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Prospective mondiale : L’Allemagne, du Frein à la Croissance de l’Europe à une grave Rechute de l’Economie mondiale à l’horizon 2015-2017

 Dans un article précédent « Un retour sur la crise financière de 2008. A quand la prochaine bulle financière ?  », paru dans www.agoravox.fr, le 9 août 2014, on a affirmé que l’analyse de certains paramètres de l’économie mondiale et leur évolution pouvaient nous permettre de faire une projection assez réaliste sur ce qui pourrait advenir pour le monde à l’horizon 2015-2017. Qu’en est-il de cette projection sur les menaces potentielles qui pèsent sur l’économie mondiale ? Tout d’abord, le maillon faible de l’économie-monde semble être la zone euro. Est-il le « précurseur d’une nouvelle crise mondiale » ? Si l’on prend en compte la cacophonie qui règne entre les pays de la zone euro, surtout ceux de la périphérie Sud, qui sont endettés et n’arrivent toujours pas à sortir de la crise, la France qui demande à « détendre l’euro » et l’Allemagne qui s’y oppose, la stagnation, conséquence aux plans d’austérité, est en train de s’étendre aux quelques pays qui restent sains économiquement. Six années après la crise de 2008 se sont écoulées, et le monde n’a encore rien vu de ce qui peut survenir sur le plan économique. Et dans toute crise potentielle, il y a un aiguillon, « l’Europe peut-elle être cet aiguillon ? ».

 

  1. Angela Merkel, un nouveau Bismark de l’Europe ?

 La crise de la zone euro ne cesse de susciter un vif débat en Europe et dans le monde. Certains louent l’Allemagne via la chancelière Angela Merkel dans le rôle stabilisateur qu’elle joue dans la zone euro. D’autres par contre dénoncent son rôle qui, selon eux, déstabilisent les économies des pays de la périphérie sud et même certains des pays du Nord qui ont mis fin aux plans d’austérité (Pays-Bas).

 La politique économique et monétaire de l’Europe telle qu’elle est menée aujourd’hui est en train, par les politiques d’austérité à grande échelle, d’installer à coup sûr une grande partie de l’Europe dans une stagnation programmée. Ce qualificatif de « stagnation programmée  » est emprunté à une analyse publiée par Joseph Stiglitz, en février 2014. Ce prix Nobel n’est pas le seul économiste occidental à dénoncer les politiques suicidaires impulsées par l’Allemagne.

 « Mais pourquoi l’Allemagne et toujours l’Allemagne qui fait tant parler d’elle depuis près de 150 ans ? » En 1871, en pleine guerre franco-allemande, elle a proclamé son unification à Versailles. La pire humiliation que la France ait connue. En 1914 et en 1939, en provoquant deux guerres mondiales, elle a changé le destin de l’humanité. Il a fallu que l’Allemagne soit occupée et divisée en deux pour qu’elle cesse d’influer sur le devenir du monde. Et même, occupée, l’Allemagne fédérale a opéré un véritable miracle économique. D’ailleurs comme le Japon lui aussi occupé s’est transformé en « miracle économique ». Deux nations sous tutelle opèrent chacun leur mue en deux points opposés de la terre, et influent chacun de leur côté sur leurs régions.

 Qu’en est-il de l’Allemagne ? A peine réunie avec la RDA, après la chute du Mur de Berlin, l’Allemagne va commencer à peser sur les affaires européennes et du monde. De couple franco-allemand qui n’était qu’un équilibre provisoire pour contrebalancer le couple anglo-saxon (États-Unis et Grande-Bretagne), l’Allemagne fera de la zone euro une « Europe forte », et presque allemande par son intransigeance.

 Même la Grande-Bretagne va compter peu dans les affaires du monde. On rapporte dans les milieux d’affaires que lorsqu’Obama veut « prendre le pouls de l’Europe », il téléphone à Berlin plutôt qu’à Londres et Paris. Angela Merkel est devenue pour ainsi dire le « nouveau Bismarck de l’Europe » ? Bien que la situation qui a prévalu dans les années 1860-1870 et celle d’aujourd’hui sont différentes, des similitudes d’intérêts sont constatées entre les deux époques. Angela Merkel comme Bismarck vise le rayonnement de l’Allemagne sur l’Europe. Comme la politique de Bismarck et le « cauchemar des coalitions des puissances européennes » à l’époque pour taire les dissensions au sein de l’Europe, Angela Merkel fait pratiquement la même chose, et même par son intransigeance sur sa politique économique en Europe qu’elle veut montrer la plus judicieuse, la plus prudente en créant une situation d’approbation et surtout de dépendance par les aides financières qu’elle octroie aux pays de la zone. En contrepartie de ces aides, elle ne cesse d’imposer ses principes de « rigueur et d’assainir à tout prix les finances publiques » aux dix-huit pays de l’Union monétaire sans pour autant que ces principes n’apportent de solution à la crise. La crise, au contraire, s’approfondit.

 Pourquoi le poids de l’Allemagne est déterminant dans les décisions européennes ? Est-ce par ses aides qu’elle octroie aux pays endettés de la zone euro ? Ou par son modèle économique ? L’Allemagne est certes la première puissance économique. Mais, avant la crise, les problèmes intra-zone monétaires ne se posaient comme ils se posent depuis la crise de 2008. « Les Allemands considèrent aujourd’hui qu’ils travaillent beaucoup plus que les autres pays d’Europe et qu’en plus on leur demande de payer pour eux. Cela est-il vrai ? » Que payent-ils les Allemands par ces transferts financiers aux autres pays en crise ? Transferts qui ne font que les maintenir dans la stagnation ? Qu’en est-il de ces transferts ? Viennent-ils réellement et en absolu du solde de la balance courante allemande ou d’une tout autre source ? Il est très important de définir ces points si l’on veut comprendre réellement l’apport réel de l’économie allemande à la zone ? Sinon les pays de l’Eurozone vont se perdre dans le dogme admis que l’Allemagne est le soutien, le socle sur lequel s’appuie l’Europe, et qui, en réalité, est faux, et explique dans un certain sens « l’anxiété de l’Allemagne face à la levée de boucliers des autres pays de la zone ».

 Et si ces « transferts » constituent la clé de voûte de tout l’édifice construit sur l’euro. Une monnaie qui devient de fait la deuxième monnaie de réserve du monde, après le dollar, mais pose un problème aux dix-huit pays de la zone euro.

 

  1. Rétrospective : le « droit de seigneuriage des États-Unis et de l’Europe »

 Il est évident que ce n’est pas tant la chancelière allemande qui pose problème mais bien la politique économique, financière et monétaire de l’Allemagne imposée à l’Europe. Angela Merkel, en réalité, n’est que le porte-parole de la haute finance allemande et de l’Europe. Ce sont les oligarques européens qui sont les vrais acteurs dans la rédaction de la feuille de route qu’Angela Merkel impose aux institutions européennes et aux États d’ Europe. Le plan concocté par la haute finance de l’Union européenne et monétaire se tient si l’on regarde le court terme, mais la situation n’a pas évolué et aucune perspective de sortie de crise n’est en vue. La haute finance des pays de la zone euro (Allemagne, France, Italie, Espagne jusqu’au Portugal, la Grèce) qui ne veulent pas subir de pertes financières garde l’œil sur les finances de la zone euro. Mais pourront-ils longtemps maintenir cette politique économique et financière suicidaire ? Comment comprendre cette situation en Europe ? D’autant plus que cette crise a ses origines ancrées dans les crises financières et monétaires depuis les années 1960.

 Avec le recul aujourd’hui, les phénomènes qui reviennent dans les crises nous permettent de mieux les appréhender, de mieux les comprendre qu’il y a 40 ans. A cette époque, notre compréhension du rôle joué par le secteur financier et monétaire occidental dans les crises était très limitée. Aussi revoyons l’histoire et tentons de la faire parler. Cependant avec un mais, « reconceptualisons-la dans son essence si on veut comprendre le fil de son évolution ». Il est probable que les économistes ne trouvent pas très classiques les explications monétaristes qui sont données dans cette analyse, mais « si nous restons dans la doxa passée, c’est-à-dire l’économie classique, nous ratons la compréhension de la dynamique du développement du monde ». Aussi dirons-nous les lois de l’économie mondiale ne sont pas figées, elles sont avant tout humaines et évoluent avec l’humain. « Donc ne raisonnons pas tout à fait comme les économistes mais comme la réalité l’indique. Et c’est le seul moyen pour y voir clair, sinon tout est obscur, tout est financier et monétaire sans comprendre ce que cache ce financier-monétaire ».

 Tout a commencé à Bretton Woods, en 1944, une Conférence qui a scellé le système monétaire international unifié fondé sur le dollar américain (rattaché à l’or, sur la base de 35 dollars US l’once d’or). Si le dollar a permis une période de forte croissance qu’ont connu la plupart des pays développés, les « Trente Glorieuses »et donné au reste du monde une stabilité économique, financière et monétaire, cette situation va commencer à se détériorer entre les pays d’Europe et le États-Unis, dès les années 1960. En effet, une forte création monétaire sans contreparties physiques, l’or en l’occurrence, pour financer les déficits extérieurs américains va amener les pays européens à réclamer plus d’or au lieu des dollars, provoquant ainsi une diminution du stock d’or américain. Le 15 août 1971, pour endiguer les sorties d’or, le président Nixon décréta la suspension de la convertibilité du dollar en or, ce qui entraîna en riposte de l’Europe, le flottement des monnaies convertibles sur les marchés.

 Les crises pétrolières qui ont suivi dans les années 1970 vont changer complètement la politique monétaire américaine. Désormais, les monnaies internationales flottant sur les marchés, le dollar n’étant plus entravé par l’obligation de détenir la contrepartie-or, les États-Unis auront toute latitude d’imprimer à leur guise le choix qu’ils auront décidé sur leur politique monétaire. Cette libération de l’Amérique de l’étalon-or aura des conséquences considérables sur les finances mondiales. Et surtout qu’une nouvelle donne va surgir et remplacé, dans un certain sens, l’étalon-or. C’est le « libellé monétaire du pétrole » qui va de nouveau conférer au dollar son statut de monnaie dominante dans le système financier et monétaire mondial. Le pétrole facturé en dollars obligera les puissances européennes qui refusaient d’accepter les dollars ainsi que les pays du reste du monde d’acheter massivement des dollars pour régler leurs importations pétrolières. Ce qui faisait du « libellé monétaire du pétrole une arme monétaire imparable pour les États-Unis ».

 Il est évident que, sans la donne pétrolière, le financement des déficits commerciaux américains par la « planche à billet » impacterait non seulement le dollar – il aura à se déprécier fortement – mais conduirait les pays du reste du monde à vendre des dollars et à rechercher les monnaies européennes devenues fortes. Les États-Unis, face à une chute du dollar, seraient obligés de mettre fin à la création monétaire ex nihilo et recourir aux impôts pour financer leurs déficits extérieurs. Et justement, le « libellé monétaire du dollar » a cette capacité de maintenir le dollar dans son statut de « première monnaie de réserve » dans les Banques centrales du monde. C’est ainsi que, par cette donne, les Etats-Unis ont gagné « plus de droit de seigneuriage sur le monde que ne leur offrait le Gold Exchange Standard (GES)  » puisqu’ils sont seuls à émettre des dollars pour la facturation des transactions pétrolières avec les pays de l’OPEP. Un cartel dominé par les pays monarchiques arabes du Golfe et qui produit plus du tiers de la production annuelle mondiale. Et cela grâce au « deal » conclu entre l’Amérique et les pays de l’OPEP, principalement avec l’Arabie saoudite dont la sécurité dépend du parapluie américain. Un « deal visiblement secret non dit » impose aux pays arabes de se conformer à la règle américaine qui est de placer la plus grande partie de leurs excédents commerciaux en bons de Trésor américain.

 Nonobstant ces accords, les États-Unis ont cherché aussi à répondre aux doléances des pays d’Europe, car tout compte fait, ils sont leurs alliés et à l’époque, le monde était en pleine « Guerre froide ». Ils ont concédé à la création du « Serpent monétaire européen » (Accords de Bâle du 10 avril 1972), pour stabiliser les monnaies européennes entre elles mais devaient toutes fluctuer plus ou moins sur une marge décidée autour du dollar. Mais le Serpent n’a tout compte fait pu stabiliser le système international. Malgré le libellé monétaire du pétrole et les krachs pétroliers, le dollar américain n’a pas cessé de se déprécier dans les années 1970. « Une véritable énigme : Pourquoi la hausse continue du prix du pétrole durant cette période n’est pas arrivé à contenir la dépréciation du dollar ? » Est-ce parce que les déficits américains furent considérables et le libellé monétaire du pétrole ainsi que les excédents arabes étaient insuffisants pour contrer la chute du dollar sur les marchés internationaux ? Ou est-ce dû à une autre donne qu’il faut déterminer ? Il y a forcément une réponse et « celle-ci se trouve précisément dans l’arrimage des monnaies européennes au dollar dans le Serpent monétaire  ».

 Les pays européens, en s’engageant à laisser fluctuer leurs monnaies autour du dollar à + ou - 2,5%, ont en fait suivi les fluctuations du dollar sur les marchés. Donc le « autour du centre du Serpent monétaire ». Ils doivent ainsi acheter ou vendre des dollars pour rester dans les marges prescrites par le Serpent. Mais s’il y a une hausse des émissions monétaires américaines pour financer les transactions pétrolières dans le monde et qu’en même temps ces excès d’émissions monétaires qui servent à financer les déficits ne sont pas suffisamment pondérés par le retour des excédents commerciaux pétroliers des pays arabes en bons de Trésor, il s’ensuit alors une appréciation des monnaies européennes, avec pour conséquence une difficulté pour les pays européen pour leurs exportations (plus chères).

