Prise en main de l’Appareil d’Etat : de Louis XIV à... J. Bardella
« Monsieur, [en s’adressant au chancelier], je vous ai fait assembler avec mes ministres et secrétaires d’État pour vous dire que, jusqu’à présent, j’ai bien voulu laisser gouverner mes affaires par feu M. le cardinal ; il est temps que je les gouverne moi-même. »
Louis XIV, Conseil d’Etat du 10 mars 1661 i
« Aujourd'hui, la face du théâtre change ! »
« L’événement, tel que le rapporte l'historien Jérôme Janczukiewick dans une étude passionnanteii, est parfaitement connu : le 9 mars 1661, au château de Vincennes, alors que le cardinal Mazarin venait de mourir, Louis XIV ordonna au jeune Loménie de Brienne de convoquer le chancelier Séguier, le surintendant des finances Nicolas Fouquet, le ministre d’État Hugues de Lionne et les quatre secrétaires d’État (Brienne père, La Vrillière, Duplessis-Guénégaud, Le Tellier). Le roi, par un discours majestueux et éclatant, leur annonça que désormais il prendrait lui-même les rênes du pouvoir, sans reprendre de premier ministre, et qu’il ne garderait que trois ministres travaillant sous ses ordres, Fouquet, Lionne et Le Tellier. La famille royale ainsi que les anciens ministres d’État sont écartés des conseils ; le chancelier de France voit ses pouvoirs diminués. Ainsi commença le règne personnel de Louis XIV. Daniel Dessert, dans son ouvrage Louis XIV prend le pouvoir. Naissance d’un mythe ?, évoque cette « tradition glorieuse, qui magnifie l’action stupéfiante d’autorité, d’un jeune souverain inexpérimenté ».
Scène d'anthologie que cette rupture entre Louis XIV et sa mère Anne d'Autriche :
Anne d'Autriche : « Louis ! Vous ne prétendez pas gouverner sans premier ministre ! ? »
Louis XIV : « Si, Madame !C'est exactement ce que je compte faire ! » iii
Imaginons la même scène entre M. Bardella et M. Macron :
M. Macron : « Monsieur Bardella ! Vous n'imaginez pas gouverner sans président de la République !? »
M. Bardella : « Si, Monsieur le Président ! C'est exactement ce que je compte faire ! »
Verrons-nous le jeune J. Bardella faire de même s'il devient Premier ministre et très vite annoncer, contraint par les circonstances, que désormais il prendra lui-même les rênes du pouvoir en écartant le président de la République et ses affidés ?
On peut le lui souhaiter car il n'a en réalité pas le choix s'il veut effectivement s'imposer face à un E. Macron, encore chef de l'Etat et président de la République, dont toute l'action récente montre qu'il n'a que faire des suffrages des 12 millions de ses concitoyens qui ont décidé de tirer avantage d'une dissolution parlementaire pour faire irruption sur la scène politique et transformer en un referendum national ce qui à l'origine n'était qu'une consultation inepte sur la pseudo élection d'un « Parlement européen » dépourvu de tout pouvoir.
On peut imaginer que M.Bardella en soit effectivement capable s'il est en mesure de comprendre qu'étant enserré dans une structure de Pouvoir qui le précède et qui par essence lui est profondément hostile, il lui faut s'imposer immédiatement en détruisant, en effaçant, en reconstruisant le cadre et les personnes qui lui font désormais face :
- ceux qui se sont déjà manifestés en lui témoignant une hostilité réelle, tel le syndicat de la magistratureiv ou d'autres formations plus remuantes qui ont elles aussi affiché une « résistance-désobéissance » à l'image de ces centaines d'inspecteurs de l'Éducation nationale et de chefs d'établissement qui ont prévenu dans une tribune mise en ligne : « Aucun d'entre nous n'appliquera de mesures qui contreviendraient aux valeurs de la République. »
- ceux qui sont encore « dans l'ombre », qu'il ne connaît pas, qui sont susceptibles d'être nommés pour agir sans état d'âme contre le nouvel élément perturbateur et novice dans la prise en main, le contrôle et l'usage de l'Appareil d'Etat,
- ceux qui, encore plus redoutables, constituent ce que l'on appelle « l'Etat Profond », cet avatar sans cesse modernisé qui trouve officiellement son origine dans le Derin Devlet Ottoman, mais qui a toujours existé et représente tout sauf un mythe.
I- Appareil d'Etat
Concept mystérieux s'il en est, source de toutes les spéculations possibles, l'Appareil d'Etat est l’ensemble des institutions publiques d’un État, qui ont pour mission de gérer les affaires de l’État et de servir le peuple.
