Pourquoi faire simple quand on peut faire con ?
Repenser les cours d’éducation civique à l’école pour favoriser l’émergence d'une éthique française du XXIe siècle.
« Effarante interview de Peillon dans le JDD : "redressement intellectuel et moral", mot pour mot l'appel du maréchal Pétain le 25 juin 1940 »
Ceci est un tweet de Luc Chatel, ex-ministre de l’éducation.
« Je ne sais pas quoi vous dire, je suis un peu désolé qu'il ait fait ça, pour lui... Toute ma tradition est le Conseil national de la Résistance »
C'est la réponse de Vincent Peillon qui explique aussi que la morale laïque ne doit s'apparenter ni à l'« instruction civique », ni à l'« ordre moral, c’est tout le contraire ». Allons bon, c’est le contraire. C’est le désordre immoral alors ?
« Le but de la morale laïque est de permettre à chaque élève de s’émanciper, car le point de départ de la laïcité c’est le respect absolu de la liberté de conscience. Pour donner la liberté du choix, il faut être capable d’arracher l’élève à tous les déterminismes, familial, ethnique, social, intellectuel, pour après faire un choix. Je ne crois pas du tout à un ordre moral figé. Je crois qu’il faut des règles, je crois en la politesse par exemple ».
Ah d’accord ! Il faut que les enfants soient libres d’avoir le choix de dire bonjour et merci au delà de tous les déterminismes auxquels ils pourraient être confrontés. Non ? Ce n’est pas ça non plus ? Pourtant je paraphrase là ? Bon d’accord, d’accord… j’ai rien compris, mais en tout cas ça suffit à déclencher une nouvelle polémique médiatique ping-pong entre les gentils et les méchants. Mais cette fois, ce sont les socialistes qui sont pétainistes… Oh la la ! Je suis perdu moi !
Bon, Monsieur le Ministre, il va y avoir un cours de plus, mais que mettez-vous dedans ?
« Je vais nommer une mission de réflexion qui devra préciser la nature de cet enseignement. Je pose trois objectifs : qu’il y ait une cohérence depuis le primaire jusqu’à la terminale ; que cet enseignement soit évalué ; qu’il trouve un véritable espace. Je souhaite que dans la formation des enseignants, dans les écoles supérieures de l’éducation et du professorat que nous mettrons en place à la rentrée 2013, les questions de morale laïque soient enseignées à tous les professeurs. »
Ah, fallait le dire ! Une commission ! Ceci dit, une cohérence à travers les cycles, une évaluation, un espace dans l’emploi du temps, une formation des enseignants…. Mais dites-moi, ca ne serait pas tout ce qui manque aujourd’hui à l’INSTRUCTION CIVIQUE ?
Oui je sais, c’est différent comme vous dites, mais prétendons juste une minute que nous refusions le choix, pourtant très tentant, de faire compliqué et choisissions plutôt d'essayer de faire à peu près simple. Une fois n'est pas coutume, je m’engage sur un terrain que je ne connais pas très bien, donc je ne me permettrais pas de discuter du fond des programmes. Je m’en tiendrai à communiquer le lien vers des éléments que j’ai trouvé sur le portail national des ressources en histoire-géographie et éducation civique, qui me font dire que les programmes sont intéressants sur le papier, et que l’idée que Monsieur Peillon se fait de la « morale laïque » pourrait peut-être s’intégrer dans une mise à jour de ce qui existe déjà....
Concentrons-nous plutôt sur quelques caractéristiques de l’enseignement de l’éducation civique au collège et au lycée :
Au collège :
- programmes créés au début des années 1990
- intégré à l’histoire-géographie
- une heure par semaine
- épreuve écrite au brevet des collèges : à partir de 2013 les trois disciplines histoire-géographie - éducation civique sont désormais obligatoirement traitées par l'élève au lieu d'une discipline au choix entre l'histoire et la géographie
Au lycée :
- les programmes d’éducation civique, juridique et sociale (ECJS) ont été rédigés de 1998 à 2000
- indépendants de l’histoire-géographie, enseignement assurées par des professeurs volontaires de différentes disciplines ; dans la pratique, il s’agit majoritairement des professeurs d’histoire et géographie
- deux heures par quinzaine
- intégrée à l’histoire–géo dans les lycées professionnels et non-enseignée dans les séries technologiques en classe terminale
- pas d’épreuve au bac (sauf bac-pro, intégrée à l’histoire–géo)
J'ai toujours eu l'impression qu'il y avait un paradoxe : tout le monde reconnait le caractère essentiel et incontournable des valeurs de notre République, tout le monde est persuadé que les choses vont en se dégradant et que les plus simples règles de vie en société sont bafouées au quotidien, mais personne ne semble vouloir se rendre compte qu'une réflexion profonde sur les méthodes d'enseignement de l’éducation civique pourrait devenir un outil puissant pour favoriser l’émergence de l’éthique française du XXIe siècle (l’éthique et la morale sont les sujets du moment, je n'avais pas complètement tort la semaine dernière...).
