Quand Poutine fait ses courses à Tel-Aviv....
Le conflit ukrainien est très révélateur de beaucoup de choses. De la personnalité fourbe de Vladimir Poutine, qui dit n'être pour rien là-bas, alors qu'il fomente en coulisse un harcèlement militaire journalier, et des liens évidents du président ukrainien Porochenko avec une frange d'extrême droite dont les groupes Svoboda et Pravyi Sektor, à en hérisser en France le PCF (et d'autres). A ce jeu de qui perd gagne, tous les coups sont permis. La surveillance de l'adversaire étant un des pions majeurs d'un conflit ou chaque kilomètre gagné est aussitît revendiqué. C'est à ce jeu malsain que vient de participer un engin inattendu. Un drone, bien particulier, abattu récemment par les forces ukrainiennes, car il est israélien d'origine ! Vladimir se fournit en effet en douce chez Benjamin, c'est là suprenenant découverte du jour, en effet !
C'est à nouveau Belling Cat qui a fait dresser l'oreille. Le 13 juin en effet, a été mis en ligne une vidéo montrant les vestiges d'un drone abattu par les forces armées ukrainiennes. Un modèle immatriculé "923" sur sa plaque de construction et a l'extérieur de son fuselage, qui a été abattu le 21 mai près d'Avdivka au nord de Donetsk. La première photo de son épave remonte au jour-même où il a été abattu, le 23 mai dernier (ici à droite).
Ce n'est pas la première fois à vrai dire. Le 17 février dernier, un autre engin, plus étrange, avait lui aussi été abattu près de la mer d'Azov, à proximité de Marioupol (ses échappements montrant des traces de tirs). Un drôle de bidule orange, qui n'avait rien à faire là : c'est en effet une cible volante, révélée en 2009 au show aérien Maks, fabriquée par Enics, une division de Rosoboronexport et propulsée par deux pulsoréacteurs... une technologie datant des V-1, comme on le sait. Visiblement, l'engin s'était égaré : il est démuni de toute capacité d'observation.... Enics a d'autres modèles à son catalogue, dont le E2T, dont le pulsoréacteur à longue unique fait plutôt penser à un... tromblon. Comme drone photo, Enics ne propose que le T23E, dont la technologie (moteur électrique, caméra embarquée avec liaison au sol en MPEG-2, récupération par parachute et lancement pneumatique ou par... élastique) est pour le moins dépassée. Le E-8 possède aussi un petit frère à moteur à combustion, le E8D.
L'envoi de drones russes en Ukraine a eu un autre prédécesseur ; avant celui découvert hier. Le 23 juin 2014, une photo était proposée sur Twitter : celle d'un drone abattu dans l''est de l'Ukraine (ici à gauche). L'engin qui portait le numéro 10237 sur la queue avait une forme reconnaissable de loin, c'était encore un petit modèle : un Orlan-10. L'engin appartenait bien à l'armée russe (il est construit par le St. Petersburg's Special Technology CenterSource, qui l'utilise aussi en Arctique, à Chukotka, et a été montré aux actualités russes en août 2014. L'engin a été également déployé en Crimée, nous annonçait fièrement l'armée russe en janvier dernier. Mais le magazine d'août diffusé par MIR TV allait nous donner une piste intéressante, que des bloggeurs curieux allaient suivre avec attention. Lors du reportage on pouvait en effet apercevoir dans le camion de téléguidage un jeune soldat, dont le nom était écrit en clair : Nikolay Belokobylenko. Un soldat de la 19 eme Division de Fantassins Motorisés russe, spécialisée dans le renseignement aérien. Notre homme allait laisser des traces de son passage sur Twitter, posant avec ses amis, son camion...et son drone encore empaqueté dans sa valise de transport. L'homme avait visité auparavant à plusieurs reprises le Donbass, envoyé "en vacances", comme on arrivera à le prouver en remontant ses traces sur le net. Et son unité se servait manifestement de ses drones pour ajuster les tirs de ses canons Howitzers autopropulsés 2S19 Msta-S et ses terribles lance-roquettes 9К51М Tornado-G. Les célèbres orgues de Staline. Le Msta-S avait été aperçu et photographié à Kamensk-Shakhtinsky dans la région de Rostov, en, Russie, à peine à 30 km de la lfrontière de l'Ukraine le 15 août 2014. Or sa portée se situe entre 29 et 36 km.... voire 40 pour ses obus Krasnopol guidés par laser .
