Pourquoi l’Islam semble menacer la France
La France ne sait plus d'où elle vient, ni où elle va, elle est prise dans les rets de la modernité. La France s'est livrée à l'arbitraire d'une époque qui n'a pas de sens, qui ne pouvait pas en avoir et qui ne saurait en avoir. La crise terminale du système est bien commencée (depuis l'Automne 2008), la France est maintenant ballottée dans la cale du navire qui sombre, les puissances d'argent nous relèguent dans cette partie lugubre du navire-modernité. La France rompue à la modernité anglo-américaine est frappée d'amnésie, l'histoire n'était qu'une erreur, elle-même résolue par le technologisme prométhéen et la libération des mœurs. Il me faut me tourner vers l'intellectuel de l'ombre Philippe Grasset pour trouver le concept d'ellipse catastrophique, l'on quitte alors le domaine des opposants au système formatés – malgré leurs qualités – politiciens, économistes ou dissidents de telles ou telles chapelles. L'ellipse catastrophique, c'est le virage décisif du monde occidental, à partir de la révolution française et de la révolution de la thermodynamique, vers une situation dont il [l'occident] ignorait encore la forme. Nous sommes arrivés au bout de l'ellipse, l'Islam et ses « affidés » de la France des minorités précaires sont l'exutoire facile pour rationaliser l'effondrement...
La psychologie qui a créé la modernité veut expliquer la crise de la modernité.
Pour la majeure partie des Français, le standard de vie à l'occidental est l'Idéal que le reste du monde (expression sophiste et inversée mais récurrente) devrait chercher à atteindre à force de développement. Une expression occidentaliste parle même de « pays en voie de développement ». On devrait retirer leurs diplômes scolaires et universitaires à ceux qui trouvent sensé ce langage condescendant et rationaliste. Les pays développés – ayant un PIB par habitant très élevé – étant à la remorque du dumping social dans les pays émergents ou sous-développés, le prix de la modernité nous apparaît dans toute sa violence ; celle qui affecte les malheureux d'Asie, d'Afrique et d'ailleurs et qui nous fait monter sur nos grands chevaux humanitaristes. Les causes évidentes du désastre de l'ellipse catastrophique ont été délocalisées, les autres sont devenus des sous-développés, l'équilibre étant l'occident, le problème c'est le manque de dé-ve-lo-ppe-ment. L'occidentalisme s'est alors bâti une chapelle à visage humain, l'humanitarisme idéalisant le mode de vie à l'occidentale, dispendieux en tout (énergivore et destructeur), à la face des pauvres du monde.
La modernité est une veulerie que l'essayiste Eric Zemmour exprime de cette manière : « Les droits de l'homme ont remplacé les Saintes Écritures », dans le même style on trouve « Comme le chrétien se prépare à la mort, le moderne se prépare à la retraite » de Charles Péguy. Ce n'est pas s'opposer à la liberté individuelle que de dire cela, c'est surtout le paroxysme du droitdel'hommisme dans la seconde moitié du XXe siècle, mué en consommation frénétique et en hédonisme honteux, qui démontre le non-sens de la modernité et son penchant vers le [i]rien[i]. Il y a eu les germes dans la France de mai 68 les éléments de son déclin, ces éléments étaient les conditions d'un bref moment d'égarement estampillé « liberté ». Les Français ne l'avaient pas compris 40 ans plus tôt à l'instar des enfants qui voulaient des bonbons, mais pas des caries. En 2014, les rhétoriques rationalistes s'amoncellent pour expliquer le pourquoi du comment. Tantôt les sionistes, plus vaniteux qu'autre chose, sont au départ du mal, tantôt, on découvre ébahis que le capitalisme est mauvais (surtout lorsqu'il nous affecte), mais surtout l'Islam s'insinuerait de toute part, une sorte de Blitzkrieg mahométane menacerait la France.
Ainsi, on tente d'expliquer l'effondrement général de la France d'une manière qui n'égratigne pas trop la France privilégiée et embourgeoisée de la modernité. La cohésion sociale détruite par l'anglo-américanisme et son cortège d'avilissements individualistes ainsi que par d'autres phénomènes sur lesquels nous reviendront possède une explication à ses déboires, l'Islam et ses « petits soldats » oisifs de la France d'en bas.
L’esprit rationaliste et religieux des Anglo-américains
Dieu comme caution de la jeune nation, « In God We Trust », la Providence avait dirigé son faisceau de lumière sur les Etats-Unis, les autres devaient se partager quelques étincelles qui jaillissaient ci et là. La mystique rationaliste des Américains est inconnue des Français, elle explique cependant bien des choses, elle est très ancrée dans la pseudo-nation États-unienne. Lorsque les colons britanniques chassaient les autochtones, on s'autorisait à liquider les non-chrétiens amérindiens à grands renforts d'une rhétorique déculpabilisante. C'était une nouvelle étape du rationalisme protestant hérité de la Réforme. Par la suite, on en connaîtrait des vertes et des pas mûres. À trop vouloir singer les Anglo-américains sans connaître leur mentalité, les Français se livraient à l'acculturation.
Un discours pompeux de Benjamin Franklin – cité par Max Weber dans [i]l'Ethique protestante et l'esprit du capitalisme[i] – annonçait la couleur de l'industrialisme et de l'utilitarisme du XIXe siècle :
« Souviens-toi que le temps, c'est de l'argent. Celui qui, pouvant gagner dix shillings par jour en travaillant, se promène ou reste dans sa chambre à paresser la moitié du temps, bien que ses plaisirs, que sa paresse, ne lui coûtent que six pence, celui-là ne doit pas se borner à compter cette seule dépense. Il a dépensé en outre, jeté plutôt, cinq autres shillings.
Souviens-toi que le crédit, c'est de l'argent. Si quelqu'un laisse son argent entre mes mains alors qu'il lui est dû, il me fait présent de l'intérêt ou encore de tout ce que je puis faire de son argent pendant ce temps. Ce qui peut s'élever à un montant considérable si je jouis de beaucoup de crédit et que j'en fasse bon usage.
Souviens-toi que l'argent est, par nature, générateur et prolifique. L'argent engendre l'argent, ses rejetons peuvent en engendrer davantage, et ainsi de suite. Cinq shillings qui travaillent en font six, puis se transforment en sept shillings trois pence, etc., jusqu'à devenir cent livres sterling. Plus il y a de shillings, plus grand est le produit chaque fois, si bien que le profit croît de plus en plus vite. Celui qui tue une truie, en anéantit la descendance jusqu'à la millième génération. Celui qui assassine (sic) une pièce de cinq shillings, détruit tout ce qu'elle aurait pu produire : des monceaux de livres sterling. » Etcétéra, etcétéra, etcétéra...
Tout ceci au nom du Christ Sauveur. Il serait épouvantable pour beaucoup d'Américains de s'entendre dire que ce n'est pas le Christ, mais Mammon qui est le guide de leur système capitaliste. Il y a dans la mentalité des Américains un [i]ethos[i] de l'absence de culpabilité, une mystique faite d'une bouillie pour les chats, un rationalisme qui prend ses libertés avec les paroles du Christ, au final quelque chose qui doit immanquablement se terminer dans le chaos. Ce chaos aura à n'en pas douter le droit à son explication rationaliste.
Mais quel rapport de la psychologie protestante avec la France ? Ici dans l'hexagone, on n'a pas pour habitude d'invoquer la volonté ou la bénédiction de Dieu pour expliquer nos actions et comme le rapport à l'argent est dénué de superstition religieuse, nous rationalisons autrement. Lorsque la violence de la prédation capitaliste est insupportable, on verse dans le discours socialiste ou populiste, il n'y a aucune échappatoire pseudo-mystique. La plus infime ombre spiritualiste (ou soi-disant) devient une menace contre une France avachie dans l'hédonisme, ainsi l'Islam devient un ennemi de la France libéral-libertaire. On parle de catholiques intégristes (pléonasme), ainsi la France est livrée aux railleries silencieuses des musulmans qui eux ont bien compris la contradiction entre intégration et absence de cohésion sociale (blasphème de Dieu par les athées, hédonisme, individualisme).
Alors que les Américains se sentent bénis par le Christ, en raison de leur réussite économique et technologique inédite dans l'histoire, – au point que le président Truman qui donna l'ordre d'atomiser le Japon fut selon les sources le plus religieux de l'histoire des Etats-Unis, comprenons par-là, un messianiste qui se voyait en mission – la France n'a rien de tout ça et assume sa trajectoire dangereuse post-soixante-huitarde sans justification religieuse. C'est là que l'Islam semble menacer la France, mais quelle France !
L’Athéisme et le dédain pour l’immatériel
La France est en très bonne place dans le classement des pays avec un athéisme fort, selon un sondage réalisé en 2012 par [i]Win-Gallup[i] International, on trouve le rapport de France suivant en France : 29 % d'athées convaincus, 37 % de religieux et 34 % de non-religieux. La fille aînée de l'Église manque le podium d'une marche et se place derrière des pays « mécréants » comme la Chine – qui a l'excuse de la révolution communiste de 1949 et du PC chinois, – le Japon – qui a pris deux bombes très sales sur la tête, – et la République Tchèque dont je ne connais pas vraiment l'histoire. Le sondage de [i]Win-Gallup[i] est lacunaire puisqu'il ignore la croyance en une intelligence supérieure hors religion, de plus en plus de Français préfèrant le syncrétisme spirituel aux religions traditionnelles. Cette inclination vers la mystique « orientale » (mondiale dans l'antiquité tardive) n'exclut pas l'amour des valeurs chrétiennes et autres. Les déistes, théistes, newagistes (New Age), bouddhiste et autres croyants en des forces immatérielles ne sont pas à considérer comme athées, il n'est pas très sérieux de croire l'inverse.
Il existe en France une hystérie laïcarde féroce, cet enfouissement permanent de la religion du Christ ne renforce pas la cohésion sociale en France mais la désintègre, chacun ne croyant plus qu'en son intérêt pécuniaire et blasphémant quiconque parle de sacrifier le temporel à l'intemporel (Exemple : s'abstenir de forniquer). Toutefois dans un pays où l'on roule des yeux à l'évocation du seigneur Jésus Christ on ne peut pas réellement s'en étonner. Une telle situation en France n'échappe pas aux musulmans, qui malgré leurs tentations souvent franches pour l'hédonisme, n'ont pas à combattre pour combler le vide post chrétien. Charles De Gaulle lui-même clamait qu'il écrivait les dernières pages de l'histoire de France, il est donc stupide de parler d'intégrer correctement des populations étrangères, à un corps social qui n'a plus aucune cohésion éthique. En 1966, la loi du 11 germinal an XI relative aux prénoms des bébés à la naissance est cassée, on put alors s'appeler Aruna et pas seulement Clément ou Louis, c'était un pas de moins vers l'assimilation, peu de gens avaient compris les conflits qu'impliqueraient la fin de l'assimilation (plutôt spirituelle) au profit de l'intégration (plutôt terre-à-terre, professionnelle, scolaire, etc), mais « tout allait mieux avant », la puissance émolliente du progressisme et du consumérisme s'insinuait dans l'hexagone, on était insouciants, « Dieu est mort. ». 3 - 0 pour l'Islam (second degré)
Le mot de la fin
L'influence de l'Islam en France est surestimée par des politiques et activistes démagogues, et si cette religion semble si forte c'est parce que les chrétiens sont « à genoux », en voie de disparition, envolés, ou alors intimidés par les laïcards – qui devraient se renommer antireligieux. – S'il y a une menace contre la France, c'est celle du système tentaculaire de la cupidité et de la corruption mondialisée dont les Français (je me mets un peu dans le lot pour être équitable) chérissent aveuglément les causes. Cette situation de veulerie généralisée n'est pas récente, mais se termine en cul-de-sac dans cette décennie. Nous sommes maintenant au terme de l'ellipse catastrophique, il faut un coupable pour expliquer la déchéance de la France, il faut que l'ombre menace « la lumière » (la vessie, pas la lanterne). Chacun voit de la lumière où il veut.
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