Ray Manzarek, ou la preuve par l’exemple...
Qu'est-ce qui fait un (bon) groupe de rock ? Les individus ou la façon de jouer ensemble ? La question, on se l'est tous posée un jour ou l'autre, lors du départ par exemple d'un membre du groupe (citons au hasard Brian Ferry quittant Roxy Music ou Roger McGuinn et la fin des Byrds) ou du décès d'un musicien (Randy California, laissant son beau-père batteur à la barre de Spirit) ou bien d'autres encore. Un groupe de musique rock demeure une alchimie rare, mêlant à la fois créativitie personnelle, et ego mis en retrait, souvent juste derrière celui du chanteur (ou de la chanteuse pour les " Kozmic Blues Band" et "Full Tilt Boogie Band"), le plus souvent la personne au premier plan. Celle dont les frasques permettent aux musiciens de composer au calme et d'enjoliver son propos parfois confus. Une drôle de fusion, d'osmose, une alchimie subtile entre capacités musicales propres et individuelles et un surpassement collectif, voilà ce qu'est un bon groupe de rock. En ce sens, les Doors resteront l'exemple parfait : à la mort de son leader, rien de bien n'est sorti des instrumentistes du groupe, et le pauvre Ray Manzarek, qui vient de disparaître était bien là, hélas, pour en témoigner. Les survivants restant ne pouvant qu'appuyer l'idée, dont le batteur, qui ne voulait plus entendre parler du nom de de ce groupe mythique, réduit désormais à 50% de ses membres. Ray Manzarek était la preuve par l'exemple qu'un groupe est bien un tout, et qu'une fois dissocié, il ne peut plus rien produire de valable, individuellement.
Les Doors, ce n'était certes pas Jim Morrison à lui tout seul. Bête de scène véritable, l'homme avait focalisé la critique, et l'avait embarquée vers un délire d'époque de rock-critics n'ayant que Rimbaud ou Baudelaire en référence, qui en avaient fait un peu trop vite le nouveau poète du XXe siècle. L'œuvre de "Mr. Mojo Risin" l'anagramme de Jim Morrison) se révélera à la longue bien modeste, seules quelques images resteront, dont celle du "Roi Lézard", bien sûr. Sans plus. Or les Doors, c'était un son global, dirons-nous : à savoir un piano électrique plutôt aigrelet, un engin typique de l'époque, reconnaissable de loin à son son cristallin et un batteur bien classique fort loin des batteurs bûcherons du Heavy Metal (qui déboulera après). L'homme tenant les baguettes étant plutôt fan de jazz, il était même réputé dans tout Los Angeles pour ses cessions ou ses bœufs. Et enfin (il n'étaient que quatre en effet !) un guitariste sobre, sinon parfois même franchement limité, jouant de préférence sur une (petite) Gibson SG rouge (il avait aussi un frère jumeau Ronnie, ce qui a provoqué bien des interviews hilarants, le frère parlant au nom du guitariste). Bref, un assemblage plutôt hétéroclite de musiciens, même pour l'époque ! Vous avez bien sûr noté l'absence de bassiste dans le groupe : ce n'était pas Spinal Tap et ses batteurs, mais ça en était pas loin. Les Doors n'en avaient pas, en effet, de bassiste. Et c'est la main gauche de Manzarek qui faisait office de basse, sur scène, sur un petit piano Fender Bass gris à 32 touches surmontant son piano électrique, ou plutôt sur son Vox Continental préféré (dont il a toujours joué, jusqu'au dernier moment), un des premiers pianos entièrement transistorisé, le groupe en engageant à la volée pour les albums de studio (on en a répertorié 13 différents, dont Lonny Mack et Larry Knechtel, l'homme à tout faire des studios, mort en 2009, celui qui jouait de la basse sur "Mr. Tambourine Man" des Byrds e qui jouait aussi du piano chez les Beach Boys, ou sur "Bridge over Troubled Water" de Simon and Garfunkel !)... Manzarek utilisera aussi parfois un Arp Odyssey (Mk I - Model 2800), à 37 touches, sorti en 1972, comme synthétiseur (ce fut un des premiers - ici en démonstration- lui aussi pouvant faire la ligne de basses d'un morceau).