De plus, l'étude attentive menée ici de la fabrication de nouveaux drones russes allait nous donner un autre renseignement de taille : en mai, le magazine InformNapalm affichait les noms des membres de l'unité No. 20634, basée à Vladikavkaz, en Ossétie du Nord (Alanie), un groupe faisant partie de la 58eme armée du commandement du Sud de l'armée russe. Or parmi les personnes formées sur ces nouveaux drones, à Kolomna, dans l'oblast de Moscou, dans une unité spécialisée portant le numéro No. 20924... on retrouvait, justement, Nikolay Belokobylenko. Son unité, qui avait déjà tâté des modèles Zastava (le petit Bird Eye 400 israélien !), du Granat, de l'Orlan, et du Leer avait reçu deux de ses nouveaux engins. Des drones beaucoup plus grands. Tel celui abattu avant hier. Les nouveaux drones n'étaient visiblement pas venus pour faire des photos touristiques en Ukraine ! Car si si les premirers drones-là prêtaient à sourire, celui tombé à Avdiivka est beaucoup plus intéressant. Il est d'abord bien plus grand, et la collecte de ses débris le montre aisément :
Bien entendu, à peine l'évènement produit, on a eu droit à toute une série de reportages télévisés depuis qu'on a retrouvé les débris de l'engin au sol, avant même que BellingCat ne s'en occupe comme il sait le faire. Ainsi l'exposition ici en vidéo des pièces collectées, étalées dans un hangar... mais une autre vidéo qui est encore plus intéressante. Beaucoup plus même ! Celle qui a fait la une des journaux télévisés ukrainiens, avec un extrait fort particulier en cadeau On y distingue en effet le tir réussi de DCA contre le drone russe alors qu'il n'était plus qu'à 250 mètres d'altitude ; et une seconde vue de l'impact faite à l’aide d’un téléphone portable ! Abattu par un tir direct de DCA ! L’auteur du tir actionnant semble-t-il un bon vieil affut de Zu-23-2, l’arme anti-aérienne la plus répandue devenue arme à tout faire... celle fournie par les russes aux Viet-Namiens pendant la guerre contre les USA, ou que l'on a retrouvé en abondance en Libye ou en Syrie. Le retour à l'envoyeur, en quelque sorte ! La preuve que le drone a bien été abattu, ses vestiges au sol montrant en effet une destruction importante : un véritable puzzle, à reconstituer, comme le montre ici la photo à gauche, à comparer à celle affichée par Belling Cat, dans laquelle le drone a été reconstitué au mieux, afin de nous redonner son allure principale. Assemblées ensemble, les pièces déchiquetées redonnent en effet l'allure générale de l'appareil :
Et là, on change de catégorie : finies les approximations de Enics, voici en effet un drone muni d'une boule optronique de dernière génération, propulsé par un moteur Rotax 914 autrichien, le même qui équipe le MQ-1 Predator américain ou l'israélien Heron (il a remplacé le Limbach L550 d'origine dans le premier modèle). C'est justement une technologie héritée du modèle Heron qui le fait ressembler, car l'engin russe n'est en effet que son clone, ou plus exactement celui du Searcher II israélien. Après moult hésitations et des tentatives (ratées) pour fabriquer les siens, la Russie avait en effet décidé de fabriquer sous licence le Searcher II (appelé "Huglah" = Perdrix en Israël) dont la fabrication avait commencé en Russie le 4 février 2013, après des essais décriés en 2001. On possède même la photo de l'appareil abattu en train d'être construit en Russie à l'usine "d''Ural Works of Civil Aviation” (notez le nom !) en 2013 :
Le drone israélien d'origine avait en effet été d'abord critiqué, pour son incapacité à ne pas savoir fonctionner correctement par des températures négatives... Tel-Aviv et Moscou, ce n'est pas tout à fait le même climat, en effet. Un vol de confirmation effectué à Yekaterinburg en décembre 2012, par -30°C avait prouvé que le "Searcher II" israélien pouvait désormais convenir aux russes, et pouvait donc être construit sous licence. L'ensemble avait coûté la bagatelle de 400 millions de dollars à la Russie (chaque drone valant environ 6 millions de dollars pièce). Cinquante pilotes de drones russes avaient déjà été formés à la hâte n 2010 dans un bâtiment près de l'aéroport Ben Gurion International, à Tel Aviv, pour assurer les vols. Le 6 août 2014 suivant, un ministre de la défense russe plutôt enthousiaste, Yuri Borisov, qui avait été nommé par Poutine le 15 décembre 2012, déclarait vouloir "acheter d'autres matériels israéliens". En Israël, où la propagande va habituellement bon train pour ce qui est de la chose militaire, le même Searcher avait été présenté en 2012 comme "sauvant des vies"", puisqu'étant capable d'identifier à distance des terroristes, avant d'envoyer un F-16 ou un Apache".... Une réthorique douteuse, mais c'était aussi oublier que le drone de reconnaissance moderne est né en Israël, grâce aux talents inventifs d'Abraham E.Karem, et son drone réalisé dans le garage de sa résidence américaine....
En fait, tout remonte à 2009, comme l'avait raconté Ria Novostni, devenu Sputnik (pour une fois, lisons-donc la propagande russe) : "l'armée achètera à l'étranger les armes dans la production desquelles la Russie accuse du retard, a déclaré le ministre de la Défense Anatoli Serdioukov dans un entretien au quotidien Rossiïskaïa Gazeta. "Là où nous accusons du retard, nous achèterons à l'étranger. Chercher à rattraper ceux qui ont de l'avance n'aurait aucun sens", a dit le ministre, avant de dénoncer "l'inertie" en la matière. Il a estimé que si, dans le domaine des armements, la Russie "est en tête" sur certains axes, elle accuse un fort retard sur d'autres, dont les drones et les moyens de communication. "Il faut acheter de nouvelles armes pour nous familiariser avec leur fonctionnement", a expliqué le ministre, ajoutant que c'est le cas des drones et que "la Russie est en négociations sur le porte-hélicoptères français Mistral", au sujet duquel il n'y a pas de décision définitive". Pour le Mistral, on sait où on est, aujourd'hui, en revanche, entre temps on semble avoir oublié que la Russie, qui s'était pour la première fois rendu compte de ses insuffisances en armement avait accepté de se fournir en drones à l'étranger, le pays le plus réputé pour en fabriquer étant... Israël ! Entretemps aussi, il est vrai, Anatoli Serdioukov, le plus grand partisan de cette façon de faire, opposée aux nationalistes russes, un proche de Poutine, avait été écarté... pour détournements de fonds publics (il avait été remplacé par Sergueï Choïgou, un apparatchik et un fidèle d'Eltsine). Enfin écarté... façon Poutine : il avait aussitôt intégré Rostec, (ancien Rostechnologies), un holding réunissant les plus grandes usines d'armement russes (au total elles sont 700 !) et créé... par Poutine, en 2007 !!!
Au cœur du scandale, Evguenia Vassilieva (ici à droite, la maîtresse de Serdioukov agée de 33 ans à l'époque était déjà à la tête du holding Oboronservis, chargée de la maintenance des équipements militaires et du ravitaillement des troupes mais aussi de d'entreprises de bâtiment, dont SU-150, Baltik Stroï, Su-155 SPB, Griboedova Kapital, PlodInvest-1 et Urojaïnoe. Décorée par Dmitri Medvedev, elle avait détourné une belle somme : "officiellement, les enquêteurs soupçonnent Mme Vassilieva, et d'autres cadres d'Oboronservis, une filiale du ministère de la défense, d'avoir détourné entre 3 et 4 milliards de roubles (de 74 à 100 millions d'euros) du budget, via la vente frauduleuse de biens immobiliers, terrains et actions. Il faut dire que l'Armée, pilier incontournable du système soviétique jadis, est encore le plus gros propriétaire immobilier du pays. Or, justement, Oboronservis a été créée en 2008 pour l'alléger de ses actifs inutiles !" avait expliqué le Monde. Le mari de la belle, Maksim Zakoutaïlo, ancien directeur du dépôt moscovite de matériel des forces aériennes et de la protection antiaérienne avait lui aussi été arrêté. Les enquêteurs parmi les premiers arrivés à son appartement avaient découvert que "Smetanova avait accepté des pots de vin par un agent des personnes intéressées pour aider à commercialiser la propriété du ministère. "Ils ont des preuves de rétrocession à Smetanova de deux voyages forfaitaires en République tchèque et en Israël d'une valeur totale de 500 000 roubles (16 000 dollars, ce qui fait des voyages en jet privé obligatoirement), de deux tablettes PC, et de six millions de roubles" avait écrit l'agence Tass. On comprend pourquoi le contrat israélien aurait pu capoter en 2013, après des essais peu concluants et l'éviction de celui qui avait tant poussé pour que ça se fasse. Les négociations en cours pour l'exploitation par Gazprom (via Levant LNG Marketing Corp) du champ pétrolier israélien de Tamar annoncé en février 2013 ayant dû resserrer quelques boulons dans les accords passés par Serdioukov. Combien IAI a-t-il versé aux russes en dessous de table, on l'ignore toujours ! Le souvenir de l'étouffement de l'affaire des missiles Barak avec l'Inde après 7 ans de procédure n'augurant pas bien d'une réponse à venir....
