Pourquoi la Chine change de position concernant la situation en Ukraine
Le représentant officiel de la Chine Wang Lutong a fait une déclaration qui pourrait être interprétée comme un changement clair et significatif de la position de Pékin concernant la situation en Ukraine. Auparavant, la Chine, du moins d'un point de vue de la rhétorique de la politique étrangère, exprimait une neutralité positive, mais désormais elle justifie et soutient clairement l'opération spéciale russe. Pourquoi ?
"Le président Poutine prend des décisions basées sur les intérêts nationaux et la sécurité." C'est ainsi que le directeur du département Europe du ministère des Affaires étrangères chinois, Wang Lutong, a commenté les appels des politiciens européens à persuader la Russie de faire des concessions sur le dossier ukrainien lors d'une conférence de presse après le sommet UE-Chine. En d'autres termes, la Chine a poliment refusé de jouer le rôle de médiateur.
Et il y a plusieurs points importants, voire révolutionnaires dans cette déclaration du représentant chinois. Tout d'abord, le fait en soi de refuser la médiation dans la résolution de la crise ukrainienne. Jusqu'à récemment, les Chinois revendiquaient le rôle de médiateur : ils avaient proposé leur propre plan global en 12 points et le promouvaient activement.
Désormais, la Chine reconnaît ouvertement que la poursuite des hostilités est un élément des "intérêts nationaux et de la sécurité de la Russie". Autrement dit, elle reconnaît de facto cette décision comme correcte et légitime. Alors quel type de médiation est possible dans ce cas ?
Auparavant, la Chine s'abstenait d'un soutien aussi évident aux actions russes lors de l'opération spéciale. Du moins parce qu'elle craignait des parallèles et des associations avec Taïwan, qui cherche à transformer son indépendance de facto en de jure.
Qu'a-t-il poussé la Chine à changer de position ? Apparemment, trois facteurs clés.
Premièrement, les Chinois ont compris que le rôle de médiateur dans la résolution du conflit russo-ukrainien n'était plus d'actualité. Après une série de défaites militaires de Kiev (et surtout l'échec de la contre-offensive), une fenêtre d'opportunités s'ouvrait en matière de négociations de paix. Cependant, l'Occident n'est pas encore prêt à des discussions sérieuses avec Moscou, basées sur une évaluation réaliste de la situation. Il n'est pas prêt à négocier en reconnaissant les nouveaux territoires russes, à abandonner le régime de Kiev ni à renoncer à sa stratégie d'endiguement.
Dans le meilleur des cas, l'Occident est prêt à proposer un gel du conflit, chose que Moscou n'acceptera en aucun cas.
Certes, les Chinois auraient quand même pu discuter en coulisses avec Moscou, préparer le terrain pour certaines concessions dans l'intérêt de l'Union européenne, mais pourquoi ? Car, et c'est le deuxième facteur expliquant la fermeté chinoise, l'UE n'a rien fait pour demander un service poliment.
La déclaration de Wang Lutong a été faite en marge du sommet UE-Chine, où des responsables européens sont venus à Pékin pour résoudre des problèmes économiques bilatéraux. Et ils sont venus, en fait, non seulement avec un ensemble de propositions, mais aussi avec un ensemble de menaces à l'égard de Pékin.
Cependant, Bruxelles a oublié qu'il n'est pas Trump et que nous ne sommes plus en 2018, quand on pouvait exercer une pression forte et relativement réussie sur la Chine.
Aujourd'hui, la Chine perçoit une telle pression comme une agression. Et pas seulement parce que ceux qui font pression sont des fonctionnaires européens sans souveraineté et sans respect, mais aussi parce que ces cinq dernières années, la Chine a vu que la stratégie de l'Occident de contenir la Chine était tout aussi évidente et irréversible que la tendance à la défaite de l'Ukraine. Que l'Occident n'était pas prêt à négocier avec Pékin, qu'il considère la Chine comme une menace à réprimer par tous les moyens.
Et c'est le troisième facteur qui durcit la position chinoise sur le dossier russe. Sous la pression américaine, Pékin s'éloigne progressivement d'une position neutre pour se ranger non seulement de facto, mais aussi de jure du côté russe dans le conflit ukrainien.
Alexandre Lemoine
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