Un groupe c'est aussi une gueule, celle du leader. En France, on a eu Téléphone pour lequel j'avais des réticences jusqu'au jour où mes élèves de troisième m'ont emmené à un concert à Lille du groupe : j'y ai découvert de vraies bêtes de scène dont un Richard Kolinka monstrueux et un JL Aubert assez fantastique, qui ne m'a jamais déçu après en album, surtout en "Live". Les Doors avaient comme phare Jim Morrison, qui a lui tout seul faisait le show, et pas seulement qu'en exhibant son sexe sur scène. Il atttirait les foules, et pas non plus que les minettes venues admirer le nouveau sex symbol. Une belle voix, avant tout, capable de se casser sans complètement défaillir, sa marque de fabrique, et une gestuelle de fauve sur les planches. Il avait tout pour séduire et le fera sans vergogne, excès alcooliques compris.
Un bon groupe c'est un groupe qui écrit des standards. A savoir des morceaux qui repris par d'autres prennent leur envol pour une tout autre vie. En ce sens, celui rédigé en majeure partie par le guitariste, Robby Krieger, "Light My Fire", est un exemple parfait d'osmose de membres d'un groupe. Krieger, a tendance à hispaniser (cf "Spanish Caravan"), à la guitare (il était malade de Flamenco et avait commencé la guitare en jouant de l'hukulélé, on le sait et ce n'est donc pas un hasard si c'est une reprise talentueuse d'un chanteur et guitariste aveugle José Feliciano, avec sa version très laid-back, qui propulsera son titre au firmament. Bien écrit et bien composé, le morceau avait en fait déjà eu deux vies avant Feliciano : les programmeurs radio avaient charcuté la longue transition en pont musical imaginée par... Ray Manzarek, une intro au Vox Continental qui amenait lentement au feu censé dévoiler l'élue.. Ce ne sera pas le seul hic de la chanson, dont une phrase censée glorifier la drogue, était interdite de plateau TV, ce qui rendra fou furieux un présentateur furibard (Ed Sullivan) qui ne voulait pas que Morrison la prononce (celui-là pensait pouvoir dompter le Roi Lézard, sans doute !). Des programmateurs de radio qui au moins avaient privilégié le 45 tours original (en face B il présentait "The Crystal Ship") au 33 tours qui avait eu la fort mauvaise idée d'être gravé... presque un ton en dessous, car ne tournant pas assez vite... au final, miracle de la production discographique du moment, "Light My Fire" s'était ainsi retrouvé avec trois versions différentes sur vinyl : celle de l'album qui dure 7:06 minutes, hors vitesse, une version écourtée de radio faisant 4:40 et celle du "single" raccourcie à 3:07 (ici à la bonne vitesse !)...Pour ceux qui ont toujours de l'oreille, comparez donc, c'est édifiant !!
Un bon groupe se juge sur scène, et là il faut dire on sera assez frustré, la firme de disques, Elektra, faisant la bêtise de ne pas sortir tout de suite un enregistrement de 1968 assez monumental, mais en 1987 en vidéo tout d'abord pour faire patienter encore jusque l'année dernière pour le sortir en CD. Une honte, tant l'album est la meilleure prestation du groupe, qui joue soudé, les trois derrière Morrison suivant ses paroles à la lettre, qui par un roulement de batterie, qui par quelques notes fugaces de guitare, Ray Manzarek soutenant tous les morceaux au piano électrique. Une belle frustration aussi, l'album ne durant que 22 minutes. Le double sorti en 1970 étant une compilation bancale de cessions live bien trop fournie, où manque cruellement les invectives de Morrison, provocateur né (coupées par la firme de disques frileuse). C'est sur scène que le groupe a conquis son public, se faisant une réputation à la fois sulfureuse mais aussi de showmen, malgré je le répète l'évidente frustration qu'apporte un guitariste parfois bien maladroit.
Un bon groupe c'est un groupe qu'un cinéaste repère, choisissant un de ces titres pour souligner une scène qui deviendra culte, pour sûr. C'est le cas avec le dernier titre du tout premier album des Doors, sorti en 1967, l'Amérique étant alors en train de patauger en plein bourbier viet-namien. Les GI-s, sur leurs radios écoutent ça à tue-tête, et quand un réalisateur se met en tête d'évoquer à sa manière la folie guerrière qui s'est emparée des Etats-Unis, il choisit ce titre incontournable depuis : "The End". Impossible depuis d'imaginer le titre des Doors sans le hachage de pales d'hélicoptères et les scènes de désolation d'arrière-plan, une véritable... Apocalypse. L'année suivante, en 1968, alors que la jeunesse gronde dans le monde entier, Morrison, aux jambes tout de cuir vêtues, à l'Hollywood Bowl, lieu mythique en donnera une version plutôt... habitée, Krieger ratant son premier solo et n'étant pas renversant, loin de là, sur les autres, Manzarek et Densmore assurant, comme à l'accoutumée. A noter la phrase "father, yes son, i wanna kill you"... faisant partie de la chanson, prononcée par Morrison les yeux fermés : son père n'était autre qu'un officier de Marine embarqué dans un énorme mensonge militaire... celui du Golfe du Tonkin. La charge du fils contre l'armée sera encore plus acerbe dans "Unknown Soldier" de l'album de 1968, introduit par quelques notes glissées de Manzarek. L'album "live" de 1968, enregistré à l"Hollywood Bowl donnant une excellente version de "The End", étirée sur 17 minutes : à l'époque, on avait affirmé que Morrison était sous acide sur scène se soir-là. Or sa performance remarquable sur le titre empêche d'en affirmer la véracité.... ce que les musiciens eux-mêmes n'ont jamais confirmé.
Un bon groupe c'est aussi une série de disques qui ne déçoivent pas. Les trois premiers albums des Doors embarquent donc l'adhésion, par leur caractère varié, plus que par la dextérité réelle de chacun des musiciens : Krieger n'est pas un foudre de guerre, on l'a vu Manzarek (de son vrai nom Raymond Daniel Manczarek Jr avec un "c" en plus) à tendance à ressortir les mêmes plans académiques, ou répétitifs, à la limite le plus adroit du lot est bien le batteur, se dit-on, à les réécouter. Mais l'alchimie entre eux prend et fabrique quelque chose d'unique. Le son du Vox domine cependant et c'est ce qui donne le ton général du groupe : plus tard, Manzarek dira que lui aussi aimait le jazz, et qu'il y a du My Favorite Things de Coltrane dans son jeu... ce qui reste à confirmer, je l'avoue. Le groupe aura en fait une carrière courte car il n'a duré que... 8 ans, de 1965 à 1973, et a fondu littéralement à la mort de Morrison en 1971 : en somme les Doors ce n'est que 6 ans de carrière et 6 albums studios avec Morrison (le premier live, un double, sortant en 1970 et le second 17 ans plus tard, voire 42 ans pour le CD !). C'est court en effet comme carrière ! Ce qui se confirme dès le quatrième album, en tout cas, c'est que le 4ème opus est un échec, où le groupe se retrouve en panne réelle d'inspiration, malgré "Touch Me" qui fait un "hit" (admirons ici l'intro, faite par Manzarek, main gauche-main droite et le solo de sax de Curtis Amy !). Comble de manque de contenu, l'album ne fait au total qu'à peine 1/2 heure d'enregistrement (33 minutes !) !! C'est surtout après les quelques petits chefs d'œuvres qui ont précédé et qui n'ont pas pris une ride depuis : la version déjantée du classique de Kurt Weill "Alabama Song", l'entêtant "Love me two times", le superbe "People are strange", l'étonnnant et hispanisant "Spanish Caravan", l'entêtant "Hello I love you" (à la vraie basse bien ronde) etc... "Soft Parade" est revanche raté de tout en tout, les cuivres ayant absorbé toute l'énergie du groupe. Seul "Winshful Sinful" nous réconcilie avec le groupe. Vient la rédemption de "Morrison Hôtel", l'album suivant, d'où émerge de belles perles (le subtil "Waiting for the sun"), de petits diamants flirtant avec le jazz et les contre-temps ("Ship of fools"), et la préfiguration d'autres titres avec l'envoûtant "Indian Summer", qui préfigure par bien des aspects ce que l'on retrouvera dans l'album suivant par sa création d'atmosphère, la guitare évoquant à nouveau le trémolo de The End... celui de la perfection : le sixième seulement, en 6 années de carrière à peine.
Un bon groupe c'est celui qui commet un album parfait, genre American Beauty chez Grateful Dead par exemple (un album absolu !!!). Là aussi c'est net : LA Woman (à la pochette aux bords arrondis comme une diapo pour les collectionneurs !), est bien LE chef d'œuvre du groupe, de bout en bout, avec aucun morceau faible. Jamais le groupe n'a jamais été aussi bien enregistré (par l'ingénieur du son fidèle, Bruce Botnick le fils d'un violoncelliste de jazz), Manzarek ayant la bonne idée de laisser tomber le Vox pour un orgue véritable sur plusieurs morceaux, et les Doors ont reçu l'aide du bassiste Jerry Scheff , qui impulse un rythme étonnant à l'album avec un gros son bien rond (écoutez Love Her Madly !). Quant à Krieger, on a palié à ses faiblesses en engageant un second guitariste fort discret de nature, Marc Benno qui double pratiquement toutes les envolées du guitariste, ce qui est plutôt un bien. Le groupe tâte même du blues lent, façon jazzy : son "Cars Hiss By My Window", qui n'est autre qu'une variante du "Crawling King Snake" qui figure sur le même album, revu et corrigé façon Morrison : la partie de guitare y est magnifique de placement et de doigté. L'album possédant deux chefs d'œuvres absolus : "LA Woman" emmené par Manzarek et Krieger sur tempo lancinant de batterie de Densmore, et bien sûr l'incontournable "Riders on the storm", magnifique de bout en bout... commençant par quelques notes cristallines sur fond d'orage de Ray Manzarek, qui a retrouvé pour l'occasion son Vox fétiche.