 Cette dépréciation du dollar sur les marchés par excès de monnaies américaines commande aux pays européens de rectifier cette dépréciation qui s’est imposée par la conjoncture et procèdent à leur tour à des émissions monétaires ex nihilo pour rappeler le dollar à son centre initial, c’est-à-dire à rééquilibrer de nouveau les taux de change, en particulier avec les monnaies fortes, tels le deutschemark et le yen. Et cette création monétaire par les monnaies « arrimées au dollar » ou encore « monnaies vassales » est ce qu’on appeler une création monétaire « par duplication aux émissions monétaires américaines ». Les pays européens ont un « pouvoir duplication monétaire qui s’inscrit dans l’essence même du Serpent monétaire ». L’Amérique ne soutenant pas sa monnaie, l’Europe se retrouve aussi à ne pas soutenir la sienne. Le « Serpent monétaire européen devient au final un système monétaire biaisé ». C’est ainsi que par les émissions monétaires qui se sont opérées concomitamment – l’inflation répondit à l’inflation américaine –, une « spirale inflationniste occidentale » s’est formée et s’est étendue au monde durant toute la décennie 1970.

 Ce processus montre qu’il n’y a pas « un droit de seigneuriage mais deux droits de seigneuriage sur le reste du monde, un central pour les États-Unis, l’autre, périphérique ou vassal, pour les pays européens ». Deux pouvoirs exorbitants. Ce qui veut dire que les pays européens ont, à l’instar des États-Unis, la possibilité de financer leurs achats en procédant à des émissions monétaires ex nihilo, sans contreparties physiques, c’est-à-dire à partir de rien, par un simple jeu d’écriture alors que les pays du reste du monde n’ont d’autres choix que d’exporter pour obtenir les précieuses monnaies européennes ou américaines. Les sorties ou le retour des monnaies des pays européens au Serpent monétaire est lié au niveau de leurs déficits, ce qui ne joue pas pour la monnaie américaine qui s’érige en centre du système.

 Cependant, on ne peut dire que cette inflation monétaire occidentale a été négative. Bien, au contraire, le monde avait besoin d’un centre qui créa l’argent, et cette « création de l’argent à partir de rien », quoique que l’on dise, a réellement contribué à la fois au financement et à l’essor de l’économie mondiale. Des liquidités internationales dont sont dépourvus les pays du reste du monde mais qui leur sont nécessaires pour leur développement. Le problème n’est pas celui qui détient les liquidités mais celui qui fait fonctionner la machine mondiale.

 

  1. L’énigme de la cohésion des monnaies européennes autour de l’ECU. Le dollar fort annihile le « droit de seigneuriage » de l’Europe

 Ces formidables injections de liquidités internationales par les Banques centrales occidentales diminuèrent brusquement à la fin de l’année 1979 début 1980, lorsque la Réserve fédérale augmenta brutalement et massivement son taux d’intérêt directeur, à plus de 19%. Les emprunts s’étant contracté pour la plupart des pays du reste du monde, et comme ils étaient stipulés à taux variables, ils ont créé un formidable séisme sur les économies d’Afrique, d’Amérique latine, du bloc socialiste de l’Est et de plus de la moitié de l’Asie. Le monde ploya sous le poids de la dette envers l’Occident. On a vu ce qu’il est ressorti du bloc socialiste de l’Est qui a éclaté à la fin de la décennie 1980. En décembre 19991, « l’Union soviétique a fini d’exister ». Les pays latino-américains ont vu leurs régimes dictatoriaux balayés par la crise de l’endettement. Le « Printemps en Chine » avec l’événement sur la place de Tiananmen, à Pékin. Un monde nouveau s’ouvrait à partir des années 1990.

 Quant à l’Europe, l’impact a été surtout financier et monétaire. Les dysfonctionnements dus à la spirale inflationniste des années 1970 rendaient le Serpent monétaire inopérant, il fut remplacé par le « Système monétaire européen ». Annoncé en mars 1979, et mis en application dans les années 1980, il aura cette capacité de stabiliser progressivement le cours des monnaies européennes entre elles et avec le dollar. Si l’encadrement des marges de fluctuation autour d’un cours-pivot monétaire, l’ECU (European Currency Unit) basé sur un panier de monnaies et que celui-ci, faisant office d’unité de compte entre les Banques centrales des pays-membres de la Communauté européenne, a participé à la stabilisation des monnaies européennes, « la cohésion entre les monnaies européennes, en réalité, le doit surtout à la forte hausse du dollar sur les marchés monétaires que par le nouveau mécanisme de change ».

 On attribue beaucoup au Système européen d’avoir bien résisté au second choc pétrolier ou d’avoir facilité la lutte contre l’inflation, ce qui est du reste juste. Mais le mérite ne revient pas directement au nouveau système qui n’était que d’ordre technique pour resserrer les marges entre les monnaies européennes. Il revient surtout à la politique monétaire américaine.

 En effet, en relevant soudainement et très fortement le taux d’intérêt directeur, la Réserve fédérale américaine (Fed) a aspiré une grande partie des liquidités en dollars dans le monde, créant ce qu’on appelle un « dollar-gap » (rareté des dollars sur les marchés financiers). Conséquence, le dollar s’est fortement apprécié. Dès le début des années 1980, les taux de change des monnaies européennes commençaient à se déprécier. Cette dépréciation ininterrompue a fait passer le dollar de 4,555 Franc français en avril 1979 à 10,60 Franc français en février 1985, soit le double de sa valeur. Il s’en est allé de même pour le deutschemark, la monnaie allemande pourtant considérée la plus forte et la plus stable d’Europe. Le dollar est passé de 1,707 deutschemarks en décembre 1979 à 3,469 deutschemark en février 1985. Comme pour le franc, la valeur du dollar a doublé par rapport au deutschemark. Et toutes les monnaies européennes ont suivi cette même évolution.

 Cette forte dépréciation des monnaies européennes montre que le « pouvoir de duplication monétaire » que l’Europe faisait jouer pour répondre par l’inflation à l’inflation du dollar, dans les années 1970, n’a pas joué lorsque le dollar devient « déflationniste ». Les pays d’Europe, face à un dollar fort, n’avaient plus le prétexte du dollar faible qui pénalisait leurs exportations, ce qui entraîne que toutes injections de liquidités ex nihilo en Europe se soldaient par une dépréciation de leurs monnaies sur les marchés. Ce qui explique l’affaiblissement des monnaies européennes face au dollar.

 On peut donc dire que « le dollar déflationniste a tout simplement annihilé le droit de seigneuriage de l’Europe » sur le reste du monde. Contrairement au jeu de bascule des monnaies américaines et européennes qui a joué durant la décennie 1970, la situation est devenue plus difficile pour les pays d’Europe, les entraînant à plus de discipline, à une plus grande concertation pour ne pas se pénaliser mutuellement puisqu’ils sont déjà pénalisés par la superpuissance. « Un baril de pétrole qui explose conjugué à un taux de change du dollar qui explose ne pouvaient qu’accentuer l’affaiblissement de l’Europe et les pays du reste du monde non pétroliers. »

 Mais cette correction des monnaies européennes à la baisse par les marchés avait néanmoins un intérêt, l’Europe s’est trouvée, malgré elle, emporter dans la politique désinflationniste des États-Unis puisqu’elle a permis de dégonfler les poussées inflationnistes en Europe et dans le monde. De plus, un processus s’est engendré. Dans tous les programmes d’ajustement opérés sur les pays endettés par le FMI, la médication passait par une dévaluation drastique des monnaies et une ouverture de leurs marchés, donc plus de libéralisation de leurs économies pour s’intégrer dans le commerce mondial. Ce qui passait par un dur apprentissage lequel allait à son tour enfanter, une décennie plus tard, ce qu’on appelle aujourd’hui les « pays émergents ». Des pays qui mènent, ironie du temps, une politique économique dure et complexe pour l’Occident.

  Au final, peut-on dire, si la politique monétaire américaine ne s’est pas inversée en 1979, la poussée des prix des matières premières et du pétrole aurait continué et le monde se serait trouvé emporter dans une spirale inflationniste infernale qui aurait mené le dollar et les monnaies européennes droit contre le mur. Et le « pouvoir de seigneuriage des États-Unis et d’Europe » aurait, en créant une hyperinflation mondiale, généré une crise majeure pour l’ensemble des pays du monde. Ce qui nous fait dire que la crise d’endettement des années 1980 a été non seulement un « mal nécessaire » mais dictée, au-delà de la politique monétaire de la Fed (Réserve fédérale américaine), par la conjoncture économique de cette époque.

 

  1. Comprendre le monde par « cycles économiques interposés »

 L’économie mondiale a subi une des plus fortes contractions de son histoire dans les années 1980. L’endettement mondial qui a suivi a touché plus de la moitié du monde. La politique restrictive de la Fed provoquant la hausse du dollar combinée à la hausse des cours pétroliers a joué comme un « rouleau aspirateur » des liquidités internationales. Ce n’est que suite aux « Accords de Plaza, du 22 septembre 1985 », entre les Banques centrales occidentales (États-Unis, RFA, Grande-Bretagne, France et Japon) que fut procédé l’atterrissage en douceur du dollar. La vente massive des dollars par les Banques centrales européennes et japonaise et sur les marchés de devises et les injections monétaires de la Fed pendant l’automne 1985 et le printemps 1986 ont fortement contribué au recul du dollar. 

 De plus, compte tenu du ralentissement de l’économie mondiale, la baisse de l’activité industrielle dans le monde couplée à l’augmentation de la production pétrolière de l’Arabie saoudite pour compenser la baisse des prix du pétrole, contribua à accentuer la baisse des prix. D’autant plus que les États-Unis qui décélérait l’appréciation du dollar n’avait plus besoin de contreparties physiques à leurs émissions monétaires. C’est ainsi que survint le « contre-choc pétrolier, en 1986 », au cours duquel le prix du baril de pétrole s’échangea à 10 dollars. Ce cours bas du pétrole qui permit aux pays occidentaux d’alléger leurs factures pétrolières a fortement ponctionné les revenus extérieurs de l’Union soviétique (pays exportateur de pétrole), à l’époque engagée dans la guerre en Afghanistan.

 Quant au japon, deuxième économie et concurrente à la suprématie financière américaine, il lui fut imposé suite aux accords de Plaza de réévaluer sa monnaie. Il devint du jour au lendemain riche par la nouvelle parité du yen. Cependant pour ce dernier, l’appréciation artificielle et mécanique du yen par rapport aux autres monnaies occidentales aura à affecter sa compétitivité commerciale. D’autre part, elle sera à l’origine d’une multiplication de placements en Europe et aux États-Unis (opérations d’achats de prestige non rentables) et surtout doperont la bulle immobilière qui éclate en 1990. Le Japon s’enfoncera dans la plus grave crise financière de son histoire, elle durera plus d’une décennie.

 C’est cette situation qui a prévalu à la fin des années 1980 qui, riche d’événements majeurs, va changer complètement la face de l’histoire économique, surtout avec l’« irruption de la Chine dans le commerce mondial ». La Chine progressivement prendra le relais du Japon.

 Les accords du Louvre de février 1987 et le Krach d’octobre 1987 qui a suivi n’auront été en fait que des avatars de l’histoire économique du monde. En effet, la « dérégulation financière des années 1980 en Occident et étendue aux autres grands pôles économiques du monde vont changer complètement l’équilibre économique mondial. En apportant leur contribution au développement du commerce mondial, et en faisant leur les règles édictées par l’Occident, les autres pôles du monde vont non seulement participer au renouveau de l’économie mondiale, mais apporter une nouvelle dimension à l’ordre du monde. Que l’on appelle « mondialisation » ou « globalisation », cette dimension n’est plus seulement édictée par l’Occident, elle l’est aussi par l’ensemble des pôles économiques qui opèrent dans le commerce mondial.

 Mais comment appréhender cette « mondialisation » ? Cette interdépendance croissante des économies du monde ? Cette expansion à l’échelle planétaire ? Et le problème est que l’Occident n’est plus dominateur avec la montée en puissance de nouveaux pôles économiques, mais les domine encore. « Pourquoi cette contradiction d’un pôle central qui ne l’est plus mais le reste quand même ? » Le seul moyen de le comprendre, et comprendre aussi les évolutions et les relations entre les différents pôles économiques dans le monde est de le faire par les « cycles économiques interposés ». Les cycles qui ont marqué les dix dernières années du XXe siècle font ressortir une dimension insoupçonnée des litiges et contentieux qui opposent ces pôles. Ils révèlent aussi, et à maints regards, la dynamique que jouent et continuent de jouer, aujourd’hui encore, les crises non seulement dans le développement économique du monde mais dans la cohérence même de l’évolution des nouveaux pôles économiques engagés dans le commerce mondial.

 Aussi commencerons-nous par le premier cycle économique de la décennie 1990, qui servira de référence aux autres cycles qui suivront. Celui-ci et ceux qui vont suivre marqueront une rupture avec les crises passées puisque celles-ci intègrent désormais les nouveaux pôles économiques dans le commerce mondial. D’autant plus qu’ils deviennent de sérieux concurrents aux pays occidentaux dans le commerce mondial.

 

  1. Le cycle économique 1989-1995. La crise mexicaine

 Dès 1989, la Réserve fédérale américaine procéda à une détente monétaire anticipée pour contrer un ralentissement qui commençait à gagner l’économie américaine. Entre 1989 et 1992, le taux d’intérêt directeur passait de 10 % à 3 %. Cette inversion de la politique monétaire de la Fed au printemps 1989 marque la « phase montante du premier cycle économique de la décennie 1990 ». Le taux d’intérêt court resta au plancher jusqu’au début de l’année 1994. Cette phase d’expansion monétaire qui dura cinq années fit sortir l’économie américaine de la récession de 1990-199. A partir de février 1994, la Fed, changea de cap et fit passer, après sept hausses, le taux directeur de 3 % à 6 %, en février 1995. Cette politique restrictive enclencha la « phase descendante du cycle ». Mettant fin au crédit bon marché pour réduire les pressions inflationnistes, l’augmentation du taux d’intérêt fit « affluer les capitaux du reste du monde vers les places financières américaines ». Si l’onde de choc toucha l’Europe où les pays ayant des déficits publics et des dettes élevées, notamment l’Espagne, l’Italie et la Suède qui ont payé un lourd tribut suite au krach obligataire provoqué par la hausse du taux d’intérêt de la Fed, les conséquences ont été beaucoup plus graves pour les pays émergents.

 En effet, ces pays où des délocalisations massives à forte intensité de main d’œuvre ont été opérées et qui ont connu un afflux important de capitaux vont se trouver très handicapé financièrement par le retrait des capitaux américains. Ces pays, en pleine industrialisation, vont ressentir durement le choc du retrait des capitaux sur leurs économies. Le Mexique qui venait d’entrer dans l’ALENA – une nouvelle zone de libre-échange nord-américaine qui venait de s’ouvrir entre les États-Unis, le Canada et le Mexique – sera confronté le premier au resserrement monétaire américain. Celui-ci se solda, au début de l’année 1995, par une crise financière au Mexique. C’est la crise du peso mexicain ou l’effet « téquila ». Le Mexique qui avait financé sa dette et ses déficits courants en hausse avec des capitaux à court terme fut le premier touché. Il connut une grave crise de liquidités, avec une dévaluation du peso. Une défiance s’est répandue à l’Amérique latine.

 Une crise de liquidités a éclaté au Brésil et en Argentine qui ont été contraints, pour ne pas remettre en question leur plan de stabilisation monétaire, de soutenir leurs devises, en rachetant massivement leurs monnaies par leurs Banques centrales pour éviter une dévaluation massive. Les conséquences ont été considérables pour ces pays : les réserves de change ont fondu, entraînant une hausse des taux d’intérêt suivie d’une chute des crédits. Qui se traduit ensuite par une baisse de la consommation et de l’investissement, et hausse du chômage. Le Mexique reçut un soutien financier d’urgence des États-Unis, dans le cadre de l’ALENA. D’autre part, la hausse des taux d’intérêt directeur

 Que dire de la débâcle de l’Amérique latine et du krach obligataire en Europe ? Que le « droit de seigneuriage que les États-Unis ont sur le monde », via les instruments dont ils disposent, a une formidable influence sur les finances mondiales. Cependant les deux cycles économiques qui suivront la crise mexicaine montreront que « cette influence du pouvoir exorbitant de la première puissance mondiale n’est pas si négative pour les pays émergents, et ne met pas les États-Unis à l’abri des retombées qui peuvent surgir ».

 

  1. Le cycle économique 1995-1998. La crise asiatique de 1997 démontre une bonne résilience de l’Asie par rapport à l’Europe

 La crise qui frappa le Mexique en 1994 et les pays émergents ne s’arrêta pas là. Le 6 juillet 1995, la Réserve fédérale fit passer de 25 points de base le taux d’intérêt court de 6 % à 5,75 %, enclenchant « le début de la phase montante du deuxième cycle économique de la décennie 1990 ». Le taux d’intérêt de la Fed est porté, après deux baisses de 25 points, à 5,25 %, le 31 janvier 1996. Il restera inchangé jusqu’à son relèvement de 25 points, à 5,5 %, le 25 mars 1997. Le cycle entame « sa phase descendante ».

 Pourtant, à cette époque, le taux de chômage aux Etats-Unis s’est réduit à 5,1 %, et l’inflation était faible à 3 %. La croissance américaine était pour ainsi dire saine. Pourquoi ce léger relèvement du taux d’intérêt ? La réponse va venir des pays asiatiques dès l’été 1997. La Thaïlande est la première touchée. Pratiquement le même processus qui a joué pour le Mexique en 1994 va jouer pour la Thaïlande en 1997. Ce pays a financé son développement avec un endettement exogène libellé en monnaies étrangères, principalement en dollar ou en yen. De plus, la Thaïlande a une politique monétaire ancrée sur le dollar, le « peg », ce qui, s’il favorise l’investissement, fragilise son indépendance monétaire en cas de retrait des capitaux américains. Précisément le resserrement monétaire de la Fed a été un facteur déclencheur dans la « fuite de capitaux » d’Asie.

 La crise qui a touché l’Asie, en 1997, relève d’une conjoncture économique qui n’a pas été favorable à la Thaïlande. Un surinvestissement, une baisse des exportations, un niveau de dette élevé. Cependant la crise financière aurait pu être moins grave si les liquidités des fonds de pensions n’avaient pas quitté massivement la Thaïlande. Et surtout si l’extension de la crise aux autres pays asiatiques n’avait pas eu lieu, en Malaisie, en Corée du Sud, aux Philippines, en Indonésie… Tous ces pays se trouvaient pris dans le sillage de la frilosité des fonds de pensions américains, trop craintifs d’essuyer des pertes. Ce qui est tout à fait raisonnable quand il s’agit de fonds de pensions de personnes retraitées.

 Précisément le marqueur en vérité s’avère le taux d’intérêt directeur qui annonce dans un certain sens le repli. Les capitaux américains sont très sensibles au relèvement d’intérêt par la Fed. Le « fly to security devient alors un passage obligé » pour les fonds de pension qui passeront des monnaies locales (ventes) à leur monnaie d’origine, entraînant derrière eux drames sociaux et crises politiques. Comme ce qui s’est passé pour le Mexique, Les pays asiatiques, après une tentative de soutenir leurs monnaies qui s’est soldé par une hémorragie de leurs réserves ce change et une hausse de la dette, ces pays se voient imposer une thérapie de choc par le FMI (dévaluation de leurs monnaies, corrections budgétaires à la baisse, licenciements massifs, etc.).

 En 1998, la crise s’est étendue à la Russie, au Brésil, à l’Argentine, qui ne peuvent plus assumer leurs dettes libellées en dollars.

 Que peut-on dire au final ? Que les crises mexicaines, asiatiques, brésiliennes et russes, n’ont été qu’un prolongement de crises de liquidités successives. Parce qu’elles sont systémiques qu’elles s’insèrent parfaitement dans le nouveau paradigme de la mondialisant du monde. Et même cycliques, et de surcroît « pilotées » par la Réserve fédérale, ces crises bien au contraire ont, au-delà des coûts sociaux et politiques, visé à insérer ces pays en parts entières dans le commerce mondial. Et, la cure passée, les capitaux sont de nouveau revenus à ces pays, dopant leur croissance. On peut même se poser pourquoi les capitaux sont revenus. Ces économies démontrent que nolens volens ils offrent toujours de meilleurs rendements qu’en Occident ?

 Aussi peut-on conclure que ces crises ont été salutaires à plus d’un titre, d’abord, elles ont permis une prise de conscience pour ces pays sur la volatilité des IDE, donc une plus grande prudence sur tout apport de capitaux étrangers, d’autre part, ces économies démontrent, malgré le choc qu’elles ont subi, qu’elles possèdent une bonne résilience contrairement à ce que l’on constate aujourd’hui dans les économies de la zone euro. D’autant plus que des pays comme Singapour, Hong-Kong et Taiwan ont été peu touchés par la tempête financière qui s’est abattue sur l’Asie.

 

  1. Le cycle économique 1998-2001. La crise asiatique, russe et brésilienne finit par rattraper l’Occident

 En 1998, la Réserve fédérale baissa à trois reprises consécutives le taux d’intérêt directeur, de 25 points par mois (septembre, octobre et novembre) pour le ramener de 5,50 % à 4,75 %. C’est la « phase montante du dernier cycle du XXe siècle ». Mais cette détente ne va pas durer. Moins de huit mois plus tard, le 30 juin 1999, la Fed relève son taux d’intérêt de 4,75 % à 5 %. C’est le début de la « phase descendante du cycle ». 5 hausses vont suivre et amener, le 16 mai 2000, le taux directeur de la Fed à 6,5 %. Ce taux resta constant jusqu’au début janvier 2001 au cours duquel la Fed inversa sa politique et procéda à la baisse de son taux d’intérêt directeur de 50 points, pour le ramener de 6,5 % à 6 %. C’est la « fin du cycle économique 1998-2000 ».

 Une question qui se pose dans ce cycle. Pourquoi la Fed a procédé au relèvement de son taux d’intérêt en juin 1999 ? Alors que l’économie américaine n’a pas souffert de la crise asiatique. Malgré le mini contrechoc pétrolier qui a suivi la crise asiatique, russe et sud-américaine – le prix du baril de pétrole a atteint son plus bas, à 10 dollars, à la fin de l’année 1998 –, les places financières occidentales ont évolué très positivement contrairement aux places asiatiques qui ont essuyé des pertes considérables. Le taux de chômage aux États-Unis était très faible, il se situait entre 4 % et 5 %. En Europe, le taux de chômage est passé de 11,5 % à 9 %. L’économie américaine était en pleine expansion, surtout avec la diffusion rapide des nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC). Tandis qu’en Asie, la situation remontait lentement. Les Bourses de la Corée du Sud, de Singapour, de Hong-Kong, du Japon et de Bombay et du reste de l’Asie avaient subi un désastre. Leurs indices boursiers avaient chuté plus de moitié. Le Nikkei, par exemple, est passé de 23 000 à 13000, Hang Seng (Hong-Kong) de 16 000 à moins de 8000, toutes les places boursières hormis la Chine ont subi pratiquement les mêmes baisses, contrairement aux Bourses européennes et américaines qui ont été peu touchées par la crise de 1997.

 L’Asie a connu donc un véritable krach boursier, et les corrections boursières se sont prolongées jusqu’en 1998.

 Le motif pour lequel la Fed a relevé son taux directeur était incontestablement le risque inflationniste qui était, avant 1998, de 2 %, et remontait en 1999. Cependant si le motif de la Fed était de lutter contre l’inflation, la hausse des taux d’intérêt de la Fed ne pouvait que ralentir l’activité économique américaine. Donc un dilemme pour la Fed. Comment comprendre ce retournement de situation du cycle ?

 « La réponse vient de la crise asiatique qui s’est étendue à la Russie et au Brésil.  » Les États-Unis, bien qu’ils pilotent le cycle économique mondial, et qu’ils sont dotés d’un pouvoir monétaire exorbitant ne sont pas à l’abri des retombées des crises économiques qui éclatent dans le monde. En effet, la fuite de capitaux de ces pays a rejoint fatalement leur pays d’origine, i.e. les États-Unis. Forcément, les centaines de milliards de dollars ou plus de fonds de pensions américains, des assurances, etc., devaient bien s’investir quelque part, donc en Bourse. Or le marché des actions des valeurs technologiques, l’indice Nasdaq de Wall Street, avait le vent en poupe. En 1992, le Nasdaq était coté environ 500. Entre fin 1998 et début 2000, l’indice Nasdaq a décuplé et atteint son sommet historique de 5132. D’autre part, il est passé de 2000 en 1999 à 5000 en 2000, soit un saut de 3000 en l’espace d’un an.

 On aura beau dire que c’est l’enthousiasme des investisseurs pour les valeurs high-tech, il demeure cependant que l’euphorie de la spéculation était bâtie sur un socle sans lequel cet édifice euphorique et spéculatif n’aurait pu voir le jour. Précisément, ce socle a été la politique monétaire restrictive, en 1997, qui a attiré les fonds de pensions américains qui sont revenus à leur sol d’origine, puis devenue expansive à la fin de l’année 1998, puis de nouveau restrictive au milieu de l’année 1999, attirant de nouveau des capitaux du monde entier. Socle que le dollar a conforté en remontant face à l’euro, à partir de 1999.

 D’autre part, aux fonds de pensions et des assureurs américains, il faut ajouter les excédents commerciaux chinois, japonais et des pays arabes exportateurs de pétrole (suite à la hausse du pétrole à partir de 1999). Ces capitaux investis surtout dans les obligations souveraines américaines viennent doper le budget fédéral. Et on ne peut ne pas mentionner les capitaux européens. La monnaie unique, l’euro, lancée en janvier 1999 conjuguée à la hausse du taux d’intérêt de la Banque centrale européenne (BCE), n’a pas été suffisamment dissuasive pour contenir les capitaux qui ont fui l’Europe pour des plus-values sur les places américaines. Le taux d’intérêt de la BCE est passé, après huit hausses, de 3 %, le 10 novembre 1999, à 4,75 %, le 11 octobre 2000. Le motif invoqué par la BCE était la lutte contre l’inflation. En vérité, plus pour contenir la « fuite des capitaux » vers les places américaines, ce qui a accentué, après leurs conversions en dollars, la monnaie unique européenne.

 On comprend alors pourquoi la Bourse de New York, vu l’attraction qu’elle a eue sur les capitaux du monde, a subi durant toute l’année 2000 une forte correction des valeurs technologiques (Nasdaq). Ce krach, tant les capitaux étaient considérables et venant de toutes les régions du monde, ne pouvait que se transformer en « krach boursier rampant », concernera toutes les Bourses du monde et perdurera trois longues années, de 2001 à 2002.

Les valeurs indiciaires de toutes les Bourses d’Europe, des États-Unis, d’Asie, d’Amérique du Sud chuteront de plus de 50 % par rapport à leurs sommets de 2000. Octobre 2002, le Nasdaq a atteint, le 10 octobre 2002, son bas historique de 1108, une chute de 78 % par rapport à son haut historique de plus de 5000 points.

 Comme leçon de l’histoire que l’on peut tirer, si les pays asiatiques, la Russie et le Brésil étaient impréparés à la crise de 1997-1998, les Occidentaux ne l’étaient guère mieux. « La crise asiatique, russe et brésilienne finit par rattraper l’Occident  ». Et Alan Greenspan, comme le comité de la FED le FOMC, ne pouvaient rien à l’inversion de la conjoncture mondiale. « C’est ce qu’on peut appeler le syndrome de la mondialisation qui montre que toute crise économique ne peut que s’étendre à l’ensemble du monde. Que si elle touche un pan, il est certain que, par l’interconnexion économique, financière et monétaire, l’autre pan n’est simplement que décalé dans le temps. Qu’il finira par être rattrapé par la crise.  »Comme l’ont montré les Bourses mondiales lorsqu’elles ont décroché pratiquement toutes, à partir de 2001.

 

  1. Le premier cycle du XXIe siècle 2001-2007. Les « paravents de la planche à billet » de la Fed : l’or, le pétrole…

 Le 3 janvier 2001, la Fed baissa précipitamment le taux directeur de 6,5 % à 6 %. Le même mois, le 31 janvier, le taux est encore diminué de 50 points, il est à 5,5 %. Il est évident qu’il y a panique de la Fed, et péril pour l’économie américaine. C’est le « début de la phase montante du premier cycle économique du XXIe siècle ».

 La Réserve fédérale américaine baissa de 50 points par mois, durant trois mois consécutifs, à partir de mars 2001, pour ramener le taux d’intérêt à 4 %. De nouveau, après six baisses, la Fed ramène le taux d’intérêt, en décembre 2001, à 1,75 %. En 2002, le taux est baissé de 50 points, à 1,25 %, en 2003, de 25 points, il est à 1 %. Soit un cumul de 13 baisses depuis janvier 2001.

 Le taux restera au plancher jusqu’au 30 juin 2004, date à laquelle la Fed remonte prudemment le taux d’intérêt de 25 points, il est à 1,25 %. C’est la « phase descendante ou restrictive » qui a suivi une « phase d’expansion qui a duré plus de quatre années » si l’on prend en compte que le retournement de la politique monétaire n’a pas été abrupte et s’est opéré très modérément contrairement à la phase d’expansion. Fin 2004, le taux d’intérêt directeur américain était à 2,25 %. Après dix-sept hausses depuis juin 2004, le taux directeur de la Fed est porté, le 29 juin 2006, à 5,25 %. Il y restera jusqu’au 18 septembre 2007, date à laquelle la Fed procéda à la baisse du taux de 50 points, qui est ramené à 4,75 %. C’est la « fin du premier cycle économique du XXIe siècle ».

 Corrélativement à la Fed, et en léger décalage, la Banque centrale européenne, s’inséra parfaitement dans ce premier cycle économique. Le 15 mai 2001, elle détendit le taux de refinancement (taux d’intérêt directeur court) de 25 points, en le ramenant de 4,75 % à 4,50 %. Après 7 baisses depuis cette date, le taux refi de la BCE est au plancher, à 2 %, le 9 juin 2003. Deux ans et demi plus tard, la BCE procède à l’inversion de sa politique monétaire et remonte le taux d’intérêt à 2,25 %, le 6 décembre 2005. Après un total de neuf hausses, le taux d’intérêt de la BCE est à 4,25 %, le 9 juillet 2008. Elle ne commence à détendre le taux d’intérêt que le 15 octobre 2008, et le porte à 3,75 %.

 La crise immobilière et la crise financière qui ont éclaté successivement en 2007 et 2008, en fin de cycle économique, ont fait l’objet de milliers d’articles, d’ouvrages publiés, de tables rondes, de colloques, etc. Aussi nous n’aurons pas nous appesantir sur la crise sauf à montrer quelques uns de ses aspects qui méritent que l’on s’y attarde. Non seulement ils donnent une meilleure vision du processus qui a régi l’évolution de la crise sur l’économie mondiale, mais joue encore aujourd’hui, par exemple, dans les plans d’austérité qui sont imposés aux pays de la périphérie Sud de la zone euro.

 Dès son lancement, l’euro cotait, le 4 janvier 1999, 1,1805 dollar. Le 1er mars 1999, il s’est déprécié et cotait 1,0895 dollar. Au 31 décembre 1999, l’euro descendait à 1,0060 dollar. La spirale baissière se poursuivant, le 3 mais 2000, l’euro a atteint 0,8890 dollar. Le 26 octobre 2000, il franchit un nouveau record de faiblesse, il est à 0,8230 dollar. Fluctuant ensuite mais toujours moins d’un dollar, il finit par être de parité avec le billet vert, le 15 juillet 2002. Il cotait 1,0087 dollar. Le 15 mars 2003, l’euro repasse, quatre années passés jour pour jour, le cours de 1,10 dollar.

 A partir de cette date, il ne cesse de s’apprécier face au dollar. Il est à 1,2018 dollar, le 28 novembre 2003, à 1,3666 dollar, le 30 décembre 2004. Fluctuant, à partir de cette date, autour d’une fourchette entre 1,30 et 1,40 dollar, « l’euro est coté, au plus fort de la crise financière, à 1,60 dollars, en juillet 2008 ». 

 Que constate-t-on dans l’évolution de l’euro depuis sa naissance en 1999 ? Parti d’un taux de change supérieur au dollar, l’euro commence dès les premiers mois à se déprécier. Le resserrement monétaire de la Fed (phase descendante du cycle), anticipé par les marchés, a rendu les places financières américaines plus attractives pour les capitaux européens. De plus, la remontée des prix du pétrole en 1999 a renchéri mécaniquement les importations pétrolières européennes, accentuant encore plus les achats de dollars pour le règlement des transactions pétrolières. Ce qui a accentué la dépréciation de la monnaie unique européenne sur les marchés monétaires.

 Or le droit de seigneuriage de la zone e euro via le pouvoir de duplication ne pouvait plus fonctionner lorsque le dollar est fort. Toute création monétaire sans contrepartie par les pays européens et japonais étaient automatiquement corrigées à la baisse par les marchés (voir supra). Le processus rappelle ce qui s’est produit durant la première moitié des années 1980 qui ont vu toutes les monnaies occidentales se déprécier fortement face au dollar. Le dollar cotait près de 10 francs, en 1985. Et, durant la même année, le dollar a dépassé les 3 deutschemarks.

 Cependant, « pourquoi il y a eu un revirement de la monnaie américaine qui n’a pas cessé de se déprécié à partir de 2003 ? » Plusieurs motifs expliquent la remontée de l’euro. En 2003, les États-Unis entraient en guerre contre l’Irak, après l’Afghanistan. Ce qui a nécessité des dépenses militaires considérables. La Fed, de son côté, pour lutter contre le coup de froid qui a touché l’économie américaine entre 2000 et 2002, a mené une politique monétaire fortement expansive. D’autre part, les déficits courants américains ne cessaient d’augmenter. L’excédent budgétaire de 224,8 milliards de dollars hérités de l’époque Clinton a vite été consommé, et remplacé par un déficit de 254 milliards, en 2002. Quant aux déficits courants, ils passaient de 413 milliards de dollars en 2000, à 386 milliards en 2001, à 474 milliards dollars en 2002, à 530 milliards en 2003, 666 milliards en 2004. En 2005, le déficit courant a doublé par rapport à 2000, il est à 804,9 milliards de dollars, soit 6,4 % du PIB américain. En 2006, il est à 856,7 milliards de dollars, soit 6,5 % du PIB. Ce n’est qu’en 2007 que le déficit ralentit, il est à 711,6 milliards de dollars, soit 5,3 % du PIB.

 On comprend dès lors pourquoi l’euro devait nécessairement s’apprécier. D’ailleurs, il faut souligner que même la dépréciation du dollar par excès d’émissions monétaires ne suffisait pas à dégonfler la masse de dollars émis pour financer les déficits extérieurs américains. Ni les excédents commerciaux chinois, japonais et arabes qui, pourtant, se plaçaient massivement en bons de Trésor américains. Et cette masse émise par la Fed a été multiplié aussi et surtout par le système bancaire américain qui, « assis sur une très forte émission de monnaie de base  », a encore prolongé par ce qu’on peut appeler un « incommensurable processus » qui allait donner la crise des « subprimes » puis ensuite la crise financière de 2008.

 Donc, pour limiter la dépréciation du dollar, la monétisation de déficits américains requérait d’autres instruments, d’autres donnes. C’est ainsi que le pétrole et l’or vont jouer le rôle de contreparties physiques aux émissions monétaires de la Fed. Le prix du baril de pétrole ne va pas cessé d’augmenter. De 36 dollars le baril en 2000, il passa à 54 dollars en 2004, 70 dollars en 2005, 80 dollars en 2006, 100 dollars en 2007, 147 dollar en 2008. L’once d’or est aussi mise à contribution pour pondérer la baisse du dollar. De 279 dollars en 2002, l’once passe à 300 dollars en 2002, 400 dollars en 2003, 450 dollars en 2004, 500 dollars en 2005, 600 dollars en 2006, 800 dollars en 2007, 1000 dollars en 2008, 1200 dollars en 2009, 1400 dollars en 2010, 1900 dollars en 2011. Le record de l’once d’or a été atteint le 6 septembre 2011 à 1921,17 dollars.

 Que peut-on dire du pétrole et de l’or ? Qu’ils ont tout simplement joué de « paravents aux émission monétaires ex nihilo de la Fed ». Sans ces paravents, le dollar émis massivement (planche à billet) aurait certainement crashé. D’ailleurs la crise financière était telle qu’il fallait mettre les prix internationaux des produits alimentaires à contribution pour pondérer le dollar. Ce qui explique la forte hausse des prix alimentaires durant et après la crise financière de 2008.

 Cependant, ces émissions monétaires dont une grande partie est émise ex nihilo sont allées « gonfler les réserves de changes de la Chine et des pays exportateurs de pétrole  » via les excédents commerciaux.

 

  1. Le sens des « déséquilibre des réserves de change ». Les monnaies des 171 pays, « images » des monnaies occidentales

 Une question essentielle se pose dans les raisons qui ont donné la double crise de 2007 et 2008 ? Il y a certes la titrisation des créances hypothécaires américaines à risque, la volonté de l’administration Bush qui, dès la prise de fonction et après les attentats du 11 septembre 2001, a mené sa croisade contre le terrorisme islamique. Mais, au-delà des la face visible de cette croisade et des manipulations financières pour « conforter ces campagnes punitives », il y a avant tout cette perception de la volonté tenace de l’establishment américain de « regagner coûte que coûte le pouvoir exorbitant du dollar mis à mal par l’Irak ».

 Il faut rappeler que l’Irak sous embargo, en 2000, le président Saddam Hussein s’est attaqué au dollar, qui est le libellé monétaire du pétrole arabe. En facturant les exportations pétrolières en euros et non en dollar, le président irakien a cherché à ébranler l’hégémonie monétaire américaine. Une riposte qu’il a menée contre la pression étasunienne sur l’Irak. Mais ce que les États-Unis n’ont pas pris en compte, c’est qu’en s’attaquant à l’Irak, les dépenses de guerre conjuguées à la forte consommation des ménages américains ont crée une situation économique exceptionnelle pour l’Occident et le monde. Surtout que les préparatifs de guerre contre l’Iran étaient de plus en plus perceptibles en 2006, ce pays a lui aussi libellé ses exportations pétrolières en monnaies autres que le dollar.

 Comment comprendre cet imbroglio qui se jouait à la fois dans le conflit opposant les États-Unis à l’Irak et à l’Iran, et d’autre part, sur le plan économique, financier et monétaire, entre l’Occident et les pays du reste du monde ? Déjà, la crise financière de 2008 est, par elle-même, très significative. Elle nous montre dans la décennie 2000 que, d’un côté, l’« Occident qui n’a plus la compétitivité des années 1960-1970, ne se maintient que par une consommation et un endettement élevés ». Ce qui veut dire que la consommation et l’investissement sont pilotés par les politiques monétaires des Banques centrales occidentales. Pour l’investissement, depuis la crise des actions boursières des années 2000-2002, il s’est focalisé sur le marché de l’immobilier. De l’autre côté, ce sont « les pays émergents qui ont une forte compétitivité, mais une faible consommation et de fortes réserves de change via leurs excédents commerciaux ». Auxquels il faut ajouter les pays exportateurs de pétrole qui détiennent de fortes réserves de change dues à la forte hausse du pétrole  ».

 De cet imbroglio, est sorti un déséquilibre financier fort considérable. Aujourd’hui, la Chine détient près de 4000 milliards de dollars, les pays arabes et la Russie, exportateurs de pétrole, ont non moins de 2000 milliards de dollars, le Japon plus de 1200 milliards de dollars, l’Inde, le Brésil, la Corée du Sud, Taiwan, Malaisie, Singapour, Turquie, Thaïlande, Hong-Kong, cumulent plus de 2500 milliards de dollars. Alors que les Occidentaux sans le Japon cumulent environ 1200 milliards de dollars, un montant dérisoire par rapport aux réserves de change des pays du reste du monde.

 Est-ce que le déséquilibre dans ces réserves est démesuré ? Il l’est sans l’ombre d’un doute. Mais, que sont-elles ces réserves dans le fond ? Sinon des réserves de précautions, qui permettent une plus grande sûreté aux pays détenteurs face aux crises de liquidités, et aussi un essor plus prononcé des échanges internationaux.

 Cependant, « ces réserves de changes, les pays du reste du monde les doivent à l’Occident ». Pour comprendre les nuances dans cette affirmation, il faut saisir les différences qui existent entre les monnaies internationales qu’émettent les quatre grandes Banques centrales du monde (Fed, BCE, BoJ, BoE), et les monnaies des pays du reste du monde. Et ces derniers comptent pour 171 Etats dans le monde si on considère qu’ils émettent tous des monnaies convertibles et non convertibles. Alors que 22 pays occidentaux – les 18 pays de la zone euro + États-Unis, Grande-Bretagne, Japon, Suisse – sont des émetteurs franc, c’est-à-dire ne relevant de personne dans leurs émissions de devises internationales.

 Que constituent les monnaies des pays hors Occident dans le commerce mondial ? Pour le won coréen, le yuan chinois, la couronne suédoise, le réal brésilien, le rouble russe, le ringgit malais… convertibles et flottent sur les marchés, ou le dinar algérien, tunisien, le dirham marocain… qui sont inconvertibles, leur valeur faciale ne dépend que des paniers de monnaies auxquels elles sont ancrées, et surtout des réserves de changes que ces pays détiennent dans leurs Banques centrales (titres, placements en bons américains, or, etc.). Ce qui nous fait dire que ces monnaies qui sont ancrées sur un panier de monnaie constitué essentiellement de monnaies occidentales (dollar, euro, livre sterling, yen et franc suisse) ne sont pas des monnaies souveraines. Puisqu’elles dépendent en permanence des fluctuations de ces monnaies sur les marchés monétaires. On peut affirmer donc que les pays hors-Occident n’ont pas de véritables monnaies, dans le sens souverain du terme.

