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Accueil du site > Tribune Libre > Quand Philippe Meirieu se déclare victime du populisme

Quand Philippe Meirieu se déclare victime du populisme

Ph. Meirieu, se drapant de l'étoffe de la victime par un procédé rhétorique peu glorieux, déplace la controverse relative à l'apprentissage et à ses méthodes, de la sphère intellectuelle vers le champ du politique.

Inutile de lui demander de reconnaître qu'il est le guide des fossoyeurs de l'école. Dans une récente tribune, Philippe Meirieu a sonné la charge contre les contempteurs du pédagogisme.

http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2016/10/21102016Article636126294989227218.aspx

Dès les premières lignes, sa diatribe laisse entrevoir un sophisme dans son argumentaire, dans la mesure où il établit une douteuse corrélation entre les critiques du pédagogisme et des velléités populistes, comme si la remise en question du socio-constructivisme, de l'approche par compétences, de la pédagogie de projet, bref, de l'enfant au centre du dispositif pédagogique, n'avait d'autres arguments que des relents populistes, comme si la critique du pédagogisme n'avait aucune référence intellectuelle et théorique à faire valoir.

In fine, Ph. Meirieu, se drapant de l'étoffe de la victime par un procédé rhétorique peu glorieux, déplace la controverse relative à l'apprentissage et à ses méthodes, de la sphère intellectuelle vers le champ du politique. Que répondrait-il alors à ceux qui voient surtout des motivations bassement financières et non réellement pédagogiques, dans des billevesées pédagogistes, comme la politique des cycles et la différenciation pédagogique, pour justifier la suppression du redoublement, ainsi que l'aversion quasi pavlovienne à l'égard de la note chiffrée et à toute volonté de mettre le savoir, et non l'élève, au centre des préoccupations de l'enseignement ? Que répondrait-il à ceux qui pensent, comme Marcel Crahay, Henri Nivesse, Stanislas Dehaene, professeur au Collège de France, ou encore Hervé Boillot et Michel Le Du, que toutes ces "trouvailles" ne visent qu'à camoufler des considérations purement économistes et idéologiques, faisant allégeance aux cénacles de la mondialisation et qui, pour sauver les apparences, tentent, sous couvert d’innovations pédagogiques, de l’habiller d’un argumentaire intellectuellement fallacieux ? Est-ce le populisme qui préside à la pensée critique de cette pléiade d'intellectuels reconnus ?

Pourquoi dénoncer le sophisme de Ph. Meirieu ?

N'est-il pas celui qui vient de faire un "rapt" sémantique sur le concept même de pédagogie, comme s'il en était le dépositaire attitré, comme si la pédagogie n'était qu'une et non plurielle et qu'il en était le seul représentant ? N'est-il pas celui qui avait déclaré que « les enfants des classes populaires peuvent très bien apprendre le français dans des notices d'utilisation », avec, en filigrane, l'idée que les enfants des milieux populaires n'étant pas jugés aptes à bénéficier d'une culture traditionnelle et "classique" (laquelle devrait donc être réservée aux élites), il faut leur proposer un enseignement adapté à leur niveau culturel et à leur milieu social ? N'est-il pas celui qui est considéré comme l'introducteur, en France, de ces nouvelles visions pédagogiques importées des Etats-Unis et dont la dangerosité avait déjà été analysée par Hannah Arendt dans les années 60 ? À plus d'un titre, il devrait assumer les philippiques qui lui sont régulièrement adressées.

Et à cet égard, le modeste hendécasyllabe qui suit est une simple dédicace pour exprimer une pensée à l'égard des escobarderies de ce pape de l'illusionnisme pédagogique et de ses apôtres que Carole Barjon, journaliste chez L'Obs, vient de désigner dans son récent ouvrage comme véritables « assassins de l'école ».

 

Les charlatans

 

L'école n'a jamais manqué de charlatans,

Depuis que Meirieu, en prophète inquiétant

Et ses apôtres, ces vrais marchands d'orviétan,

Ont investi rue Grenelle, voilà longtemps.

 

L'école souffre, comme jamais, de leur entrisme,

Malgré les hurlantes sirènes du purisme,

Alertant que ce doucereux pédagogisme

N'est qu'un avatar d'un pernicieux sophisme.

 

Populisme ! disent-ils à la moindre critique,

Pour occulter la vacuité scientifique

De leur vulgate sacrément pathétique

Faite d'un jargon piteusement mirifique.