Un bon groupe de rock à un son propre, que l'on reconnaît de loin grâce à une prise de son mémorable (ZZ Top a eu longtemps Terry Manning comme sorcier de studio). Les Doors enregistraient en fait dans un ancien garage, au plancher de ciment peint incliné (pour faire couler l'huile des moteurs !), sous la férule du même preneur de son, Bruce Botnick, qui les suivra constamment : une bonne partie du "son Doors" lui est due. Les conditions peuvent être jugées aujourd'hui rudimentaires raconte le preneur de son « La musique de The Doors était telle qu'elle ne pouvait pas être préparée à l'avance. Les fûts de la batterie ont été mis en place près du le mur, avec le dos de John à la partie qui a avait un évasement acoustique vers lui -. J'avais de très, très légères cloisons, qui avaient peut-être un pouce et demi d'épaisseur avec de la fibre de verre entre eux, un côté était en masonite avec des trous et l'autre côté il y avait un peu de tissu, de sorte qu'ils étaient essentiellement transparents, même si elles pourraient arrêter le son. Ray a été placé en face de John, en face la salle de contrôle, et Robbie était en face de John, et j'ai mis une autre de ces cloisons entre leurs deux amplis. Jim était juste derrière eux dans la cabine, afin qu'ils puissent se regarder en face l'un l'autre. " Les fûts ont été équipés de micros Sony C37, placés à la hauteur du front de Densmore dans le centre de son kit de batterie, ainsi que d'autres "37" retournés en opposition de phase sous la caisse claire et un micro "Salt Shaker" Altec-Lansing sur la grosse caisse Alors que des Telefunken U47 ont été utilisés pour enregistrer à la fois la guitare de Robby Krieger et l'orgue électrique de Ray Manzarek, le piano-basse étant en direct sur la console. Éprouvée et fiable, ce fut la technique de prise de son de Bruce Botnick pour les configurations variées avec une grande variété d'artistes." La console de mixage était fait main, à bouton rotatifs encore, construite par Allan Emig. Sur scène, le groupe avait tendance à surélever le batteur, et a utiliser un listing de micros bien traditionnels, alliant AKG, Seinheiser ou Altec, avec un goût pour les Shure SM57 pour les voix.
Mais en 1971, il est déjà trop tard, et Morrison, dévoré par ses démons, par l'alcool et la coke, s'en va échouer et briser son bateau de verre à Paris. "Condamné aux Etats-Unis pour "exhibition indécente", le chanteur des Doors s'est exilé à Paris au cours du printemps 1971. En rupture avec son groupe, il est venu y rejoindre sa petite amie Pamela Courson". Quand LA Woman sort, il est déjà mort ou tout comme : il vient de laisser le meilleur album de son groupe derrière lui. Au Père Lachaise. Et à partir de là, ce sera... la castastrophe. Jamais le groupe ne s'en relévera. "Other Voices" album posthume fera difficilement illusion malgré encore une bonne prise de son encore, et une belle balade : "Ship-W Sails chantée par Krieger. A la rigueur, "Hang on to your life" qui clôt l'album laisse envisager une voie possible, celle des balades jazzy, mais il manque au groupe... un véritable chanteur. L'album suivant," Full Circle" sera désastreux, pas moins, entre l'expérimental confus ("Verdilac") et la chanson de patronage ("Billion Souls") c'est un désastre absolu. Le côté jazzy de "The piano bird" sauve ce qui peut l'être, mais on est au bord de la variété : l'esprit du rock à quitté le groupe. Définitivement. Cinq ans après le groupe se reformera autour de poésies retrouvées de Morrison pour faire leur 9eme album, "An American Prayer" mais c'est pire encore que les deux précédents. La sauce magique ne prend plus et l'idée d'avoir fait chanter (ou plutôt réciter) un mort une très mauvaise initiative Le groupe ne sait plus rien faire de bien, et ses membres, individuellement, pareil, c'est cela la chose à retenir ; aucun des albums solos de Manzarek ou de Krieger ne vaut l'achat : c'est dramatique à constater, mais c'est ainsi : ensemble et derrière Morison il faisaient des merveilles. Et après, plus rien !!! Etonnant, une telle différence !!!
