Quand l’austérité parachevait la trahison
C’est seulement à partir du 21 mars 1983, alors que la trahison est déjà consommée (Voir notre article : « La grande trahison »), que Jacques Delors met en place une politique de rigueur qui sera poursuivie par Pierre Bérégovoy. A partir de là une quantité de mesures vont venir piétiner les acquis du mouvement ouvrier. Les socialistes vont chercher à justifier cela en invoquant la « dette ». Ils développent alors à souhait la métaphore du ménage surendetté qui doit faire des coupes sombres dans son budget. Cette métaphore n’a aucune valeur car le ménage endetté sait ce qu’il a acheté et il sait à qui il doit de l’argent. Alors que la soi-disant « dette » de l’Etat a été construite artificiellement et ne correspond à aucune réalité matérielle.
C’est la loi du 13 janvier 1973 qui a permis de fabriquer cette « dette ». Cette loi en réformant les statuts de la Banque de France empêchait l’État de "battre monnaie" pour se financer lui-même l’obligeant à emprunter auprès des banques. Dès lors, la dette envers les banques ne fait qu’enfler d’année en année. Elle est essentiellement constituée par les intérêts. Depuis cette mesure a été généralisée à toute l’Europe avec les traités de Maastricht (article 104) et Lisbonne (article 123). Les socialistes se sont bien gardés de revenir sur cette loi. Ils ont, tout au contraire, pleinement profité de ses effets dévastateurs pour justifier leur politique d’austérité au grand bénéfice des capitalistes. La trahison entamée dès leur arrivée au « pouvoir » va s’accentuer. De François Mitterrand jusqu’au plus petit militant de base du Parti Socialiste tous vont la justifier par la « dette » et par la situation économique mondiale que nous serions contraints elle aussi d’accepter comme un fait sur lequel nous n’aurions aucune prise. Tout comme « les Trente Glorieuses », la « Crise » et la « Reprise Attendue » sont des divinités qui échappent à l’activité des hommes. François Mitterrand ne cesse d’expliquer que nous sommes contraints à l’austérité en attendant la « Reprise » qui doit nous venir des USA actuellement en « Crise ». Ces « socialistes-nouvelle-mode » attendent que la lumière miraculeuse et salutaire arrive depuis le bastion du capitalisme : les USA.
A l’opposé de ces discours, il nous faut analyser la situation économique mondiale comme un produit de l’activité des hommes. Depuis la libération, les USA veulent dominer le monde et tout particulièrement l’Europe. Les dirigeants américains n’ont de cesse que de se diriger vers la construction de l’Union Européenne déjà bien entamée. Nous n’en ferons pas ici tout l’historique, mais c’est dans ce cadre d’une tentative de « colonisation » de l’Europe par les USA qu’il faut analyser l’évolution de la situation économique. Pendant qu’il dirige la France, le Général de Gaulle s’oppose à cette colonisation sans colons, cette mainmise des USA sur l’Europe. Il agit pour maintenir l’indépendance de la France. Dans sa conférence de presse du 14 février 1965, il critique le système monétaire international issu de la deuxième guerre mondiale en estimant qu’il donnait une part trop importante au dollar et en proposant de revenir à l’or comme unique monnaie internationale. Mais, deux ans après son départ, le 15 août 1971, Richard Nixon décide de suspendre la convertibilité du dollar en or. C’est une mesure qui aggrave la situation précédente et va complètement à l’opposé de ce que proposait le Général de Gaulle. En effet, les accords de Bretton Wood du 22 juillet 1944 imposaient une contrepartie au fait que le dollar était une monnaie internationale de transaction et de réserve. Les USA devaient veiller à ce que les dollars soient couverts par un pourcentage de leur stock d’or selon l’équivalence d’une once d’or pour trente-cinq dollars. Les billets américains portaient la mention : « Convertible en or et à vue auprès du trésor des USA ». Nixon en supprimant cette convertibilité du dollar en or veut remédier au déficit des USA qui engloutissent des sommes pharaoniques pour réaliser le plus monstrueux crime de guerre depuis la libération. Les USA déversent en effet sans compter des tonnes et des tonnes de bombes, de napalm, de défoliants et de toutes sortes de poisons sur le Vietnam. Par cette mesure monétaire unilatérale, Richard Nixon fait perdre le rôle central de régulateur au Fond Monétaire International qui avait été mis en place à Bretton Wood. Qu’aurait fait le Général de Gaulle s’il avait été encore aux manettes de la France ? Nul ne le sait. Peut-être aurait-il voulu quitter le FMI en signe de protestation pour montrer que les USA avaient trahi les principes qui avaient prévalu lors de sa mise en place. Peut-être aurait-il refusé des échanges commerciaux en dollars avec les américains pour n’accepter que des échanges avec paiement en or. A l’inverse, désormais les monnaies flottent les unes par rapport aux autres en fonction de l'offre et de la demande des différentes monnaies. Cependant, du fait de l'immense puissance économique et monétaire des États-Unis, le dollar sert toujours de référence mais sans aucune contrepartie matérielle, sans aucune garantie d’échange en or. Comme le gouvernement des USA peut faire tourner sa planche à billets autant qu’il le veut, il se trouve dans la même situation qu’un ménage qui aurait le droit de faire des chèques sans provisions que les commerçants seraient tenus d’accepter. Bien sûr les gouvernements mis en place par Pompidou et Giscard vont s’aligner sans broncher sur les nouvelles exigences des américains. Mais, les socialistes arrivant au gouvernement de la France auraient dû s’y opposer au moins autant que l’aurait fait le Général de Gaulle. C’était d’ailleurs, très explicitement la 10ème des 110 propositions du programme du PS : « Définition d'un nouveau système monétaire mondial par la réforme du FMI de la banque mondiale et du " panier de monnaies ", un moratoire et de nouvelles liquidités pour les pays pauvres du tiers monde. ». Comme tant d’autres, cette proposition est passée au panier et la politique économique des années Mitterrand a été la même que celle des années Pompidou et Giscard. Elle a été entièrement au service des banquiers et des milliardaires de l’oligarchie euro-atlantiste.
Ce n’est que quelque temps avant sa mort que François Mitterrand se montrera clairvoyant en ce qui concerne la politique américaine. Il déclarera à Georges-Marc Benamou :« La France ne le sait pas, mais nous sommes en guerre avec l’Amérique. Oui, une guerre permanente, une guerre vitale, une guerre économique, une guerre sans mort apparemment. Oui, ils sont très durs les Américains, ils sont voraces, ils veulent un pouvoir sans partage sur le monde. C’est une guerre inconnue, une guerre permanente, sans mort apparemment et pourtant une guerre à mort. ». Il y avait-il eu une part d’ignorance dans sa politique au cours de ses deux septennats ? Peut-être. Ce qui est certain c’est que les socialistes ont tout accepté et ils ont fait payer l’addition au peuple au lieu de se référer au peuple pour que ce soit lui qui décide. Ce fut une énorme trahison.
55 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON