Quand le parti communiste était le noyau dur à éliminer de la politique française
Reprenons l’article 2bis que MM. Bruyneel, Barrachin et Chardonnet voulaient insérer dans la nouvelle Constitution autour de laquelle s’affaire le Comité consultatif constitutionnel en sa séance du 1er août 1958 :
« La liberté d’opinion et d’expression est garantie à tous. Toutefois les associations et groupements politiques doivent s’inspirer de principes démocratiques et n’accepter aucune obédience étrangère. » (Volume II, page 118)
Tout à coup, le président du Comité, Paul Reynaud, s’inquiète :
« Tel qu’il est rédigé, monsieur Bruyneel, est-ce que votre texte n’interdit pas la presse communiste et la presse royaliste ? » (page 128)
Dans un premier temps, ce brave homme répond :
« Non, non, aucune presse. »
Or, une fois que le président entreprend de préciser sa pensée :
« Mais la liberté d’opinion et la liberté d’expression, c’est la presse »,
le député Bruyneel se ravise illico, mais sans l’avouer tout à fait :
« Oui, mais elle est "garantie à tous". Et l’on ajoute : "Toutefois les associations et groupements politiques doivent s’inspirer de principes démocratiques et n’accepter aucune obédience étrangère." À partir du moment où ces partis seront contrôlés, où ils seront sanctionnés le cas échéant, il est bien évident que leur presse le sera également. »
Quant à lui, Paul Reynaud, n’a aucun doute :
« Ce qui signifie bien la suppression de cette presse. »
Comme je l’ai déjà proposé dans l’article précédent [http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/1938-1958-une-histoire-qui-begaie-165387], revenons vingt ans en arrière de cette année 1958. Arrêtons-nous à peine un mois après la signature des Accords de Munich auxquels le seul parti communiste s’opposa en bloc…
« Le 1er novembre 1938, par permutation avec Marchandeau, Daladier faisait passer Paul Reynaud du ministère de la Justice à celui des Finances. » (Michel J. Cuny - Françoise Petitdemange, "Fallait-il laisser mourir Jean Moulin ?", page 221)
Oh, surprise ! Paul Reynaud, est déjà là !... Voici la suite :
« Dès les 12 et 13 novembre, divers décrets-lois s’en prennent en particulier à la semaine de quarante heures et aux conventions collectives. Ils avaient été, en grande partie, rédigés par Michel Debré qui devait jouer, en 1944, un rôle important, et très significatif de la façon gaulliste de percevoir la Résistance. » (même ouvrage, pages 221-222)
…et apparaître, en 1958, comme l’organisateur du coup d’État, et comme le père de la nouvelle Constitution…
Vingt ans plus tôt tout juste, l’assaut contre le monde ouvrier est d’une telle violence, après les dangereuses courbettes devant Hitler, que les syndicats ouvriers ne peuvent y voir qu’une provocation de la pire espèce :
« Du 21 au 25 novembre [1938], un mouvement de grève se développe, qui renouvelle une pratique initiée en mai-juin 1936, puisqu’il s’accompagne d’occupations d’usines. Ainsi en va-t-il pour les usines Renault, qui sont évacuées de force le 24 novembre. Pour cette seule entreprise, le bilan est lourd : 290 arrestations, 28 ouvriers définitivement licenciés, 255 condamnations en correctionnelle, réembauchage individuel avec des contrats de travail transgressant la limite des quarante heures hebdomadaires ou supprimant les congés payés. » (page 222)
Mise dans une situation impossible, la CGT appelle à une grève générale pour le 30 novembre, alors que le Gouvernement n’attendait que cela, lui qui faisait quadriller les quartiers ouvriers par la garde mobile :
« La répression s’abat de plus belle sur les grévistes. Les estimations font état de 36.000 licenciements pour les seuls arsenaux et l’aéronautique ; le réembauchage se fera de façon individuelle ; dans l’industrie privée, il y aurait eu 800.000 licenciements temporaires ou définitifs. » (page 223)
Voici le texte qui va courir les rues françaises le 17 décembre 1938 :
« Quatre cent trente journaux, sans distinction d’opinion, se sont mis d’accord pour publier aujourd’hui un appel pressant au Parlement. Ils traduisent le sentiment général du peuple français sur l’action du Parti communiste, le danger qu’elle fait courir à la nation, et la nécessité d’y mettre immédiatement un terme […]. Les dirigeants du Parti communiste prennent leurs ordres à l’étranger. […] Dix-huit nations européennes ont dissous le Parti communiste afin de redevenir souveraines chez elles. La France doit, elle aussi, rejeter hors de la communauté nationale toutes les factions que l’étranger a installées sur notre sol et, pour commencer, la plus puissante, la plus active, la plus dangereuse, celle qui aujourd’hui travaille publiquement à briser son effort de redressement : le Parti communiste. » (pages 224-225)
On le voit : nul besoin d’attendre la signature du fameux pacte germano-soviétique (23 août 1939) pour dire pis que pendre du parti communiste et demander son interdiction. Mais quel rôle politique pouvait donc avoir celle-ci en 1938 ? Quel problème permettait-elle de résoudre en moins de deux :
« C’est évidemment toujours le problème que pose la présence, à la Chambre, des 72 députés communistes : ils empêchent le basculement vers l’extrême droite de la majorité gouvernementale. » (page 225)
La Constitution de 1958, n’aurait-elle pas été conçue comme le palladium de l’appropriation privée des moyens de production et d’échange… sous couvert de l’expression apparente du suffrage universel ? N’est-ce pas ce que nous enseigne ce monstrueux chômage qui, non seulement perdure, mais ne fait que nous promettre sa croissance future ?... Ne le voyons-nous pas prospérer, depuis plus d’une génération, sous un schéma institutionnel qui ne permet de l’entraver en rien ?...
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