 Ces monnaies ne sont, par leur ancrage, que des interfaces monétaires. La valeur déclarée de ces monnaies se comptent en quantité de monnaies internationales qu’elles véhiculent, et qui apporte leur crédibilité dans les transactions commerciales tant nationales qu’internationales. On peut alors dire que « les monnaies des 171 pays ne sont que les images physiques des contreparties monétaires internationales qui y sont inhérentes ». On conclut donc que les grands pays occidentaux détiennent un « droit seigneurial absolu sur le reste du monde ». Toute la masse monétaire des 171 pays ne constitue que la contrepartie des monnaies occidentales, une masse monétaire qui relève du pouvoir émetteur discrétionnaire de l’Occident, et qui peut dépasser quantitativement le montant de liquidités nécessaires à la couverture du commerce mondial.

 Quant à la convertibilité et l’inconvertibilité des monnaies des pays hors-Occident, elle relève essentiellement de la compétitivité de ces pays dans le commerce mondial. Une exception cependant pour la Chine. Son yuan, malgré son économie très compétitive et ses réserves de changes les plus grandes du monde, reste toujours « piloté » par la Banque centrale de Chine. Il est évident que la Chine cherche à éviter la situation du Japon qui a été sommé de rendre convertible sa monnaie, lors des accords de Plaza (1985). Le yen réévalué a mené le Japon droit contre le mur. La même situation se pose pour la Chine. Si elle procède rapidement à la convertibilité totale du yuan, elle perdra forcément sa compétitivité. Que la Chine importe moins cher par un yuan apprécié mais exporte difficilement (plus chères) ne fera qu’impacter négativement ses excédents commerciaux. C’est la raison pour laquelle elle procède à une « internationalisation pilotée du yuan » qui vise, dans un premier temps à évincer le dollar, l’euro et le yen, dans ses transactions avec ses partenaires commerciaux, dans un deuxième temps, « d’élargir l’assiette de sa monnaie dans les Banques centrales du monde, en tant que monnaie de réserve » qui compte à l’instar du dollar et de l’euro, et dans un troisième temps, « élargir la position du yuan d’unité de compte des matières premières, du pétrole… » à l’instar du libellé monétaire du pétrole, par le dollar. Une « stratégie » qui vise loin, et demandera certainement plusieurs décennies pour la Chine pour y parvenir à ce statut que ne détient que le dollar américain.

 

  1. La zone euro, une « locomotive » pour l’économie allemande ?

 Quand le ministre des finances allemand Peer Steinbrück, le 25 septembre 2008, déclare devant le Bundestag : « Avec la crise financière qui les frappe, les Etats-Unis vont perdre leur statut de superpuissance financière ». Et tous les éditoriaux de grands quotidiens français se retrouver à claironner sur la fin du pouvoir des Etats-Unis, non sans plaisir pour certains parmi eux, et cela se comprend. Une impression se dégage de ce témoignage qu’il y a véritablement une incompréhension totale des phénomènes financiers et monétaires intra et extra-occidentaux, même parmi les plus hautes personnalités européennes. Peut-on penser sérieusement que les États-Unis, avec la crise financière de 2008, vont perdre le statut de première puissance financière du monde ? Si les États-Unis perdent ce statut, l’Allemagne, la France et tous les pays de la zone euro perdront également ce statut qui n’est autre que le « droit de seigneuriage » sur le monde. Le monde deviendrait « multipolaire » sur le plan monétaire. Comme le perdraient aussi la Grande-Bretagne, le Japon et aussi un petit pays, la Suisse qui compte pour 0,1 % dans le poids total des monnaies de réserves de change dans le monde.

La déclaration du ministre des finances allemand explique d’une certaine façon ce qui se passe en zone euro, les contradictions des politiques, les plans d’austérité et une absence de dynamisme qui sévissent sans discontinuer dans l’Eurozone. Pourquoi cette confusion dans les objectifs politiques, économiques, financiers et monétaires et seulement dans a zone euro ? Et non dans les autres parties du monde. Et cela relève d’une véritable incompréhension entre les différents pouvoirs décisionnels de la zone euro. « Si, dans une même zone monétaire, des pays poursuivent une politique économique et la font imposer aux autres qui ne gagnent rien à ce qui leur est préconisé, c’est que ceux qui l’imposent y trouvent leur intérêt ». Donc, il y a forcément des gagnants et des perdants, nonobstant les médications apportées qui n’apportent qu’austérité et stagnation. Et c’est ce qui se passe en zone euro, depuis la crise financière de 2008. Comment alors comprendre cette situation en zone euro ?

 Tout d’abord, il faut sortir des opinions préconçues par des idées toutes faites, comme celles par exemple que « les banquiers centraux européens d’agenouillent devant les Américains ou prient dès que la devise européenne, l’euro prend la voie du ciel, pour qu’il descende ». C’est simplement faux. Un préjugé. Ce qu’on oublie c’est que, si le dollar est un moyen d’échange (libellé monétaire) des matières premières qui est un atout stratégique pour la superpuissance, l’euro, en tant que deuxième monnaie mondiale, joue un rôle central dans le contrebalancement du dollar sur les marchés. C’est la valeur du taux de change euro-dollar qui donne le pouls du dollar, c’est-à-dire si les émissions monétaires pour financer les déficits américains sont pondérées par les contreparties physiques tels l’or, le pétrole, etc. « L’euro devient un atout stratégique pour la monnaie américaine.  »

 D’ailleurs, on peut se poser la question. « Pourquoi l’économie allemande est gagnante aujourd’hui, et plus précisément depuis la crise de 2008 ? » Alors qu’avant la crise, l’évolution en zone euro était plus ou moins équilibrée entre les pays-membres, ce déséquilibre économique et financier que l’on constate aujourd’hui n’existait pas avant la crise. Beaucoup mettent ce déséquilibre sur le compte de l’absence d’une politique budgétaire commune ou que la zone euro n’a pas une structure fédérale comme l’ont les États-Unis. Evidemment ces carences institutionnelles et économiques jouent beaucoup dans la crise de la zone euro mais elles n’expliquent pas tout.

 La première question que l’on peut poser : « L’Allemagne, est-elle comme on le croit la première locomotive de la zone euro ? » Pour saisir la situation économique de l’Allemagne, il faut revoir son évolution économique depuis sa réunification, en 1990. Le graphique de l’évolution des comptes courants français, italien allemand de 1975 à 2001 (données de l’OCDE) montre que la balance courante allemande, qui était excédentaire entre 1982 et 1989, a chuté brutalement de +4,7 % du PIB en 1990 à -1% du PIB en 1991. Durant toute la décennie 1990, la balance courante allemande est restée déficitaire, fluctuant entre 0 et -1 %. Elle n’est devenue excédentaire qu’à partir de l’année 2000. Une décennie donc de déficits extérieurs qui a pour cause les besoins de financement pour la réunification de l’Allemagne, alors que les soldes courants italiens et français étaient excédentaires. Le compte courant de l’Italie certes a brièvement décru en 2000 (-1%), mais a remonté en 2001. Cette évolution des comptes courants de l’Allemagne, de la France et de l’Italie montre que ce n’est qu’avec le lancement de l’euro que l’économie allemande a commencé à retrouver des excédents commerciaux, après une décennie de déficits.

 Outre le graphique de l’OCDE, un graphique de la Bundesbank (www.bundesbank.de – Macroeconomic Time Series) montre, qu’avant 1999, le solde commercial de l’Allemagne a décru entre 1992 et 1999 avec les pays de la zone euro et a crû avec les pays de la zone non euro. A partir de 2000, c’est l’inverse qui s’est produit, le solde de l’Allemagne a crû avec la zone euro, et décru avec la zone non euro. De plus, jusqu’en 2009, l’évolution économique entre l’Allemagne et les pays de la zone euro était équilibrée. Avant 2008, la réactivité de la zone euro témoigne de la bonne stabilité entre les pays membres, avec des croissances économiques certes faibles mais positives, et ce grâce aux liquidités monétaires injectées à la fois par la Réserve fédérale américaine et la Banque centrale européenne et les déficits courants américains qui étaient en hausse durant les années 2000-2008.

 Si avant 2008, la situation était équilibrée entre les pays de la zone euro, avec la remontée excédentaire de l’Allemagne, pourquoi, après l’irruption de la crise financière de 2008, s’est produit un tassement des économies de la périphérie sud – aujourd’hui celui-ci s’étend à la France et à d’autres pays du Nord –, alors que l’Allemagne voit ses excédents s’envoler ? Est-ce qu’il est dû, comme on le prétend, aux réformes structurelles des entreprises allemandes, en particulier du marché du travail (réformes Hartz) ?

 Si on prend en compte les données du commerce allemand avec les pays émergents (entre autre, la Chine) et les États-Unis, les échanges avec ces pays, s’ils maintiennent l’industrie allemande à un fort potentiel, ce qui est positif pour l’emploi en Allemagne, n’impliquent pas que l’Allemagne réalise des excédents commerciaux. Ils sont au contraire pratiquement nuls voire négatifs. On peut dès lors se poser que si ce ne sont pas les marchés hors-zone euro qui sont l’origine des excédents allemands, d’où proviennent-ils alors ?

Si c’était l’Allemagne via la demande allemande qui aurait dopé les économies des pays de la zone euro, les pays de la périphérie Sud n’auraient pas stagné, et auraient enregistré de la croissance et donc des excédents. Ce qui n’est pas le cas. L’économie de ces pays plutôt régressé et stagné puisqu’ils ont peu produit de richesses en biens et services. Bien plus, par leur consommation et leur endettement, ils ont dopé par leur demande en produits manufacturés et industriels allemands l’économie allemande. En lui faisant enregistrer des excédents commerciaux, ils ont été une « locomotive pour l’économie allemande ».

 Comme la Chine l’est avec les pays du reste du monde, en particulier les États-Unis, émetteur de monnaies internationales. Les États-Unis et les pays du reste du monde sont la « locomotive qui tire vers le haut l’économie de la Chine ».

 Une partie des salariés allemands doivent leurs emplois à la zone euro. Ainsi la locomotive de l’Allemagne, en matière d’excédents, demeure bien la zone euro. Si l’Allemagne n’a pas fait des excédents avec les pays du reste du monde et ne l’aurait pas fait avec la zone euro, l’Allemagne n’aurait pas été excédentaire. Aussi vient-on à cette conclusion, la richesse d’un pays (excédents de l’Allemagne) a été contrebalancé par l’appauvrissement d’un autre pays (déficits et plans d’austérité sur les autres pays de la zone).

 Mais comment cela n’a pas été pris en considération lors des accords de Maastricht, en 1992 ? La réponse est donnée par le prix Nobel Milton Friedman, lors d’une interview donnée à la Hoover Institution, en 1999. « Lorsque vous avez des pays qui parlent la même langue, lorsque des mouvements de population ont lieu entre les pays, lorsque des systèmes d’ajustement existent pour contrer les chocs asymétriques sur les différents pays, les États-Unis sont une bonne zone pour une monnaie unique. Mais l’Europe est l’opposé de tout cela. Ses habitants ne parlent pas la même langue et ont différentes coutumes. La mobilité est réduite entre les pays. Le taux de change de ces différents pays était un mécanisme par lequel ils pouvaient s’ajuster face à des chocs qui les touchaient de façon asymétrique. En fait, les Européens ont fait le pari de jeter ce mécanisme d’ajustement par la fenêtre. Mais au final, je pense que cela sera une grande source de problèmes. Les problèmes ne se poseront pas pour tout le monde. Certains seront affectés par des situations qui étaient réglées par des dévaluations. Mais en raison du fait qu’ils sont bloqués dans un système à monnaie unique, l’alternative sera une récession. »

 La situation que vit la zone euro confirme bien le pronostic du prix Nobel Milton Friedman, qui a été fait dix ans avant que la crise de 2008 n’éclate. L’euro en cas de choc asymétrique s’est avéré un « piège » pour les pays dont l’économie n’est pas portée sur « le tout exportation », comme l’est l’Allemagne, à l’instar du Japon et de la Chine en Asie. La situation des pays de la périphérie Sud de la zone euro, de l’Irlande, et aujourd’hui de la France, qui sont affectés par ce trou d’air se comprend mieux et en relation avec la perte de leur souveraineté monétaire. Et qui profite à l’économie allemande.

 

  1. L’Allemagne, un « frein » pour la croissance de l’Europe ?

 Les performances de l’économie allemande par la « flexibilité de l’emploi » dues aux réformes Hartz (du nom de Peter Hartz, directeur du personnel de Volkswagen qui négocia des accords sur la flexibilité du travail avec les ouvriers) et que l’ancien chancelier allemand Schröder a mis en application n’ont pris effet qu’entre 2003 et 2005, alors que l’économie allemande était déjà excédentaire dès 2000. Si ces réformes ont aidé à renforcer le marché du travail, en réalité, elles n’ont eu qu’un rôle marginal. L’essentiel de la croissance allemande par rapport aux autres pays d’Europe ne peut s’expliquer que par les réformes et le faible taux de chômage. Une première explication a été donnée par les différences de croissance entre pays membres de la zone euro. « Deux autres contraintes » qu’il convient d’expliciter viennent augmenter les divergences économiques dans la zone euro.

La première a trait à l’« euro fort », elle oppose l’Allemagne à de nombreux pays de la zone qui appellent à une dépréciation de l’euro, celle-ci nuit à leurs exportations. Pourquoi ces divergences ? Quel est l’intérêt de l’Allemagne pour qu’elle refuse toute dépréciation et maintient son option pour un « euro fort » ? Il est évident que ce sont les intérêts des uns et des autres qui font qu’il n’y a pas d’entente. Surtout qu’aujourd’hui l’Allemagne s’oppose au deuxième pays le plus puissant après elle, la France. Pour comprendre, un bref historique de l’euro peut nous aider à mieux saisir les enjeux.

Dès 2003, l’euro s’est fortement apprécié par rapport au dollar, après sa baisse continue depuis son lancement en 1999. En novembre 2004, il cotait 1,3666 dollar, et concomitamment à cette hausse, le prix du baril de pétrole s’est élevé à 54 dollars. Le prix du baril de pétrole, en 2006, s’est rapproché des 80 dollars. Cette hausse du pétrole a fortement renchéri les importations de la zone euro, en particulier pour l’Allemagne. Plus le prix du pétrole augmentait, plus il amenuisait le solde commercial de la zone euro. De 2007 à 2008, les prix du pétrole ont dépassé la barre des 100 dollars. Au plus fort de la crise, le baril a coté 147 dollars. A cette même époque, c’est-à-dire en juillet 2008, l’euro a atteint son sommet historique, 1,6 dollar pour un euro.