 

Qu'opposent-ils aux sceptiques d'une globale lecture,

Qui n'y voient qu'une déliquescente procédure

Pour empêcher une véritable fourniture

D'un sérieux apprentissage et d'une structure ?

 

Populisme ! disent-ils à l'honorable mesure

De bon sens, et oui, d'une naturelle droiture,

Tant elle considère comme véritable parjure

Notice d'emploi en guise de littérature.

 

Qu'objectent-ils au rejet de la compétence,

Ce paradigme de la nouvelle pseudoscience,

Matrice d'une parodie de la connaissance,

Populisme ! encore et en toute circonstance ?

 

Que voient-ils dans la juste animadversion

À l'égard de l'injuste différenciation,

Paravent d'une vile économisation

Du redoublement et de sa suppression ?

 

Populisme ! s'égosillent-ils bien davantage,

Usant toujours du sempiternel verbiage,

Pour masquer un simulacre d'apprentissage,

Marquant plus de deux décennies de ravages.

 

Que répondent-ils avec morgue et surdité

Aux contempteurs de cette autre absurdité

De l'amère interdisciplinarité

Dévoyée de son originalité.

 

Populisme ! tel est l'unique argumentaire

D'une doxa, qui s'érige comme dépositaire

De la vraie pédagogie réglementaire,

Malgré ses dogmes éminemment délétères.

 


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39 réactions à cet article    


  • Clark Kent Jeussey de Sourcesûre 19 novembre 2016 16:32

    Merci pour cet enrichissement de ma palette de réparties.Maintenant je saurai que je peux objecter à mes contradicteurs qu’ils sont populistes, quel que soit le sujet.

    Finfielkraut m’avait bien fourni la ressources potentielle de traiter mes interlocuteurs d’antisémites quand ils me montrent que j’ai pété un plomb, mais ça ne marche pas, parce que je ne suis pas juif.
    Avec « populiste », c’est mieux, tout le monde peut le dire et l’appliquer à tout le monde : c’est du « parler creux ».

    • Christian Labrune Christian Labrune 20 novembre 2016 10:38

      , mais ça ne marche pas, parce que je ne suis pas juif.

      @Jeussey de Sourcesûre

      Nobody is perfect et on ne saurait vous le reprocher. En revanche, si Finkielkraut avait lu l’un de vos derniers articles que j’avais tardivement commenté, il aurait été parfaitement fondé à user, lui, de ce procédé !


    • Clark Kent Jeussey de Sourcesûre 20 novembre 2016 11:04

      @Christian Labrune

      merci de me dire à quel article vous faites allusion, car je ne garde aucun souvenir conscient de m’être livré à une pratique que je réprouve
      à moins que vous ne fassiez allusion à des critiques sur les agissements du gouvernement d’Israël ?
      dans ce cas, il ne s’agit pas plus d’antisémitisme qu’il ne s’agit d’anti-christianisme quand je me moque du Vatican et de l’installation d’un McDo Place Saint-Pierre.

    • Christian Labrune Christian Labrune 20 novembre 2016 11:32

      merci de me dire à quel article vous faites allusion

      @Jeussey de Sourcesûre

      « Palestine : piraterie off-shore » . C’est déjà loin !
      Vous y caressez fort gentiment la palestinomanie dans le sens du poil. Comme je suis quotidiennement très bien informé de ce qui se passe dans la région, je me suis dit que vous deviez vous contenter de lire Le Monde et la presse antisioniste ; partant, que vous deviez être fort empêché d’appréhender la situation dans sa complexité..
      Si vous voulez savoir un peu mieux ce qui se passe là-bas, regardez de temps en temps I24news, abonnez-vous à des sites tels que DesInfos ou Europe-Israël, ca vous changera de la propagande palestinienne.
      Un excellent exemple de cette propagande a été publié sur AgoraVox il y a quelques jours, à propos d’une « Palestine oubliée », et de la mémoire de Saint-Arafat. Vous devriez y faire un tour et regarder aussi les commentaires, ça vous défrisera !
      C’est là : http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/palestine-le-peuple-oublie-186619#forum4729379


    • Clark Kent Jeussey de Sourcesûre 20 novembre 2016 12:01

      @Christian Labrune

      Donc, c’est bien ce que je pensais : pour vous, émettre la moindre réserve sur la politique d’Israël est une attitude antisémite...
      Ce détournement de sens est caractéristique d’une manipulation intellectuelle qui consiste à stigmatiser un contradicteur en l’accusant de se livrer à ce qu’il réprouve, ce qui aboutit souvent d’ailleurs à le déstabiliser. C’est une vieille et grosse ficelle, mais elle marche.
      Une épouse peut traiter son mari de sexiste s’il émet une réserve sur le choix du papier peint. Un enfant coréen adopté peut traiter se tuteurs français de racistes s’ils refusent de lui payer une tablette. Un salarié peut accuser son employeur de harcèlement parce qu’il lui demande d’arriver à l’heure !
      Continuez comme ça, ces procédés arci usés continuent à produire de l’effet.

