIOS 1er octobre 2010 14:15

      Avec plus de 15 millions d’immigres de premiere ou deuxieme generatyion parlant arabe, la France est donc une bonne candidate ? ou bien seulement la 19 eme Wilaya de Marseille qui cumule 450 000 arabophones sur 800 000 habitants ?


    • Jowurz 1er octobre 2010 15:48

      Bensred

      Le pôle arabe existe. Il est dominé par les pays producteurs de Pétrole. En revanche la stabilité des pays qui le composent est loin d’être assurée et l’économie, comme vous le faites remarquer, repose sur le pétrole. Ce qui ne signifie pas que les profits de cette énergie fossile bénéficient toujours au pays lui-même et à l’ensemble de ses ressortissants. Je ne vois pas très bien le rapport entre les risques d’immigration, le trafic de drogue et la sûreté des investissements en Europe. Mais sans doute ai-je mal compris votre phrase et vouliez-vous parler des investissements européens que sécuriserait un pôle arabe. 

      Mon opinion est que le pôle dont vous défendez la création n’intéresse pas l’Europe ou les autres continents qui préfèrent traiter avec des états faibles dont la stabilité politico-économique est précaire pour les dominer en soutenant cette précarité. Sans doute, selon votre analyse, ne voient-ils pas leur intérêt à long terme.

      Pour ce qui concerne la question de l’iimmigration, il faut distinguer un état de ses ressortissants. Un état peut être fort économiquement et maintenir sa population dans la pauvreté. Les Etats Unis sont un pays puissant, la Russie aussi, la majorité des Russes et une forte minorité américaine ne vivent pas pour autant dans l’opulence et les premiers veulent bien s’installer ailleurs.

      Je ne pense que la puissance économique d’une nation soit un facteur déterminant de bien-être social et donc un frein à l’émigration. De nombreux autres facteurs liés à la politique sociale me semblent aussi, voire plus, déterminants. Mais chacun son avis.

      Merci pour votre article.  


      • Patrice17 1er octobre 2010 21:04

        Un article qui ne vaut que pour sa bonne conscience... 


        Ce type d’analyse est produit depuis le XIXe s sans aucun effet productif... Parce qu’il part d’une analyse totalement idéologique !

        On met en place le projet, mais on ne décrit jamais les moyens, ni les forces de contraintes qui paralysent la mise en place d’une telle politique !

        Il est toujours plus facile de passer pour le brave intellectuel plein de bonne conscience que pour celui qui critique, met au clair les blocages d’une telle dynamique. 

        Personnellement, je prends beaucoup plus plaisir à pointer du doit les failles, les défauts de structures qui empêchent celle-ci de se renouveler et d’intégrer le système monde harmonieusement.

        Mr Bensred produit une analyse macro-politique reposant sur les forces géopolitiques classiques (ressources, énergies, stabilité) sans jamais entrer dans le détail des blocages internes. Je vais donc tenter de compléter brièvement cet article avant d’écrire personnellement sur ce sujet. 

        -Le blocage le plus important de ce monde arabe est justement cet « arabité » qui ne se donne dans aucune langue accessible au plus grand nombre. La langue arabe orale est partout un patois de quelques milliers de mots très simples impropres à dessiner la complexité du système monde (économie de production, Etat-nation, citoyenneté, système vérité scientifique...). 
        -Plus encore, la langue arabe écrite ne plait pas aux « arabes ». Les jeunes Egyptiens autant que leurs homologues Marocains trouvent rébarbatif son enseignement. Une langue écrite très largement différente de leur « darija » (dialectal) qui seule charrient les émotions, les sentiments, les moeurs et coutumes et autres lieux communs qui dessinent leurs quotidiens.
        La langue arabe écrite (fosha) apparaît rèche, compliquée, informelle, désuète à l’écrasante majorité de ce qu’on appelle les « arabes ». 

        Voilà donc nos bons peuples arabes limités pour 80% d’entre eux à un patois d’une grande richesse émotive mais dont la complexité conceptuelle leur interdit toute compréhension systémique. Pour cela, tous le savent, il faut parler l’anglais ou le français ou une langue européenne acquise par émigration... Cela concerne là encore l’écrasante minorité de cette population. 

        -De ce goulet d’étranglement découle tout le reste... Les résultats catastrophiques obtenus par les systèmes éducatifs nationaux. L’activité de lecture réduite à néant à l’échelle de pays entier. L’absence quasi totale de recherche scientifique et d’ouverture aux sciences humaines. La diffusion de l’islamisme radical ou d’un islamisme pieux et improductif... 

        -Celui-ci vient renforcer encore le rejet de toute ouverture à la modernité et la fossilisation d’une culture rurale ou bédouine largement prégnante parmi le peuple. 

        Ce cercle vicieux explique la grande inertie des peuples arabes et leur improductivité culturelle ou économique. Cette pauvreté interdit alors aux Etats toute marge de manœuvre réformatrice. 

        -Ce sont ces faits beaucoup plus que les forces géopolitiques externes qui doivent expliquer les faiblesses du monde arabe. 

        -Pour illustrer cette thèse, je prends pour exemple les maintes initiatives prises par les Européens à l’échelle des Etats ou de l’UE pour favoriser la formation d’un grand Maghreb. Or toutes avortent. Quid des forces géopolitiques mondiales pour expliquer ces revers ? 

        Le nationalisme désuet, la fierté maladive, l’absence d’organisation des marchés productifs pour faire pression sur les gouvernements en faveur de l’ouverture, les élites intellectuelles inaudibles, les journalistes disciplinés, les masses amorphes interdisent toute opposition aux clans qui se sont appropriés le pouvoir. 


        -Dire ces faits, les dire et les écrire, les appuyer d’arguments et d’exemples toujours plus illustratifs permettrait de rendre compte des blocages du monde arabe bien mieux que de parler des forces géopolitiques mondialisés qui sonnent creux. 

        -Construire le monde arabe (j’en partage l’idée et l’espoir) passe aujourd’hui par sa critique sans concession répétée jusqu’à voir frémir une lueur de contestation. 
        -Personnellement je considère que la formation d’une langue nationale seule ébranlerait l’édifice conservateur et involutif qui encadre les populations arabes aujourd’hui. 


        • Tiberius Tiberius 2 octobre 2010 02:28

          Ce serait une initiative extrêmement saine dont on ne pourrait que se réjouir. Mais je ne suis pas sûr que cela suffise à apporter le succès au peuple de la région.

          Je crois, mais c’est juste mon avis, que le succès économique tient principalement dans la capacité d’innovation des peuples. Car pour s’imposer économiquement, conquérir des marchés déjà existants est insuffisant puisque cela oblige à jouer systématiquement sur le coût de la main d’œuvre ceci au détriment du bien-être des plus faibles. Pour s’enrichir et améliorer vraiment les conditions de vie de la population, il faut savoir susciter de nouveaux marchés et il faut par conséquent savoir innover. Or quand je vois aujourd’hui des firmes occidentales produire des jeux vidéos censurés pour les marchés musulmans ou la morale est pesante, je me dis que cela risque de brider sévèrement la capacité d’innovation de ces hommes et femmes. A mon avis, un espace économique arabe ne connaîtra la réussite que s’il apporte en même temps un espace de plus grande liberté comme ce fut le cas pour l’Union Européenne. smiley

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