Pourquoi Hollande doit se représenter
Qui prêtera la parole
A la douleur qui m’affole ?
Qui donnera les accents
A la plainte qui me guide :
Et qui lâchera la bride
A la fureur que je sens ?
Joachim Du Bellay « La complainte du désespéré »
Beaucoup au PS prennent argument de ce que la Gauche pourrait être absente au second tour des présidentielles pour envisager de substituer à Hollande un candidat supposé vierge de compromissions et capable d’entraîner l’adhésion.
Si l’on adhère à cette hypothèse au demeurant assez osée que le PS si situe encore à Gauche (pour ce qui me regarde, c’est un exercice auquel je me contrains difficilement ), il n’en demeure pas moins que le propre d’une élection présidentielle, c’est que la majorité sortante défende son bilan que contestent ses challengers.
Alors on voit mal au nom de quelle virginité retrouvée on épargnerait à un substitut éventuel de Hollande l’obligation, j’ajouterais, le devoir d’en assumer la charge.
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Dans la logique d’une candidature hors appareils, Mélenchon lors de la Convention des Insoumis du 15 octobre à Saint-André-lez-Lille a renoué avec les formes athéniennes de la démocratie dans la cité.
Certes à Athènes, le peuple appelé à délibérer se limitait à ceux qui avaient la citoyenneté, les hommes libres nés d’un père athénien, cela excluait une grande partie de la population, les barbares ( étrangers ), les femmes , les esclaves.
La démocratie athénienne – avec les restrictions évoquées plus haut – se fondait sur la participation de tous les citoyens invités à prendre part aux débats publics et à peser sur les décisions.
Comme à toute administration, il faut des agents chargés de mettre en œuvre le fruit des délibérations, le système athénien garantissait par le tirage au sort une participation équitable des citoyens à l’exercice du pouvoir et aux fonctions publiques.
Les deux tiers des participants à la Convention des Insoumis ont été désignés par tirage au sort dans la liste des milliers de personnes qui ont adhéré au projet de Mélenchon.
Et les diverses commissions ont donné ainsi le pouls de cette partie de la France déçue et qui ne se résigne pas à subir.
Certes le recensement des états d’âme ne constitue pas un programme et nul ne sait ce qui va sortir de ce gigantesque « brain-storming « de toute manière déjà moqué par la France qui sait, celle qui est tellement apte construire le bonheur des gens qu’elle échappe à tout contrôle comme une voiture folle qui verse dans le bas-côté de la route : c’est l’état de la route, le mauvais état des pneus laissé par le propriétaire précédent mais jamais l’incompétence du conducteur qui est en cause : lui reste blindé dans ses convictions et si les faits sont têtus, tordons-leur la tête
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Qui mieux que Hollande est légitime pour la défense de son quinquennat, qui mieux que Hollande peut expliquer aux Français l’origine des contraintes qui l’ont forcé à tous ces errements qui lui valent aujourd’hui de hanter les abysses de l’impopularité, certainement pas ceux-là mêmes qui l’ont accompagné dans sa dérive droitière, qui ont été complices des trahisons ou des renoncements.
Il y aurait quelque forfaiture à vouloir échapper à la sanction du jugement populaire et cela n’est pas seulement valable pour le chef mais vaut aussi pour les lieutenants qui seraient de toute manière confrontés à leurs responsabilités quinquennales, à quelque niveau qu’elle se situassent.
La Constitution de la Ve est articulée sur la rencontre d’un homme et de son peuple et cet homme doit à l’issue de son mandat répondre de ses actes devant le peuple, ce serait faire litière de toute logique institutionnelle que de se défausser à l’heure des comptes.
« La nature, qui a voulu que chaque peuple fût l’arbitre de ses lois, l’a rendu également l’arbitre de son bonheur « écrivait Condorcet :
Hollande qui a incarné cette recherche du meilleur ( ou du moins pire ) doit avoir le courage moral, la rectitude intellectuelle de se présenter devant les Français pour illustrer et défendre son action.
Contrairement au bilan de Nicolas Sarkozy dont on ne retiendra que les imprécations, Hollande n’a pas entièrement raté le sien : la loi sur le mariage pour tous, que Madame Taubira a défendue avec talent et fait voter, est une avancée majeure et les dents qui grinçaient se sont largement émoussées : personne n’imagine un seul instant que cette avancée sociétale majeure pourrait encore être remise en question.
Même si sa contestation sert encore d’attrape-nigauds pour permettre à certains de capitaliser les maigres suffrages des irrédentistes, elle est gravée dans le marbre, sauf révolution culturelle pas à l’ordre d’un jour prévisible !
Alors je trouve pathétique de voir s’organiser des primaires au sein du parti socialiste, d’abord pour asseoir la légitimité de Hollande ( alors qu’elle coule de source dans la cinquième république ) et maintenant pour l’évincer : ses « amis « ne se grandissent pas en crachant sur celui qu’ils ont adoré dont ils fustigent la nocivité comme si eux s’étaient opposés au grand sachem.
Et le vainqueur de ces primaires de la honte ( au sens propre et figuré ) n’a aucune chance de faire oublier l’impopularité de cette majorité qui n’a pas répondu collectivement aux attentes de ceux qui les ont installés dans les travées du pouvoir.
Le naufrage sera collectif et les faux-semblants, les simulacres n’y changeront rien.
Seul Macron qui se situe habilement hors sol est encore susceptible, bien que j’en doute, de faire oublier sa complicité active en chantant la partition des remords et des regrets.
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