Primaire populaire : la fausse bonne idée
La Gauche française a-t-elle besoin d’un aiguillon pour retrouver le chemin de la victoire dans les urnes ? Si oui, elle peut toujours compter sur Christiane Taubira.
Au terme d’une primaire populaire organisée en deux semaines et étalée sur le dernier weekend de janvier, Christiane Taubira est arrivée en tête des 393 000 suffrages exprimés par les sympathisants de la Gauche française vis-à-vis des sept candidats présentés - parmi lesquels Jean-Luc Mélenchon, Yannick Jadot et Anne Hidalgo. Sans surprise voudrait- on dire, même si l’intéressée s’en défend, car elle est quand même l’instigatrice de ce vote électronique que personne n’attendait plus.
Si l’idée de recréer un front uni de la Gauche, face à une Droite de plus en plus hégémonique dans les sondages, n’était pas en soi une mauvaise idée, force est de constater qu’elle arrive bien trop dans le calendrier électoral, à seulement deux mois du premier tour des présidentielles. Il eût fallu, au moins, l’organiser six mois plus tôt, mais les Français avaient alors d’autres préoccupations. D’autre part y entraîner contre leur volonté des têtes de listes comme Mélenchon ou Hidalgo était cavalier, sinon arbitraire, même au nom du peuple et de la démocratie. Comment imaginer que Yannick Jadot, lui-même désigné par son parti au terme d’une autre primaire, allait se prêter encore une fois à ce genre de plébiscite ? Quant à donner des notes aux candidats (« bien », « assez bien », « passable », « insuffisant », accompagnés de « plus » ou de « moins »), cela relève d’une logique de maître d’école franchement insupportable en ce contexte.
De toute évidence, Christiane Taubira retarde d’une guerre. Elle n’a pas pris la mesure de la recomposition du paysage politique français depuis une dizaine d’années pour remettre au goût du jour une telle initiative. Sa primaire populaire n’exprime pas seulement sa volonté prétentieuse de rassembler la Gauche sous son aile, mais aussi son manque profond de confiance dans les chances d’un des trois leaders actuels de parvenir au second tour. Car c’est après, généralement, qu’on bat le rappel de toutes les bonnes volontés, pas avant.
Anne Hidalgo, en apprenant dimanche soir, la victoire de Christiane Taubira, a simplement déclaré « qu’il y aurait une candidature de plus à gauche ». Malgré l’indignation de sa concurrente, la maire de Paris a raison. Pourquoi devrait-elle considérer autrement qu’avec désinvolture une élection à laquelle elle n’a pas donné son aval ?
Mais tout ce battage médiatique n’aura pas été vain pour Christiane Taubira. Grace à lui, elle est à nouveau sur le devant de la scène et, forte non seulement de cette désignation mais aussi des dons considérables qu’elle a recueilli à cette occasion, elle va pouvoir financer sa campagne et briguer les cinq cents signatures de maires nécessaires pour son investiture. Dans cette gauche parallèle que son égo a créée de toutes pièces, elle peut se prendre à loisir pour l’incarnation du bien et de l’éthique en politique. Mais que peut-elle espérer au soir du 10 avril prochain ? 2% ou guère plus. Tout comme en 2002 où sa candidature avait empêché Lionel Jospin de se retrouver au deuxième tour. A vingt ans d’intervalle l’histoire risque fort de se répéter. Même si on ne sait pas encore qui sera celui ou celle qui va glisser sur la planche qu’elle lui a si bien savonnée.
Jacques LUCCHESI
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