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Accueil du site > Tribune Libre > Procès Colonna : le choix de la rupture

Procès Colonna : le choix de la rupture

Les avocats d’Yvan Colonna ont aujourd’hui décidé de quitter le procès en appel dans lequel leur client comparaît pour l’assassinat du préfet Erignac. Il n’est jamais bon de déplaire à une cour d’assises, surtout lorsqu’elle est spécialement constituée. Aussi, comment expliquer un tel choix de rupture ?

Dès le 21 février 2009 à Ajaccio, lors d’une réunion-débat organisée par le Comité de soutien d’Yvan Colonna, trois des cinq avocats de la défense, Gilles Simeoni, Antoine Sollacaro et Pascal Garbarini, avaient annoncé la démarche qui serait la leur. Ils s’étaient succédés afin d’expliquer pourquoi ils étaient non seulement prêts à mener une défense offensive, mais encore déterminés à placer les débats sur le terrain politique.

Me Simeoni, d’abord, avait souligné que la "bataille judiciaire" proprement dite était à son sens gagnée. En d’autres termes, les preuves contre Yvan Colonna seraient insuffisantes et, dans tout autre dossier, l’accusé bénéficierait d’un non lieu. Il ne s’agirait dès lors plus de démontrer l’innocence de l’intéressé (alors même que c’est à l’accusation, d’ailleurs, de prouver sa culpabilité), mais bel et bien de mettre au jour une "machine de guerre" visant à le faire condamner au nom de la "raison d’Etat". D’où la stigmatisation, dans un discours plein de fougue, d’un tribunal fonctionnant comme une "junte birmane", un "comité de Salut public", ou une "inquisition".

Me Sollacaro, ensuite, était revenu sur le premier procès (en 2007), où les "civilités" semblaient selon lui observées uniquement dans le but d’amener la défense vers une issue déjà décidée. D’où la volonté de rompre le cour des choses : ne plus se laisser faire, ne plus d’être docile, ne servir en aucun cas de caution à une "mascarade judiciaire". "Nous avons pris le risque de déplaire à cette cour.", avait-il assumé d’emblée.

Me Garbarini, enfin, était revenu sur les lacunes de l’instruction, soutenant en particulier que le procès ne pouvait pas être équitable puisque le "B-A BA" (en l’occurence la reconstitution) n’avait pas été "respecté".

La défense s’inquiète depuis longtemps, et à juste titre, des errements de l’enquête initiale, des pratiques de la Division nationale anti-terroriste (DNAT), et d’une instruction menée exclusivement à charge. Dans l’affaire Colonna, et le déroulement des audiences est venu le confirmer, lorsqu’un témoin oculaire direct ne reconnaît pas l’accusé, c’est qu’il se trompe ; lorsqu’un expert déclare que l’accusé n’a pas la taille du tireur, c’est qu’il n’est pas fiable ; lorsqu’un ancien collaborateur du préfet Erignac introduit le doute, c’est qu’"il veut se donner de l’importance". Plus grave encore, un certain nombre de pièces de ce jeu qui n’en est pas un, d’un procès-verbal antidaté par l’un des enquêteurs aux notes cachées de Didier Vinolas, se sont révélées truquées. Quant à la présomption d’innocence, le berger de Cargèse n’en a jamais bénéficié, puisqu’elle a été bafouée par Nicolas Sarkozy lui-même alors qu’il était ministre de l’Intérieur.

C’est pourquoi Yvan Colonna n’a plus rien à perdre... Car si le scénario se révèle écrit d’avance et qu’il est bien question de raison d’Etat, alors ce qui est en train de se passer à Paris n’a strictement rien à voir avec la Justice ou une quelconque manifestation de la vérité. La demande de reconstitution rejetée une nouvelle fois aura été la goutte de trop. En quittant le procès en appel, les avocats de la défense n’ont fait que refuser cette servitude volontaire dont La Boétie invitait à se préserver.


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7 réactions à cet article    


  • paul muadhib 12 mars 2009 10:38

    Alors il est grand temps de se dire" que cache donc cette histoire" ??? on ne sait toujours pas qui a tue robert boulin, mais on retrouve le scooter vole d un certain...qui deja ?


    • Philippe Antonetti 12 mars 2009 10:41

      Nul besoin d’être un expert pour trouver sur le net les profils de 3 des intervenants de ce long dossier : Marion et Lebbos ont un lourd passé de faussaires, qui n’a jamais nui à leur avancement, accessoirement Bot est réputé pour son habileté à enterrer les dossiers sensibles. Alors, ou sont les menteurs ?
      L’attitude de Lemaire me sidère : il n’aide pas sa cliente à la recherche de la vérité, mais joue le rôle de l’accusateur n°1. A son âge et avec son expérience, comment peut-il s’arc-bouter sans le moindre doute à un dossier aussi fragile ?
      Quant à Wacogne, je vous renvoie aux commentaires des observateurs sur sa façon de mener les débats.
      Tout ceci ressemble étrangement à une entente de personnes pour prendre la vie d’un innocent, ça ne vous rappelle rien ?


      • Lesage 15 mars 2009 04:12

        Quelques impressions :


        Cette cour spéciale me fait penser à deux mots : secret défense ! en substance circulez il n’y a rien à voir.
        Une justice à deux vitesses....


        On disait plus jamais d’Outreau, commission parlementaire à l’appui. A travers le procès colonna on a le sentiment d’assister à un remake.


        Il faut un coupable à tout prix pour que justice soit rendu à madame Erignac.Quit à faire condamné un innocent..... Et si Colonna était réellement innocent ?


        Peut on dans le pays des "droits de l’homme" condamner sur l’intime conviction ? L’intime conviction des partie civile a t’elle plus de poids que l’intime conviction de la défense ?


        est ce la première fois que des suspects se rétractent alors qu’il avaient avoué en garde à vue, désignant souvent des interrogatoires musclées, tant sur le plan physique que psychologique ? l’affaire Dills comme tant d’autres ne vous rappelle rien ?


        Qu’en est t’il de cette information lu dans l’article dru Figaro du 24/02/2009 signé Stéphane Durand-Souffland qui écrivait :

        "selon une information de France 3, l’un des deux hommes cités par M. Vinolas aurait été ­arrêté en Corse, fin 1998. Lors de la perquisition à son domicile, outre un stock d’armes, les enquêteurs auraient saisi une veste permettant d’établir un lien entre cet individu et l’attaque de la gendarmerie de Pietrosella, où des pièces d’uniforme furent, notamment, volées. Un nouveau chat à fouetter pour la cour d’assises ? "

        Je m’étonne que personne n’ai repris ou développé cette info !!


        • Castor 16 mars 2009 09:06

          Il faudrait donc croire que ces suspects, avouant leur participation à cet assassinat, auraient été torturés pour ce qui est de la participation de Colonna, mais pas quant à la leur.

          Ce n’est pas la première fois qu’il y aurait rétractation, OK.
          Mais dans le cas présent, ces rétractations n’interviennent qu’après que les auteurs ont été condamnés et leurs recours épuisés. Etrange, non ?

          Et puis il y en a même un pour déclarer qu’il était lui-même le tueur, alors qu’il est plus petit que Colonna et que la défense clame à tue-tête que l’assassin devait faire 1.80 m ou plus.

          Pouvons-nous rester sérieux, s’il vous plaît, et arrêter de reprendre les thèses qui fleurissent sur internet, qui ne reprennent qu’une partie des éléments (à décharge) pour oublier le reste ?

          Depuis que seuls les articles à décharge de Colonna sont publiés ici, je réclame un vrai débat sur le fond.
          Je ne récolte que des insultes à peine déguisées et des théories de complot bien peu étayées, le plus souvent tirées d’assertions diffamantes (sous-entendus de torture ; les témoins à décharge sont tous crédibles mais pas les témoins à charge ; les décisions prises doivent avoir été commanditées par le pouvoir ; "on" ne veut pas de la vérité...)

          L’enquête a permis l’arrestation des membres du commando.
          Les membres du commando ont "chargé" Colonna.

          Le reste n’est qu’argutie, à moins que vous ne me démontriez le contraire.


        • Claudepapi 15 mars 2009 12:05

          Je mets ces liens qui correspondent aux analyses de Jean-Michel Apathie sur ce procès.
          http://www.youtube.com/watch?v=MpPddDVizzA





          • Traroth Traroth 15 mars 2009 23:53

            Je ne suis pas certain que la rupture soit vraiment un choix dans ce cas. Face à l’évidente indifférence des juges devant tout ce que la défense pouvait dire, faire, demander, argumenter, il ne restait au contraire plus grand-chose d’autre à faire !


            • tony 16 mars 2009 03:54

              Oui, Monsieur Arnaud. Comme vous avez raison. Comme je vous soutiens. 

              L’innocent Colonna n’est qu’un pauvre martyr. S’il s’est caché pendant plusieurs années dans le maquis Corse, s’il a été dénoncé par les propres membres de son commando, tout ça n’est qu’une supercherie organisée par Sarkozy en personne. Encore l’un de ses complots politique ! Les effets de manche de ses avocats, comme vous le dites, ne peuvent que démontrer son innocence. Pourquoi en serait-il autrement ? Et oui, pourquoi ses juristes de renom se comporteraient-ils de la sorte ? Mis à part sauver quelques dossiers futurs en s’étant fait un nom en participant au procès Colonna...

              Que vous êtes clairvoyant, Daniel Arnaud.

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