Prime de rentrée pour les déportés
Attention, le titre est volontairement cynique, pour traiter d’un sujet qui l’est tout autant. En effet, la SNCF devrait recevoir d’ici peu deux cents lettres pour son rôle dans la déportation, avec à la clé le jugement rendu par le Tribunal administratif de Toulouse octroyant 21 000 euros aux familles des déportés.
Belle rentrée que cette rentrée 2006. J’aurais pu vous parler du cartable, toujours trop lourd, de l’allocation rentrée, toujours inadaptée, du retour d’Alain Juppé, toujours aussi menteur, ou même encore de cette prime électoraliste au CPE de 200 euros à un public qui ne demande pas cela et qui finalement n’y voit qu’une aubaine.
Mais dans ce monde de cynisme et de faux semblants, j’ai trouvé plus approprié au mal français, à ce mal qui nous mine parce que l’on ne sait définitivement pas tourner la page.
La SNCF va devoir se justifier sur son rôle dans la déportation des juifs vers l’Allemagne, pendant la Seconde Guerre mondiale. L’entreprise publique devrait recevoir, d’ici au vendredi 1er septembre, environ deux cents lettres provenant du Canada, de Belgique, d’Israël et de France. Ces courriers lui sont adressés pour lui réclamer réparation du préjudice subi par les auteurs eux-mêmes ou par des parents proches durant cette période, il y a maintenant plus de soixante ans.
Il ne s’agit en rien de nier la douleur liée à cette période, et encore moins d’antisémitisme que je vois poindre (je tiens à rappeller que l’essentiel des déportés n’étaient pas juifs). Il s’agit de présenter avec tout autant de cynisme cette réalité que je trouve encore plus sordide.
Et si je ne puis m’exprimer librement sur AgoraVox à ce sujet, alors il n’est point de média citoyen, car même si ce que je dis ne plaira pas à tout le monde, il me semble qu’on a le droit de penser que cette "requête" constitue une énième charge contre un Etat qui était à cette époque à terre, et même sous terre, puisque collaborateur.
La SNCF avait-elle le choix ? Que pouvaient faire les conducteurs de trains ? Dire non, au risque d’être eux aussi emmenés ? Qu’ont demandé ceux qui sont restés en France et ont tout perdu ? Qu’ont demandé des grands-parents après des bombardements et des outrages ? Qu’ont demandé ceux qui ont été blessés ou tués en 1914-1918 ?
C’était la guerre, et dans une guerre, il n’y a aucune beauté à chercher. Le pire étant que ceux-là mêmes qui réclament des dommages et intérêts sont souvent les premiers partisans d’une guerre sans faille contre le Liban, l’Irak ou l’Iran...
Le pretium doloris doit-il nous rendre inhumains au point d’aller chercher, si ce n’est à la fin d’une vie, pour la vie d’un père, d’une tante ou d’une grand-mère, une compensation de 21 000 euros de la part de l’Etat ? Bravo, les Verts d’Alain Lipietz... (et vive le train - humour noir)
L’Etat est une part de nous-mêmes, nous sommes tous l’Etat. Les responsables de 1945 sont tous déjà morts ou bien au chaud dans leur villas en Argentine. Condamner l’Etat après tant de temps, et surtout après sa reconnaissance des erreurs, ses efforts de mémoire, c’est condamner le temps présent à toujours se référer au passé.
Alors oui, je le dis, cette "prime" (dont personne pourra me justifier le prix avancé) est une prime au cynisme. C’est encore et toujours fusiller l’Etat (la SNCF est publique) sans s’attaquer aux personnes. C’est une nouvelle fois trouver le bouc émissaire pour s’arroger des primes en argent qui ne changeront rien.
L’Etat a reconnu ses torts sur ce fait de l’histoire, et il est loin de l’avoir fait dans tous les cas (cf. Guerre d’Algérie ou essais nucléaires). Mais en ce monde, l’argent est roi, surtout pour ceux qui ont le pouvoir de le réclamer. Peu importent les moyens, s’il y a de l’argent à la clé, il y a toujours du monde au portillon.
