RD Congo – Beni : Seka Baluku ou l’alibi qui doit mourir
Les horreurs des massacres de Beni, dans l’est du Congo, ont déclenché une indignation internationale qui pose la question des coupables à punir. Depuis, les actions de l’armée (FARDC) et des autorités sont focalisées sur un homme, Seka Baluku, un des membres du groupe armé ADF accusé d’être responsable des massacres récurrent en territoire de Beni, depuis octobre 2014.
Qui est Seka Baluku ?
Seka Baluku est un des cadres des ADF originels, le mouvement des rebelles ougandais ADF que dirigeait Jamil Mukulu. Il est, au même titre que ses camarades des ADF originels, d’enlèvements, d'assassinats, et d'attaques violentes contre l’armée FARDC et la population civile. Mais de là à lui attribuer les massacres de Beni, la ficelle est un peu grosse.
Pour la petite histoire, en avril 2014, lorsque le général Jean-Lucien Bahuma marche sur Medina, le bastion du groupe armé ADF, en anglais FDA[1], cette organisation n’existe plus en tant que force militaire organisée. Seka Baluku et une poignée de ses combattants sont dispersés dans la brousse et n'ont même pas de quoi se nourrir. C'est alors qu'on voit arriver des hordes de tueurs à Beni sous le patronage du général Mundos, nommément cité dans au moins trois rapports d'enquête de l'ONU[2]. Les Congolais vont sûrement se sentir soulagés en apprenant que Seka Baluku a été tué, mais il y a longtemps que cet homme n'est que l'ombre de lui-même.
C’est devenu un alibi, le bouc émissaire idéal à qui sont attribuées toutes les menées criminelles à Beni.
Pour rappel, les ADF étaient une rébellion ougandaise en lutte contre le régime ougandais du président Yoweri Museveni. Cette rébellion a perdu ses ambitions suite aux bouleversements géopolitiques intervenus au Congo en 1996 suite à la guerre de l’AFDL. Le Rwanda et l’Ouganda envahirent le Congo sous la bannière de l’AFDL de Laurent-Désiré Kabila.
Selon plusieurs sources, Jamil Mukulu, en prison en Ouganda depuis mai 2015, s’exila à Kinshasa sous la protection du pouvoir de Kabila, puis à Nairobi, au Kenya.
Les massacres de Beni, déclenchés en octobre 2014, sont attribués aux « présumés ADF », une culpabilisation globalisante que la personne de Jamil Mukulu, encore moins de Seka Baluku, n’est vraiment en en capacité d’assumer. Le coupable idéal.
Bien entendu, compte tenu de son passé et de tout ce dont il a été témoin durant sa cavale dans les brousses de Beni, il y a peu de chance que Seka Baluku soit un jour présenté devant un tribunal. Son procès pourrait embarrasser bien des gens. Même la MONUSCO[3] risque d'être éclaboussée si Seka Baluku parle.
Pourtant, dans l'intérêt de la vérité et de la justice, il vaut mieux que Seka Baluku soit capturé et amené vivant devant un tribunal, ou qu'il se rende aux contacts de la CPI dans la région, un peu comme Bosco Ntaganda[4], pour que le monde puisse découvrir les vérités cachées sur les crimes de Beni.
Boniface MUSAVULI
Analyste politique et auteur
Ouvrages :
- B. MUSAVULI, LES MASSACRES DE BENI – Kabila, le Rwanda et les faux islamistes, amazon, juillet 2017, https://www.amazon.fr/MASSACRES-BENI-Kabila-Rwanda-islamistes/dp/152170399X ; l’ouvrage est aussi en version anglaise :
- B. MUSAVULI, CONGO’S BENI MASSACRES, amazon, juin 2018, https://www.amazon.fr/CONGOS-BENI-MASSACRES-Islamists-Occupation/dp/1983214744.
- B. MUSAVULI, LES GÉNOCIDES DES CONGOLAIS – De Léopold II à Paul Kagame, amazon, août 2017, https://www.amazon.fr/G%C3%89NOCIDES-CONGOLAIS-crime-lhumanit%C3%A9-Congo/dp/1549574213
[1] https://www.amazon.fr/CONGOS-BENI-MASSACRES-Islamists-Occupation/dp/1983214744/ref=sr_1_1?__mk_fr_FR=%C3%85M%C3%85%C5%BD%C3%95%C3%91&keywords=congos+beni+massacres&qid=1579438960&sr=8-1
[2] https://www.amazon.fr/MASSACRES-BENI-Kabila-Rwanda-islamistes/dp/152170399X/ref=sr_1_1?__mk_fr_FR=%C3%85M%C3%85%C5%BD%C3%95%C3%91&keywords=les+massacres+de+Beni&qid=1579438692&sr=8-1
[3] La mission de l’ONU au Congo, MONUSCO, a plusieurs fois été accusée par la population de Beni de complicité avec les tueurs.
[4] Bosco Ntaganda est un chef de guerre tutsi condamné pour crimes contre l’humanité par la Cour pénale internationale, en novembre 2019. Il s’est rendu à l’ambassade des Etats-Unis à Kigali en mars 2013 après avoir servi dans la guerre du M23 au Congo.
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