Pourquoi le populisme envahit l’Europe ?
C’est un phénomène qui n’a échappé à personne. Le populisme a le vent en poupe en Europe. Entre l’extrême droite suédoise qui accède pour la première fois au parlement, la politique sécuritaire du gouvernement français, l’avènement du PVV aux Pays Bas et l’affaire Sarrazin en Allemagne, le populisme xénophobe est en train de conquérir l’Europe. J’appelle populisme ce discours électoraliste, xénophobe, jouant sur les peurs et flattant les bas instincts du citoyen. Loin d’être un phénomène nouveau, le populisme sévit habituellement dans les pays en voie de développement n’ayant que peu d’expérience en matière de démocratie. Aujourd’hui le populisme trouve en l’Europe une nouvelle terre d’accueil. Pire, le populisme a l’air de dépasser les partis populistes et de s’immiscer dans les partis traditionnels. La montée en force du populisme n’a pas de cause unique, elle résulte de la conjonction de plusieurs facteurs..
La gauche, la droite et les citoyens partagent la responsabilité de la situation actuelle. Cet article n’a pas la prétention de donner une recette miracle mais seulement des pistes de réflexion.
Les partis traditionnels.
La gauche européenne a sans doute une importante responsabilité dans la situation actuelle. En effet, la gauche européenne n’a pas su se recycler après la faillite du socialisme puis de la social-démocratie. Selon le philosophe italien Raffaele Simone, la gauche se contente de répéter des formule toutes faites, le meilleur exemple selon lui serait le Care (nouveau projet de société du PS) de Martine Aubry, pale copie de l’assistanat des années 1970. La gauche européenne a raté le virage de la mondialisation, de l’individualisme, comme l’atteste le constat suivant : seuls 3 pays, qui plus est en mauvaise posture (Espagne, Portugal, Grece) de l’Union Européenne ont un gouvernement de gauche. Toujours selon Simone, les partis de gauche n’ont plus rien de partis populaires, laissant à la droite le soin d’occuper le terrain. Aujourd’hui le PS en France est plus un réseau d’élus locaux, doublé d’un certain intellectualisme, qu’un parti de masse. Par ailleurs, en restant campés sur des positions d’un autre âge mais aussi en conservant une vision du monde archaïque, beaucoup de partis de gauche ont perdu une grande partie de leur crédibilité. L’analyse des résultats de 2007 le confirme, l’électorat sarkozyste était avant tout un électorat populaire, alors que Ségolène Royal l’emportait largement chez les "professions intellectuelles superieures". La gauche a gardé la plupart de l’intelligentsia mais elle a perdu les masses. La gauche européenne doit absolument se rénover en profondeur, avoir une vision d’ensemble, cesser d’être minimaliste, raisonner à partir du monde tel qu’il est et non à partir du monde tel qu’elle voudrait qu’il soit. Elle doit s’efforcer de rentrer dans le jeu des médias de masse, de mieux comprendre le "citoyen" du XXI ème siècle, hédoniste, individualiste. Elle doit réapprendre à s’adresser au peuple, mais pour cela il faut qu’elle comprenne que le peuple de 2010 n’est plus celui de 1968.
La droite, elle, a fait tout l’inverse. Les meilleurs exemples restent le berlusconisme ou le sarkozysme. Elle a su profiter de la nouvelle donne. Plus pragmatique, elle parait mieux à même de répondre aux angoisse du nouveau citoyen et aux inquiétudes de l’agent économique. La nouvelle droite est une droite de combat. Défendant des idées simples, séduisantes, avec une grande capacité d’adaptation, elle a récupéré les masses, lassées des échecs de la gauche sur la réduction des inégalités, la sécurité, l’immigration, l’éducation. Cette droite a une responsabilité dans la montée du néopopulisme, qui dépasse désormais largement le cadre des partis populistes. En voulant se décomplexer à l’extrême, en étant obsédée par les échéances électorales, la droite est en train de perdre le sens des responsabilités démocratiques. Elle s’adapte aux peurs des citoyens plus qu’elle ne les calme, ce qui mène inévitablement au populisme. La droite de gouvernement a une responsabilité, celle de garder une certaine distance par rapport au bas instinct des citoyens. Si la droite veut vraiment faire face au national populisme d’extrême droite, alors elle doit faire un travail pédagogique pour désamorcer la peur au lieu de reprendre, en les édulcorant, les idées les plus extrêmes dans le but d’éloigner les citoyens des partis qui les portent. La droite, fait un pari risqué avec la stratégie de l’édulcoration, stratégie qui risque fort de l’entrainer dans une fuite en avant qui serait hors de contrôle. Fuite en avant qui, au regard de la situation actuelle, a déjà commencé. Mais surtout mal maitrisée cette stratégie peut faire le jeu des partis qu’elle est censée déservir.
Les citoyens.
Ce sont sans doute les citoyens qui ont la plus grande responsabilité dans la montée du populisme. Peut-être avons nous seulement ce que nous méritons. Le citoyen d’aujourd’hui se dépolitise, il est plus un consommateur qu’un citoyen. Il est désormais plus un spectateur de la vie politique de son pays qu’un véritable acteur. Il est dans une logique bien plus individualiste que sociale. Ce consumérisme politique, cette dépolitisation favorise bien sur l’émergence du populisme, puisque, maintenant, le citoyen n’est plus qu’une voix que l’on gagne en flattant ses peurs et ses instincts. Dans une société de consommation, d’amusement, d’hédonisme, la politique avec un grand P n’a plus sa place. Le populisme que nous vivons est sans doute une des expressions de la crise de la citoyenneté que nous vivons. Le citoyen doit redevenir citoyen et plus seulement consommateur, il doit redevenir acteur de la politique de son pays, réapprendre a débattre, s’investir dans la vie associative, faire l’effort de s’informer, d’aller au delà de ses instincts et ses peurs, de s’intéresser, de dénoncer, et même de voter. En clair le citoyen doit réapprendre à faire son travail de citoyen. Tant que cela ne sera pas fait, le populisme continuera à gagner du terrain.
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