Quand les dommages ne poussent qu’à un certain intérêt
La sortie du livre « La Femme fatale » par deux journalistes du « Monde » sur certains tumultes conjugaux entre la candidate de gauche et le premier secrétaire du Parti socialiste a fait l’objet d’un recours judiciaire devant le tribunal de grande instance de Paris pour « atteinte à l’intimité de leur vie privée, comme à leur honneur et à leur considération » suite à la publication de certains extraits portant notamment sur les relations du couple. Madame Royal et monsieur Hollande réclament la somme de 150 000 euros pour avoir été diffamés, sans demander à ce que le livre soit retiré de la vente ou que des passages soient supprimés, laissant planer de nombreuses interrogations sur ces représentants qui n’acceptent aucun enrichissement outrancier et qui, semble-t-il, se disputent la place tant enviée de premier secrétaire du parti.

Maître Jean-Pierre Mignard, avocat du couple Royal-Hollande, a dernièrement assigné les deux auteures du livre "La Femme fatale", Ariane Chemin et Raphaëlle Bacqué, journalistes au "Monde", ainsi que l’éditeur Albin Michel, pour atteinte à la vie privée et diffamation publique suite à différentes affirmations contenues dans leur ouvrage.
L’assignation porte sur des propos insinuant qu’une relation extraconjugale aurait été entretenue par François Hollande, sur une intervention de chirurgie esthétique subie par Ségolène Royal, mais aussi sur des rapports difficiles entre les deux responsables socialistes selon certaines allégations rapportés par Julien Dray qui aurait indiqué à des journalistes que "Ségolène tenait une grenade dégoupillée dans la main", celle-ci n’hésitant pas a intimer à son compagnon "que s’il allait chercher Jospin pour lui faire barrage, il ne reverrait jamais les enfants !".
Ces propos divulgués par les deux journalistes dénonçaient donc le climat délétère régnant entre les deux individus qui apparaissaient assez distants dans leur comportement politique et dans leur relation sentimentale. Les dissensions au sein du couple phare de la gauche s’associaient donc à une espèce de combats de chefs au sein d’un parti bousculé, désorienté par les ravages d’une élection présidentielle qui restera sûrement indélébile dans de nombreux esprits par l’intérêt qu’elle a suscité. Dans ce monde politique aujourd’hui de moins en moins épargné, de plus en plus "peopleisé", on peut croire que certaines vérités ne s’avèrent pas très bonnes à dire et que certaines tensions entre responsables politiques ne méritent pas d’être divulguées au risque de ruiner leur image qui ne peut exister que sous l’angle de l’individu irréprochable. Toutefois, la vanité de madame Royal démontre l’ambition à succéder à monsieur Hollande, le duel entre les deux individus s’affichant dans ce concours à diriger le premier parti de gauche. Les deux tourtereaux socialistes, dans un apparat de bonnes relations conjugales, se disputant la place d’or de leur machine partisane, se titillant et se critiquant par déclarations subjectives, restent toutefois d’accord sur l’action en cupidité liée à la divulgation de certaines tensions nées de ce fait, de cette course au pouvoir. La rupture du couple annoncée par Ségolène Royal au soir du second tour des législatives, dans le cadre d’une certaine ingénierie politique susceptible de lui permettre de devenir le nouveau chef de file de la gauche progressiste, laisse à penser que les deux journalistes du "Monde" n’ont rapporté que la face cachée d’une campagne présidentielle minée par des rapports difficiles au sein du Parti socialiste. Rien ne semble inventé, rien ne semble exagéré.
On assiste donc à un renversement de diffamation mettant en exergue la véracité des rapports houleux des deux congénères qui resquillent une somme considérable pour avoir caché ce qui est maintenant dévoilé et disséminé dans les médias. Il est dès lors considérable que, loin d’avoir agi dans le strict intérêt à l’honneur, les défenseurs des classes populaires et des travailleurs ont agi dans l’intérêt lucratif, dérogeant aux conditions et à l’acceptation d’assumer une charge publique empiétant indubitablement sur la vie privée. En effet, par cet agrément à assurer l’intérêt du public, l’exercice de l’action en diffamation a toujours été hésitante de la part des responsables politiques , peut-être par crainte de voir leur image ternie par un recours aux effets plus dévastateurs que réparateurs, peut-être parce que lorsque le mal est établi, il ne sert à rien de le combattre et qu’il vaut mieux attendre pour de nombreuses raisons qu’il guérisse de lui-même.
Car si l’on analyse les précédentes affaires d’atteintes à la vie privée, on peut s’apercevoir que les hommes ou les femmes politiques ont rarement recherché à engager des recours judiciaires à l’encontre de journalistes, et que la plupart des exigences étaient principalement axées sur des demandes d’ordre symbolique, voire dans les cas les plus sensibles à ce qu’une interdiction du livre ou de certains passages soient prononcés. Hors, dans le procès qui pourrait se tenir dans les prochains mois, les plaignants n’ont pas demandé à ce que le livre soit interdit, ou que certains de ses passages, qu’ils considèrent comme diffamatoires et scandaleux, soient supprimés, mais à ce qu’une somme de 150 000 euros leur soit attribuée au titre de dommages et intérêts, au risque de se voir imposer plus fortement dans leur tranche ISF qu’ils ont maintenu malgré tout.
La face cachée d’un couple hanté par l’idéologie d’une gauche caviar loin des valeurs de Blum et de Jaurès s’est montrée au yeux d’une France qui ne semble plus aspirer aux pseudo-revendications d’un parti qui s’essouffle par son immobilisme et son manque d’ingénierie politique. On s’aperçoit donc que le couple socialiste s’inspire du modèle libéral états-unien tant critiqué, où le phénomène des dommages et intérêts véhiculés par une justice civile exorbitante est prédominante.
On assiste aussi à une déliquescence partisane minée par une dichotomie entre le discours et les faits de leurs principaux dirigeants ignorant les notions fondamentales de solidarité et d’égalité. Conditionnés dans leur revendication hédoniste, madame Royal et monsieur Hollande en ont oublié leurs crédo légitimes, celui de lutter contre le pouvoir de l’argent, celui d’aider les nécessiteux. En effet, loin d’envisager que l’euro symbolique puisse être versé au titre des présumées atteintes à la vie privée, il n’a même pas été évoqué la possibilité de reverser les sommes demandées auprès de certaines associations caritatives au titre du socialisme moderne.
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