Qu’est ce qu’un parlementaire ?
A l’heure des élections législatives, sans doute est-il bon de rappeler, dans la mesure des choses, la mission d’un parlementaire.
Qu’est-ce qu’il y avait avant le Parlement ? Les trois ordres, qu’on appelait les Etats généraux. Ceux-ci étaient formés de toutes les couches de la population, et étaient censés former une sorte de grand rassemblement des « représentants » des sujets du roi. D’ailleurs, ils étaient élus. Mais dites-moi, cela ressemble furieusement à notre Assemblée nationale ça, non ?
Et tiens ! Comme c’est étrange, ces trois ordres ont, un jour, comme ça, décidé de « fusionner » pour former la première Assemblée nationale de notre pays. Et les différents « députés » des trois ordres devenaient, par la force des choses, les « représentants du Peuple souverain ». Mieux encore, cette Assemblée s’est faite « constituante », et par la suite « législative ».
Donc, si on recadre bien, un parlementaire doit donc assumer les anciennes fonctions des Etats généraux et y associer les nouvelles, issues de la Révolution. Mais conformément au « serment » du Jeu de paume de 1789, les parlementaires doivent aussi être les « représentants » non plus simplement d’un ordre, d’une communauté, d’une classe, d’un parti, mais être les représentants d’un peuple, un peuple qui est non pas suzerain, mais souverain. Par conséquent, les parlementaires ont aussi la charge lourde de ne pas défendre une catégorie de personnes, mais de défendre l’intérêt général, c’est-à-dire ce qui pourra le plus profiter à l’ensemble des citoyens, ce qui ira le plus vers le bien, et non vers le mal.
Cela demande donc que les parlementaires sachent travailler ensemble. Il y a des bonnes propositions de partout, et, ce n’est qu’une opinion personnelle, j’apprécierais franchement de ne plus voir les parlementaires se comporter comme des gamins de trois ans dans l’Hémicycle, qui insultent leurs collègues, qui disent oui à tout quand c’est l’équipe en place qui parle, et non à toute autre proposition issue d’un autre « camp » (La guerre froide c’est fini !). Je rappelle que les parlementaires sont censés former ce qu’on appelle l’Assemblée nationale et le Sénat. Je suppose que si un certain jour les représentants de trois ordres (qui avaient certainement plus de divergences que n’en ont les parlementaires actuels, à commencer par le fait qu’ils sont tous, en principe, partisans de la République) ont su faire l’un des plus beaux textes au monde, ensemble (et cela sans renoncer à leurs convictions religieuses, politiques, morales, etc.), et ont su apporter des réponses concrètes à ceux qu’ils représentaient (création d’une Constitution, choix du mètre comme unique mesure, départementalisation, fin des privilèges, abolition de l’esclavage, rattachement de la Corse à la France, séparation des pouvoirs, chantiers nationaux, réforme de la justice (avec le commencement de ce qui deviendra le Code civil), séparation de l’Eglise et de l’Etat, égalité devant l’impôt, liberté d’expression, fin de la torture, etc.) aujourd’hui les parlementaires doivent - je pense - pouvoir faire la même chose ! Non ? Je rappelle que ces parlementaires, en 1789, ont laissé à l’Histoire leur nom, leur fonction, et que notre France est connue dans le monde comme la patrie des droits de l’homme, grâce à eux. Les parlementaires du XXIe siècle ne veulent-ils donc pas laisser un souvenir aussi impérissable ?
Et si les parlementaires commençaient à faire ce que faisaient leurs prédécesseurs de 1789 ? « Eclairer » l’exécutif ? Est-il possible de voir de nouvelles Lumières en France ou les parlementaires choisiront-ils de laisser notre pays dans l’ombre d’autres ? Impossible ? Impossible n’est pas français. Si des parlementaires ont su se bouger en 1789, avec pour seule aide le soutien populaire, je ne comprends pas pourquoi ceux de 2007 en seraient incapables, connaissant les nombreux outils, juridiques (en premier lieu la Constitution !), moraux (les parlementaires ont le peuple avec eux !), technologiques (il existe de nombreux logiciels comptables, marketing, et autres, sur le marché ! Internet permet aux parlementaires de « dialoguer » directement avec les Français, etc.), financiers (l’argent des Assemblées, sans compter l’argent des partis, les dons, etc.) économiques (réseaux des parlementaires), médiatiques (la presse est en permanence devant le palais Bourbon ! Il est donc facile de dire un mot aux journalistes ! Voire de leur refiler une info en béton sur un plan encore incroyable du gouvernement pour faire encore plus tomber la France), relationnels (les parlementaires ont des réseaux extrêmement importants !), qu’ils possèdent !
Un Parlement, c’est un contre-pouvoir. J’ai bien dit un contre-pouvoir, et pas une opposition, ou une majorité. Un contre-pouvoir. C’est quoi un contre-pouvoir ? C’est une limite, une règle, qui veut que quand le gouvernement (qui est le contre-pouvoir naturel du Parlement. Ce n’est pas moi qui l’invente, c’est Montesquieu et d’autres qui le disent !) abuse de son pouvoir, le Parlement l’arrête. Un Parlement c’est un peu comme un ami qui empêcherait ses amis de faire des bêtises, de sauter du haut du pont. Quelqu’un qui ne donnerait pas les clefs de la voiture lorsque son ami est saoul. Quelqu’un qui mettrait en garde son ami contre quelqu’un ou quelque chose, comme par exemple une mère dit à son enfant : attention à tes mains. Ca brûle. Et qui, quand son enfant commet quand même la bêtise, lui prend la main pour la soigner, tout en lui disant : tu vois, tu aurais dû m’écouter. Que cela te serve de leçon.
Le rôle d’un Parlement n’est pas uniquement de soutenir le gouvernement, mais de faire en sorte que l’argent des Français soit utilisé efficacement, à bon escient ! Et que les lois soient en concordance avec l’intérêt général. Un parlementaire, ce n’est pas un sujet. Un parlementaire c’est quelqu’un qui regarde ce qu’on lui propose, et qui fait en sorte que cela colle avec l’intérêt général. Un ami est quelqu’un qui examine ce que lui propose son ami, mais qui, lorsqu’il sent un problème, en fait part à son ami, pour lui éviter de commettre des erreurs. La solidarité, ce n’est pas la vassalité. Le soutien, ce n’est pas la confiance absolue.
Je vais vous raconter un conte. Il était une fois un roi de seize ans très méchant qui faisait battre son épouse par son armée. Un jour, le frère de la reine mère revint d’un voyage, et s’aperçt vite du caractère emporté du petit roi. Il convoqua les soldats et leur dit : « Où voyez-vous écrit dans le code de la chevalerie qu’on doit battre les femmes ? » Les soldats lui répondirent « nous obéissions à un ordre du roi ». Le frère de la reine mère sourit et leur dit : « le roi est un enfant. Il est de notre devoir de le protéger contre lui-même. S’il vous demande de seller son cheval, faites-le. S’il vous demande de déclarer la guerre aux Etats voisins, ou de punir sa femme, venez me voir ». Le gouvernement a lui aussi, besoin, parce qu’il ne détient pas la science infuse (il n’est pas Dieu), d’être protégé contre lui-même.
Un Parlement, c’est un contre-pouvoir. Allons bon. Je sais bien ce que vous allez me dire : "Le principe de continuité de l’Etat apporte la garantie de son existence à long terme, et non pas dans un horizon temporel limité comme un ménage". Allez donc dire ça à Louis XVI ! Ou à Thiers ! Un Etat ne peut être en faillite... Mais faire banqueroute, si !
Dire de temps en temps « non » au gouvernement, quand on est dans la majorité, dès lors que c’est justifié, c’est agir en contre-pouvoir. Dire de temps en temps « oui mais » parce qu’on est d’accord sur les principes mais pas sur la méthode, c’est agir en contre-pouvoir. Dire de temps en temps « oui » quand on est dans l’opposition, c’est aussi agir en contre-pouvoir.
Parce qu’un contre-pouvoir n’est pas là pour dire non en permanence au gouvernement, mais pas oui non plus en permanence. Un contre-pouvoir, c’est un bouclier. Le gouvernement c’est l’épée, le chevalier c’est la France. S’il lui manque une partie de son attirail, le chevalier meurt. Le chevalier a besoin de son épée pour combattre, diriger, et de son bouclier, pour se défendre, et défendre les faibles. Le Parlement c’est un contre-pouvoir. Jadis, l’Eglise était le contre-pouvoir des monarchies. Elle intervenait, pas toujours à bon escient, mais au début cela allait, par exemple pour mettre en place un « serment » pour la chevalerie. Le chevalier était censé respecter ce code. Aujourd’hui, le Parlement a, vis-à-vis du gouvernement, le même rôle : l’obliger à respecter le droit. Et le droit s’appelle la Constitution et les lois.
L’épée est pointue, dangereuse, mais elle doit s’incliner devant le droit, comme jadis la chevalerie devait s’incliner devant la Bible. Les parlementaires doivent comprendre qu’ils sont le bouclier, et que la France ne pourra pas vivre si elle n’a pas de bouclier. L’épée est insuffisante. Elle a besoin de son envers : le bouclier. Quand des flèches lui tombent dessus, comment voulez-vous que la France se protège ? Parce qu’en la circonstance, l’épée, elle, ne sert pas à grand-chose. Il est nécessaire de donner un bouclier à la France.
Les parlementaires doivent comprendre qu’ils sont les amis du gouvernement, pas ses courtisans. S’ils sont vraiment ses amis, alors ils doivent agir comme tels. Un ami ça dit, avec un minimum de diplomatie, ses quatre vérités à son ami. Souvenez-vous du proverbe : qui aime bien, châtie bien. Un ami ne laisse pas son ami dans l’aveuglement. Il l’éclaire. Il lui montre le chemin. Il lui prend la main pour le guider. Il marche avec lui. Il est présent, non pas derrière lui, non pas devant lui, mais à ses côtés. Un ami allume une torche dans les ténèbres. Un ami aide son ami. Il ne le laisse pas prisonnier de ses illusions. Il ne le conforte pas dans ses fourvoiements. Quand il est en danger, il le protège. Mais il le protège contre un vrai danger, pas contre des chimères. Un ami change l’état d’esprit de son ami, il le rassure, il le console, il lui fait la leçon. Il ne s’incline pas très bas, sur le sol. Un ami empêche son ami de se terrer dans sa maison, un ami empêche son ami de manger n’importe quoi pour oublier, un ami parle à son ami pour comprendre. Il lui apporte son soutien, pas sa soumission. Un ami aide son ami à trouver un emploi, un appartement, l’élue de son cœur. Il ne fait pas son travail pour autant, il ne paye pas non plus ses traites, et ne dépasse pas le stade des « ouvertures » pour aider son ami dans ses aventures amoureuses. Un ami pousse. Il ne fait pas à la place. Un ami lance. Il ne se fait pas l’esclave de son ami. Un ami donne du temps à son ami. Il ne sacrifie pas pour autant sa vie.
Un parlementaire c’est un bouclier, c’est un ami, c’est un contre-pouvoir. Il veut le bien et pour cela, il dit, lorsqu’il le faut, ses quatre vérités au gouvernement. Il éclaire l’Exécutif.
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