Référendum d’Initiative Partagée : les libéraux déguisés en socialistes

Alors que le référendum d'initiative partagée vient de dépasser le million de soutiens, il peut être intéressant de prendre du recul et de se demander qui est véritablement derrière cette procédure. En effet, le RIP contre la privatisation d’ADP, on trouve bizarrement beaucoup de libéraux partisans des privatisations. Leur opération de com anti-Macron leur sert finalement de paratonnerre et leur permet de se refaire une image de politiques soucieux du peuple alors que leur histoire, même très récente, montre qu’il ne s’agit que d’une posture politique trop visible pour faire illusion.
La photo de famille est inédite par son éclectisme politique et son élasticité idéologique : de l’extrême gauche à l’extrême droite. De La France Insoumise au Rassemblement national, en passant par les communistes, le Parti socialiste, Les Républicains et les centristes de l’UDI. Tous vent debout contre la privatisation d’Aéroports de Paris (ADP) et soutiens affichés d’un référendum d’initiative partagée (RIP) sur le sujet.
Ces parlementaires de tous bords seraient-ils réunis par une conviction commune sur le dossier ADP ? On peut sérieusement en douter. Depuis plus de trente ans, la droite libérale a privatisé à tour de bras lorsqu’elle a occupé le pouvoir ; on lui doit notamment la fameuse privatisation des autoroutes. Le programme du candidat Les Républicains à la dernière présidentielle, François Fillon, prévoyait d’ailleurs un gros plan de privatisations et une réduction massive du nombre de fonctionnaires. Les parlementaires de droite seraient-ils à ce point frappés d’amnésie ? Bruno Le Maire, leur ancien camarade, a beau jeu de les accuser de ne plus savoir où ils habitent.
Du côté des libéraux-sociaux du Parti socialiste, on a, semble-t-il, aussi la mémoire qui flanche et des convictions à géométrie variable. Le député PS Boris Vallaud, fer de lance du RIP, a lui-même supervisé la cession des aéroports de Lyon, Nice et Toulouse lorsqu’il était secrétaire général adjoint de l’Elysée sous François Hollande.
Tous ces libéraux de droite et de gauche semblent donc prêts à dissimuler leurs convictions pour exister et saisir l’occasion de s’opposer à Emmanuel Macron. Ils n’hésitent pas pour cela à s’allier avec leurs adversaires politiques pour lancer une vaste manipulation institutionnelle. Car de l’avis unanime des spécialistes et des observateurs, même si les 4,7 millions de signatures étaient réunies, le référendum n’aurait aucune chance de voir le jour.
Selon la Constitution, Emmanuel Macron n’aurait en effet l’obligation de convoquer un référendum qu’à une seule condition : « si la proposition de loi n’a pas été examinée par les deux assemblées » dans un délai de six mois après l’annonce de la collecte des signatures. En clair, il suffit que l’Assemblée nationale et le Sénat « examinent » le texte pour que le référendum n’ait pas lieu. On imagine bien que la majorité se saisira du sujet et dans la mesure où elle a déjà voté la privatisation d’ADP, elle n’a aucune raison de se dédire.
La démarche des parlementaires de l’opposition étant vouée à l’échec pour ces raisons institutionnelles, elle relève donc plus de l’opération de communication et de la manipulation que de la réelle démocratie participative. Elle risque d’ailleurs, quel que soit le nombre de signatures recueillies, de créer beaucoup de déception parmi ceux qui, de bonne foi, auront soutenu ce texte.
L’alliance politique de circonstance qui s’est formée à cette occasion, ce mariage improbable de carpes et de lapins, de libéraux et d’anticapitalistes, n’a pour seul but que de constituer un front anti-Macron. En détournant le RIP de son esprit – puisque la loi a déjà été votée par le Parlement – l’opposition souhaite faire le buzz autour des signatures et même en faire le baromètre de l’impopularité du président de la République.
Mais paradoxalement, cette manœuvre politicienne pourrait finalement faire le jeu du pouvoir actuel. En faisant de ce sujet un épouvantail et le symbole de l’anti-macronisme, l’opposition lui apporte en effet sur un plateau un paratonnerre, un instrument de diversion.
Des libéraux masquent leurs convictions pour exister et s’opposer à d’autres libéraux, mais pourraient bien finalement leur servir d’idiots utiles : on tourne vraiment en rond. La « belle idée » du RIP a vraiment du plomb dans l’aile et les citoyens sont une nouvelle fois les dindons de la farce. Ce dévoiement de la démocratie participative à des fins politiciennes ne rend pas service à la démocratie. Il ne faudra pas s’étonner si les citoyens, qui montrent déjà une grande défiance vis-à-vis des politiques, mettent à nouveau en cause la sincérité de leurs élus et s’en détachent encore un peu plus.
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