 La hausse de l’euro permet à la zone euro de payer moins cher le baril de pétrole. Par exemple, un prix de 100 dollar pour un baril de pétrole ne revenait que 76 euros à la zone euro à 76 euros, au cours d’un euro à 1,3 dollar, ou à 71 euros si le cours de l’euro s’est renchéri à 1,4 dollar. Depuis 2004 à aujourd’hui (2014), l’euro évolue dans une fourchette comprise entre 1,3 dollar et 1,4 dollar.

« Mais qui tire le plus grand bénéfice du dégonflement du prix du baril de pétrole par le taux de change de l’euro ?  » Tous les pays de la zone euro, assurément. Mais aucun pays n’a les industries performantes et tournées vers le « tout exportation » comme l’Allemagne. La consommation de pétrole en Allemagne est de loin plus forte dans la zone euro. Les autres pays de la zone qui n’ont qu’une petite industrie – y compris la France et l’Italie qui ont une industrie forte mais ne peuvent se comparer à l’Allemagne – consomment beaucoup moins de pétrole. Dès lors, on comprend l’intérêt pour l’Allemagne d’un « euro fort », et pourquoi la Banque centrale européenne contrairement à la Fed, la Banque d’Angleterre et du Japon reste très timide dans l’emploi des politiques d’assouplissement monétaire non conventionnel.

 Le poids du gouvernement allemand et de la Bundesbank, en tant que première puissance économique de la zone euro, laisse peu de marge à la fois aux autres gouvernements européens, mais influe sur la politique monétaire de la BCE. Et cela fait intervenir

la « deuxième contrainte » qui est aussi d’ordre monétaire.

 Mis à part les plans de sauvetage du système bancaire américain et européen qui ont été opéré en totale concertation entre les États-Unis et la zone euro, et des liquidités internationales considérables injectées pour relancer l’économie européenne et américaine en 2009, qui ont d’ailleurs apporté leurs fruits, dès 2010, les difficultés sur les dettes souveraines intra-européennes vont opposer les pays dits vertueux comme l’Allemagne, le Luxembourg… et les pays non vertueux comme la Grèce, l’Espagne… Les problèmes portaient essentiellement sur les déficits budgétaires et les dettes publiques.

 Des liquidités considérables en dollars, euros, livre sterling et yens, ont été injectées par les Banques centrales occidentales dans le cadre des plans d’assouplissement monétaire non conventionnel (Quantitative Easing1, QE2, Twist, QE3, LTRO, OMT, Abenomics). Et ce qui n’est pas mentionné dans les analyses par les médias, c’est que «  ces injections monétaires ex nihilo (planche à billet) issues des politiques d’assouplissement monétaire non conventionnel relèvent du droit de seigneuriage des puissances occidentales  ». Elles se contrebalancent sur les marchés monétaires, via les fluctuations concertées des taux de change entre les quatre grandes Banques centrales.

Précisément, l’Allemagne insiste pour que le droit de seigneuriage entre les pays de la zone euro soit non seulement équitablement réparti mais ne doit en aucun cas sortir du« taux de change cible euro-dollar », essentiel pour alléger la facture pétrolière allemande. D’autant plus que l’Allemagne se sait le premier moteur de la zone euro et possède plus du quart du capital de la BCE. Dès lors les tractations pour la mise en œuvre du Fonds européen de stabilisation financière (FESF) en 2010, devenu le Mécanisme européen de stabilité (MES) en septembre 2012, des montants agrées et la répartition entre les pays-membres pour le rachat des dettes souveraines, passe avant tout par l’approbation de l’Allemagne. Dès lors se comprend le compromis, à travers ces structures créées pour renflouer les pays endettés, entre une Allemagne optant entre un « euro fort » en échange de « prêts prélevés des montants revenant de droit seigneurial » à l’Allemagne, au profit pour les pays endettés de l’Eurozone. Ce qui signifie qu’une partie des dettes souveraines est racheté par l’Allemagne. Ce qui est néanmoins insuffisant en regard des besoins financiers des pays endettés.

  En réalité, l’Allemagne, dans ce compromis, reste toujours la plus favorisée. En effet, si on regarde les montants accordés dans les deux LTRO, émis par la BCE entre 2010 et 2012, sur accord des gouvernements de la zone euro, et qui représentent plus de 1 000 milliards d’euros à taux très faible, la part qui revient à l’Allemagne est pas moins de 270 milliards d’euros vu qu’elle détient 27,06 % du capital de la BCE. La France 200 milliards, part du capital BCE 20,32 %. Part de la Grèce, 28 milliards d’euros, pour 2,80 % du capital BCE. Dans ce processus, les pays s’endettent auprès du marché financier… essentiellement allemand. Alors qu’un « euro fort » qui favorise l’Allemagne condamne les autres pays de la zone euro à la stagnation et sans espoir de reprise économique. Ainsi, dans ce compromis, l’Allemagne qui se retrouve « lesté par l’achat d’un grand nombre de titres souverains » devient néanmoins un « frein voire un poids lourd à porter » pour les autres pays de la zone euro.

 La crise est aujourd’hui en train de s’étendre même aux grandes économies de la zone euro, la France, y compris les pays dits vertueux, l’Allemagne, les Pays-Bas, l’Autriche, la Finlande qui pâtissent aussi des plans d’austérité imposés à une grande partie de l’Europe monétaire.

 Quelle solution pour la zone ? Les « eurobonds et la mutualisation de la dette européenne » que préconise la France ? Une solution qui relève d’une vision irréaliste. Aucun pays qui a des excédents n’accepterait à partager la dette de l’autre, quel que soit le procédé qu’on aura mis pour l’édulcorer. Aucun drapage des euro-obligations n’est possible, comment alors l’Europe pourrait s’en sortir ?

 

  1. Le « pouvoir seigneurial » de l’Allemagne, par Kai A. Konrad, conseiller en chef du ministre allemand des Finances

Pour éclairer encore plus les problèmes de la zone euro, il est intéressant de citer un passage d’une interview de l’économiste du Max-Planck-Institut et conseiller scientifique en chef du ministre allemand des Finances, Kai A. Konrad accordé au le Die Welt (« Le Monde »), un des trois grands quotidiens allemands.

 Dans cette interview, l’économiste fait précisément l’« éloge du pouvoir seigneurial de l’Allemagne ». Selon lui, en cas de crise grave, l’Allemagne devrait abandonner l’euro. La crainte que cette sortie ne provoque une catastrophe pour l’économie allemande est selon lui largement exagérée. Tout au contraire, les entreprises allemandes pourraient en sortir renforcées.

- Die Welt : Selon les estimations de la Bundesbank, la Grèce aura besoin début 2014 d’un troisième plan d’aide. Admettra-t-on alors enfin que ce pays est un puits sans fond ?

Konrad : Mais la Grèce est déjà un puits sans fond, personne n’ayant jamais prédéfini une limite à ce qu’elle peut engloutir. Le taux d’endettement grimpe, entre autres parce que l’économie du pays se réduit comme peau de chagrin. Ce qui n’empêche nullement la Troïka, c’est à dire l’UE, la BCE et le FMI, de continuer imperturbablement à publier pour ce pays les prévisions les plus déconnectées de la réalité.

- Die Welt : Ne vaudrait-il pas mieux que la Grèce quitte l’euro, au moins temporairement ?

Konrad : Non. Le pays serait alors étranglé par sa dette extérieure. Si l’on veut en finir avec l’Union Monétaire, c’est par les pays du nord de la zone qu’il faut commencer. Et si on en arrive là, alors l’Allemagne doit quitter l’euro.

- Die Welt : Il faudrait que l’Allemagne fasse pour la troisième fois exploser l’Europe ? Aucun gouvernement allemand ne s’y résoudra jamais.

 - Konrad : L’euro n’est pas l’Europe. C’est l’Europe, et non l’euro, qu’il s’agit de sauver ! Il est vrai que, pour des raisons politiques, l’Allemagne n’est pas en position de sortir la première. Mais les autres pays membres pourraient l’y contraindre. C’est ce vers quoi nous allons. Dans certains pays, les conditions économiques sont devenues proprement insupportables. Par surcroît, une certaine agitation politique s’y est fait jour. Et si l’Allemagne et quelques autres économies fortes quittaient la zone euro, la valeur de cette monnaie baisserait, permettant aux économies du Sud de recouvrer la santé.

 - Die Welt : Le prix à payer serait la ruine de la capacité exportatrice de l’Allemagne

 - Konrad : Cette capacité exportatrice pourrait au contraire en sortir renforcée. Elle s’est fort bien accommodée, lors des décennies passées, de l’appréciation continue du mark allemand, et a ainsi appris à maintenir sa compétitivité. La situation actuelle n’est pas, à beaucoup près, aussi exigeante. Mais pour cette raison précisément, la capacité qu’elle avait eue de réagir sous la pression s’est évaporée, et cela est dangereux.

 - Die Welt : Il n’en reste pas moins que la Banque centrale allemande va devoir faire tourner la planche à billet, pour contrer une appréciation excessive du nouveau mark.

 - Konrad : En effet, la Bundesbank va devoir acheter des devises étrangères pour des montants considérables, afin de contenir cette appréciation du nouveau mark dans des bornes acceptables.

 Die Welt : Ce qui pourrait précipiter l’Allemagne dans une e dépendance sévère – comme la Chine d’aujourd’hui, qui est coincée avec des réserves « hymalayesques » de dollars.

 - Konrad : Mais les avantages dominent cependant. Les bénéfices dus au seigneuriage seraient gigantesques. On pourrait investir les réserves en devise d’une manière moins conventionnelle, par exemple en instituant notre propre fonds souverain, qui investirait à l’étranger dans des entreprises, de l’immobilier ou des stocks de matières. Par ailleurs, le pouvoir d’achat de la population allemande serait dopé : les voyages, l’essence et bien d’autres choses deviendraient meilleur marché.

 - Die Welt : Mais ne craindriez-vous pas une guerre des devises, si l’Allemagne, armée de sa planche à billets, se mettait à racheter le monde ?

 - Konrad : Tout au contraire. L’Allemagne n’autoriserait une appréciation du mark que dans les bornes de ce qui serait justifié, ce qui reste impossible à faire aussi longtemps que nous faisons partie de l’euro.

 - Die Welt : Revenons au présent : Outre la Grèce, il y aura le Portugal et Chypre, voire peut-être l’Irlande, qui se verront contraints de demander une aide. Sera-t-il possible à l’Allemagne de supporter ce fardeau dont l’ombre menace ?

 - Konrad : L’étranger se représente l’Allemagne comme une sorte d’Hégémon hésitant. Mais c’est là une surévaluation injustifiée. Les récentes statistiques comparant sur les richesses respectives des divers peuples européens ont montré que l’Allemagne ne se classait pas si haut. La classe politique et les médias sont restés d’une discrétion de violette sur ce sujet. Nous devons cependant l’admettre : l’Allemagne n’est pas tellement grosse en comparaison de l’UE. Et en comparaison de ses voisins, l’Allemagne, au cours de ces quinze dernières années, s’est sensiblement appauvrie.

 L’auteur dans cet interview montre bien les conflits qui se posent pour l’Allemagne avec ses voisins européens de la zone euro. La puissance industrielle de l’Allemagne n’a d’évidence aucun rapport avec les petites industries de la zone. Même l’Espagne, l’Italie et la France, qui sont respectivement quatrième, troisième et deuxième puissance de la zone n’arrivent pas à se mettre au diapason du commerce allemand. Ce qui font sortir les divergences au grand jour, montrant par là que l’Allemagne, en situation de décroissance, constitue bien un frein pour la croissance de la zone euro.

 

  1. La phase restrictive du cycle à partir de 2014-2015. Le pronostic d’un resserrement des crédits dans le monde

Le monde est aujourd’hui en « plein cycle économique, le deuxième du XXIe siècle », qui a commencé en 2007 avec la baisse précipitée du taux d’intérêt directeur de la Fed de 50 points, le 18 septembre 2007, il est à 4,75%. La Fed aura baissé dix fois, depuis cette date, pour amener le taux, le 16 décembre 2008, à 0,25%. Le taux d’intérêt directeur depuis n’a pas bougé, il est à son plancher historique voilà cinq ans et huit mois.

 Quant à la BCE, elle a procédé, le 15 octobre 2008, à la baisse du taux directeur court de 50 points pour le ramener 4,25% à 3,75%. Après 7 baisses, le taux de la BCE est de 1%, le 13 mai 2009. La BCE, le 13 juillet 2011, porte le taux, après deux hausses, à 1,50%. Mal lui en prit, la BCE dut de nouveau baisser le taux directeur, le 9 novembre 2011, pour le ramener à 1,25 %. Il est très probable que la BCE, sous couvert de la lutte contre l’inflation, a cherché à attirer les capitaux étrangers pour financer les dettes souveraines des pays endettés de la zone euro. Comme la Bundesbank m’avait fait, dans les années 1990, en relevant son taux d’intérêt directeur pour financer la réunification de l’Allemagne avec la RDA.

 Le relèvement du taux d’intérêt a encore détérioré la situation économique et financière de la zone euro, amenant la BCE de baisser de nouveau le taux d’intérêt directeur. A partir de novembre 2011, après 6 baisses, le taux directeur de la BCE est ramené à son plancher historique jamais égalée à 0,15%, le 11 juin 2014. Le changement de la politique monétaire de la BCE n’ayant pas eu les effets escomptés, la zone euro a « réintégré le cycle économique mondial piloté par la plus grande Banque centrale du monde, la Fed ».

