Quartiers populaires, entre espoir et désespoir...
« Le renforcement des ghettos français s’explique d’abord par le comportement de fuite des classes moyennes et supérieures qui ne veulent pas prendre le risque de la mixité sociale ». Cette petite phrase, lue dans une des contributions de ce site, m’a amenée à quelques réflexions sur la vie en banlieue dite ouvrière... Vite jetées sur la papier, entre désespoir de la réalité terrain, et espoir dans mes convictions sociales et socialistes... Utopie diront certains,... Je ne sais pas, je ne crois pas... Besoin de beaucoup d’efforts et de volonté collective plutôt !
"Le renforcement des ghettos français s’explique d’abord par le comportement de fuite des classes moyennes et supérieures qui ne veulent pas prendre le risque de la mixité sociale".
C’est exactement ce que j’ai ressenti lorsque j’ai fait du terrain lors des deux dernières campagnes électorales.
D’un côté des gens qui, dès qu’ils en ont la possibilité financière, quittent (ou plutot fuient !) les quartiers dits populaires, de l’autre, les habitants de ces quartiers qui se sentent abandonnés, ostracisés, considérés comme des citoyens de seconde zone et dont le comportement varie de la résignation totale à l’envie de se rebeller contre cet état de fait.
Lorsque, comme dans la plupart des villes de banlieue issues des anciennes "banlieues ouvrières", le zonage urbain a constitué deux blocs séparés : les zones populaires à forte taux d’urbanisation sous forme de cités HLM d’un côté, les zones résidentielles récentes en périphérie (pavillons et petites résidences) et anciens centres-villes rénovés (commerces traditionnels du centre-ville, petits immeubles d’habitation et pavillons anciens), on aboutit à une situation où tout lien est coupé entre ces deux mondes, où un mur invisible semble les opposer, où tout dialogue est rompu... Ne reste donc de possible que l’affrontement pour les uns et, en réponse, le tout sécuritaire pour les autres !
La voilà la réalité des grandes villes de banlieue...
Fait aggravant : une politique de la ville totalement irresponsable, qui a consisté, pendant des années, à fermer les yeux sur cette situation, laissant se délabrer et devenir des zones de non-droit certains quartiers, n’y intégrant pas les structures sociales qui auraient permis une meilleure intégration des populations nouvellement immigrées et, donc, fragiles.
Lorsque j’ai parlé avec des habitants de différents quartiers de la ville sur laquelle je milite pour le PS, je n’ai pu que constater que les citoyens issus de vagues de migration anciennes (Portugais, Italiens, Asiatiques issus des vagues d’immigration des années 1970, Algériens issus des vagues d’immigration des années fin 1960/années 1970) se sont bien intégrés ; en conséquence de quoi ils ont acquis un statut et un emploi stables, des revenus médiants, qui leur ont permis de quitter les cités HLM vieillissantes pour s’installer dans les quartiers résidentiels.
Pour eux, pas question de retourner dans ces HLM qu’ils ont fuis, d’autant qu’ils ne se sentent plus aucune communauté d’idée, de culture, avec les nouveaux arrivants.
Retourner dans ces quartiers serait pour eux une relégation, un constat d’échec total.
Ils n’hésitent pas à en parler du reste : ils ont fui l’insécurité, les mauvaises écoles, les quartiers dégradés. Ils ont travaillé dur pour avoir le peu qu’ils ont et qu’ils souhaitent transmettre à leurs enfants. En conséquence de quoi, ils se renferment sur eux, sur leurs valeurs, leur sacro-sainte idée de la sécurité à tout prix (entre autres, ils défendent souvent l’idée de la mise sous télésurveillance des communes) et, pour eux, les immigrés récents ne cherchent pas à s’intégrer, ils sont donc seuls responsables de leur situation de relégation, de rejet, de stagnation dans le bas de l’échelle sociale française !
Bref, dialogue niveau zero de ce côté-là !
... Et pas question de mixité, bien sûr, avec ces "barbares", ces gens sales et sans éducation ... "Le bruit et l’odeur", une idée qui a fait carrière !
Côté cités, les populations qui y vivent sont généralement très fragiles ou fragilisées et ne sont pas là par choix, mais plutôt par non-choix possible !... Trop contents encore d’avoir un toit à mettre au-dessus de la tête de leur famille !
Immigration qui a fui la misère de leurs pays d’origine, ce sont des populations disposant d’un faible niveau d’éducation initiale, d’origine non européenne et non francophone pour la plupart (sauf originaires des ex-colonies d’Afrique noire) qui donc, dans la période actuelle de crise, en paie le prix fort : travail partiel imposé, horaires de nuit ou décalés, métiers pénibles... ou chômage, débrouilles pour s’en sortir...
Quant aux derniers Français de souche qui cohabitent avec cette population, ce sont très souvent des gens hyper fragilisés, ou qui ont vécu de véritables effondrements dans leurs vies personnelles ou professionnelles : divorces ou séparations mal gérés, licenciements sans reclassements, retraités touchant le minimum vieillesse, personnes isolées, tombées parfois dans l’alcolisme, la drogue ou la dépression...
Donc ce sont des gens qui se sentent dès le départ hors-jeu, et qui ne pourront remonter la pente qu’à la condition qu’on commence déjà par les regarder, les considérer comme des citoyens pauvres certes, mais à part entière.
Pour certains l’assistanat sera considéré comme une injure de plus, donc les aider oui, car ils n’ont pas les moyens de s’en sortir seuls, mais il faut créer de l’émulation, du désir. Il est nécessaire et indispensable de créer une dynamique si l’on veut recréer du lien et de l’espoir, mais il faut le faire avec tact, en donnant des buts, des objectifs à atteindre en vue d’intégrer ou réintégrer le "vivre ensemble".
CQFD, il faut un vrai suivi personnalisé dans ces politiques d’intégration, ce qui n’a jamais été réalisé jusqu’au bout.
Je pense que c’est sur cela que la gauche doit travailler si elle veut renouer avec sa base : susciter l’espoir de s’en sortir non en faisant de l’assistanat qui donne bonne conscience à la classe possédante, mais laisse la classe populaire pauvre dans sa relégation, mais en proposant des aides conditionnées à une part d’effort, de travail personnel ou dédié à la communauté afin de restaurer confiance et estime de soi. Le tout avec un tutorat réel, présent, effectif.
A côté, il faut également revaloriser l’école dans les quartiers. L’école ne doit plus être considérée comme une garderie obligatoire jusqu’à 16 ans, mais comme un outil d’intégration pour les enfants et, par ricochet, pour leurs parents, de promotion sociale, de construction d’un avenir serein ; un lieu d’échange et de rencontre entre savoir académique des enseignants et savoirs ancestraux, culturels venant des différentes origines des enfants... Pour qu’un dialogue s’amorce enfin, que la différence de culture ne soit plus ressentie comme une menace mais comme une richesse assumée par tous, que la mixité devienne un souhait et qu’elle cesse d’être vécue comme un obstacle, un repoussoir.
Ce qui peut mettre à néant tous ces voeux pieux, c’est la présence de la drogue et de l’alcool dans les cités et, parallèlement, la montée de l’islamisme.
L’islamisme a trouvé son terreau dans la misère sociale, affective, les ruptures de repères, de structures familiales fortes dans les cultures d’origine ; il est vécu comme un rempart contre la drogue et la violence des cités, tout particulièrement pour les femmes qui, la plupart sans profession, ne sortent des cités que pour aller faire leurs courses. Ce n’est donc pas contre l’islamisme qu’il faut lutter frontalement et en priorité, mais contre la misère et les motifs du mal-vivre des quartiers populaires. Si l’on restaure la qualité de vie, l’extrémisme religieux n’aura plus de raison d’être.
La lutte contre la drogue sera beaucoup plus longue et difficile du fait des importantes sommes d’argent qu’elle génère et des réseaux mafieux qu’elle crée. Encore une fois il faudra une volonté politique forte, ferme, des moyens nouveaux si l’on considère le peu d’efficacité des mesures passées et actuelles, et la situation de surpopulation des prisons françaises, qui est une honte !
Il y a beaucoup de travail à faire pour inverser la tendance actuelle au repli des catégories sociales sur elles-mêmes ; il faudra beaucoup de volonté pour démolir ce mur invisible qui gangrène notre société... mais qui sait, avec la volonté, on renverse des montagnes !
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