Il est composé d’organes centraux et d’organes territoriaux, qui travaillent ensemble pour appliquer les lois et les politiques publiques.
Les organes centraux de l’appareil d’État incluent le gouvernement, les ministères, les services publics et les institutions judiciaires. Les organes territoriaux comprennent les régions, les départements et les communes, qui ont des compétences spécifiques pour gérer les affaires locales.
L’appareil d’État est responsable de la gestion des finances publiques, de la sécurité nationale, de l’éducation, de la santé, de la justice et de bien d’autres domaines. Il est également chargé de promouvoir les intérêts de l’État et de représenter le pays à l’étranger.
En somme, l’appareil d’État est l’ensemble des structures et des institutions qui permettent à un État de fonctionner efficacement et de répondre aux besoins de ses citoyens.v
Normalement.
Comme d'obéir à ses dirigeants.
Normalement. Surtout s'ils désirent oeuvrer dans l'intérêt de la France et non contre elle.
II- Thérapeutique de choc
Que faire ? s'interroge la géopoliticienne Caroline Galactéros à propos de la puissance de l'Appareil d'Etat lorsqu'elle va et agit, comme c'est le cas depuis bien trop longtemps, contre les intérêts de la Francevi.
« Que faire ? Contre un virus aussi malin et métastasique, il faut une thérapeutique de choc. Il faut cartographier, identifier, désigner et détruire méthodiquement. Neutraliser la capacité de nuisance d’hommes et de femmes dont l’intime conviction et/ou l’intérêt de carrière ou économique leur commandent de ne surtout pas réfléchir à l’intérêt de la France et des Français. Pratiquer un name and shame cathartique, et sortir manu militari tous ces individus d’un système qu’ils ont obstrué, au point que la France est à la dérive et la proie d’un mépris à travers le monde insupportable à tous ceux qui croient encore en ce que nous pouvons être. Il faut qu’existe la certitude de sanctions personnelles lourdes pour quiconque ne mettrait pas en pratique la nouvelle politique étrangère cohérente et ambitieuse indispensable pour notre pays.
Et aussi, expurger de nos cœurs cet esprit de soumission que nous soufflent ces hérauts maléfiques au nom d’un réalisme dévoyé. Pour cela, l’impulsion doit être donnée par la tête de l’État. Il faut donc un chef de l’État incorruptible qui croit à la grandeur de la France, à sa singularité et à la nécessité impérieuse de son indépendance. Un homme qui cesse de bavarder et agisse. Un homme qui ose enfin désobéir et user de son autorité – en l’espèce de son pouvoir de nomination et de limogeage – pour décapiter la gorgone atlantiste qui depuis des décennies paralyse les membres et la tête de notre structure régalienne, détruit la confiance, l’esprit de responsabilité et finalement l’espoir, chez les élites comme chez le peuple. Cela suppose de réhabiliter trois notions cardinales diabolisées : la souveraineté, la puissance et l’influence, au lieu d’y renoncer au prétexte que cette ambition serait hors de notre portée. Nous en avons tous les atouts. Il suffit de le vouloir et de nous doter du kit de survie nationale : courage, cervelle et cœur. Mieux que le masque ! À fournir d’urgence à nos dirigeants.
Si la France était une femme, sans doute comprendrait-on plus instinctivement que l’on ne peut l’aimer sans la respecter, comme une soumise, une enchaînée, un pot de fleurs, un trophée tristement pendu au mur. La France est un être de lumière, libre, indépendant, moderne car souveraine. La souveraineté c’est la vie, et c’est moderne en diable. »
III- Décapiter les Gorgones Françaises, Atlantistes et Européistes
Le jeune M. Bardella saura-t-il, aura-t-il les moyens comme le courage de décapiter les gorgones françaises, atlantistes et européistes qui ruinent et détruisent la France, aidées dans cette œuvre funeste par tous ceux qui, à la tête de l'Etat ou dans l'ombre, manipulent, décident et jouent clairement contre les intérêts du pays, de la France et de ses citoyens ?
Il ne s'agit pas là d'élucubrations ou de propositions qui relèveraient d'une quelconque complotisme mais bien de réalisme.