Morrison ad patres, on attend les autres au tournant, et c'est le fluet guitariste qui ouvre avec un "Robbie Krieger & Friends" en 1977 qui est plus que frustrant. Insipide, au son bien étroit, comme les albums qui suivront, tel que "Robby Krieger" (en 1985), encore moins bon : il n'y a rien à en sauver. L'album se bat entre mauvaise fusion et jazz de pacotille, et le son du synthé est.... insupportable !!! C'est Butts, en revanche, le groupe de fusion aux deux maigres albums (1974 et 1975) qui sauvera quelque peu la mise : peut-être bien parce que dedans il y avait Densmore, Krieger, dans Butts, paraît même bien meilleur que dans les Doors ! !! seul capable de fabriquer un groupe qui se tienne, à l'évidence chez les Doors, handicapés de la disparition prématurée de leur leader, mort, rappelons-le à 27 ans ! Jess Roden, chanteur anglais recruté pour Butts axant le groupe vers l'Europe et l'Allemagne en particulier plutôt que vers les Etats-Unis, ou le groupe tentera de se reformer dans les années 80 pour alimenter la marmite de Manzarek et Krieger, mais cette fois sans Densmore. Roden avait formé auparavant l'excellent Bronco. L'homme fera une carrière discrète entre Angleterre et Amérique, en vivant aux Bahamas, passant par le Compass Point Studios, avant de faire dans le graphisme : musicien prolixe, il a écrit plus de 800 morceaux ! A redécouvrir (en commençant par sa version fort réussie de "I can't get next to you", des Temptations, par exemple)
L'attirance des Doors pour la musique classique était connue : elle est même patente sur scène avec Spanish Caravan sur l'album Hollywood Bowl : c'est l'adaptation fort libre d'un morceau classique devenu un flamenco sous le nom de Granadinas, l'intro étant copiée d' Isaac Albéniz dans son morceau Asturias. C'est l'influence de Krieger, en la matière, mais chez Manzarek il y aura aussi ce goût pour le classique (qui en a tué plus d'un, dont John Lord, l'organiste tendance lourde de Deep Purple), et il se révélera calamiteux. J'en ai acheté des mauvais disques, mais il en est que je n'ai jamais poussé plus loin que le premier morceau. Il est toujours intact, en quelque sorte, aujourd'hui chez l'acheteur de ma collection de vinyles que je salue ici. C'est la version catastophe de Carmina Burana en version rock de 1983 faite par le clavier des Doors : un sommet de ridicule !!! Insupportable album !! ! Car c'est ça la fustration ultime : il n'y a pas un seul disque ou une seule prestation d'après Morrison d'un des acteurs d du groupe qui vaille. Là où un Stevie Winwood va commettre des perles avec des albums solos extraordinaires, Manzarek s'enfonce très vite dans la médiocrité la plus désarmante.
Densmore, le batteur au petit kit de batterie, est donc le cas à part de l'histoire : branché mysticisme et divers gourous, pratiquant la méditation transcendantale et devenu écologiste, il se battra des années pour que ni Krieger ni Manzarek ne puisse faire tourner des groupes sous le nom de Doors, ou pour que des publicités ne soient pas associées à des chansons des Doors : c'est lui encore aujourd'hui le gardien du temple, en fait.. Cela n'empêchera pas Manzark et Krieger de tourner ensemble jusqu'à une date récente, avec un chanteur calamiteux imitant maladroitement Morrison, hélas...(ici une autre version un peu plus audible). L'homme demeure... étrange, avec une vue perçante, une anecdote incroyable le confirmant, racontée ici par Wikipedia : "les Doors reçurent un disque d'or pour Waiting for The Sun et Jim Morrison cassa le trophée (par inadvertance ?). John Densmore regarda le disque et affirma que ce n'était pas un disque des Doors d'après les espaces entre les sillons sur le 33 tours. Placé sur un tourne-disques, le disque d'or révéla son secret : ce n'était pas une chanson des Doors". Finalement c'est peut-être ça, ce qui fait un bon groupe : l'espace entre les sillons. C'est peut-être aussi pour ça qu'il y en a aussi peu depuis l'avènement du numérique ??? Que reste-t-il "When the music's is over" (profitez-en pour écouter la célèbre basse main gauche de Manzarek, bien en évidence dans le morceau) ???
(*) un bon exemple ici de main gauche main droite sur Fender Bass et Vox Continental.
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