Un appareil des forces russes, donc, mais portant toujours des marques de fabrication israélienne internes, encore lisibles sur les débris. C'est bien le même, en effet, comme le montre ce cliché du 15 octobre 2011 auquel on peut ajouter celui-ci, lors d'une présentation de matériel militaire en Russie. Un engin qui avait été montré avec fierté par les russes le 25 septembre 2013 à Nizhny Tagil, pour la célèbre foire aux armements de la ville... que le drone avait intégralement retransmise à l'aide de ses caméras de bord, survolant le hangar du Nizhny Tagil Institute of Metal Testing (NTIIM). L'endroit (ici vu dans un reportage de propagande incroyable signé RT, d'un machisme poutinien sidérant, avec mise en scène d'un jeune couple !) où sont construits les chars russes, dont le T-90, présenté en grande pompe en 2011 par un dénommé Vladimir Poutine, et aujourd'hui abandonné pour un autre qui a un peu raté sa toute première sortie officielle.
Les forces russes ont donc bel et bien perdu un drone leur appartenant, en Ukraine, comportant encore à bord des éléments de fabrication israélienne, notamment la boule FLIR placée sous le corps de l'appareil et signée IAI (la MOSP (pour Multi-mission Optronic Stabilized Payload), montrée démantibulée lors de l'exposition des vestiges retombés dans le champ ukrainien. Les russes achetant israélien, voilà qui devient intéressant en effet ! Là où ça devient encore plus passionnant, c'est quand on plonge un peu dans les procédés de propagande de Vladimir Poutine, et son art achevé du double langage. Car ce dernier n'hésitait pas, il y a peu encore via la voix de Sputnik, son organe de presse (*), de dénoncer -en avril dernier - les livraisons d'armes d'Israël, mais à ses opposants !!! "C'est le choix des dirigeants israéliens, et ils sont en droit de faire ce qui leur semble nécessaire. A mon avis, s'il s'agit d'armes létales, cette mesure sera contreproductive, car elle débouchera sur une nouvelle étape dans la confrontation et sur de nouvelles pertes humaines", a indiqué le chef du Kremlin dans une interview accordée à la chaîne de télévision Rossiya. Auparavant, les médias israéliens citant des sources militaires ont déclaré qu'Israël pourrait envisager la livraison d'armes aux forces armées ukrainiennes en réponse à la fourniture par Moscou de systèmes de missiles S-300 à l'Iran."
Le voilà bien pris au piège, avec son arme "non létale", mais vendue par Israël, qui a affirmé qu'elle servait bien à tuer des "opposants" ou des "terroristes".... Mieux encore avec cet incroyable coup de fil de Poutine à Netanyahou le 4 mai dernier, affirmant qu'il avait mis en garde ce jour-là Israël contre la vente de drones en disant que "cela entrainera l’augmentation de l’effusion de sang". Les siens servant à répandre la paix, pour sûr, comme on va le croire. Sacré Vladimir, va !
(*) si certains en doute, qu'ils lisent ça et le clin d'œil à Marine le Pen... Sputnik a été lancé exprès en 2014 pour faire taire les opposants à Poutine. Son patron, Dmitry Kiselyov, homophobe déclaré, pour qui les journalistes sont des "agitateurs", a été décoré par lui en 2011. Ses propos sont régulièrement limites. Selon le secrétaire général du Norwegian Helsinki Committee, Bjørn Engesland, spécialisé dans le respect des droits de l'homme, Kiselyov est également antisémite, ce qu'il dissimule comme beaucoup du même genre dans une "liberté de parole" qu'il ne respecte même pas avec ses propres journalistes, qu'il renvoie comme bon lui semble.
sur les drones, on peut relire ceci :
http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/aviation-9-le-drone-qui-carbure-69847
et ceci aussi bien sûr :
http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/zone-51-cia-l-invention-du-141088
187 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON