Présidentielle : ce soir, sur TF1, on parlera du protectionnisme, de celui du Front national en particulier
Toujours en tête d'extraordinaires sondages − portés notamment par le vote de celles et ceux qui, déboussolés et en manque d'identité nationale, ont peur du déclassement, de la paupérisation… et de la mondialisation − le Front national continue sa progression malgré son incrédibilité économique, sociale et monétaire ; et ses propres affaires financières nationales et européennes.
Marine Le Pen et son équipe "d'experts" en économie − encore anonymes, hors leur cerveau : Florian Philippot − ont dévoilé leur projet pour la France en cas de victoire le 7 mai 2017. Nous ne parlerons pas ici de l'aberration de la sortie de l'euro, car le sujet fera l'objet d'un très prochain article.
Voyons plutôt la volonté du Front national − comme l'est aussi celle : de Debout la France de Nicolas Dupont-Aignan, de l'Union populaire républicaine de François Assileneau et de la France insoumise de Jean-Luc Mélenchon − d'établir un protectionnisme. Protectionnisme nommé intelligent et social… comme s'il y avait des pays assez stupides pour dire : notre protectionnisme n'est pas intelligent et est antisocial !
Définissons et listons quelques éléments de réflexion, non exhaustifs, à même d'éclairer l'électorat du Front national − et des autres aussi − qui pense très sincèrement que Marine Le Pen n'est ni démagogue ni populiste, et qu'elle va régler tous les problèmes qu'il rencontre.
Le protectionnisme est une mesure prise par un pays pour restreindre ses importations… c'est-à-dire, en fait, restreindre les exportations des autres pays, par exemple : de l'Allemagne, du Benelux, de l'Italie, de l'Espagne… de la Russie (énergies fossiles), de la Chine, du Bangladesh, de la Turquie… du Kenya (90% des fleurs coupées), du Maroc, de la Tunisie… des Amériques du Sud et de Nord.
Le protectionnisme viserait, dans un premier temps, à protéger tout ou partie d'une production locale, régionale ou nationale contre la concurrence des productions étrangères selon des critères d'ordre politique, idéologique et/ou économique propres au gouvernement en place, en l'espèce, et probablement, celui de Marine Le Pen, le 7 mai 2017.
Vieux comme le commerce en général et les échanges internationaux en particulier, le protectionnisme − la plupart du temps porteur de nationalisme − a souvent, dans un deuxième temps, été source d'isolements et de conflits. En effet, les importations des uns étant les exportations des autres, toute limitation des premières aura pour conséquence immédiate de limiter les secondes. Ainsi le résumait Adam Smith (1723-1790) en parlant de Colbert (1619-1683), ministre protectionniste de Louis XIV : "Les Français sont particulièrement enclins à favoriser leurs propres produits [...] en limitant les importations de biens étrangers qui pourraient entrer en concurrence avec eux. [...]. Ce ministre, par le tarif douanier de 1667, a imposé des droits très élevés [...]. Lorsqu'il refusa de les modérer en faveur des Hollandais, ceux-ci interdirent en 1671 l'importation des vins, des eaux-de-vie et produits transformés de France. Il semble que la guerre de 1672 soit née de cette querelle commerciale. La paix de Nimègue y mit fin en 1678 [...]" 1.
Comme chacun le sait − pour l'avoir étudié à l'école − sous Louis XIV, le peuple de France grevait de faim (cf. : Le Petit Poucet de Charles Perrault (1697)) alors que le gouvernement et les riches festoyés, et que la goutte − maladie des gens qui mangent notamment trop de viande − sévissait à la cour du roi. Bravo ! le protectionnisme du célèbre Colbert.
Cela étant, outre la différence entre des régimes politiques au type d'économie opposé − libéral / communiste, autarcique / ouvert −, de nombreux arguments généraux sont avancés pour justifier une protection érigée aux frontières du pays. Souvent, il s'agit de protéger ou de sauvegarder une industrie naissante, une autre en danger imminent de fermeture ou bien un secteur stratégique lié à la défense nationale... ou encore à une tradition culturelle. Mais il peut aussi s'agir de limiter une concurrence déloyale de produits fabriqués selon des conditions non respectueuses de telle ou telle norme sociale, sécuritaire, sanitaire, environnementale… voire même fiscale (subvention des exportations) ou monétaire (dévaluation / dépréciation compétitive d'une monnaie), d'améliorer les termes de l'échange du pays, ou encore de prendre une mesure de rétorsion contre telle ou telle nation elle-même protectionniste. Bref, la raison de l'excuse n'a pas de limite en matière de protectionnisme et, paradoxalement, ceux qui le prônent pour leur propre bénéfice entendent difficilement ceux qui font de même 2. C'est le cas du Front national qui pense, dans son programme pour 2017, que les autres pays ne vont pas répliquer et vante − tel un enfant immature et donc incompétent − les bienfaits de la compétitivité retrouvée des exportations françaises une fois le protectionnisme établi et le franc national rétabli (engagements 35 et 130).
