Rapprochement Bayrou - Borloo : vive le Centre pour contrer la bêbête qui monte !
La volonté de rapprochement entre Bayrou et Borloo pour former "un centre fort et indépendant" et la question de l'alliance avec "la droite" sont souvent mal comprises, à la fois par les militants du MoDem et de l'UDI et par les journalistes. Ils raisonnent sur un référentiel du passé et sur des considérations politiciennes d'optimisation électorale. En réalité, le référentiel est en train de bouger, annonçant de nouvelles lignes de clivage.
La principale pierre d'achoppement au rapprochement annoncé entre l'UDI et le MoDem (et pas encore décidé par les instances des partis, rappelons-le) est l'alliance de fait à droite. En gros une majorité à l'UDI veulent en faire une condition de rassemblement avec le MoDem alors qu'une majorité des militants du MoDem n'accepteront le rassemblement que si l'UDI ne pose pas cette condition et affirme clairement une indépendance à l'égard de l'UMP.
Mais que signifie la droite ? Que signifie l'UMP ? Les lignes sont en train de bouger ...
Les derniers sondages montrent que l'UMP est divisée en deux : ceux qui sont pour une alliance avec le FN aux élections municipales et ceux qui sont contre :
Voir ce sondage IFOP commandé par Atlantico : 49% des militants UMP pour une alliance avec le FN
Voir un sondage BVA pour I-Télé qui montre que 70% des sympathisants de droite approuvent les propos de François Fillon qui a proposé de voter pour "le moins sectaire" en cas de duel PS-FN : Dans le détail, 70% des sympathisants de droite approuvent ce revirement, dont 72% des sympathisants UMP et 69% de ceux du FN.
Or l'UDI, qui était jusqu'à présent alliée de fait à l'UMP notamment pour les choix de 2nd tour aux élections nationales et locales, ne peut accepter une alliance avec le FN, absolument opposée à ses valeurs ainsi qu'à sa vision économique et européenne. De même que le MoDem.
Jean-Louis Borloo vient même d'annoncer que "l'UMP, avec comme prétention d'incarner la droite et le centre est morte cette semaine".
L'UMP devra alors trancher en bloc ou bien se diviser en deux pour clarifier sa position, une partie s'alliant avec le FN et l'autre avec l'UDI. Le MoDem n'acceptera une alliance avec des partenaires dits "de droite" que s'ils sont clairement contre le FN et compatibles avec ses valeurs républicaines.
Il s'agit d'un schisme qui rebat les cartes et annonce de nouvelles lignes de clivage. Le problème ne se pose donc plus d'une éventuelle alliance du centre (UDI+MoDem) avec "la" droite mais d'une éventuelle alliance qu'avec une partie de la droite compatible avec le centre. Une solution pour que puisse aboutir un tel rapprochement est de poser une condition d'alliance avec ceux de la droite qui se sont clairement affirmés en opposition au FN et d'autoriser des alliances locales avec le PS dans certains cas.
Ainsi, le paysage politique recomposé pourrait bien être formé :
- d'une droite (extrême) sécuritaire, clivante, anti-européenne, avec FN et une partie de l'UMP et Debout la République,
- d'un centre (centre-droit) républicain, démocrate, écologiste, pour une Europe forte et fédérale, libéral pour les entreprises mais pour une justice sociale et une régulation du capitalisme financier, avec UDI+MoDem+ une partie de l'UMP,
- d'une gauche qui elle-même est divisée en deux ou en trois avec d'un côté un PS social-démocrate progressiste qui se dit de gauche et écologiste et applique une politique plus centriste mais ayant renié la sensibilité écologiste et qui n'ose pas aller au fond des réformes nécessaires pour maintenir un semblant d'union avec le Front de Gauche et les Ecologistes, de l'autres EELV et le Front de Gauche qui pourraient bien reprendre leurs billes ... EELV, pourrait aussi trouver sa place dans un rassemblement du centre (tandis qu'une autre partie pourrait être tentée par le Front de Gauche, Jean-Luc Mélenchon ayant récemment affirmé une sensibilité écologiste). Borloo et Jouanno à l'UDI comme Wehrling et Benhammias au MoDem ont à coeur d'intégrer l'écologie et le développement durable dans leurs projets, alors que le PS semble y avoir renoncé ou faire semblant ...
Se pose bien sûr la question des alliances MoDem-PS aux élections locales. Dans certaines villes, comme à Lyon, Marseille, Lille, Grenoble, Montpellier, Dijon, Autun, etc., le MoDem est dans une majorité avec le PS et ses élus ne voudront pas y renoncer. Devront-il quitter le MoDem et rejoindre le PS si le Centre rassemblé marque une opposition au PS ? L'UDI fera-t-elle preuve d'ouverture ?
Les élections locales devraient proposer des rassemblements sur des projets locaux et offrir ainsi plus d'ouverture qu'à des élections nationales. Les alliances locales aux municipales ont cependant un impact ensuite sur les sénatoriales, sachant qu'une majorité municipale PS+Centre peut très bien ensuite répartir ses voix aux sénatoriales sans voter comme un seul homme. Ce n'est pas incompatible.
Aux élections européennes, qui sont complètement proportionnelles et à un seul tour, un rassemblement du centre ne ferait pas gagner plus de postes qu'en candidatures séparées mais marquerait un poids plus important et a un sens s'il y a convergence de projet. Mais une clarification s'impose : le rattachement au groupe parlementaire ADLE (démocrate-libéral) plutôt qu'au PPE (conservateur marqué plus à droite auquel est rattaché l'UMP). Le président de l'ADLE, Guy Verhofstadt, était récemment invité par l'UDI, ce qui pourrait être un signe.
Article également publié sur Mediapart et sur Newsring, avec un autre titre.
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