Quand le « politiquement correct » est débranché, ça fout la pétoche !
Trump est tellement vulgaire que ses déclarations sont un défi pour les interprètes qui ne trouvent pas toujours dans le corpus linguistique de la langue de destination des expressions capables de rendre la puissance et la poésie du style personnel tout en nuances du plus grand président du pays le plus puissant de la planète. Comme on sait, « Traduttore, traditore » (1).
Nous demandons donc au lecteur de l’indulgence si la traduction qui suit ne restitue pas l’intégralité des subtilités contenues dans l’original :
« Vous savez, ce qui est drôle, c’est que la gauche joue avec un handicap, c'est pourquoi elle tape fort. Je pense que les gens de droite sont plus costauds, mais ils dépensent moins d’énergie. Vous suivez ? Je peux vous dire que j’ai le soutien de la police, de l’armée, des « Bikers for Trump » (2) .J’ai des durs à cuire avec moi, mais pour l’instant ils sont cools, enfin, tant qu’on n’atteint pas un certain point où là, ce serait moche, très moche. "
Il a fait cette déclaration dans une interview sur le site Web Breitbart News, jadis dirigé par Steve Bannon (en disgrâce ou en réserve ?) et toujours situé à la droite de la droite.
Dans un style plus prosaïque, il aurait dit que tout effort de « la gauche » (3) pour le destituer ou l'éliminer devrait passer par des démêlés avec la police, le pentagone et les milices paramilitaires d’extrême-droite.
Cet avertissement était peut-être un avant-goût de l'élection de 2020 et du refus prévisible d’en reconnaître les résultats pour « fraude électorale », « ingérence étrangère » ou « complot antipatriotique intérieur.
Trump ne plaisantait qu’à moitié lorsqu'il a déclaré que les États-Unis devraient envisager de nommer le présidence « à vie » en ironisant sur Kim Jong Un : « Il est à la tête d'un pays et je dois dire qu'il tient sa place… Il parle et son peuple reste au garde-à-vous. J’aimerais bien que mon peuple fasse pareil. »
Ce que nous avons du mal à percevoir de ce côté-ci de l’Atlantique, c’est ce que Trump met dans le sac de la « gauche qui tape fort ». Il vise les « Antifas » et les « skinheads radicaux » que notre propre classification mettrait dans d’autres cases et qui sont en fait des groupuscules. Mais pour Trump, il faut montrer que la nation blanche anglo saxonne protestante (WASP) est assiégée par une masse de gauche dangereuse qui doit être réprimée par des patriotes aux yeux bleus prêts à défendre la « patrie » par tous les moyens.
C’est pourquoi il n’est même pas drôle d’entendre qualifier de « socialiste » (injure suprème), « radical » et « de gauche », le parti démocrate américain qui, jusqu’à plus ample informé, ne parle ni de justice sociale ou économique, ni de démocratie, ni d'autonomie populaire ni même de survie écologique (à part Al Gore, spécialisé dans le business du greenwashing), mais seulement de servir et de s'entendre avec des entreprises commanditaires et de gravir l'oligarchie néolibérale mondialiste-capitaliste (cf Bill Clinton et Barack Obama ). Ce parti n'est pas moins attaché que son concurrent républicain au « management entrepreneurial ».
En attendant, si les Etats-Unis ne sont pas menacés par le "socialisme", ils sont bel et bien dirigés par un gangster nationaliste et autoritaire. Les partisans de Trump représentent environ un tiers de l'électorat américain, mais jouissent d’une audience démesurée en raison de la surreprésentation des circonscriptions électorales qui leur sont acquises. Mais ils sont arrivés au pouvoir de manière pacifique, via le processus électoral en réponse à la duplicité flagrante des politiciens libéraux corrompus par les entreprises et les financiers alors qu’ils prétendent représenter les travailleurs ordinaires et le bien commun.
Trump se maintient au pouvoir avec l'aide de l’« état profond » (complexe militaro-industriel et « communautés » conservatrices) qui exacerbent le « prétendu terrible danger prétendument posé par le prétendu socialisme ». C’est du moins ce que traduisent les propos de Donny Deutsch, directeur de la publicité et commentateur de la chaîne d'information en continu du câble diffusée aux États-Unis et au Canada MSNBC :
"Je trouve que Donald Trump est critiquable en tant qu'être humain, mais un candidat socialiste [comprendre Bernie Sanders, pfff] est plus dangereux que Donald Trump pour notre société, notre pays, pour ce qui concerne notre puissance et notre confort. Je voterai pour Donald Trump, un être humain méprisable, et j’en aurai honte, si nous avons un candidat socialiste, pour sauver notre pays. Nous ne sommes pas le Danemark (4) . J'aime le Danemark, mais nous ne sommes pas danois. » Ce même Deutsch, un « libéral » qui avait précédemment assimilé sans grand discernement les électeurs de Trump à des nazis , s'est dit prêt à voter pour le bigot fasciste Trump pour contrecarrer quiconque tenterait d’infliger à l'Amérique la punition de ressembler au Danemark cntriste socio-démocrate qu’il perçoit comme « socialiste ».
En hypertrophiant la soi-disant « menace radicale du socialisme », les personnalités médiatiques des sociétés « néolibérales » contribuent à nourrir le péril fasciste qu'elles prétendent abhorrer et dont elles ne peuvent même pas prononcer le nom.
Le seul point positif qui ressort du style populacier de ce président est d’éclairer d’une lumière crue ce que ses prédécesseurs s’ingéniaient à noyer sous la guimauve et les roudoudous. Mais ce n’est pas bon signe. C’est le signal de la fin de la récré.
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- « Traduttore, traditore » est une expression italienne signifiant littéralement : « Traducteur, traître », soit : « Traduire, c’est trahir ». Il s'agit d'une paronomase, expression qui joue sur la ressemblance entre les deux mots. Elle est couramment utilisée dans d’autres langues que l'italien, en raison de sa concision et du jeu de mots.
- Gang de motards shooté à la testostérone. Ce sont d’anciens militaires pour la plupart, et ils veulent défendre leur pays et l'économie : "Beaucoup d'emplois quittent le pays. Lui, il veut les faire revenir ici au lieu de les laisser filer en Inde, en Chine etc.". Et ils y croient.
- pour Trump, la « gauche » commence à gauche de l’extrême-droite et comprend tout le reste
- pour Donny Deutsch, le Danemark est un « pays socialiste »…
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