Relancer l’Europe maintenant !
La France vient de ratifier le Traité de Lisbonne, qui organise l’Europe à 27 pour les années qui viennent. Malgré l’absence de débat démocratique, malgré les critiques souvent justifiées, ce texte permet de relancer l’Europe.

Certains partisans du « non » au référendum de 2005 sur le traité constitutionnel ont critiqué, à juste titre, l’absence de débat démocratique sur l’adoption Traité de Lisbonne. Mais un nouveau débat aurait-il été clair et utile ? Le Traité de Lisbonne n’est pas si différent du Traité constitutionnel, disent aussi les nonistes. C’est également vrai. Valéry Giscard d’Estaing lui-même l’a reconnu et même revendiqué. Mais ce nouveau texte européen demeure ce qu’on peut attendre de mieux (hélas...) pour l’Europe, en ce moment.
Ce traité contient des avancées démocratiques. D’abord, le Parlement européen voit ses pouvoirs augmentés. A partir de 2009, les eurodéputés éliront le président de la Commission européenne (gouvernement de l’Union), sur proposition du Conseil européen (organe représentant les Etats). Jusqu’à présent, cette nomination était le fruit d’un marchandage entre les Etats, sans contrôle démocratique. A l’avenir, en toute logique, si les élections européennes donnent par exemple une majorité plutôt de gauche, le président de la Commission désigné dans la foulée ne pourrait pas être un libéral conservateur. Autre progrès démocratique : la politique de l’énergie, l’immigration et les dépenses agricoles ne pourront pas être adoptées sans l’aval du Parlement européen. C’est certainement une bonne nouvelle pour le développement durable. Enfin, le contrôle budgétaire de l’UE reste la prérogative exclusive des eurodéputés. Le système a fait ses preuves. Les députés européens sont donc confirmés comme rouage essentiel de la démocratie représentative dans l’Union.
Autre élément de transparence pour le citoyen : le conseil des ministres siégera en public, sous le regard des journalistes européens. Certains d’entre eux travaillent déjà très bien. Leur mission sera d’autant plus importante.
Pour décider les grandes orientations de l’Union, le vote à la majorité qualifiée remplacera l’unanimité dans certains domaines-clés, comme l’immigration ou les prestations sociales applicables aux travailleurs migrants dans l’Union. Le droit de pétition citoyenne est aussi inscrit, même si sa mise en œuvre reste à préciser.
Représentation de l’Union
Pour mieux identifier l’Europe, le Traité de Lisbonne prévoit deux nouveautés intéressantes. En ce qui concerne la conduite des politiques communes, les chefs d’Etats et de gouvernement désigneront un président du Conseil de l’Union pour une durée de deux ans et demi. C’est la fin des présidences tournantes de six mois, qui seraient un frein terrible dans une Union à 27. La France, qui prendra son tour en juillet, sera la dernière de l’ancien système. Sur la scène internationale, un « haut représentant pour la politique étrangère » disposera d’un vrai service diplomatique et d’un budget plus large. Ses missions seront précisées dès 2009. Le terme « ministre des Affaires étrangères », prévu initialement, a été abandonné sous la pression de la Grande-Bretagne. Ce que l’on peut regretter...
Dans le domaine économique et social, le Traité de Lisbonne impose, chaque année au printemps, la tenue d’un Conseil européen des ministres consacré à l’emploi. Et les objectifs communautaires doivent tenir compte des politiques sociales des Etats. Ainsi, un pays qui jugerait une directive européenne dangereuse pour sa protection sociale nationale aurait le droit de réclamer un nouveau projet commun.
Une certaine idée des services publics confirmée
Le rôle des services publics est réaffirmé (« services économiques d’intérêt général », selon le terme européen). Le financement et la mise en œuvre des services publics restent de la compétence de chaque Etat. Enfin, la Charte des droits fondamentaux acquiert une valeur juridique (sauf pour le Royaume-Uni, qui y déroge). Bien sûr, tout n’est pas parfait. Il y a même des contradictions difficiles à avaler : l’Union pourra notamment être présidée par des représentants d’Etats qui n’ont pas adopté l’ensemble du traité (Royaume-Uni, Pologne). Les vrais fédéralistes sont déçus ; le temps d’un gouvernement fédéral européen est encore loin. Quant aux nationalistes, ils continuent de dénoncer la perte de souveraineté, sans voir que la souveraineté des Etats d’Europe passe par une union politique renforcée.
Mais le plus important, c’est que la coordination des politiques européennes, urgente et nécessaire dans la mondialisation, est organisée et clarifiée. Et surtout, n’oublions pas que le Parlement européen est le coeur de notre démocratie commune. Les citoyens des 27 Etats de l’Europe sont appelés à désigner les eurodéputés l’année prochaine. A chacun de nous de réclamer, maintenant, un vrai débat européen. Les candidats aux élections municipales et cantonales, dont certains projets croiseront forcément les chemins de l’Europe, peuvent aussi être interpellés !
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