Souvenons-nous que pour la paix… mais aussi pour que l'avantage comparatif (David Ricardo (1772 - 1823)) puisse réellement s'exercer et que chaque pays ait la possibilité de développer ses productions grâce aux débouchés extérieurs, les gouvernements ont voulu élaborer, notamment après la Seconde Guerre mondiale, des accords ayant pour objectif de lever les obstacles − droits de douane, taxes, quotas, contingentements… normes diverses − érigés en barrière de protection. Barrières qui limitaient leurs échanges bilatéraux ou multilatéraux, substrats du commerce international. Ainsi sont nés, pour favoriser des accords âprement négociés de libre-échange, des zones régionales de libre circulation des biens et des services, et des organisations internationales comme l'OMC (Organisation mondiale du commerce) remplaçante du GATT (General agreement on tariffs and trade). Ainsi est née l'Union européenne qui, pour développer les échanges intracommunautaires, interdit tout protectionnisme entre ses membres (Préambule du Traité et les articles : 34, 35 et 206).
Donc, si la France gouvernée par le Front national veut établir un protectionnisme, elle devra d'abord et obligatoirement sortir de l'Europe en activant l'art. 50 du Traité dit de Lisbonne, comme le Royaume-Uni va le faire pour le Brexit, dans quelques jours. Cette sortie prendra plusieurs années − au moins 2 ans − et coûtera des dizaines de millions d'euros, juste pour recruter des experts afin de confectionner de nouveaux textes, car le pays devra quand même continuer à commercer − nous l'espérons − avec les autres pays de l'Union. Quant à la France, sortie de l'UE, elle devra payer des taxes (quelque 10%) comme le font actuellement, par exemple : la Norvège… la Suisse et prochainement, vers mars 2019, le Royaume-Uni. Sachant aussi que des millions de salariés, en France, travaillent grâce aux échanges avec les 27 (demain 26) pays de l'Union européenne, la balance "coûts / bénéfices" ne sera pas en notre faveur et le chômage augmentera ! Bravo le protectionnisme, même intelligent et social ! Ceux qui prônent un protectionnisme bienfaiteur sont des menteurs et n'ont qu'un seul objectif : faire des voix chez les plus démunis en termes économique et social.
En voulant replier la France sur elle-même et la "protéger" de la concurrence extérieure, la politique économique du Front national de Le Pen, aura aussi pour conséquences, outre d'encourager des mesures de rétorsion et de contre rétorsion, d'éventuels conflits. Si la France limite les exportations russes, que fera le dictocrate Poutine, bien que cher au clan Le Pen ? Quid de son alter ego : Narcissique-Trump, tout aussi cher à eux ?
Mais, le protectionnisme, c'est aussi, notamment :
- encourager la pérennisation d'une production intérieure non compétitive, voire obsolète 3. In fine, c'est favoriser une nouvelle hausse du chômage et donc l'affaiblissement de notre croissance économique… donc des recettes de l'État. Cela sera par ailleurs aggravé par la faiblesse de notre nouvelle monnaie (objet d'un prochain article) ;
- voler une partie du pouvoir d'achat des consommateurs, notamment des moins riches, des plus vulnérables, en la consacrant aux paiements des taxes sur les produits importés, plutôt qu'à l'achat de produits purement nationaux… sans parler des tensions inflationnistes que cela engendrera. Tensions aggravées par une unité monétaire faible (objet d'un prochain article) ;
- procurer à l'État des recettes budgétaires supplémentaires, mais éphémères, car nos exportations diminueront, en volume, au bout de quelques mois, pour cause de représailles mondiales et surtout de baisse des échanges avec nous anciens partenaires de l'Union européenne… qui peuvent fort bien se passer d'une France isolationniste.
Le protectionnisme montre bien qu'il est, in fine, un repli sur soi, une démarche perdant / perdant, qui aggrave une crise au lieu de la résoudre.
Le protectionnisme fut l'une des causes de la Seconde Guerre mondiale et de l'avènement d'un nationalisme allemand exacerbé par le patron − funeste, mégalomane… et égocentrique − du Parti national-socialiste des travailleurs allemands : Adolf Hitler.
Il faut aussi savoir qu'en matière de politique macroéconomique, comme le proposent les 144 engagements que le Front national veut imposer au pays, toute expérience a des conséquences irréversibles à court, moyen et long terme.
Une fois la France hors de l'Europe et de l'euro… c'est IRRÉVERSIBLE ! À chacune et chacun de méditer cela pour le 23 avril prochain et très probablement aussi pour le 7 mai 2017. C'est juste dans quelques semaines. Voter utile, c'est voter contre Le Pen et son protectionnisme mortifère !
1. Recherche sur la nature et les causes de la richesse des nations, livre IV, chap. 2 "restrictions à l'importation", p. 480, éd. Économica. Smith en déduit que la liberté du commerce entre les pays est non seulement source de croissance économique grâce à la division du travail, mais aussi porteuse de paix.
2. "Les perdants de l'accroissement des échanges internationaux sont les avocats infatigables du protectionnisme sous forme de droits de douane et de quotas" (P.A. Samuelson (Nobel 1970) et W.D. Nordhaus, Économie, p. 32, éd. Économica).
3. Au Brésil, une loi de 1984 visait à protéger l'industrie informatique naissante en interdisant l'emploi d'ordinateurs importés dans les entreprises [...]. Cette loi sera abrogée en 1992 après avoir été reconnue comme une "tragédie" pour la modernisation de l'activité économique du pays absente de la révolution des premiers pas de l'économie numérique. Ses méfaits ont été estimés à plusieurs milliards de dollars américains. Depuis la fin de ce "nationalisme insensé" (dixit madame Zélia Maria Cardoso de Mello, ministre de l'Économie (1990-1991)), le Brésil a bien progressé…
Crédit photo : wikiliberal.org (commentaire de A. Fay).
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