« La direction de la sécurité extérieure, qui compte 7 200 agents secrets travaillant au péril de leur vie, tombera-t-elle aux mains d'un sympathisant de Vladimir Poutine ? Le Conseil constitutionnel verra-t-il s'asseoir à sa table, l'an prochain, un membre d'extrême droite, courant politique qui a combattu la création de la Vᵉ République et qui continue d'y voir un frein à ses desseins ? La SNCF, bastion de la CGT et de Sud, peut-elle être dirigée par un patron qui abhorre les syndicalistes ? » S'interroge Nicolas Prissette dans le quotidien La Tribune à propos d'une Haute Fonction publique qu'effraie l'arrivée du RN..vii
Ces questions autrefois ubuesques taraudent aujourd'hui les hauts fonctionnaires. Et ce ne sont pas leurs seules angoisses... L'installation potentielle de Jordan Bardella à Matignon fait l'effet d'un « stress test » (test de résistance) pour l'appareil d'État. Le Premier ministre, chef de l'administration, dispose en effet d'un pouvoir de nomination - partagé avec le président de la République. En outre, depuis la réforme constitutionnelle de 2008, les trois cinquièmes des membres des commissions parlementaires du Sénat et de l'Assemblée peuvent bloquer la nomination d'un candidat désigné par le chef de l'État, pour 55 postes clés au sommet des autorités indépendantes et des principales entreprises publiques.
Les cas sont concrets. Les patrons de la SNCF (Jean-Pierre Farandou) et d'Aéroports de Paris (Augustin de Romanet) doivent céder leur siège après les Jeux olympiques. L'an prochain, ce sera au tour de Philippe Wahl, à la tête de La Poste. Qui va les remplacer ? Une forte majorité d'extrême droite, avec un appui éventuel du Sénat, pourra faire pression sur Emmanuel Macron pour imposer son choix. La même procédure s'applique au Conseil constitutionnel, dont le président, Laurent Fabius, et deux autres membres verront leur mandat s'achever en février - sachant que l'un des successeurs sera nommé par la nouvelle présidence de l'Assemblée. Même interrogation pour l'Autorité de sûreté nucléaire, les fonctions de son actuel dirigeant arrivant à expiration en novembre.
Dans la haute administration, l'angoisse règneviii. L'ancien préfet Christophe Bay, ex-directeur de campagne de Marine Le Pen et candidat aux législatives en Eure-et-Loir, a assuré au site Acteurs publics que le RN ne ferait « absolument pas de chasse aux sorcières ». Mais les hauts fonctionnaires savent qu'ils sont révocables ad nutum (sur un signe de tête). Une poignée de postes clés focalisent l'attention : la direction de la Police et de la Gendarmerie nationales, la sécurité intérieure et son homologue extérieure, les Finances publiques, qui ont le fichier des impôts... Au cœur du pouvoir, ils disposent d'informations ultrasensibles et de dossiers individuels.
« Durant les cohabitations, nous avions une règle partagée pour les grands corps de l'État : les deux tiers des nominations revenaient au gouvernement et le dernier tiers au président. Chacun s'engageait à bien traiter ceux qu'il mutait », se souvient Philippe Bas, ancien secrétaire général de l'Élysée sous Jacques Chirac. Qu'en serait-il demain ?
Au ministère de l'Intérieur, la hiérarchie s'attend à voir tomber ses chefs en cas de victoire du RN. D'autant que Frédéric Veaux, le directeur de la Police, qui a dépassé la limite d'âge, partira après les JO. Idem pour le général Christian Rodriguez, patron de la Gendarmerie nationale. Début juin, ce dernier avait dénoncé l'affiche de campagne du RN titrée : « Je suis gendarme, je vote Bardella ».
Pour les fins connaisseurs de l'administration, les idées d'extrême droite sont déjà bien ancrées dans les têtes des cadres de la police. « Certains collègues seraient contents de les voir arriver, confirme un haut gradé. En revanche, s'ils font une purge, cela braquera les agents et on aura une vague d'arrêts maladie sur le terrain. » Dans d'autres directions centrales, au contraire, les cas de conscience sont légion. « Puis-je laisser l'administration en prise avec l'extrême droite ou dois-je me maintenir pour tenter de la préserver ? Je crois que je partirai dès qu'un ordre outrepassera l'acceptable », confie un grand serviteur de l'État.
Reste aussi à savoir si le RN disposerait des compétences suffisantes. Marine Le Pen prétend, depuis de dix ans, s'appuyer sur un obscur groupe de hauts fonctionnaires, les Horaces. Mais leur nombre est incertain et les anciens élèves de l'ENA ayant rejoint officiellement le parti demeurent une poignée. « Pour constituer les cabinets d'un gouvernement, il faut pouvoir recruter au minimum 300 personnes expertes et fiables en quelques jours », rappelle un inspecteur des Finances à la carrière prestigieuse. »
Coquetterie de journaliste pour dire quelque chose sans le sourcer, mais c'est effectivement le cas.
Demeure la question cardinale :
IV- Le jeune M. Bardella saura-t-il, aura-t-il les moyens comme le courage de décapiter les gorgones françaises, atlantistes et européistesqui ruinent et détruisent la France, aidées dans cette œuvre funeste par tous ceux qui, à la tête de l'Etat, jouent clairement contre les intérêts du pays, de la France et de ses citoyens ?
Il ne s'agit pas là d'élucubrations ou de propositions qui relèveraient d'une quelconque complotisme mais bien de réalisme dans la mesure où quel que soit le Premier ministre qui sera nommé, il aura pour ennemi le président de la République, lequel n'a jamais eu l'intention de partager son pouvoir, le pouvoir constitutionnel, avec quiconque.
Mme Marine Le Pen a dénoncé mardi un « coup d'État administratif » du camp macroniste qui envisagerait, selon elle, de procéder à une vague de nominations avant une éventuelle cohabitation à des postes sensibles, police et gendarmerie nationales notamment.
Pour Christian Estrosi, Marine Le Pen « est prête à un coup d’État pour s’emparer des pleins pouvoirs »
D’après Christian Estrosi, ce n’est pas Emmanuel Macron qui s’apprête à faire un « coup d’État administratif » comme le prétend Marine Le Pen, mais bien la leader du RN. « Elle dit “le coup d’État administratif”, ça veut dire que derrière, il peut y avoir un coup d’État institutionnel et constitutionnel. On sait que pour mettre en œuvre le programme du RN sur l’immigration, Marine Le Pen devra supprimer le Conseil constitutionnel », détaille le maire de Nice au micro de Sud Radio.
Le vice-président du parti Horizons poursuit en rappelant que le Conseil constitutionnel avait en effet « rejeté près de 30% des mesures de la loi immigration » sous le gouvernement macroniste. « Marine Le Pen est prête à tout pour s’emparer des pleins pouvoirs par tous les moyens », dénonce-t-il.
Le président français Emmanuel Macron prépare un « coup d'État administratif » dans les structures de l'État, en procédant à des remaniements afin d'empêcher le futur premier ministre de l'opposition de diriger le pays, la chef de la faction parlementaire du parti Rassemblement national, Marine Le Pen, » a déclaré le 2 juillet sur la radio France Inter.
La diffusion a été réalisée sur la chaîne YouTube .
« Quand je lis que le président s'apprête demain, soit quatre jours avant le second tour des élections, à nommer un nouveau chef de la police nationale, alors qu'il était censé rester jusqu'à la fin des Jeux olympiques, ainsi que le directeur de la gendarmerie nationale, des dizaines de préfets et de nombreuses personnes, dont le but sera d'empêcher Jordan Bardella de gouverner le pays comme il le souhaite, je crois que c'est une forme de coup d'État administratif", a-t-elle déclaré.
Mme Le Pen a exprimé l'espoir que cette information soit une rumeur. Dans le même temps, elle a souligné que même avant le premier tour des élections, beaucoup plus de nominations avaient été faites que lors des réunions ordinaires du Conseil des ministres.
"Si vous dissolvez le Parlement tout en disant que cela ne doit pas amener vos opposants au pouvoir, alors il n'est pas du tout nécessaire de dissoudre le Parlement", a conclu Marine le Pen.
Il va donc falloir agir très vite, très fort, très précisément pour...débrancher le chef de l'Etat qui n'a nullement l'intention de céder la place, pas plus que ses commanditaires et affidés.
i https://musebaroque.fr/terra-di-dio-rossellini-la-prise-de-pouvoir-par-louis-xiv/
ii JANCZUKIEWICK Jérôme, « La prise du pouvoir par Louis XIV : la construction du mythe », Dix-septième siècle, 2005/2 (n° 227), p. 243-264. DOI : 10.3917/dss.052.0243. URL : https://www.cairn.info/revue-dix-septieme-siecle-2005-2-page-243.htm
iiihttps://youtu.be/vmlTwpMGmk8?t=14
ivhttps://www.lefigaro.fr/actualite-france/le-rassemblement-national-deja-aux-prises-avec-une-justice-hostile-20240612
v David Valence, « “Une prise en main rigoureuse de l’appareil d’État ?” Le pouvoir gaulliste face aux hauts fonctionnaires (1958-1962) », Histoire@Politique. Politique, culture, société, N°12, septembre-décembre 2010, www.histoire-politique.fr.
vihttps://www.asafrance.fr/item/geopolitique-l-etat-profond-mene-une-diplomatie-parallele.html
viihttps://www.latribune.fr/economie/france/legislatives-2024/dans-la-fonction-publique-l-hypothese-d-un-etat-rn-effraie-1000544.html
viii https://www.politico.eu/article/les-hauts-fonctionnaires-sont-ils-prets-a-servir-le-rn-marine-le-pen-pierre-moscovici/
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