Voila exactement ce que je n'ai pas fait : avoir une réflexion profonde. Mais ça ne m’empêche pas d'essayer de mettre un peu de bon sens, pas très polémique vous allez voir, au service de quelques idées simples d’amélioration.
- Moderniser le programme : datant de 10 ou 20 ans, avant 9/11, avant la révolution numérique, avant la crise écologique, la crise économique mondiale, la crise Européenne, la révolution arabe, les questions sur le mariage pour tous... combien de nos valeurs ont été bousculées ou remises en question !
- Créer de l'espace pour cette formation : d'abord dans les emplois du temps des enfants. Il ne faut pas être irréaliste, disons par exemple : une heure par semaine au collège, comme maintenant, mais au lieu de deux heures par quinzaine au lycée, on pourrait envisager d'alterner des semaines avec une heure et des semaines avec deux, de manière à avoir une continuité (six heures dans le mois plutôt que quatre). Evidemment, valable pour tous les lycées et classes, à moins que l'on m'explique que les lycéens en série technologique ou pro ne sont pas des citoyens comme les autres. Ensuite, on aurait une formation pour les enseignants et même la création de postes de professeur d’éducation civique avec une possibilité de reconversion immédiate pour les profs actuels d'autres disciplines. Plus de volontaires ou de profs d'histoire-géo.
- Evaluer la formation : évolution positive au brevet en 2013 (il était temps !), il faut maintenant une épreuve au bac ! Sinon, tout le monde s'en fichera toujours...
- Intégrer la citoyenneté à la vie quotidienne : l’école ne peut pas être responsable de tout. Les parents doivent donner l'exemple et être impliqués dans l'enseignement et les activités, quitte à organiser des projets qui les fassent venir dans les établissements travailler avec leurs enfants. Encore mieux, en partenariat avec leur commune, les associations culturelles et professionnelles, la justice, les collectivités locales, les institutions de la République... Chaque établissement pourrait davantage collaborer localement, et s'inscrire dans des partenariats pluridisciplinaires pour soutenir des projets citoyens. Ces projets libres et sous la responsabilité des profs d’éducation civique, du chef Etablissement et pourquoi pas d'un groupe de délégués de classe par exemple (première pierre de la représentativité...), pourraient être présentés et/ou mis en application chaque année dans le cadre d'une « semaine nationale de l’éthique citoyenne » ...
OK, ça y est, me voila dans les cordes. J’espère que vous voyez ou je veux en venir : venir dire « redressement intellectuel » et « morale laïque » sans vraiment donner des pistes concrètes parce que l'on doit d'abord discuter en commission... c'est con.
J'aurais voulu dire maladroit, mais je redis con parce que ça donne l'occasion à une nouvelle polémique inutile et ne rend pas service au projet au final. Cette idée, dans d'autres termes, avait été proposée par Luc Chatel il y a un an, et la droite n'avait pas de problème avec à cette époque. Je me demande parfois si les socialistes sont arrivés au pouvoir avec un plan quelconque...
Nous avons aujourd'hui des cours d’éducation civique. Le site de l’éducation Nationale dit :
« l’instruction civique et morale à l’école primaire repose sur deux fondements : d’une part, l’apprentissage des règles de la vie en société, du respect de soi-même et des autres, enfants et adultes, d’autre part, la découverte et la connaissance des grands symboles de la république, des principes d’organisation de la vie politique, des traits constitutifs de la nation française et de la place de l’Union européenne ».
Est-il vraiment si impossible d’intégrer la « morale laïque » à ces objectifs pédagogiques ?
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