Que marquent réellement les pyramides et le Sphinx de Gizeh ?
Les spéculations sur ce qui se trouve – ou pas – à l’intérieur de la Grande Pyramide (voir ce récent billet “Le mystère de la Grande Pyramide, un pas de plus“), et de la signification plus générale de cet extraordinaire ensemble de pyramides sur le plateau de Gizeh, occupent agréablement un dimanche après-midi pantouflard.
Il est généralement accepté que ces pyramides furent construites vers 2500 avant notre ère : Khéops, la plus grande et la seule de 7 merveilles du monde antique à être arrivée jusqu’à nous – et objet de la majorité des spéculations et études du fait de sa complexité, ensuite la pyramide de son fils Khéphren puis celle de son petit-fils Mykérinos. Les historiens attribuent à Khéphren où à Khéops la construction du Sphinx, et Mykérinos se serait contenté d’une “modeste” pyramide (65m de haut contre 143 pour Khéphren et 146 pour Khéops) car soucieux d’épargner les efforts de son peuple. Ce qui n’empêche que “des vestiges du temple funéraire érigé au pied de sa pyramide donnent la mesure de la perfection que ses architectes ont recherchée dans la mise en œuvre de la construction : certains blocs, appareillés à joints vifs, atteignent en effet le poids de 200 tonnes.”
Il est classiquement admis que ces pyramides servaient de tombeaux à leurs maîtres, malgré le fait que certains doutent que cela fut leur seule raison d’être – voir même réellement un tombeau en ce qui concerne la Grande Pyramide car rien ne prouve q’un Pharaon – ou qui que ce soit – y fut un jour inhumé. D’où la recherche de cette fameuse “chambre secrète”… Mais ces trois pyramides sont peut être, en elles-même, un marqueur astronomique – quelque chose qui pointe vers une époque précise, donc un message.
Deux éléments précis étayent cette hypothèse : d’une part l’orientation très précise des quatre conduits de ventilation de la Grande Pyramide (dont deux sont bouchés et deux mènent à l’extérieur) et d’autre part le positionnement des trois pyramides relativement à elles-même et au Nil.
Commençons par les conduits de “ventilation”. Deux pointent plein nord et deux plein sud. Il a été démontré que, vers 2500 avant notre ère (la position des étoiles dans le ciel changeant au fil du temps du fait de la précession des équinoxes), ces quatre conduits pointaient vers quatre étoiles spécifiques et hautement symboliques de la philosophie religieuse de l’époque : Zeta Orionis / Alnitak et Sirius dans la partie sud, Beta Ursae Minoris / Kochab et Alpha Draconis / Thuban pour la partie nord. Ces mesures furent prises par l’archéo-astronome Robert Bauval dans les années 1993-1995 (mais non publiées par les médias car Bauval n’appartient pas à l’égyptologie officielle) puis redécouvertes “officiellement” par Kate Spence de l’Université de Cambridge en 2000 qui obtint une publication dans Nature. Sans mentionner Bauval bien sur, d’où une mise au point de ce dernier sur son site.
L’étoile Alnitak est la la plus grosse étoile de la ceinture d’Orion et était identifiée par les anciens Égyptiens à Osiris, dieu du renouveau et personnification de la terre fertile du delta du Nil. Sirius était associée à la déesse Isis. Pour la partie nord, en 2500 avant notre ère les deux étoiles visées (Kochab et Thuban) se trouvaient de part et d’autre de l’étoile polaire sur une droite parfaite, et font également partie du symbolisme de l’époque comme illustré par cette image tirée de l’ouvrage de Bauval :
Ces corrélations ne fonctionnent que pour l’an 2450 avant notre ère, avec une tolérance de +- 25 ans due à l’imprécision relative des observations de l’époque, supposées à l’oeil nu.
Passons maintenant à la positions des trois pyramides. On voit bien dans la photo aérienne que la pyramide de Khéphren se situe à 45° de celle de Khéops dans son alignement diagonal NE , la pyramide de Mykérinos étant elle nettement décalée à l’Est de ce même axe. Les positions relatives de ces pyramides sont l’image des trois étoiles qui composent la ceinture d’Orion, en taille (luminosité) et en positions relatives. De plus le positionnement de la ceinture d’Orion relatif à la Voie Lactée est reproduit dans le positionnement des trois pyramides relatif au Nil. La Voie Lactée était pour les anciens Égyptiens une sorte de Nil céleste, le “fleuve ondulant” des textes funéraires. Difficile de penser qu’une telle symétrie géométrique associée à la symétrie symbolique Orion / Osiris serait pure coïncidence.
Mais une symétrie valable pour quelle époque ? Car la précession des équinoxes influence également la position d’Orion relative à cette image terrestre. Utilisant le même procédé de “remontée dans le temps” que permettent les logiciels de calcul astronomique (en l’occurrence, Skyglobe) qu’il avait utilisé pour les “conduits de ventilation”, Bauval a démontré que la symétrie parfaite existait 10 500 ans avant notre ère, au point le plus bas de l’horizon que pouvait atteindre la constellation d’Orion. Un cycle complet prenant 25 800 ans, Orion atteindra son “orbite” la plus haute vers 2 400 de notre ère et retrouvera son point de départ en… 15 300, à peu près.
Qu’est ce que cela pourrait signifier ? L’hypothèse de Bauval est que les pyramides furent construites voici 4 500 ans selon un plan datant, lui, de 12 500 ans (soit 8 000 ans avant l’ère des constructeurs). Comme pour dire que quelque chose s’était passé à cet endroit à cette époque reculée, où qu’ils savaient que cette date marque un moment précis – celui du début de la montée d’Orion. Comment l’auraient-ils su, et pourquoi serait-ce important ? Et comme pour bien mettre le point sur le i, une autre symétrie fut révélée par Bauval au sujet du Sphinx : Le Sphinx regarde plein Est et son corps est celui d’un lion. Les Egyptiens reconnaissaient la constellation du Lion et, toujours grâce à l’astronomie moderne, on sait que ce lion céleste se levait exactement plein Est de Gizeh en … 10 500 avant notre ère. Qui plus est le décalage de 14° entre “notre” Est et celui de cette époque est pris en compte dans l’alignement du monument. A nouveau, il pourrait s’agir d’une oeuvre “récente” contemporaine des Pyramides mais placée telle quelle selon un plan ancien, ou il pourrait s’agir d’une oeuvre plus contemporaine de l’époque ainsi désignée. En effet, une étude géologique du Sphinx (mais non reconnue par l’égyptologie officielle) propose une date très ancienne pour le Sphinx basée sur le constat que l’érosion du monument est nettement plus importante que celle des pyramides voisines et montre de surcroît des traces d’érosion par intempéries. Or il n’a plus plu de manière significative dans cette région depuis au moins 5 400 ans (1 000 avant les pyramides) et plus probablement depuis 12 000 ans…
D’un point de vue paléontologique, le passage entre le paléolithique supérieur et lenéolithique (agriculture, élevage, sédentarisation) date de cette période, qui marque également la fin de l’ère glacière et l’avènement de changements climatiques radicaux. C’est aussi à cette époque (suite à la rupture de l’isthme entre la Tunisie et l’Italie) que se forma le delta actuel du Nil, qui auparavant était essentiellement une grande foret marécageuse.
Est-ce que ce marqueur temporel sans doute représenté par les monuments de Gizeh pourrait faire référence à ce passage d’une ère à l’autre ? Et si ce fut le cas, pourquoi se donner cette peine ? Faut-il y voir un lien avec Osiris, dieu du renouveau – d’une nouvelle ère, socle d’une mythologie basée sur des faits largement antérieurs à la civilisation de l’Egypte antique mais dont la connaissance s’est néanmoins transmise au fil des millénaires ?
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