Procès Colonna ou la récurrence de l’effroi
Peut-être, finalement, les dernières affaires judiciaires qui ont défrayé la chronique telle que l’affaire Outreau n’ont-elles pas d’autre objectif que celui d’effrayer les individus qui vivent sur le sol français ? Peut-être est-ce, finalement, une politique volontariste qui veut faire de la justice un repoussoir suffisamment fort pour non seulement dissuader les délinquants d’avoir à s’y frotter, mais aussi pour faire peser sur l’ensemble de la population une sorte de menace tacite afin de maintenir la société sous contrôle ? Finalement...
Mais vouloir y déceler un fin et donc une sorte de rationalité, n’est-ce pas ce que Kant dénonce comme les illusions de la raison qui tente de nous rassurer sur le monde dans lequel nous évoluons ?
Car enfin, la lecture des chroniques judiciaires relatant le procès d’Yvan Colonna ne peut qu’inciter à la réflexion. Davantage qu’une raison d’Etat, qui serait déjà une raison, c’est bien la déraison de l’Etat qui fait peur...
Or, si ce n’est pas une stratégie qui est mise en place, alors comment expliquer autant d’approximations dans une enquête portant sur l’assassinat du plus haut représentant de l’Etat dans une région ?
L’intérêt de ces grandes affaires criminelles réside dans le fait qu’elles portent à la connaissance du grand public ce qui d’habitude reste au niveau des professionnels, des experts, ou des personnes qui ont eu à connaître les affres d’un procès pénal.
En premier lieu, il convient d’ores et déjà de s’interroger sur la longueur de l’instruction et sur la durée de la détention provisoire d’un prévenu.
Comment peut-on arriver à un procès devant une Cour d’assise spéciale, après dix ans d’instruction, avec autant d’incertitudes alors même que les éléments débattus à l’audience paraissent se trouver dans le dossier depuis le début ?
Ainsi, n’est-il pas troublant que les éléments scientifiques qui auraient pu être déduits des premiers résultats de l’autopsie et de la balistique ne soient réellement discutés et utilisés qu’à l’audience ? La taille du tueur n’est certes pas tout pour accuser une personne, elle peut en revanche effectivement être capitale pour la disculper. Et ce d’autant que l’on possède un suspect. L’instruction doit être faite à charge et à décharge, ne l’oublions pas ! Si les éléments précités avaient été approfondis initialement, nous n’aurions pas eu droit à cette triste polémique sur trois jours autour des déclarations du médecin légiste. Nous n’aurions pas à subir l’absence d’un personnage important en la personne de l’expert balistique.
Par ailleurs, comment l’instruction a-t-elle pu faire l’impasse sur le témoignage, là aussi capital à plus d’un titre, de M. Joseph Colombani, témoin oculaire d’autant plus digne de foi qu’il était un proche de la victime. Or, ce témoignage conforte la thèse du médecin légiste sur la taille du tireur, taille qui semble bien innocenter Yvan Colonna...
Force est donc de constater qu’une fois encore la longueur d’une instruction n’est hélas pas gage de son efficacité.
Dès lors, il convient de s’interroger sur les causes de tels dysfonctionnements, surtout en ces temps de réforme judiciaire.
Il est à redouter que les jours à venir apportent avec eux leur lot de grand déballage entre services de police concurrents. Les doutes annoncés du préfet Bonnet dont l’action n’avait pas en son temps participé à la simplification d’une enquête difficile, ne seront pas de nature à nous rendre une confiance de moins en moins acquise au bon fonctionnement d’institutions judiciaire et policière dont le rôle s’avère pourtant fondamental au sein d’une démocratie digne de ce nom.
Il serait pourtant de bon ton de changer les choses en profondeur afin d’éviter que chaque affaire pénale appelée à faire la une des journaux ne donne des frissons au citoyen qui, au vu des questions de principe soulevées, ne peut que s’interroger sur la plénitude de sa liberté.
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