Russel Crowe disait, dans Gladiator, à la plèbe en folie : "N’êtes vous pas rassasiés ?"
Non, cette société n’en a décidément jamais assez, et la France ne sait définitivement pas tourner la page. Du football à Juppé, en passant par les déportés, nous vivons en 2006, mais certains veulent encore vivre à l’époque où ils ont décrété que le temps devait s’arrêter.
Saint-Exupéry disait que nous n’héritons pas de la terre de nos parents : nous l’empruntons à nos enfants.
En cherchant en permanence à tout ramener à l’argent, nous condamnons notre futur, soumis aux rancoeurs du passé.
Par conséquent, et derrière les prétextes de reconnaissance, ce type d’action me dégoûte, parce qu’elle ne redonne en rien les proches disparus, et ne fait que "matérialiser" un être dans une ligne comptable que l’on ira dépenser sans scrupule chez SFR ou Darty...
N’y a-t-il pas de limites à la décence en ce monde ? Doit-il toujours y avoir un responsable, même si celui que l’on désigne n’est pas le bon ?
Oui, honneur, j’écris ton nom.
48 réactions à cet article
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Oui le problème des indemnités est un problème très difficile. Le cynisme des procès pour l’argent est réel dans ces affaires. Mais cependant il ne faut pas tout confondre il me semble.
Le passage suivant de votre texte pose de lourds problèmes « La SNCF avait-elle le choix ? Que pouvait faire les conducteurs de trains ? Dire non au risque d’être eux aussi emmené ? Qu’ont demandé ceux qui sont restés en France et ont tout perdu ? Qu’ont demandé des grands parents après des bombardements et des outrages ? Qu’ont demandé ceux qui ont été blessé ou tué en 1914-1918 ? » Résister, c’est un choix ne rien faire s’en est un autre. Le fait de ne rien faire est un scandale même si il est toujours bcp plus facile de le dire que de le faire je suis d’accord. La reconstruction de la France ne s’est pas si mal déroulé il me semble (le plan marshall !). Enfin comparer des militaires et l’extermination de civiles est là franchement impossible.
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Ce que veut dire David A c’est que la SNCF à facturé et été payé par les Nazis pour chaque tête juive déportée c’est de cela que demandent réparation les familles de déportés, et surtout que cela se sache.
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Merci pour cet incontinence verbale qui dégouline de haine.
Qui à le papier Q ?
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Les réactions sont intéressantes. Elles démontrent quand même qu’il est possible de voir les choses autrement que la « chappe de plomb » médiatiquement correct.
On poursuit encore et toujours l’Etat Français, et comme le disait TRES justement Jospin, on s’auto flagelle avec la mémoire. Néanmoins, les vrais responsables, si responsalbe il y a, n’étaient-ce pas des PERSONNNES connues de tous à la direction de la SNCF ? Et, sous le joug allemand et la pression d’un pays qui venait de perdre la guerre, que pouvaient-ils faire si ce n’est signer ce type de papiers ? Franchement, quand on vous pointe un pistolet sur la tempe, qu’est ce que vous faîtes ?
Alors oui, sûrement il y avait des « collabos » qui faisaient cela avec plaisir. Néanmoins je doute qu’ils furent majoritaires. Et poursuivre, 60 ans plus tard, l’Etat Français, donc l’ensemble des contribuables, c’est condamner le présent pour les erreurs du passé commises par d’autres.
Alors MERDE à la fin, j’en ai marre de voir ces articles « réac » toujours apte à remuer le passé pour obtenir des dommages et intérêts sur le dos d’un Etat défaillant et sans couilles. Faudrait-il dédommager la France entière pour le fait d’avoir perdu la guerre en 1940 ?
Non, franchement, dans ce type de procès à la pêche aux euros malsains et sordides, je ne vois absolument aucune justice transparaître. Et même si des coupables sont présentés par l’article du collègue ci-dessus, je ne vois pas en quoi ce serait à l’Etat de payer. Les ordres venaient de personnes, ce sont elles qui doivent présenter de leurs actes.
Et si possible, pas toujours pour les mêmes. Et les déportés (pieds noirs) de la Guerre d’Algérie, ont-ils eu le droit de parole ?
Marre de supporter ces procès cyniques et malsains. Marre de devoir se taire sous peine de dire la vérité à des personnes qui manient volontairement le bouclier de la « mémoire » pour s’en foutre plein les poches.
Le prix de la douleur apparemment n’a pas d’odeur lorsqu’il s’agit de l’affecter à la construction de sa carrière ou de son pouvoir...
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Si on regarde la réalité en face, il y a quelquechose dans ce pays qui ne va pas, vraiment pas.
La France fait les mêmes erreurs que les USA 15ans après, mais jamais avec les avantages. Les dirigeants, impunis, sclérosés, arrimés, élus par des suffrages ne rassemblant même pas parfois 50% de votant sont tous de mèche avec des idées communes et admises comme « correctes ».
Critiquer une seule seconde l’action menée contre la SNCF serait un crime de lèse majesté ! Comment oser remmettre en cause, publiquement, l’ordre des choses établi qui décrit l’histoire comme ayant un début en 1945, au mieux à Louis XIV ? Un ordre des choses qui doit toujours tout tolérer de la « Shoa », qui doit toujours tout accepter de Forgeard/Messier/Zacharias et consors, qui doit toujours tout essuyer de Juppé/Strauss Khan and co.
Un ordre des choses qui, depuis 15 ans (il suffit de voir les restrospectives, TF1 et M6 en raffolent) n’a pas changé les têtes présentes d’un iota. Toujours les mêmes. Toujours les mêmes idées, les mêmes dogmes emprunts d’erreurs, les mêmes discours dépassés, les mêmes promotions de l’ENA. Tentez de citer 5 hommes politiques « nouveaux » et de haut rang... Rien. Absolument rien.
Alors, depuis 60 ans, il n’est pas étonnant de toujours entendre le même refrain. Les pieds noirs ou les Vietnamiens (Indochine), voire les Polynésiens n’ont qu’à aller se rhabiller, leurs souffrances ne sont pas monnéiables comme celles des déportés, et si possible, juifs.
Mais que devraient dirent les Russes ou les Polonais ! Alors oui, on peut attaquer la SNCF, Michelin, Dunlop, Worldcompany ou Dieu, cela ne changera rien : ce monde est corrompu jusqu’à la moelle parce que personne depuis trop longtemps ne s’est attelé à défendre les intérêts de l’Etat, à savoir les intérêts de tous, ce que l’on nomme le défun intérêt général.
Alors allons y, tirons encore un peu plus sur la corde, allons dispenser à nos marginaux des banlieues des cours de CP avec « nos ancêtres les gaulois » et surtout continuons à ancrer de le paysage des têtes que plus personne ne supporte. 18% de vote FN au 2ème tour, 55% de vote NON quand 90% des députés votaient OUI ça devrait quand même porté à réflexion sur chat échaudé.
Vous voulez vraiment mon avis ? Les gens en ont marre de ce système biaisé, opaque et sclérosé que l’on dénomme improprement le système social Français. Et c’est un tout, des procès tournés vers le passé à l’impunité totale couplée par l’irresponsabilité, Victor Hugo le disait déjà il y a un siècle :
France orgueilleuse et généreuse, tu n’es bonne qu’avec tes ennemis.
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Je ne dis pas que tout va mal en France. Je dis que certaines choses ne fonctionnent pas, absolument pas. Alors je pourrais faire du « Chirac » en me rassurant en permanence sur ce qui fonctionne, mais dans le fond, et relativement, n’y a t’il pas plus de défis à relever que de suffisance à afficher ?
Je souhaite que mon pays évolue, que les choses qui ne fonctionnent pas s’améliorent. On peut toujours rester tourné vers le passé et s’auto satisfaire par une suffisance sans limite d’un passé orgueilleux. Néanmoins, cette attitude n’apporte rien au passé tout en octroyant aux générations futures le poids des erreurs accumulés par un immobilisme de fait et une forte capacité à toujours renvoyer la faute à l’autre sans jamais se regarder soi même.
J’en conviens qu’il est grand temps de changer, car le monde de 2006 n’est plus du tout celui, ni de 1940, ni des trente « glorieuses ».
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