Quand il est question d’isoler
Je ne sais pas si vous êtes au courant ou si mon département est particulièrement visé, mais cela fait des semaines pour ne pas dire des mois, que nous sommes harcelés au téléphone pour recevoir un cadeau du ciel : une isolation gratuite. Combles, garages, fenêtres, bref le top du plus de la conscience écologique, économie de CO2 et tutti quanti.
N’étant par nature guère crédule, en ce qui concerne ce genre d’alléchantes propositions, j’ai fouillé un petit peu sans apprendre autre chose que cette offre est faite par des professionnels pour payer leur taxe carbone. À priori on ne peut pas dire que c’est une mauvaise idée, mais dans la pratique c’est une toute autre histoire.
Des histoires, vous pourrez en lire sur internet, ici j’ai juste envie d’en donner mon avis.
On a droit à quelques photos parfois et, sur ces photos il paraissait évident que nous avions affaire à de la laine de verre ou de roche, ou bien du polystyrène. Je ne sais pas lequel des quarante est propriétaire de cette denrée, mais pour les laines roche et verre, c’est Saint Gobain.
Comme j’ai fait isoler mes combles à la ouate de cellulose, et bien que celle-ci fut écrasée par des fuites du toit, je ne me sentais guère d’ajouter un isolant polluant qui, de plus, ne protège pas de la chaleur. Mais quand ma voisine m’annonça qu’elle avait fait la démarche et que les gus venaient « la semaine prochaine », et, proposa-t-elle, comme nos combles ne sont pas séparés, si vous voulez, je leur dis de tout faire. J’ai répondu ni oui ni non bien que n’étant pas normande, mais que je verrais le moment venu.
Le moment vint une dizaine de jours plus tard. Je rentrais chez moi en passant devant chez elle et je jetai un œil dans le fourgon qui avait ses portes latérales ouvertes et je vis qu’il s’agissait de laine de roche. Je rentrai chez moi sans piper mot.
Quelques temps plus tard, un bruit dans mes combles me contraignit à aller chercher l’échelle, ouvrir la trappe et jeter un œil à l’intérieur.
Je ne voulais pas faire peur au jeune gars qui était là mais j’étais inquiète de le voir à un endroit où il faut savoir où se trouvent les solives pour pouvoir marcher dessus et ne pas traverser le placo qui me sert de plafond ! Il était très mignon mais parlait mal le français ; je l’ai appelé doucement, il n’a pas sursauté, pourtant il ignorait la présence de cette trappe ! Il était vêtu d’une combinaison blanche, qui m’a paru toute propre et repassée, et de gants, mais pas de masque ; la laine de roche à pulvériser, en l’absence de pulvérisateur était étirée à la main et posée comme-on-peut par dessus ma cellulose. Je lui suggérai de finir sa tâche à cet endroit mais de ne pas continuer, la pièce en dessous étant isolée par trente centimètres de ouate de papier qui, elle, avait été soufflée !!
Je me sentais terriblement mal à l’aise ; j’aurais adoré savoir combien ce type gagnait ( ils étaient deux mais je n’en vis qu’un).
J’en eu une idée un peu plus tard.
Les gens qui sont un peu sûrs d’eux, bien intégrés dans ce monde, n’hésitent pas à sauter sur une occasion telle que celle-ci offerte avec tant de force. Un ami me raconta le passage éclair chez lui de deux jeunes algériens-français. Ils venaient là pour isoler le toit d’un garage, de manière à isoler la pièce du dessus.
Il s’agissait comme je l’ai dit plus haut, de polystyrène en plaques pas très épaisses ( donc au coefficient d’isolation peu élevé) ; c’est pas sorcier de les placer si on est outillé. Ils l’étaient, mais d’une perceuse. Ils faisaient six trous dans la plaque et dans le ciment de la dalle et vissaient une vis quelconque qui se passait de cheville. En une heure et quart ils eurent fini leur boulot, c’était ni fait ni à faire, pont thermique à toutes les poutres et ajustement approximatif le long des murs. Mais ils étaient contraints de travailler pour trente mètres carré minimum et le plafond n’en faisait que vingt, alors il proposèrent de laisser l’équivalent en plaques pour ne pas se faire engueuler en arrivant à l’atelier, à cent bornes de là ; ils devaient repartir chez eux pour le week-end, faire quatre cents bornes depuis l’atelier.
Bonjour l’organisation efficace pour qui paye sa taxe carbone. À Avignon ils n’avaient pas trouvé d’ouvriers non qualifiés plus proches que deux Clermontois !
Il est évident qu’aucune isolation écolo n’est proposée dans ce service si gratuit ; c’est la première chose notable de cette offre, ce qui m’a fait penser que Saint Gobain fourguait à cette occasion tous ses vieux stocks de saloperies polluantes, urticantes, voire cancérigènes. Mon idée était appuyée par le fait qu’au début du battage, il fallait montrer la patte blanche de celui qui n’est pas imposé tandis que peu de temps après, cette restriction était enlevée ; par ailleurs dans les mêmes temps, l’appel à intéressés se faisait harcèlement.
Les jeunes embauchés sont des travailleurs détachés ( mon Tchèque dans mes combles) ou bien des emplois proposés aux jeunes de banlieues (1), sans pour aucun d’entre eux la moindre formation ! Payés au petit SMIC, quoique, le copain ému par un si mauvais travail fait en si peu de temps, leur fila un billet en guise de pourboire. Je soupçonne ma voisine de s’en être dispensée !
Conclusion de la taxe carbone :
On exploite à mort, mais pour peu de temps, des jeunes étrangers ou banlieusards de troisième génération chômeuse.
On fait un travail totalement, et j’insiste, inutile, moche avec des produits malsains
mais !!! on permet à un des cac quarante de liquider ses vieux stocks chez les pauvres tout en payant ( mal) sa taxe carbone ! Je m’étais méfiée aussi quand j’avais lu que le passage des ouvriers durait de deux à trois heures !!! Je me demandais ce qu’on pouvait bien faire en ce laps de temps !
Je n’ai rien contre le fait d’utiliser les stocks existants ; nous avons été nombreux à nous isoler avec la laine de verre sans en mourir, et puisqu’elle est là, autant la donner. Mais se débrouiller à faire un tel gâchis, à faire et laisser comme si l’on n’avait pas fait , il fallait le faire !
« Ils » l’ont fait !
Eh bien, vous en pensez ce que vous voulez, mais cette anecdote ( dans le bordel actuel, moins que rien) prouve à quel point le pognon au stade ultime de son agonie crée l’incompétence, l’exploitation quand même faut pas déconner, l’inefficacité, la désorganisation par j’men-foutisme, le foutage de gueule, l’abus de confiance ; arnaque, déliquescence et inanité à tous les étages.
1) https://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/nos-quartiers-dits-prioritaires-181955
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