    • Francis, agnotologue JL 20 novembre 2016 12:13

      @Jeussey de Sourcesûre,

       
      ’’Ce détournement de sens est caractéristique d’une manipulation intellectuelle qui consiste à stigmatiser un contradicteur en l’accusant de se livrer à ce qu’il réprouve’’
       
       Du fait que ça en devient systématique, je me demande ce qu’il faut en penser : sommes nous en présence d’une nouvelle forme de maladie mentale ?

    • Clark Kent Jeussey de Sourcesûre 20 novembre 2016 13:05

      @JL

      Quand on admet que l’homo sapiens est un bonobo schizophrène, on peut en effet s’interroger sur les complications possibles de cette pathologie chez certains individus de l’espèce.

    • Christian Labrune Christian Labrune 20 novembre 2016 14:20

      @Jeussey de Sourcesûre
      Rien de tout ça ! J’observe seulement que, faute de connaître le sujet que vous prétendiez traiter, vous tombiez tout droit dans la répétition d’une propagande stéréotypée, qui traîne partout, hélas, et dont les ficelles, qui seraient plutôt des câbles, sont archi-connues et désormais complètement pourries : la palestinomanie, c’est fini.
      Les quelques andouilles sur le bateau dont vous parliez, faisaient le jeu du Hamas, une organisation terroriste que vous ne sauriez certes approuver - parce que vous n’êtes pas un monstre -, si vous connaissiez un peu précisément ses méthodes et ses objectifs. 


    • Clark Kent Jeussey de Sourcesûre 20 novembre 2016 14:47

      @Christian Labrune

      Je n’ai traité aucun sujet dans l’article incriminé.
      J’ai seulement relayé un fait divers mineur que les grands médias ont passé sous silence.

    • Pierre JC Allard Pierre JC Allard 20 novembre 2016 16:32

      @Jeussey de Sourcesûre


       Pardon m’sieurs, dames.... Je ne voudrais pas être indélicat en disant un mot sur le theme même de l’article, mais j’aimerais glisser quelques propositions pour étayer les imprécations smiley


      PJCA



    • Christian Labrune Christian Labrune 20 novembre 2016 17:19

      @Jeussey de Sourcesûre
      Un autre fait, point du tout « mineur » et même très grave, c’était l’abstention voulue par le Quai d’Orsay et donc par le présidentiel fromage, lors d’un vote négationniste à l’UNESCO. On était plus de trois mille à manifester, quelques jours plus tard, devant ce foutu ministère. La presse aura préféré n’en rien savoir et vous auriez dû en parler.

      J’aurais pu le faire aussi, me direz-vous, mais ces sortes d’articles ne passent jamais la barrière de la modération, j’en ai fait l’expérience. C’est ce qui fait que j’interviens si souvent et si longuement à la suite des articles qui déversent ici l’idéologie dominante et passent comme des lettres à la poste. Si j’avais vu à temps votre article, en forme de dépêche d’agence, effectivement, mais quand même tout aussi orienté que peuvent l’être toutes les dépêches de l’AFP touchant à ces questions, vous auriez très vite vu poindre à l’horizon le canon de mon char Leclerc !


    • Pierre JC Allard Pierre JC Allard 20 novembre 2016 17:47

      @Jeussey de Sourcesûre

      C’est dimanche et il pleut. Quiconque veut en découdre sur les mille facettes de l’éducation est invité à me chercher sabre au clair dans les douves du château.



      PJCA


    • sls0 sls0 19 novembre 2016 18:32

      @ L’auteur.
      En lisant l’article de Mérieu, je me suis aperçu qu’il était possible d’y mettre des commentaires.
      C’est dans ces commentaires que j’aurais préféré voir votre article, ça serait plus constructif.

      Sur agoravox, il y aura des gens qui seront de votre coté, ce sera bon pour votre égo mais ne fera pas avancer les choses. Vous aurez des avis de personnes qui n’ont aucun poids sur les décisions pédagogiques. Ben oui, peut être 50 personnes donneront leur avis, peut 500 personnes liront votre article.
      Il y a 64 millions de français, 500 c’est peu de chose surtout qu’aucun a un pouvoir de décision.

      Ok, café pédagogique est classé 3000ème, il est moins consulté qu’agoravox classé 1000ème, sur café pédagogique il y a certainement plus de personnes au parfum et de décideurs.


      • Christian Labrune Christian Labrune 20 novembre 2016 10:29

        C’est dans ces commentaires que j’aurais préféré voir votre article, ça serait plus constructif.

        @sls0

        La secte Meirieu ne devrait pas tarder à disparaître complètement. Je n’ai pas la moindre sympathie pour le candidat Fillon à la présidentielle, mais dans le débat télévisé de cette semaine, il aura eu au moins le courage de poser que, lui président, la première chose qu’il ferait serait d’écarter des postes de décision au ministère tous ceux qui ont trempé dans le djihadisme pédagogiste d’un califat Meirieu qu’il juge entièrement responsable de la destruction du système d’instruction publique républicain.
        Il a été ministre de l’Education nationale, il aurait pu se rendre compte un peu plus tôt de ce que tous les professeurs un peu sérieux savent depuis plus de trente ans, et prendre des mesures un peu radicales, mais mieux vaut tard que jamais.
         


      • averoes 19 novembre 2016 18:49

        Bonjour SLSO.

        Votre remarque n’est certes pas dénuée de bon sens. Mais ce que vous ne savez peut être pas, c’est que le site que vous évoquez est connu, en tout cas auprès de ceux qui sont informés de ses sensibilités idéologiques, pour être acquis corps et âme à la cause de Ph. Meirieu. Ça n’est ni plus ni moins qu’un espace de diffusion de l’idéologie pédagogiste : c’est à dire de la vulgate de ceux que Carole Barjon désigne sous l’expression d’« assassins de l’école ».
        Croyez-le ou non, ça n’est pas faute d’avoir essayé ; mais le réflexe quasi pavlovien de ce site c’est de censurer systématiquement toute critique à l’encontre du discours de Ph. Meirieu et de ses apôtres.


        • averoes 20 novembre 2016 19:00

          @Gatinais33

          Bonjour.

          Je l’ignorais. Avez-vous un lien ?

          Merci.


        • Doume65 19 novembre 2016 19:26

          Qui c’est, Philippe Mérieu ?


          • Christian Labrune Christian Labrune 20 novembre 2016 10:08

            Qui c’est, Philippe Mérieu ?

            @Doume65

            C’est un con.


          • Doume65 20 novembre 2016 12:43

            @Christian Labrune

            Mais encore ?


          • Clark Kent Jeussey de Sourcesûre 20 novembre 2016 13:16

            @Doume65

            Si ça a le goût du poulet, l´odeur du poulet et ça ressemble à du poulet, mais que Christian Labrune te dit que c´est du mouton, alors cherche pas, c´est du mouton. 

          • Vipère Vipère 20 novembre 2016 13:51

            @Jeussey de Sourcesûre


            Si ça a le goût du poulet, l´odeur du poulet et ça ressemble à du poulet, mais que Christian Labrune te dit que c´est du mouton, alors cherche pas, c´est du mouton. 


            Docilité feinte ou soumission à l’autorité du plus teigneux ? smiley

          • Clark Kent Jeussey de Sourcesûre 20 novembre 2016 14:02

            @Vipère

            >Non, c’est que Christian Labrune n’a jamais tort, il n’a pas besoin de justifier ses affirmations par des arguments.
            En fait, quand il dit : « Nobody is perfect », comme dans un de ses commentaires ci-dessus, il parle de lui.

          • Christian Labrune Christian Labrune 20 novembre 2016 14:46

            @Jeussey de Sourcesûre

            Mes oreilles sifflaient et je me demandais pourquoi. Eh bien c’est qu’on était en train de dire du mal de moi. Si j’étais narcissique, je ferais mienne cette maxime de La Rochefoucauld disant qu’on « aime mieux dire du mal de soi que de n’en point parler ». Donc, par modestie, je n’ajouterai pas à la médisance et je me contenterai du minimum. On prétend que je suis Dieu, j’y consens, je n’aurai garde de m’en défendre. On dit que je suis incapable d’argumenter et c’est vrai : mes divines interventions du type « c’est un con » ne dépassent jamais quatre ou cinq mots. Je pourrais me noircir bien davantage (je me connais !), mais je n’en ferai rien, je laisse mes bourreaux accomplir leur oeuvre, laquelle me vaudra bien la palme du martyre.


          • Clark Kent Jeussey de Sourcesûre 20 novembre 2016 15:12

            @Christian Labrune


            La modestie est la compagne du mérite et des talents.


          • Christian Labrune Christian Labrune 20 novembre 2016 16:41

            Mais encore ?

            @Doume65

            J’explique ça beaucoup plus bas, certes sommairement, et il est bien possible que seuls des galériens de l’Education nationale, ou d’anciens galériens, comme moi, puissent comprendre immédiatement ce texte asses sibyllin. SI vous voulez plus de détails, je peux vous expliquer, mais j’ai déjà sur l’Internet, depuis plus de vingt ans, écrit des centaines de pages à propos de ces théories fumeuses des « pédagogues », et revenir là-dessus aujourd’hui maintenant que j’ai pris ma retraite, c’est toujours assez pénible.
            En gros ; dès le milieu des années 80, Chevènement qui revient d’un Japon où il a cru pouvoir trouver des idées neuves invente que 80% d’une classe d’âge doit arriver au niveau du bac. Jusque là, quand on avait le bac, c’est qu’on avait dans la tête un certain acquis intellectuel, et aucun prof n’a jamais été capable de faire des miracles : dans une classe, il y en a toujours un certain nombre qui, à la fin de l’année, n’auront pas le niveau requis. Pour atteindre l’objectif des 80% qui ressemble à celui qu’on peut se donner dans l’industrie (produire telle quantité de bagnoles tous les jours à la sortie d’une usine par exemple), personne n’a jamais su comment faire : on ne forme pas la culture d’un adolescent comme on fabrique une soupière ou un presse-purée.
             Quelques crétins déjà notoires et qui se prennent pour des thaumaturges, fort heureusement, détiennent la solution miracle : la pédagogie. C’est parce que les profs ne savent pas enseigner qu’il y a de l’échec. Le tout-pédagogique viendra à bout de toutes les difficultés. A la même époque, deux sociologues publient un bouquin qui prétend, contre le sentiment commun à la plupart des profs, que « le niveau monte ». Vive la pédagogie, donc, qui va encore faire monter le niveau jusqu’à ce qu’on arrive aux 80% prévus (pourquoi pas 100% ? Pourquoi consentir à sacrifier 20% d’une classe d’âge ? Je n’ai jamais compris). On aura donc créé les IUFM (Instituts universitaires de formation des maîtres) pour donner aux jeunes profs les recettes infaillibles qui permettront la réussite de tous. Je n’ai pas connu les IUFM qui, dans mon temps, n’existaient pas, mais de l’aveu de tous ceux qui sont passés par là, c’était l’horreur absolue : des pédants qui avaient choisi de former de jeunes profs parce que souvent ils étaient las d’affronter des classes de plus en plus difficiles, s’étaient très vite mis au diapason de la doxa Meirieu qui consiste à inventer des mots pseudo-savants pour désigner les choses les plus simples. Vadius et Trissotin, les pédants ridicules de Molière, à côté de ces sinistres abrutis, auraient paru des hommes de génie.
            Je parlais des concepts creux : après le mot d’ordre des 80%, le slogan « l’enfant au centre ». Au centre de l’école, sans doute, comme s’il n’y avait jamais été. Cela ne voulait pas dire grand chose, sinon qu’il fallait cesser de partir d’une culture à transmettre, extérieures à « l’apprenant » (nouveau mot pour dire élève) pour partir de l’élève lui-même qui devait « apprendre à apprendre » et tout découvrir par lui-même sans qu’on lui imposât rien par ces abominables cours magistraux si vilipendés dès 68. Le prof n’a plus à savoir grand chose non plus, il ne lui reste qu’à donner à l’apprenant les méthodes qui lui permettront, tout seul, de construire très librement sa culture, en particulier à partir de l’Internet.
            Le résultat c’est que le niveau qui n’était pas bien brillant commence à baisser très sensiblement, pour s’effondrer complètement au tournant du siècle : non seulement les élèves n’ont rien gardé en mémoire (à bac +2, on m’explique que tel roman publié en 1835 est contemporain de Jeanne d’Arc ! Non, je voulais dire Louis XIV ! etc.) mais ils sont de plus en plus incapables de rédiger, et parmi les bacheliers depuis vingt ans, une proportion non-négligeable est illettrée. Cet effondrement s’observe dans toutes les disciplines. Il est dû au fait que, dans une classe, lorsque la disparité des niveaux est trop considérable, le cours devient impossible : si on se met au niveau des meilleurs, la plupart ne comprennent plus rien, et si on vise les plus faibles, les autres ont l’impression de perdre leur temps. L’idée de sélection est devenue un tabou : tout bachelier peut s’inscrire en université mais beaucoup, dégoûtés par des échecs répétés aux premiers contrôles, démissionneront dans les six premiers mois.
            Etudier, c’est difficile, cela demande un effort, même aux mieux doués, mais quand les élèves comprennent que l’obtention du bac est un droit, qu’ils l’auront de toute façon parce que pour arriver aux 80% on abaissera le niveau autant qu’il le faudra, pourquoi se fatiguer ? A partir de ce moment-là, l’école devient une garderie où le sens de l’émulation s’inverse. L’élève qui veut travailler et réussir est un « bouffon », un imbécile qui n’a rien compris au système, et c’est à qui en fera le moins possible et transformera au mieux le cours en séance de divertissement, au mépris du prof qui continue de faire semblant de vouloir dispenser une culture dont personne n’a que faire. Je l’ai souvent écrit sur ce site : le plus simple serait encore de modifier le premier article de la déclaration des droits de l’homme : les hommes naissent libres et égaux en droits, et bacheliers (ou licenciés, ou docteurs !).


          • Clark Kent Jeussey de Sourcesûre 20 novembre 2016 17:40

            @Christian Labrune

            On est d’accord !

            Je ne comprends pas pourquoi vous m’avez ramassé en d« but de fil alors que, comme vous venez de le faire, je m’en prenais aux virtuoses du »parler creux".

          • Vipère Vipère 20 novembre 2016 17:52

            @Jeussey de Sourcesûre


            Ne serait-ce pas plutôt nobody’ s perfect except me ? smiley




          • averoes 20 novembre 2016 17:58

            @Christian Labrune
            Bonjour Christian.

            Permettez-moi d’applaudir avec vigueur pour saluer la perspicacité et le bon sens de vos remarques dans votre brillant commentaire. Faisant toujours partie de cette maison E.N., je suis encore régulièrement confronté à l’obligation de combattre, du moins par l’esprit, les inepties produites par les idolâtres de cette doxa pédagogiste. Le plus difficile reste malheureusement la possibilité de convaincre certains subalternes qui se contentent de mimer, tel des bigots obscurantistes refusant la moindre contingence à l’esprit critique, un discours et des pratiques dont ils refusent de voir l’aspect délétère, Est-ce réellement par ignorance ? Est-ce par soumission intéressée à un système ? Est-ce par les deux attitudes réunies ? Ce qui est certain, c’est qu’ils oublient juste que celui qui brandit systématiquement, en guise d’argument, la théorie du complot ou le populisme est tout simplement quelqu’un qui refuse tout bonnement un débat de fond. Et le mystère réside dans le fait que même cela n’a pas suffi à leur mettre la puce à l’oreille.

            Bien à vous.


          • Christian Labrune Christian Labrune 20 novembre 2016 19:42

            Je ne comprends pas pourquoi vous m’avez ramassé en début de fil

            @Jeussey de Sourcesûre

            Je ne prendrais pas tant de plaisir à vous taquiner si je n’appréciais votre tournure d’esprit et votre humour. Ne voyez donc nulle intention malveillante lorsque je donne libre cours à mon tropisme polémique, et vous pouvez bien en user pareillement sans que je m’en offusque le moins du monde.

             je ne ménage sur ce forum que les cas désespérés, étant non seulement modeste - et jusqu’à la plus extrême l’humilité - mais aussi plus charitable que François d’Assise et Vincent de Paul réunis.


          • Clark Kent Jeussey de Sourcesûre 21 novembre 2016 08:03

            @Christian Labrune

            En courroux, comme vous, on ne me voit point être ;
            Je prends, tout doucement, les hommes comme ils sont,
            J’accoutume mon âme à souffrir ce qu’ils font

          • Doume65 21 novembre 2016 15:23

            @Jeussey de Sourcesûre
            Tout ça ne répond pas à ma question : Qui est Philippe Mérieu ? Suis-je le seul à ne pas le connaître ?


          • non667 19 novembre 2016 22:48

            les mauvaises méthodes/ réformes 68tardes ne sont pas des erreurs mais font parti d’un COMPLOT du N.O.M. qui vise a démolir l’éducation nationale et au delà la nation /société française

            l’école de jules ferry avant 1966 (début des réformes) permettait l’instruction et l’ascension sociale sans discrimination sociale je peux en témoigner étant dans une école ou il y avait 50% d’enfant d’origine polonaise . Des siècles (depuis Charlemagne comme dit la chanson )d’expérience ont permis d’affiner les méthodes pédagogiques a l’école et une bande de trouduc n’ayant jamais enseigné (ou s’étant planqués dans l’inspection , la direction , le syndicalisme pour fuir les élèves ! )viendrait tout démolir et imposer leurs élucubrations !!!!!!!!

            les ministres , les inspecteurs ,la hiérarchie , les pédagogues institutionnels (genre philippe meirieu ) n’étant pas des imbéciles ces

            réformes aberrantes (math moderne ,méthode globale ,notation par lettre ., suppression des notes , suppression du bepc , contrôle continue ,suppression du bac si,si il en a été question . ..etc .... ) ne peuvent êtres des erreurs mais un complot destiné a démolir l’école de jules ferry .
            la méthode pour les imposer étaient staliniennes, sorties au printemps ,formation d’une demie journée en juin , applicables à la rentrée suivante . les manuels n’étant pas encore sortis ., toutes remarques /contestations publiques valait a l’auteur une dénonciation et une visite de l’inspecteur et un rapport assassin à la clef et une note ( si,si il n ’est pas question de la supprimer celle là ).proche du renvoi pour incompétence ! la phrase qui tue : si c’est le bordel c’est que vous manquez d’autorité ! (après vous avoir dépouillé de toutes possibilités de sanction ! )

            preuve/motif de ce complot : la déclaration de cohn bendit sur les universitésen mai 68 (revue à la télé en 2008 ) en substance :" inutile de promouvoir a classe ouvrière dans l’enseignement supérieur ils deviendront les plus fidèles valets du capitalisme "
            dansun contexte de rivalité capitalisme / communisme russe pour les rouges /roses il fallait en 68 faire échouer la société française pro-capitaliste en sapant l’éducation nationale de l’école à l’université , en ENDOCTRINANT les élèves a la revendication (délégués élèves ,délégués parents,égalité prof élèves ) (aujourd’hui et en 2002 envoyés dans la rue , les bébés sur les épaules des papas ! )
            pendant toutes ces années les syndicats gauchistes pourtant tout puissant dans l’éducation nationale ne se sont jamais opposé à ces réformes (silence radio sur toute la ligne .,donc complices )
            après la disparition du communisme le travail de sape continuant de la part du ps (acquis au fmi .....) le motif ne peut être que :

             maintenir dans l’ignorance /abrutir la vile populace pour la rendre plus docile et plus servile

             démolir la nation française au profit du mondialisme judéo-américain .

             démolir l’enseignement public pour le refiler au privé mondialo-capitaliste 
             volonté depuis toujours de la droite mais poursuivi après par la gauche insidieusement : (taper : autonomie des établissements 1983 ) autour de 1984 voulait sortir un projet ou les lycées auraient leurs bac propres répondant a un projet pédagogique spécifique avec recrutement /gestion des profs par le chef d’établissement ! etc... le ps = ok ; pc = 0 , il a fallu toute l’énergie des trotskistes infiltrés dans F.O. pour mettre en échec ce projet !
            mesurettes par mesurettes insidieusement la privatisation se prépare elles ne servent qu’à démolir l’e.n. et a diviser les enseignants et les français


            • Christian Labrune Christian Labrune 21 novembre 2016 00:37

              les mauvaises méthodes/ réformes 68tardes ne sont pas des erreurs mais font parti d’un COMPLOT

              @non667
              S’il s’agissait d’un complot, ce serait plutôt rassurant, mais il n’y a pas eu le moindre complot : l’incompétence des décideurs a initié le processus, la bêtise universelle s’est chargée de le mener jusqu’à son terme. Un complot, cela supposerait une intelligence particulièrement machiavélique dont la plupart de nos politiciens, incultes et timorés, sont parfaitement incapables. Rien n’était plus facile, pour les profs, que de résister à des directives stupides. Personne ne les aura forcés à appliquer les réformes, et aucun d’entre eux ne se sera jamais trouvé avec un couteau sous la gorge. Rien n’est plus banal ni plus répandu qu’une sorte de disposition quasi naturelle à la servitude volontaire. En ce sens on peut bien dire que la destruction de l’instruction publique en France, à la fin du siècle dernier, aura été l’oeuvre des enseignants eux-mêmes.


            • Christian Labrune Christian Labrune 19 novembre 2016 23:59

              à l’auteur

              La place de Meirieu serait au Muséum d’histoire naturelle, tout au fond, là où son les vitrines consacrées à la tératologie, dans un grand bocal rempli de formol, à côté des veaux à deux têtes et des moutons à cinq pattes.
              Etant donné le nombre de ses victimes, il faudrait au préalable qu’il ait été jugé pour crime contre l’humanité. Et quand je dis cela, je n’exagère pas le moins du monde. Il y a des métiers qui s’accommodent de l’imbécillité, mais dans ceux qui touchent aux choses de l’intelligence, l’imbécillité devient criminelle et devrait être radicalement proscrite. Le métier de professeur est de ceux-là.

              Enseigner, c’est tout un art ; ce n’est pas une science, et cela ne se réduit pas à l’application de techniques. Bossuet disait que ’la véritable éloquence se moque de l’éloquence ; on pourrait en dire autant de la pédagogie.
              Meirieu et ses sectateurs, qui auront été nombreux, hélas, soit par bêtise soit par une propension à la servitude volontaire dans une institution où le courage, il faut bien le dire, est la chose du monde la moins partagée, auront détruit de fond en comble en moins de trente ans le système d’instruction publique français pour mettre en place une monstrueuse tyrannie de la Bêtise dont nous n’avons pas fini de payer lourdement les conséquences.

              Feu à volonté sur la secte infâme !


              • benyx benyx 20 novembre 2016 00:39

                Est-il franc-mac le Philippe Meirieu ?


                • alinea alinea 20 novembre 2016 20:05

                  Vous avez oublié les rouages, pas ceux formatés qui vinrent après, mais ceux qui étaient là, au début, dans les années quatre vingt ; ces profs prompts à l’obéissance et qui, peu enclins à adopter quelque chose qu’ils ne connaissaient pas, d’expérience, se contentaient d’appliquer les recettes !
                  Je suis linguiste de formation, j’ai toujours été contre la méthode globale, et j’ai toujours pensé que le structuralisme était une misérable pyramide, mais j’ai lâché complétement l’histoire au premier trimestre de 1992 après une réunion de prof, après que je me fus avisée de suivre ce que faisait mon fils en sixième ! C’était à pleurer, et j’ai pleuré.
                  Récemment, parlant à bâtons rompus avec une amie qui avait adoooré Mérieu, elle m’a dit qu’il reconnaissait ses erreurs ; vous n’en faites pas mention, est-ce vrai, ou pas ?


                  • averoes 20 novembre 2016 23:41

                    @alinea

                    Bonsoir.

                    Reconnaître ses erreurs, peut-être le fait-il en off. Il est vrai qu’il lui est également déjà arrivé d’exprimer des doutes à l’égard de certaines fadaises, comme l’approche par compétences ; mais cela ressemble davantage à des palinodies ou des virages à 180 ° qu’à une réelle et sincère reconnaissance de ses erreurs. En tout cas publiquement, il persiste et signe, comme en témoigne sa sortie dans le site « cafépédagogique ».
                    D’ailleurs, il est très difficile de se faire une idée précise quant à la sincérité du bonhomme, tant il laisse transparaître l’idée qu’il serait au service d’une certaine idéologie dont il ne partagerait pas nécessairement les idées. Tout à l’air de laisser entendre qu’il serait mandaté pour donner une caution intellectuelle, très douteuse du reste, à des considérations purement économiques et idéologiques.

                    Bien à vous.


                  • Christian Labrune Christian Labrune 21 novembre 2016 00:57

                    @averoes
                    Il a reconnu, de fait, que c’était une sottise de vouloir faire étudier aux enfants des banlieues déshéritées les notices techniques distribuées avec les appareils qui nous entourent plutôt que des oeuvres de Racine, mais un tel projet avait quelque chose de si stupéfiant et de si énorme qu’ayant au moins une fois écrit et publié la chose il devenait moins onéreux pour lui de plaider coupable que de persévérer dans l’imbécillité.
                    Le personnage est gluant et insaisissable, c’est une anguille. Le type même du Tartufe ou de ces gourous de sectes mortifères qui finissent par mettre du cyanure dans le jus d’orange. Cette particularité explique très bien, du reste, qu’il ait pu être suivi par tant d’esprits faibles. 


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