 Ceci étant, comment vont se résoudre les divergences au sein de la zone euro ? Qu’en sera-t-il aussi des autres pôles économiques du monde face à la crise financière de 2008 dont les effets ne sont pas totalement résorbés. Et surtout : Quand la Fed américaine commencera-t-elle à remonter ses taux d’intérêt ? »

La Fed ne peut indéfiniment soutenir à « trombes de liquidités sorties ex nihilo » (planche à billet) l’économie américaine, et via son économie, l’économie mondiale. Si le soutien financier à travers les politiques d’assouplissement monétaire non conventionnel a permis de résorber le chômage, le taux de chômage aux États-Unis est de 6,2%, maintenir des injections monétaires ne fera qu’alimenter des bulles financières par de l’argent facile et à des taux très faibles voire nuls. Précisément, en réponse à ce risque, la Fed a décidé, en 2013, de diminuer 10 milliards de dollars par mois le QE3. Celui-ci consiste à injecter 85 milliards de dollars par mois pour le rachat des créances publiques et hypothécaires.

 En décembre 21013, la Fed fait passer les injections de liquidités de 85 milliards de dollars à 75 milliards de dollars. Les diminutions du QE3 ont continué les mois suivants sans conséquence pour l’économie américaine. Comme l’a confirmé Janet Yellen, la nouvelle présidente de la Fed, lors de son discours à Jackson Hole (Wyoming, USA), le 22 août 2014, « les rachats de la dette publique et de la dette hypothécaire prendront fin en octobre 2014 et la Banque centrale américaine se réservait la possibilité d’augmenter les taux d’intérêt plus tôt que prévu si l’emploi progressait vite ».

 Si le QE3 prenait fin en octobre 2014, il est peu probable que la Fed resterait inactive longtemps. Probablement, sa réactivité l’amènera à augmenter son taux directeur plus tôt que prévu de 25 points, le faisant passer de 0,25% à 0,5%. Une augmentation qui enclenchera la « phase descendante du deuxième cycle économique  ». Que le relèvement du taux se fasse au quatrième trimestre 2014, ou au plus tard avant la fin du premier semestre de 2015, n’est qu’une question de choix du meilleur moment pour l’opérer. Mais les conséquences resteront identiques à toutes les phases descendantes précédentes. Le problème se posera jusqu’à quel niveau sera porté le taux d’intérêt directeur américain. Sans entrer dans les considérations du niveau du taux auquel sera porté le taux d’intérêt directeur et du début de l’enclenchement de la politique restrictive qui ne relèvent que de l’appréciation de la situation à la fois géoéconomique et géopolitique du monde, on peut déjà « inférer » sur ce qui peut se passer à la lumière des cycles économiques précédents.

 En effet, la première réaction viendra des grandes banques centrales en Europe et au Japon. Elles seront forcément entraînées dans le sillage de la Fed. La BCE sera la première à emboîter le pas, et probablement suivront la Banque d’Angleterre et du Japon. Le souci majeur de la Fed n’a pas été l’inflation, celle-ci est maîtrisée et se situe à moins de 2%. Le taux d’inflation le plus récent est celui de juillet 2014, il est de 1,992%. La Fed cherche surtout à prévenir le risque de retomber sur une nouvelle bulle boursière. A ce souci, répondent les mêmes soucis des autres Banquiers c centraux. Le « Tempo » a été déjà écrit par ces Banquiers centraux, en particulier des deux grands moteurs du monde, représentés par Janet Yellen (USA) et Mario Draghi (Eurozone), lors de leur dernière réunion à Jackson Hole.

 Qu’en sera-t-il des pays émergents ? Leurs Banques centrales, qui ont déjà des taux d’intérêt directeurs élevés, vont probablement suivre la politique monétaire américaine. Ce qui ne peut être que dans leur intérêt, s’ils veulent retenir ou, à défaut, limiter la « fuite de capitaux ». Comme d’ailleurs c’est le cas aussi de la BCE, la Banque d’Angleterre et du Japon. L’inconvénient de la politique monétaire restrictive américaine est qu’elle émet un « signal de retour » aux fonds de pensions américains, aux grandes institutions d’assurances, et à toutes structures américaines gérant des fonds. D’autre part, des fonds asiatiques, européens, sud-américains sont intéressés à investir aux États-Unis dès que les taux d’intérêt commencent à augmenter, et qu’ils anticipent une hausse du dollar par rapport aux autres monnaies occidentales. Il y a cet effet moutonnier des capitaux qui sentent qui, cherchant de plus-values sont prêt à s’engouffrer dans n’importe quelle brèche qui leur assure d’être rémunérée. Et l’Amérique leur apparaît souvent le meilleur refuge, en tant que première puissance financière et monétaire du monde, bien entendu si les conditions sont réunies.

 Un processus général donc va s’enclencher, et opèrera selon le même tempo que les cycles économiques passés. La Chine, l’Inde, la Russie, le Brésil, l’Afrique du Sud, la Turquie et de nombreux pays industrialisés se mettront à une politique restrictive. Dès lors l’économie mondiale va se trouver exposée potentiellement aux mêmes phénomènes qui ont surgi en 2000-2002 avec la crise des valeurs technologiques ou en 2007-2008 avec la double crise immobilière et financière. C’est-à-dire qu’« une diminution de liquidités internationales et un octroi plus resserré des crédits aura à entraver progressivement le commerce mondial ».Les investissements nationaux et internationaux (IDE), la consommation dans le monde auront en pâtir. Avec la fin de l’ère de l’abondance monétaire, l’endettement mondial va inéluctablement augmenter. Les emprunts publics et privés nationaux vont se réduire entraînant dans de nombreux pays des récessions.

La question centrale qui se pose : « Comment la crise va affecter les différents pôles économiques du monde ? »D’ores et déjà, on peut dire que la crise de liquidités qui aura à toucher l’économie mondiale n’aura pas l’allure de la crise immobilière et financière de 2007-2008, pour la simple raison que les déficits courants sont bien moindres que ce qu’ils étaient entre 2003 et 2008. L’Amérique a fini avec les guerres au Moyen-Orient, et compte se retirer d’Afghanistan fin 2014. Aujourd’hui, avec sa déconvenue en Irak, elle n’est pas prête de d’écouter le chant des sirènes qui l’invitent à s’investir militairement au Moyen-Orient. La situation géopolitique et géoéconomique mondiale a complètement changé avec la crise ukrainienne, et l’embardée qu’a connue le Moyen-Orient depuis l’avènement des djihadistes et des Etats islamistes.

 

  1. « Rechute de l’économie mondiale ». Pronostic pour les États-Unis

Concrètement, qu’en sera-t-il de l’économie mondiale à l’horizon 2014-2017 ? Dans un bref tour d’horizon mondial, nous allons résumer ce qui risque potentiellement d’arriver à chaque grand pôle économique du monde.

Tout d’abord les États-Unis.

Un taux d’intérêt directeur de la Fed relevé signifie le retour des capitaux de l’étranger (Europe, Asie, Moyen-Orient et Amérique du Sud). Dès lors que les capitaux vont se déverser sur les places financières américaines, la Fed sera amenée de plus en plus à réduire les liquidités internationales. On peut même dire que c’est le processus inverse qui s’enclenchera entre les États-Unis et le reste du monde. Ce retour des capitaux jouera comme un substitut aux Quantitatives easing.

 Sur le plan monétaire, cette inversion, par la réduction des liquidités en dollars due aux conversions massives de capitaux étrangers en dollars – rendant le dollar rare sur les marchés monétaires –, va se traduire par une appréciation du dollar face à l’euro, la livre sterling et le yen. Une appréciation qui commencera à être franche dès 2015. Evidemment, la politique monétaire américaine a cet inconvénient qu’elle mettra dans une situation économique difficile les pays du reste du monde, en particulier les pays émergents et l’Afrique. Et beaucoup moins les pays occidentaux qui disposent néanmoins de monnaies internationales « seigneuriales ».

 Si dans un premier temps, la croissance peut s’accélérer, il reste à savoir le niveau auquel seront porté le taux d’intérêt directeur de la Fed, et son pendant, le taux de change du dollar avec les autres monnaies internationales. Plus le taux de change du dollar s’accroît, plus il déteint sur la compétitivité économique américaine. Donc, tout dépendra de la résilience de l’économie des États-Unis face au « choc d’un dollar fort », qui d’ailleurs aura à conditionner la durée de la phase descendante du deuxième cycle économique du XXIe siècle.

 On peut néanmoins pronostiquer qu’un dollar en 2015-2016 qui atteindra un « taux de change de 1 dollar pour 1,3 euro », qu’il fluctue autour à la hausse ou à la baisse, aura à stabiliser le cours de l’économie mondiale. Comme, aujourd’hui, le taux de change euro-dollar s’est stabilisé aujourd’hui dans une fourchette comprise entre 1,45 dollar et 1,20 dollar pour un euro. Mis à part les creux compris entre 1,20 dollar et 1,23 dollar au milieu des années 2010 et 2012, dus aux politiques ultra accommodantes de la BCE dans le cadre des LTRO, le taux de change euro-dollar moyen s’est fixé à 1,35 dollar pour un euro.

 Evidemment, une diminution de liquidités en dollars sur le marché mondial et le trou d’air qui aura à affecter nombre d’économies dans le monde aura des retombées négatives sur le prix du pétrole et des matières premières. Une chute du prix du prix de pétrole aura à détendre les factures pétrolières qu’auront à régler les pays consommateurs de pétrole, surtout les pays industrialisés comme la Chine, le Japon, l’Allemagne… 

 La question primordiale qui se posera, cet afflux de capitaux concourra-t-il à une surchauffe de l’économie américaine, via les Bourses de valeurs ? Evidemment, la situation de l’économie américaine s’est beaucoup assainie par rapport à ce qu’elle était avant la crise de 2008. Le déficit courant américain est descendu à 2,7 % du PIB alors qu’il était à plus de 6 % du PIB dans les années 2005 à 2008. D’autre part, la plupart des indices boursiers américains, comme pour certains pays du reste monde, ont pratiquement effacées leurs pertes, après la crise de 2008. Sauf les pays de la périphérie sud de l’Eurozone, Belgique, Autriche, Irlande, Australie, Chine, Hong-Kong… Les valeurs des Bourses américaines vont forcément être dopées par le retour des capitaux, ce qui à terme représentera un frein pour l’économie américaine. Une forte hausse spéculative des valeurs boursières amènera forcément une hausse accrue des taux d’intérêt directeur et une réduction de liquidités par la Fed. « Ce processus pour corriger les excès boursiers aura à clore la phase descendante qui aura probablement duré jusqu’en 2017. » Un pronostic fait a postériori sur la base des cycles passés sur au moins une quarante années – les phases descendantes des cycles passés ont généralement duré entre 1 an et demi à trois ans.

 

  1. « Rechute de l’économie mondiale ». Perspectives pour la zone euro, la Grande-Bretagne et le Japon ? 

 Pour la zone euro, la situation économique et financière se présente différemment. Frappée déjà par un ralentissement économique touchant pratiquement tous les pays vertueux et non vertueux, et ce dans une phase de cycle censée être expansionniste, alors que celle-ci devrait favoriser la reprise. Ce n’est pas le cas. On peut donc considérer que « la phase montante du cycle de la zone euro a été une phase restrictive  ». Dès lors que cette phase n’a pas concouru à leur sortie de crise, la phase descendante avec les restrictions de la politique monétaire ne pourrait qu’accabler encore plus les économies de la zone euro. D’autant plus que la situation est plus complexe pour les pays déficitaires notamment les pays de la périphérie Sud, y compris l’Italie et la France, et même certains pays du Nord, comme la Belgique, les Pays-Bas, l’Autriche, et même l’Allemagne qui a des excédents budgétaires risque de ne pas éviter la crise.

 Le comité directeur de la BCE, comme on l’a dit, sera forcé de relever le taux de refinancement de la zone, taux équivalent à celui de la Fed, non pas pour lutter contre l’inflation – au contraire la déflation menace l’Europe – mais pour éviter que les capitaux européens émigrent pour une plus-value aux États-Unis. Evidemment, le relèvement ne s’est du taux directeur de la BCE ne s’est pas encore opéré. Et le conseil des gouverneurs de la FED sous la présidence de Mario Draghi a, la 4 septembre 2014, abaissé ses taux directeurs à 0,05 %, à un plus bas sans précédent, fin de prévenir une déflation qui menace la zone euro, et redonner un peu d’oxygène à une économie de la zone euro qui étouffe par les plans d’austérité. Le taux de refinancement a ainsi été ramené de 0,15% à 0,05%. Le taux de dépôt auprès des Banques centrales s'enfonce un peu plus en territoire négatif, passant de -0,10% à -0,20%, tandis que le taux de prêt marginal est abaissé à 0,30% contre 0,40% précédemment. Quant à l’inflation, la prévision est abaissée à 0,6 % en 2014, et à 1,1% en 2015. Des chiffres bien inférieurs à 2 % assigné à la BCE.

 On fait état aussi, de source informée, que la BCE va procéder à un nouveau programme d’achats de titres adossés à des créances (asset-backed securities ou BAS) et d’obligations sécurisées (covered bonds), dont les détails ne seront connus qu’en octobre. Un programme de 500 milliards de dollars qui se déroulera sur trois ans.

 Il est évident que la baisse des taux d’intérêt va entraîner plus d’activité dans le système bancaire de la zone euro et, surtout, la nouvelle LTRO en baissant le taux de change euro-dollar aura un effet positif sur les exportations européennes. Mais ce n’est là probablement qu’un dernier acte de la BCE, car un taux d’intérêt directeur à 0,15% ou 0,05% va se trouver dans des territoires négatifs compte tenu de l’inflation. Toujours est-il ce sera le dernier round avant que la BCE ne procède à une remontée des taux d’intérêt directeurs de la BCE en 2015. Une remontée qui n’a pas objectif pour lutter contre l’inflation mais pour dissuader ou à défaut de limiter la fuite de capitaux hors de la zone euro. Evidemment une telle hausse des taux directeurs ne fera que plomber plus la zone euro. Mais les conséquences ne seront que momentanément.

 En effet, une baisse de l’euro qui commencera à s’enregistrer sur les marchés, vu la rareté des dollars sur les marchés, mettra la Banque Centrale européenne sous pression. Elle sait que si elle ne dispose pas immédiatement de son « droit de seigneuriage » pendant qu’il est encore temps, avant que l’euro ne se déprécie à moins d’un dollar, elle ne ferait que perdre les avantages que lui offre ce « droit d’émettre des liquidités ex nihilo lié à son pouvoir de duplication ». Donc la BCE aura intérêt à détendre elle-même la monnaie unique que de laisser l’initiative à la Fed de faire monter le dollar. Contrairement à ce que dit le conseiller en chef du ministre allemand des Finances, Kai A. Konrad, le « droit de seigneuriage » de la BCE ne peut s’opérer que lorsque le dollar est déprécié par rapport à l’euro. Se rappeler lorsque le dollar fort au début des années 1980annihilait toute politique d’assouplissement monétaire non conventionnel pour les pays européens. Toute duplication monétaire européenne était sanctionnée par la baisse des monnaies européennes, le taux de change du dollar par rapport au franc et au deutschemark avait pratiquement doublé. Un pic de 10 FR et plus de 3 deutschemarks pour un dollar. Les accords du Plaza en 1985 ont mis fin à ce processus, en faisant revenir en 1986 le dollar à ses valeurs de 1979.

 Et c’est la raison pour laquelle Mario Draghi, le gouverneur de la BCE, déclare, malgré le refus de la chancelière allemande, Angela Merkel, et son ministre des Finances, Wolfgang Schäuble, qu’il y a une « nécessité de procéder à des programmes d’achats de dettes souveraines et des crédits hypothécaires ». C’est-à-dire une mise en œuvre de nouvelles LTRO, qui permettent aux économies de la zone euro de se reprendre économiquement.

Ces programmes, en affaiblissant l’euro dès 2015, mettront fin aux divergences entre pays qui militent pour un « euro fort » et ceux pour un « euro faible ». Puisque ce n’est plus le choix des uns et des autres qui l’aura emporté, mais la conjoncture économique mondiale, et la phase cyclique qui aura décidé du sort de l’euro. De là se comprend que, finalement, la phase restrictive aura joué plus positivement pour l’économie de la zone euro que la phase expansionniste qui a duré sept ans, de 2007 à 2014. La zone euro aura retiré de ce processus un double avantage, celui des liquidités offertes par la BCE dans le cadre d’une nouvelle LTRO, et enfin de détendre l’euro pour lui assurer une compétitivité pour son commerce extérieur. Ce qui, d’une certaine façon, compensera l’effet négatif de la hausse du taux directeur, qui normalement, devra être au-dessous du niveau de celui de la Fed.

 Evidemment, l’Allemagne sera affectée par un euro faible pour ses factures pétrolières. Elle aura cependant à le compenser par son droit de seigneuriage qui lui affecte 27 % des LTRO émises, comme elle profitera aussi d’une baisse du prix du pétrole et des matières premières. Le prix du baril de pétrole peut probablement descendre jusqu’à 70 dollars compte tenu de la conjoncture dépressive dans le monde. Sans compter qu’une compétitivité d’un euro faible et une reprise économique de la zone euro ne peut que profiter à son économie.

 Pour l’Angleterre et le Japon, la situation est presque similaire avec la zone euro. La dépréciation de leur monnaies par des injections monétaires que leur offrirait le « droit de seigneuriage » compenserait plus ou moins le coup de froid qui toucherait les échanges commerciaux avec les pays du reste du monde, à partir de 2015. En effet, le cours de le la livre sterling fixé aujourd’hui à 1,63 livre permet à la Banque d’Angleterre de procéder à de nouveaux programmes de rachats de dette publique et de créances hypothécaires. Comme elle a déjà opéré en 2010, en injectant des liquidités dans le cadre des Quantitative easing, le taux de change de la monnaie britannique est passé à moins de 1,45 livre sterling pour un dollar. Le même processus a joué, entre 2011 et 20013 durant lesquels les différents programmes de rachats ont amené la livre sterling des sommets compris entre 1,60 à 1,65 dollar à des bas compris entre 1,55 à 1,48 livre pour un dollar, pour se relever ensuite. Une courbe des taux GBP-USD en dents de scie.

Le même processus a joué pour le Japon. Le taux de change du yen étant aujourd’hui à 105 yens pour un dollar, d’autres « abenomics » peuvent être programmés entre 2014 et 2015 pour ramener le taux de change à 130 yens. Comme lors des situations difficiles qu’a vécues l’économie japonaise où le yen s’est positionné à ce taux (1991-1992, 1997-1998 et 2001-2002). Un point à souligner, les politiques ultra accommodantes de la Banque du Japon n’ont été mises en œuvre qu’à partir de 2013. Avant cette date, le yen était surévalué. Coté entre 75 et 95 yens pour un dollar, il a été un frein pour la compétitivité du Japon.

Pour conclure avec la zone euro, il y a de fortes chances que la cote de popularité du président français François Hollande, qui est actuellement à 13%, soit rehaussée, lui qui n’a pas cessé de penser à une reprise de l’économie de la France. Bien que tous les chiffres, tous les indicateurs et toutes les prévisions de l’Insee prouvaient le contraire. Et si son intime conviction serait étayée par les faits ? On aura à dire qu’il aura été très bien inspiré. Ce qui ne sera pas le cas de la « dame de fer allemande » qui aura agité comme épouvantail les plans d’austérité qui, par un trop d’austérité, n’ont fait qu’enfoncer l’Europe dans la stagnation, tout en maintenant au-dessus les intérêts de la haute finance allemande au-dessus de ceux des peuples. Mais ce n’est pas tenir compte des aléas des conjonctures économiques qui changent les donnes de l’économie mondiale.

 

  1. « Rechute de l’économie mondiale ». Perspectives pour les pays émergents et les pays exportateurs de pétrole ? 

 Il est évident que s’il y a une flexibilité existante qui peut être utilisée dans le cadre des règles budgétaires et d’endettement, et qui sans les enfreindre ou, à la limite, les reporter après le retour de la croissance, ne concerne pas uniquement la zone euro, mais aussi les pays du reste du monde. Les pays émergents qui ont accumulé de formidables réserves de changes sur fond d’endettement de ceux qui ont émis ces liquidités sont aussi concernés. Ce qui nous fait dire que d’un côté, nous avons ceux qui détiennent le « droit seigneurial » et qui usent et en abusent et ceux qui en accumulent, c’est-à-dire la Chine, la Russie et les pays exportateurs de pétrole en particulier.

 Ces réserves de change de « précaution » ont pourtant concouru à doper la croissance économique mondiale depuis le début des années 2000. La crise de 20008, si elle est venue atténuer cette accumulation, les politiques d’assouplissement monétaire non conventionnel ont pris le relais. On peut penser que la phase descendante qui va voir une augmentation des taux d’intérêt directeurs américains auxquels il faut ajouter une diminution de la création monétaire par la Fed aura à affecter très durement les économies des pays émergents. D’abord l’augmentation des taux d’intérêt qui sont déjà hauts pour contrer l’inflation dans ces pays, et les Banques centrales de ces pays n’auront pas d’autres choix que d’emboîter le pas à la Fed, pour contrer ou à défaut limiter la « fuite de capitaux », ce qui déteindra négativement sur leurs monnaies, l’investissement et la consommation. Un recul des réserves de change pour soutenir leurs monnaies entraînera un affaiblissement de leurs économies. D’autre part, le recul des échanges commerciaux entre les pays émergents et avec l’Occident pèsera sur le solde de leurs balances courantes, ce qui se traduira par une hausse de l’endettement.

 Le recours au FMI sera une alternative très crédible pour ces pays d’autant qu’un problème de garantie va se poser entre les pays du BRICS pour ceux qui détiennent comme la Chine de fortes réserve de changes et ceux qui n’en détiennent que très peu. La Chine ne pourra prêter des capitaux que si elle est assurée de recouvrir ses prêts ou à défaut d’obtenir des garanties en échange (hypothèques physiques, etc.).

Quant à la Chine elle-même qui a son yuan ancré sur le dollar, elle doit le déprécier par rapport au dollar pour assurer une compétitivité à ses exportations, ce qui affaiblira ses excédents. De plus, la Chine sera confronté à moins de débouchés pour ses exportations, vu le ralentissement de l’économie mondiale. Pour les pays qui vivent une bulle immobilière comme la Chine, le risque d’éclatement est potentiel avec le relèvement des taux d’intérêt.

 D’autre part, le seul moyen pour la Chine de sortir d’une crise est de mettre à contribution ses réserves de changes en procédant à des politiques keynésiennes pour soutenir l’emploi. En procédant à des plans de relance, elle concourra, comme moteur, à la stabilité de l’Asie. Un réconfort pour la Chine comme pour le Brésil, l’Inde, l’Afrique du Sud, ils vont bénéficier du recul des prix du pétrole. Par exemple, la Chine qui importe environ 6 millions de barils par an, à raison de 100 dollar le baril, fera une économie de 30% par an, soit 66 milliards de dollars par an si le pétrole baissait à 70 dollars. Or on constate que le prix du pétrole brut Brent, depuis juin 2014, a commencé à baisser, passant de 115 dollars à 102 dollar, et que le pétrole brut WTI a baissé à 95 dollars. Est-ce un signal ? L’avenir nous le dira.

 La Russie est à peu près dans ce cas de figure, ses réserves de change lui permettront de lancer des plans de relance (infrastructures, habitats...).

 La même situation prévaudra pour les pays exportateurs de pétrole. L’atténuation de la crise viendra de la mise en œuvre de plans de relance. Ce qui nous fait dire que les réserves de change méritent bien leur appellation, de « précaution », et, après que les Occidentaux aient injecté massivement des capitaux, ce sera au tour des pays émergents et des pays exportateurs de pétrole d’injecter des capitaux. Une situation d’équilibre pour diminuer le déséquilibre mondial entre les pays excédentaires et les pays déficitaires.

 Tels sont les pronostics qui nous paraissent potentiels dans le resserrement monétaire projeté par la Réserve fédérale américaine et qui enclenchera la « phase descendante du deuxième cycle économique du XXIe siècle ».

 

 

Medjdoub Hamed

Auteur et chercheur spécialisé en Economie mondiale,

Relations internationales et Prospective.

www.sens-du-monde. com


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5 réactions à cet article    


  • claude-michel claude-michel 6 septembre 2014 08:30

    Article beaucoup trop long pour dire simplement que l’UE se casse la gueule...et ça nous le savons depuis des années.. !


    • coinfinger 6 septembre 2014 19:35

      Chapeau pour ce récapitulatif , extrémement nécessaire . C’est méritoire et méritant .
      D’autant que la question est complexe avec des incidences sociales et politiques dont vous ne pouviez que faire abstraction . C’est plutot le théme d’un livre que d’un article à mon avis .


      • Hamed 7 septembre 2014 01:28


        @ Coinfinger

        Vous avez raison, cet article résume une situation de plus d’un demi-siècle, et surtout ce qui se passe aujourd’hui et ce qui se passera dans un an, voire deux ou trois ans. Mais pourquoi ça ne m’intéresse pas d’écrire dessus un livre. Un seul motif, les articles que je lie sur l’économie mondiale ne font que relater ou condamner sans qu’il n’apporte une réflexion forte qui explique de telle chose ou telle autre. Or, je cherche à expliquer, à éveiller les esprits. Et les articles même longs sont mieux que les livres qui n’impliquent que ceux qui l’achèteront. Voilà pour la première réponse. Pour la seconde, et c’est à titre d’exemple, on critique par exemple les politiques d’assouplissement monétaire non conventionnel sans que ceux qui critiquent ne sachent exactement ce que ces politiques rapportent, représentent à ceux qui émettent ces liquidités ou à ceux qui les reçoivent dans le circuit transactionnel. Et c’est cela qui me fait dire que Internet, à travers les échanges d’idées, peut permettre de développer, d’apporter les réponses les plus différentes et surtout les plus fiables. Ces analyses ne sont pas enseignées dans les universités, on les apprend dans l’observation dans la vie réelle et durant des décennies.

        Par exemple, quand des gens disent que Mario Draghi est un magicien, c’est que ils n’ont rien compris à l’économie, et c’est la raison pour laquelle la zone euro est en stagnation. Les économistes européens n’ont pas expliqué réellement ce qui s’y passe en Europe. Et on se rabat sur ce credo, les Banquiers centraux sont des sauveurs, alors que ces derniers opèrent sur des instruments prévus pour cela et que, mal utilisés, ou on ne dit pas la vérité, les peuples sont impuissants à réagir sinon à subir et leurs économistes aussi soit de ne pas avoir compris, soit s’ils ont compris ont omis de le dire.


      • marauder 7 septembre 2014 00:04

        C’est bien gentil de s’embeter a croire comprendre le pourquoi du comment... Ca part d’un bon sentiment (encore que ...)...

        Pas la peine de se taper un pavé pour comprendre que les gens de pouvoir veulent le garder, par tout les moyens.

        Pas la peine non plus de prendre dix ans a comprendre que les jeux de stratégie ont existé bien avant sur les terrains de jeu réels plutot que virtuels.

        Vous voulez votre belle situation ? Votre belle piscine ? Votre villégiature de vacance ? Votre tv high tech ? Vous voulez la justice, surtout pour vous ? Vous pleurez des allemands, des anglais et des us, de leur économie ?

        Ou vous enviez les BRICS qui vous semblent vach’tement bien ?

        Ca me rappelle quand j’etais mome, qu’on me disait que mitterrand était pas si mal ... C’est vrai, comparé a pire, bien pire ...

        Mais entre un pervers qui fait que le mini et le gros qui fait le pire, vous preferez le premier ou vous rejetez tout en bloc ?

        Une fois la limite de l’acceptation franchie, la graduation ne sert plus a rien.


        • mmbbb 7 septembre 2014 14:01

          a l’auteur je n’ai eu que le temps de survoler votre arcticle mais permettez moi de vous dire qu’a l instar de Claude Michel il est trop long L’economie c’est complique je n’en doute point Mais comme un avion qui est bourre de tecnhnologie et qui s’ecrase on ne retiendra que l’image de l’accident et beaucoup de personnes a part les experts ne s’arreteont pas sur tel ou tel problemes techniques pointus A l’image de l’avion nous nous plantons et nous le savons puisque les francais ont signe le traite de Masstricht qui a enterine notre deconfiture Je vous ferai remarque que l’economiste maurice Allais avait ecrit des articles a ce sujet mais nul n’est prophete en son pays 

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