Quand Philippe Meirieu se déclare victime du populisme
Ph. Meirieu, se drapant de l'étoffe de la victime par un procédé rhétorique peu glorieux, déplace la controverse relative à l'apprentissage et à ses méthodes, de la sphère intellectuelle vers le champ du politique.
Inutile de lui demander de reconnaître qu'il est le guide des fossoyeurs de l'école. Dans une récente tribune, Philippe Meirieu a sonné la charge contre les contempteurs du pédagogisme.
http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2016/10/21102016Article636126294989227218.aspx
Dès les premières lignes, sa diatribe laisse entrevoir un sophisme dans son argumentaire, dans la mesure où il établit une douteuse corrélation entre les critiques du pédagogisme et des velléités populistes, comme si la remise en question du socio-constructivisme, de l'approche par compétences, de la pédagogie de projet, bref, de l'enfant au centre du dispositif pédagogique, n'avait d'autres arguments que des relents populistes, comme si la critique du pédagogisme n'avait aucune référence intellectuelle et théorique à faire valoir.
In fine, Ph. Meirieu, se drapant de l'étoffe de la victime par un procédé rhétorique peu glorieux, déplace la controverse relative à l'apprentissage et à ses méthodes, de la sphère intellectuelle vers le champ du politique. Que répondrait-il alors à ceux qui voient surtout des motivations bassement financières et non réellement pédagogiques, dans des billevesées pédagogistes, comme la politique des cycles et la différenciation pédagogique, pour justifier la suppression du redoublement, ainsi que l'aversion quasi pavlovienne à l'égard de la note chiffrée et à toute volonté de mettre le savoir, et non l'élève, au centre des préoccupations de l'enseignement ? Que répondrait-il à ceux qui pensent, comme Marcel Crahay, Henri Nivesse, Stanislas Dehaene, professeur au Collège de France, ou encore Hervé Boillot et Michel Le Du, que toutes ces "trouvailles" ne visent qu'à camoufler des considérations purement économistes et idéologiques, faisant allégeance aux cénacles de la mondialisation et qui, pour sauver les apparences, tentent, sous couvert d’innovations pédagogiques, de l’habiller d’un argumentaire intellectuellement fallacieux ? Est-ce le populisme qui préside à la pensée critique de cette pléiade d'intellectuels reconnus ?
Pourquoi dénoncer le sophisme de Ph. Meirieu ?
N'est-il pas celui qui vient de faire un "rapt" sémantique sur le concept même de pédagogie, comme s'il en était le dépositaire attitré, comme si la pédagogie n'était qu'une et non plurielle et qu'il en était le seul représentant ? N'est-il pas celui qui avait déclaré que « les enfants des classes populaires peuvent très bien apprendre le français dans des notices d'utilisation », avec, en filigrane, l'idée que les enfants des milieux populaires n'étant pas jugés aptes à bénéficier d'une culture traditionnelle et "classique" (laquelle devrait donc être réservée aux élites), il faut leur proposer un enseignement adapté à leur niveau culturel et à leur milieu social ? N'est-il pas celui qui est considéré comme l'introducteur, en France, de ces nouvelles visions pédagogiques importées des Etats-Unis et dont la dangerosité avait déjà été analysée par Hannah Arendt dans les années 60 ? À plus d'un titre, il devrait assumer les philippiques qui lui sont régulièrement adressées.
Et à cet égard, le modeste hendécasyllabe qui suit est une simple dédicace pour exprimer une pensée à l'égard des escobarderies de ce pape de l'illusionnisme pédagogique et de ses apôtres que Carole Barjon, journaliste chez L'Obs, vient de désigner dans son récent ouvrage comme véritables « assassins de l'école ».
Les charlatans
L'école n'a jamais manqué de charlatans,
Depuis que Meirieu, en prophète inquiétant
Et ses apôtres, ces vrais marchands d'orviétan,
Ont investi rue Grenelle, voilà longtemps.
L'école souffre, comme jamais, de leur entrisme,
Malgré les hurlantes sirènes du purisme,
Alertant que ce doucereux pédagogisme
N'est qu'un avatar d'un pernicieux sophisme.
Populisme ! disent-ils à la moindre critique,
Pour occulter la vacuité scientifique
De leur vulgate sacrément pathétique
Faite d'un jargon piteusement mirifique.
Qu'opposent-ils aux sceptiques d'une globale lecture,
Qui n'y voient qu'une déliquescente procédure
Pour empêcher une véritable fourniture
D'un sérieux apprentissage et d'une structure ?
Populisme ! disent-ils à l'honorable mesure
De bon sens, et oui, d'une naturelle droiture,
Tant elle considère comme véritable parjure
Notice d'emploi en guise de littérature.
Qu'objectent-ils au rejet de la compétence,
Ce paradigme de la nouvelle pseudoscience,
Matrice d'une parodie de la connaissance,
Populisme ! encore et en toute circonstance ?
Que voient-ils dans la juste animadversion
À l'égard de l'injuste différenciation,
Paravent d'une vile économisation
Du redoublement et de sa suppression ?
Populisme ! s'égosillent-ils bien davantage,
Usant toujours du sempiternel verbiage,
Pour masquer un simulacre d'apprentissage,
Marquant plus de deux décennies de ravages.
Que répondent-ils avec morgue et surdité
Aux contempteurs de cette autre absurdité
De l'amère interdisciplinarité
Dévoyée de son originalité.
Populisme ! tel est l'unique argumentaire
D'une doxa, qui s'érige comme dépositaire
De la vraie pédagogie réglementaire,
Malgré ses dogmes éminemment délétères.
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