Qui a gagné la seconde guerre mondiale ?
La guerre déclarée par la Russie à l'Ukraine est la suite d'un processus amorcé par la Guerre Froide, remportée par les USA contre l'URSS. Les USA ont fait un package des deux guerres : 39-45 et Guerre Froide, affirmant être le vainqueur des deux. La Russie n'a pas accepté que la disparition de l'URSS fut sa défaite, et tient à son statut de vainqueur de la seconde guerre mondiale que lui conteste la propagande américaine mais surtout sa domination de l'Europe via l'OTAN, domination qui se renforce avec cette guerre.
Question absurde, des millions de pages de livres d’histoire ayant répondu à la question.
On sait tout, ou presque, et dans les moindres détails de ce qui s’est passé dans les années 39-45.
Picasso et Eluard ont célébré le vainqueur, l’homme de paix, Staline.
Mais alors pourquoi revenir sur cette question ?
Parce qu’elle est au cœur de la nouvelle guerre que la Russie vient de déclarer à l’Ukraine.
Comment ? Quel rapport ?
C’est que la seconde guerre mondiale ne s’est jamais complètement éteinte. Comme une queue de comète, la Guerre Froide a illuminé le ciel en Extrême Orient dans les années 50/60, puis toutes les gazettes d’Occident jusque 1989. Année où le mot FIN fut écrit avec les restes du mur de Berlin. L’Occident, la Grande Amérique l’avaient finalement éteinte cette queue de comète. Victoire !
Illusion en réalité. Le vaincu n’a jamais accepté son statut, comme l’ont accepté l’Allemagne ou le Japon en 1945. Pour une raison simple : c’est qu’il a disparu. L’URSS n’existe plus. Mais comme pour 39-45, il reste une queue de comète : Poutine et son peuple. Eux n’ont pas disparu comme on aurait pu le croire, ignorant leur existence durant 20 ans, ces années post 90 où l’on pouvait penser que le peuple russe était en voie de disparition.
Nos experts es Sciences Po, des sommités en sciences soviéto-russes, ont émis des avis que l’on suppose éclairés : cette queue de comète se réduit à un vieillard paranoïaque affirment-ils. L’opinion publique en Russie n’existe pas. Les élections sont truquées. On comprend qu’une fois le vieillard disparu des écrans d’ici 10 ans, la queue de comète s’éteindra, naturellement. Mais que faire des centaines de députés élus qui partagent l’opinion du paranoïaque en question ? Des élections toutes truquées ? Silence, nos médias ne poseront pas la question à ces « sommités ».
Et l’on revoit notre ex-ministre des AE le plus distingué, notre commentateur des événements en cours le plus intelligent, le plus lucide, le plus pertinent, faire le baise main en smoking à Mme Albright au moment où celle-ci bombardait Belgrade et la Serbie, durant 78 jours, nos médias admirant la précision chirurgicale des bombes. La queue de comète, c’est aussi ça. Les Russes, les orthodoxes existent encore et n’oublient pas.
Et l’on comprend pourquoi les opinions publiques occidentales ont été conformées ces dernières décennies par leurs médias, leur filmographie, leurs manuels scolaires à croire que le vainqueur de 39-45 n’est pas le dictateur qui a défait 80% des armées nazies (dictateur qui ne valait guère mieux que celui qui a été finalement défait) mais la Grande Amérique.
Voilà, il fallait mettre fin à la seconde guerre mondiale une fois pour toute et n’avoir aucun doute sur son vainqueur, la Grande Amérique. Il fallait confirmer une fois pour toute la légitimité des USA à dominer l’Europe dont la puissance dominante, l’Allemagne, fut défaite et militairement occupée, politiquement contrôlée depuis 1945. Il fallait éteindre la queue de comète poutino-russe et sa prétention à être l’autre vainqueur de 39-45, l’étouffer par une pression militaire, politique, financière, culturelle, sportive … Il ne devait pas y avoir deux légitimités pour dominer l'Europe.
Ce fut fait, et de manière efficace. Toute l’Europe de l’Est réduite après-guerre au rôle de glacis soviétique anti-occidental, dont une partie a combattu durant la seconde guerre mondiale du mauvais côté, a adhéré à l’OTAN et l’UE. L’une des dernières étapes, avant que les USA ne se tournent définitivement vers l’Asie et la Chine, était l’Ukraine. Maïdan en 2014 laissait augurer une victoire rapide. Mais l’histoire a choisi un autre cours, inattendu.
Le monde poutino-russe s’est réveillé et a déclaré la guerre à l’Ukraine, pour lui imposer probablement un statut équivalent à celui de l’Allemagne vis-à-vis des USA : occupation militaire, contrôle politique, stockage d’armes de destruction massive.
En effaçant toute sa zone d’influence en Europe, on a touché au point le plus sensible du monde poutino-russe : sa légitimité de vainqueur de 39-45. On n’a pas compris que pour ce monde là, ou ce qu’il en reste après l’effondrement de 1991, cette légitimité était une question de vie ou de mort. Et pas uniquement du régime en place, mais de la société russe en tant que telle, du "monde russe", de la légitimité de sa présence en Europe. C'est la seule explication à la montée aux extrêmes côté russe, la guerre, que ce pays payera lourdement dans les prochaines décennies, chassé d'Europe, chassé du monde dit "civilisé". Mais cette exclusion symbolique était déjà actée en Occident, B.Johnson appelant à conclure en excluant la Russie du Conseil de Sécurité de l'ONU. La Russie ne compterait plus alors parmi les vainqueurs de la seconde guerre mondiale.
La bêtise, l’aveuglement sont principalement en Europe. L’UE propulsée par les USA, protégée sous parapluie nucléaire US, servie par les rivalités historiques (Pologne/Russie, Suède/Russie) s’est crue invincible. En ignorant superbement la Russie en 2014 (« l’Ukraine n’est pas votre problème »), en effaçant l'un des vainqueurs de la seconde guerre mondiale, les imbéciles de Bruxelles n’ont pas rendu service à l’UE. Car, malgré les apparences, l’Europe sortira de cette crise encore plus dépendante des USA, sans aucune perspective de s’affirmer comme puissance géopolitique mondiale. Avec cette nouvelle guerre en Europe, le bloc Occident s'est compacté.
Le leader du bloc occidental, la Grande Amérique, sortira renforcé de cette nouvelle guerre civile européenne. Déjà, les mondes de la culture, du sport, de la finance expriment leur allégeance à l’Occident américain, excluant la Russie de leurs instances, ce qui ne s’était jamais produit quand les USA, pays aux 102 guerres (List of wars involving the United States - Wikipedia), ont bombardé le Vietnam, la Serbie, l’Afghanistan, la Libye … C’est ça la vraie puissance : quoi que l’on fasse, on est toujours respecté, sinon aimé. Tel n’est pas le cas de l’UE, sans parler de la Russie. L'Europe est en berne.
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