Pour une abstention générale
Savez-vous ce qu'est un marronnier ?
Un arbre, pardi ! Oui mais c'est aussi, dans le monde journalistique, le nom des grands sujets à succès qui reviennent régulièrement à la une des magazines d'actualité pour leur capacité à faire vendre (l'immobilier, les 200 familles, les palmarès des hôpitaux et universités, etc.)
Le monde politique n'est pas en reste car il possède lui aussi son marronnier : c'est l'abstention aux élections. C'est un marronnier d'une grande souplesse d'utilisation puisqu'on peut en user aussi bien avant qu'après l'élection, respectivement pour disserter longuement sur le trop fort pourcentage auquel on s'attend et non moins longuement sur le trop fort pourcentage finalement sorti des urnes. Tous les commentateurs, politologues et journalistes, sont unanimes pour qualifier la situation de déplorable et de nous en expliquer encore et encore les raisons, à grand renfort de mines désespérées.
Avant le scrutin, l'entreprise est apparemment risquée, car si bien sûr les solutions radicales à juguler l'abstention et que l'on pourrait synthétiser par « changer la société » ne sont pas décrites, il est néanmoins demandé aux défaillants de se reprendre en allant voter, en passant le cas échéant par la case inscription sur la liste électorale. Imaginez en effet que tous ces récalcitrants, prenant aux mots ces analystes bienveillants, se rendent aux urnes. Je ne donne pas cher alors des partis hégémoniques dont ces analystes sont les fidèles chiens de garde. Rassurez-vous cependant, leur audace est sans risque aucun comme l'a amplement prouvé le déroulement passé des élections à répétition. Nos abstentionnistes resteront encore cette fois chez eux.
Cet appel au vote est typique de la propagande moderne, devenue fort subtile. Le discours, au demeurant plutôt trivial : « Faites votre devoir, Votez » n'est pas destiné aux grévistes de l'élection mais bien au peuple votant, cette faible majorité - encore affaiblie si l'on l'on considère les environ 10 % de la population en âge de voter qui ne sont pas inscrits sur la liste électorale – qui constitue la base de soutien au système politique en place. Qu'il s'érode, - la crainte sur cette éventualité apparaît justifiée -, et ce sera le grand vacillement, possiblement fatal.
On pourrait penser ce rappel superflu, mais ce serait oublier la façon dont s'installent et se maintiennent les comportements sociaux. Ils sont toujours le résultat d'une constante pression sociale, qui débute dès la prime enfance par l'intermédiaire des parents et se poursuit à l'âge adulte par d'autres canaux, en particulier les grands médias. Les moyens d'appliquer cette pression sont nombreux et le rappel de faire en est un. Pour le cas qui nous concerne, on aura noté la façon détournée de procéder, pour une meilleure efficacité. On aura peut-être moins fait attention à la référence au devoir, - et c'est là un petit test pour le lecteur quant à son son niveau de contamination par la pensée dominante -, qui vise à magnifier l'acte de voter, tout en le rendant indiscutable - un devoir se discute-t-il ? -.
Ce renforcement moral massif du rappel au vote se justifie absolument compte tenu du caractère central de l'élection dans notre régime politique représentatif. Et c'est ce puissant volet moral qui fait voter plutôt que s'abstenir, tous ceux qui ne se reconnaissent dans aucune des équipes électorales en compétition. Les uns votent par défaut pour un parti censé représenter leur orientation politique, les autres votent blanc mais l'essentiel est sauf : ils restent de bons citoyens à leurs yeux car ils ont participé à la vie politique. Aucun ne perçoit son conformisme social-politique, sa soumission à l'injonction morale de voter qui le ramène dans le cadre prévu alors qu'il était en bonne voie de commencer à questionner le système électif. Telle est la raison pour laquelle notre régime politique épuisé tient encore debout, régulièrement légitimé par des participants bien conditionnés.
Questionnons donc notre système électif, et partant notre régime politique puisqu'ils se confondent.
Notre système politique dit représentatif (j'élis une personne qui agit et parle en mon nom dans les différents organes du pouvoir, conseil municipal, général, régional, assemblée nationale) se présente comme démocratique sous prétexte qu'il repose sur le suffrage universel. Il est en fait dès son invention en 1789, un système oligarchique (l'oligarchie est le gouvernement d'un petit nombre). Il organise la mise à l'écart du peuple par l'élection au cours de laquelle chaque citoyen abandonne sa précieuse petite parcelle de pouvoir de gouverner au profit de professionnels de la politique – la politique est une activité qui ne constitue en rien un métier et ne demande pas de compétences particulières – en cheville avec les élites économiques.
Nos représentants font donc ce que bon leur semblent conformément au pouvoir que leur donne la constitution, oubliant en chemin l'intérêt général et le peuple qu'ils sont censés représenter, pour enfin lui faire supporter les diverses conséquences de leurs décisions. Ils ne jugent pas nécessaire de lui demander son avis - sauf cas rarissime d'un référendum, même s'il est désormais un scrutin décoratif depuis celui du traité de la constitution européenne en 2005 - car ils savent en toutes circonstances ce qui est bon pour lui. Ils produisent du même coup un rejet de la politique qui alimente l'extrémisme politique. La maxime populaire qui veut que l'on n'est jamais mieux servi que par que soi-même se vérifie ici encore.
Pour changer de système, - c'est bien le système qui est concerné car nos élus ne sont que des individus ordinaires se comportant comme les institutions les y incitent - et pas uniquement de numéro de république, une assemblée constituante doit être convoquée sans délai, dont la tâche sera d'écrire une nouvelle constitution. Ses membres, les constituants, doivent être tirés au sort, car c'est le procédé permettant d'obtenir une assemblée de rédacteurs présentant une similitude avec le peuple - un peuple en miniature -. Ils rédigeront alors un texte dans l'intérêt du peuple tout entier et non dans l'intérêt particulier des élites politiques et économiques comme ce serait le cas avec une constituante élue.
Les constituants, conscients que le temps de la démocratie véritable est venu, proposeront logiquement au peuple de nouvelles institutions réellement démocratiques, dont le principe central sera celui du peuple qui gouverne (et non pas du peuple soi-disant souverain mais en fait impuissant car dépossédé de son pouvoir) afin qu'il puisse désormais gérer ses affaires lui-même dans le sens des ses intérêts. Le texte articulera sans doute dans cette optique divers outils et procédures tels que :
Le tirage au sort pour l'égalité, l'impartialité et la sérénité en politique,
La rotation rapide des charges publiques, non cumulables ni renouvelables pour contrer les multiples effets néfastes des états contraires, mais aussi pour permettre la participation du plus grand nombre - Le nombre des charges serait aussi grandement augmenté dans ce but. -
Pour le cas où des représentants subsisteraient dans la nouvelle organisation, la révocation serait instituée, ainsi que la reddition de comptes et le contrôle.
Le temps est donc aussi venu de faire honneur à Etienne de la Boétie qui depuis 1549 (mieux vaut tard que jamais) nous invite à cesser de participer pour ne pas entretenir notre servitude.
Nous invitons ainsi tous les citoyens, fort de tout ce qui à été écrit ci-dessus, à s'abstenir de voter à l'occasion des prochains scrutins jusqu'à l'avènement d'un régime pouvant être qualifié de démocratique et que nous nommerons naturellement la 1ere république démocratique française. En lieu et place du vote, nous les invitons à écrire au ministère de l'intérieur, pour lui faire part de leur abstention en détaillant les raisons de leur dissidence politique (lettre type). Nul besoin de recourir à la pensée comptable pour tenter d'évaluer l'efficacité d'une telle campagne. C'est l'acte symbolique de sédition qui importe, cette germination qui s'est opérée en eux et dont on pressent qu'elle aura lieu ailleurs en grand nombre, indiquant qu'ils sont en chemin pour récupérer leur pouvoir et le conserver.
Soyons donc « Tous dissidents en 2014 » et ouvrons la porte à un avenir démocratique où nous déciderons ensemble de ce nous voulons faire de notre monde en voie de désintégration. Mille solutions existent et depuis fort longtemps pour construire un monde meilleur, débarrassé de la domination, de la compétition généralisée, de l’addiction à la consommation, toutes choses qui nous oppressent gravement en nous promettant le pire des mondes, bien qu'elles soient présentées comme inévitables et/ou souhaitables par les pouvoirs politiques et économiques dirigeants.
Campagne « Tous dissidents en 2014 »
Sur le site http://Objectifdemocratie.org
37 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON