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Accueil du site > Tribune Libre > Pourquoi la droite perd la bataille des idées ?

Pourquoi la droite perd la bataille des idées ?

 

Se demander pourquoi la droite perd la bataille des idées peut avoir quelque chose d'incongru, au regard des récentes victoires des populismes de droite. Pourtant, sur le temps long, l'agenda de la gauche au sens large n'est jamais que provisoirement inquiété par les cycliques accès de conservatisme des nations occidentales.

Ces périodes de conservation – réactionnaires à leur marge – ne sont en réalité que des phases de digestion, le temps que le corps social assimile le nouveau régime imposé par l'avant-garde libéral-libertaire. Aussi, le combat des réaco-conservateurs est-il perdu d'avance. Leur sursaut manque de vigueur, comme de radicalité. Pire : il fait partie intégrante du système idéologique qu'il prétend combattre. Après tout, c'est là la fonction historique des conservateurs : jouer les garde-fous, tempérer l'ardeur et calmer l'hubris des « progressistes » – et, a fortiori, de tous les utopistes d'extrême-gauche.

Il est de bon ton, chez les neo-réacs, de citer Albert Camus, qui écrit : « Chaque génération, sans doute, se croit vouée à refaire le monde. La mienne sait pourtant qu’elle ne le refera pas. Mais sa tâche est peut-être plus grande. Elle consiste à empêcher que le monde se défasse  ». Hans Jonas prolonge cette pensée, avec son « Principe responsabilité », appelé à remplacer le « Principe espérance ». Car les conservateurs apparaissent avant tout comme des rafistoleurs, colmatant les brèches du navire Occident pour, malgré eux, laisser aux « progressistes » le monopole du gouvernail.

Les conservateurs aiment faire remarquer que, privée des institutions conservatrices qui lui servent de liant, une société radicalement libérale finirait par se dissoudre. Or, si le conservatisme est effectivement nécessaire, il n'est jamais qu'une base de départ, à partir de laquelle doit se construire un projet anthropologique et civilisationnel. Les conservateurs entretiennent la superstructure, tandis que les progressistes modèlent l'infrastructure – et, par conséquent, l'avenir. Jean Clair compare – en s'en félicitant – l'activité des premiers à celle du « conservateur de musée  ». Cette image est exacte, mais désespérante : elle signifie que les conservateurs se condamnent à préserver l’œuvre de leurs adversaires. Ou, comme le dit Chersterton : « l'affaire des progressistes est de faire des erreurs ; celle des conservateurs est d'empêcher les erreurs d'être corrigées. »

Cette fonction conservatrice est par ailleurs utile aux progressistes. Sans cette régulation, leur « révolution anthropologique » déraillerait, la société se cabrant, réclamant une politique franchement réactionnaire – pour un temps. Conjurer ce scénario suppose de procéder par petites touches : les conservateurs s’en assurent. Ils agissent ainsi en idiots utiles des progressistes ou, pour choisir une formule plus flatteuse, en agents régulateurs de la révolution libérale permanente.

Fondamentalement, les conservateurs fonctionnent selon un logiciel progressiste, avec l'obsolescence pour marqueur distinctif. Ils sont des Windows 1.0 dans un monde de Windows 10. La philosophe conservatrice Laetitia Strauch-Bonart l'admet sans peine :

« Le conservateur est donc un moderne complexe, travaillé par l'ambiguïté de l'héritage des Lumières. Il se plaît à critiquer la modernité de l'intérieur, comme s'il en était la mauvaise conscience. Pour reprendre les termes d'Antoine Compagnon, c'est un moderne « anti-moderne », « à contrecoeur », « déchiré » ou même « déçu ». »

Pour Strauch-Bonart, le bon conservatisme rejoint forcément la philosophie des Lumières – après tout, les Lumières sont filles du christianisme, donc de la tradition. Aussi s'insurge-t-elle contre cette variante anti-Lumières du conservatisme, qui possède « une dimension idéologique qui dépasse le strict cadre politique ». Elle estime, avec Michael Oakeshott, que le conservatisme doit se limiter à une disposition, à un tempérament. Or, ce faisant, elle refuse que le conservatisme s'offre l'ossature idéologique qui lui permettrait de se battre à armes égales.

En fait, le conservatisme et le progressisme partagent tous deux le même ADN héléno-chrétien. Les progressistes ne font que mettre en oeuvre les derniers développements de ces « idées chrétiennes devenues folles » – qui n'en sont pas moins, comme le remarque Alain de Benoist, originellement chrétiennes. Aussi, la dimension subversive est-elle étrangère au conservatisme, incapable de ne rien inventer : ni horizon nouveau, ni alternative au libéral-libertarisme. Le conservateur rouspète contre le rythme imposé – trop rapide à son goût – mais rarement contre la direction elle-même ; quand bien même il en donnerait l'impression. Car, prendre le passé, proche ou lointain, comme modèle, ce n'est jamais que se rallier aux avancées progressistes, avec des décennies voire des siècles de retard. Aussi, à défaut de voir émerger un véritable progressisme de droite, les prochaines décennies se réduiront, au mieux, à une phase conservatrice. Avant que le flot libéral-libertaire ne reprenne, avec une puissance décuplée.

Rendons toutefois justice aux conservateurs : l'opposition libéralisme/conservatisme renvoie à l'opposition des droits des individus face aux droits de la société – et de l'espèce – à survivre, quand les exigences des premiers mettent en péril les secondes. Or c'est précisément pour garantir cette survie que ceux qui sont attachés à l'Occident doivent ravir aux « progressistes » leur monopole de l'horizon nouveau. Car, comme l’écrit Alain de Benoist : « Du point de vue sorélien […] seule une révolution peut permettre de conserver ce qui mérite de l'être  ».

Si la droite veut avoir son mot à dire dans l'écriture du scénario de l'avenir, elle doit se résoudre à penser l'Homme nouveau. Pour cela, elle doit s'affranchir du logiciel chrétien ; logiciel intrinsèquement de gauche.

 

Romain d'Aspremont, auteur de Penser l'Homme nouveau : pourquoi la droite perd la bataille des idées.

 

https://www.amazon.fr/Penser-lHomme-nouveau-Pourquoi-bataille/dp/1983070254/ref=asap_bc?ie=UTF8


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17 réactions à cet article    


  • gaijin gaijin 14 février 2019 11:57

    parce que la droite n’a pas d’idée .....

    la droite c’est rien : uniquement les gens qui ont le pouvoir et qui veulent le garder ......


    • paulau 14 février 2019 17:32

      @gaijin

      La droite a des idées, mais elles lui font peur.


    • Rantanplan Paracétamol 14 février 2019 12:03

      même si LREM se présentent comme ni gauche ni droite ou au centre, la politique menée par ce gouvernement s’appuyant sur cette assemblée mène une politique de droite comme aucun autre gouvernement précédent depuis 1945 n’avait osé le faire

      si la droite « perd la bataille des idées » (ce qui reste à démontrer), elle gagne les élections, accède au pouvoir et s’y maintient

      une question : les gilets jaunes sont-ils de droite ou de gauche ?


      • Fergus Fergus 14 février 2019 14:56

        Bonjour, Paracétamol

        Très largement d’accord avec votre commentaire.


      • Gilles Mérivac Gilles Mérivac 14 février 2019 17:34

        @Paracétamol
        Pas étonnant qu’en lisant des bêtises pareilles les gens ne savent plus où ils habitent.


      • Fergus Fergus 14 février 2019 19:06

        Bonsoir, Gilles Mérivac

        Qu’est-ce qui vous gêne dans le commentaire de Paracetamol ? Son opinion sur la droite ? Ou sa question sur les Gilets jaunes ?


      • Gilles Mérivac Gilles Mérivac 14 février 2019 19:16

        @Fergus
        Parler de politique de droite dans un pays où la plupart des gens sont assistés et pris en charge durant toute leur vie est une imposture évidente.
        La France actuellement est un pays communiste qui s’ignore, mais tous les ingrédients sont bien là, pensée unique, censure presque totale sur les sujets importants, mépris du peuple de la part des élites et nomenklatura bien établie.
        C’est l’idéologie qui détermine le système, et non la gestion économique.


      • Rantanplan Paracétamol 15 février 2019 09:19

        @Gilles Mérivac

        que pensez-vous de Pinochet ?
        N’en voilà un gars qu’il était bien, hein ?
        Pinochet devait être communiste pûisqu’il correspond à 100% à votre descriptif.


      • Gilles Mérivac Gilles Mérivac 15 février 2019 10:20

        @Paracétamol
        Les totalitarismes se reconnaissent et se rejoignent. Hitler était national-socialiste, la Chine est en parfait accord avec la doctrine mondiale du capitalisme, les totalitaires de gauche reconnaissent en l’islamisme un des leurs, donc ils le soutiennent.
        La caractéristique commune de tous ces régimes, c’est de prétendre que le peuple doit être « éduqué » et dirigé par les élites, qui forment donc une caste. Nous en sommes là, et notre peuple est en train de disparaître à cause de cette idéologie. Et au lieu de prendre en compte ce fait capital, vous faites diversion, c’est lamentable.


      • Rantanplan Paracétamol 15 février 2019 10:22

        @Gilles Mérivac

        PTDR smiley


      • julius 1ER 15 février 2019 18:25

        @Gilles Mérivac
        Sacré Mérivac toujours aussi "vieux con... de Droite bien sûr !!!!


      • Gilles Mérivac Gilles Mérivac 16 février 2019 07:38

        @julius 1ER
        Je vais résumer votre pensée : les gens de droite sont des cons.
        Quelle lumière !


      • Ruut Ruut 14 février 2019 13:44

        Ce qui flingue la Droite c’est son absence de maîtrise de l’économie.

        Le Dogmatisme du Mondialisme Délocalisant Rentable est la gangrène qui plombe la Droite et la Gauche.

        Le Mondialisme Délocalisant n’est rentable qu’a très cour terme mais n’est absolument pas viable dans le temps, faute de clients issus des industries Nationales (Disparues) et de produits de qualité (perdus) pour les ultra Riches.


        • Olivier Perriet Olivier Perriet 14 février 2019 17:16

          Pourquoi la droite perd la bataille des idées ?

          Parce qu’elle réussi à pondre des textes comme celui-là peut-être ?

          Réussir à broder sur un thème la droite sans le définir clairement, c’est faire une démonstration fondée sur du vent.

          En fait on s’en fout d’être « à droite » ou « à gauche ». Y’a le fond qui compte avant, non ?


          • Coriosolite 14 février 2019 20:46

            Bonsoir,

            Avant de parler de « droite » et « d’idées de droite » il aurait été nécessaire de clarifier ces notions. L’auteur a distingué droite libérale et droite conservatrice, c’est un premier pas, mais insuffisant à mon avis.

            Je segmenterai plutôt en « droite situationnelle », ceux qui sont A droite sur le spectre politique, et en « droite d’idées », ceux qui sont DE droite.

            Sont « A » droite, les libéraux, apparus par la gauche au 18ème siècle et rejetés vers la droite par l’apparition du socialisme puis du communisme au 20ème siècle. Et qui vont revenir peu à peu à gauche du spectre politique suite à l’effondrement du communisme et au ralliement de la social-démocratie au libéralisme. Si bien sûr apparait une force « DE droite ».

            Serait « DE » droite, une droite conservatrice dont la doctrine serait structurée par la théorie du « droit naturel » et globalement fondée par la pensée politique classique d’origine aristotélicienne.

            Seulement en France cette droite conservatrice est inexistante, ou du moins n’est incarnée par aucune organisation politique.

            Le thème du conservatisme, peu rentable électoralement car assimilé à une société figée dans le formol, n’est abordé vite fait qu’aux échéances électorales pour donner une vague couche idéologique à des politiciens opportunistes en mal d’idées politiques. Wauquiez en est l’exemple actuel.

            Je souhaite que l’auteur revienne alimenter le débat, et préciser son concept d’ « homme nouveau ».


            • bob de lyon 15 février 2019 08:16

              @Coriosolite

              Homme nouveau ! Là, je commence d’avoir la trouille.


            • Julot_Fr 15 février 2019 11:01

              Comme dit Soral, la droite perd les election car l’oligarchie maconique internationale a mis en place la demonisation de l’aile souverainiste de la droite (le FN... RN). Ainsi divisee, meme en etant majoritaire globalement, la droite ne peut gagner

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