Religions, blasphème, la loi de 1905
De nouveaux articles sur Agoravox évoquent le blasphème pour comprendre les réactions et les menaces d'intégistes musulmans qui semblent ignorer qu'il ne peut y avoir blasphème que de la part d'un adepte. Le citoyen français de base ignore ce mot s'il n'est pas un adepte. Le terme ne devrait pas être employé dans une disussion générale sur Agoravox, sauf si l'article est écrit par un imam.
Chaque citoyen a dans sa sincérité le droit de critiquer telle ou trelle philosophie ou religion. Notre code pénal ignore le mot blasphème.
Personnellement, j'évite toujours une critique agressive contre quelle religion que ce soit. C'est tout simplement une attitude laïque recharchant la fraternité. Je conçois bien que si la République française est constitutionnent laïque, aucun citoyen n'est contraint d'être laïque, j'en donnerai plus loin une illustration.
La loi de 1905 fur une loi d'apaisement, nous en avons besoin aujourd'hui comme autrefois
Certes la loi de 1905 fut ressentie à tort par les catholiques comme anti religieuse, alors qu’elle n’est qu’anticléricale, le cléricalisme étant l’exigence catholique de donner tous les pouvoirs dans notre pays à des clercs, des prêtres, des évêques et de bloquer ceux des « non clercs » laïques. Les non clercs sont parfois appelés laïcs, il y a des laïcs non laïques et même antilaïques, nous le verrons plus loin.
Le clergé perd en 1905 son pouvoir hégémonique, sans que
La première résistance à l’hégémonie catholique liée à
Mais les rois ne vinrent jamais à bout de cette résistance, malgré les dragonnades de Louis XIV, partout dans notre Vivarais, les camisards (huguenots) vaincus continuèrent leur résistance dans leur famille, et dans des assemblées dites du désert (dans la nature, dans des grottes),
Cette résistance fut la brèche dans laquelle s’engouffrèrent les révolutionnaires de 1789. La déclaration des droits de l’homme et du citoyen d’août 1789, donne aux protestants et aux juifs la liberté de leur culte, les catholiques gardant bien sûr la leur.
En mars 1795
Napoléon Bonaparte renverse la situation, en 1801 après son coup d’Etat. Par un concordat la religion catholique redevient religion d’Etat, les prêtres sont des fonctionnaires salariés de l’Etat qui n’est plus
Cependant, le code civil, dit code Napoléon (1804) ne contient aucune référence religieuse.
Lorsqu’en 1902, les radicaux soutenus par les socialistes menés par Jean Jaurès obtiennent la majorité à l’Assemblée nationale, le concordat est toujours en vigueur. Emile Combes qui a formé le nouveau gouvernement ne fait pas avancer la séparation des églises et de l’Etat, il garde le concordat, pour conserver son pouvoir sur les évêques. Ainsi, il veut bien que l’Etat soit chez lui, mais il ne veut pas que l’Eglise soit chez elle, pour reprendre la formule de Victor Hugo
Revenons aux évolutions passées en matière d’Etat laïque.
La première constitution de
« Il n’y a plus ni noblesse, ni pairie, ni distinctions héréditaires, ni distinctions d’ordres, (j’en passe), ni aucune autre supériorité que celle des fonctionnaires publics dans l’exercice de leurs fonctions ».
La déclaration des droits de l’homme et du citoyen qui suit le préambule donne les mêmes droits à chacun. C’est l’égalité qui fait partie de la laïcité, celle-ci ne reconnaissant aucune supériorité d’un prétendu noble ou d’un chef religieux.
Peu après Olympe de Gouges proclame la « Déclaration des droits de
La séparation du droit civil, la loi des hommes, de la loi des religions entraînera le droit encadré à l’avortement, la gratuité de la contraception
En 1792, les registres des mariages et des naissances sont remis aux communes et ne dépendent donc plus des curés. C’est la création de l’tat civil. On introduit le divorce, que l’Eglise catholique interdisait.
C’est la première séparation déclarée de l’Eglise et de l’Etat.
Et un grand pas vers l’égalité constitutionnelle, laïcité et égalité sont inséparables, et ensemble permettent la fraternité entre individus égaux.
L’égalité est individuelle, seuls les individus sont titulaires de droits, pas les groupes quels qu’ils soient. Personne n’est ainsi laissé au bord du chemin.
Accorder des droits particuliers à des groupes comme au Royaume Uni, romprait l’égalité entre les citoyens, qui, en France ne sont nullement obligés de s’inscrire dans des groupes. Pas de communautarisme en France.
On en arrive en 1795 à un texte qui sera repris dans la loi de 1905. La constitution de l’an III dit en effet que « Nul ne peut être forcé de contribuer aux dépenses d’un culte.
C’était trop beau, la loi Guizot de 1833 qui institue les écoles publiques, y maintient l’instruction religieuse obligatoire.
Les Français vont vivre une marche à reculons, avec des lois réactionnaires
Il y a bien eu
La loi Falloux de 1850 organise le monopole des congrégations religieuses sur l’enseignement primaire, malgré la forte intervention de Victor Hugo à l’Assemblée nationale contre le parti clérical. Je cite Victor Hugo qui demande
« l’Eglise chez elle, l’Etat chez lui »
La loi de 1905 si longuement élaborée peut être abimée, trahie par d’autres messieurs Thiers, d’où notre vigilance.
Qu’expose cette loi ?
La loi de 1905 proclame en premier lieu la liberté de conscience : "
Elle pose en second lieu le principe de la séparation des Églises et de l’État : "
L’État se veut désormais neutre. Il n’y a plus du tout de religion légalement consacrée. Tous les cultes sont traités de manière égale.
Le régime de séparation a plusieurs conséquences, prévues par la loi :
- le budget des cultes est supprimé, à l’exception du budget relatif aux aumôneries des lycées, des hospices, des prisons, etc.
- Les aumôneries sont ainsi autorisées pour permettre le libre exercice des cultes dans les lieux publics fermés.
Les établissements publics du culte, jusque-là chargés de la gestion des cultes, sont remplacés par des associations cultuelles.
Ces associations doivent avoir pour unique objet l’exercice d’un culte. Elles ne peuvent pas recevoir de subventions publiques. Leurs ressources doivent provenir de l’argent des cotisations d’adhésion, des quêtes et des collectes pour l’exercice du culte.
L’Église catholique refuse de constituer ces associations, qui ne reconnaissent pas l’autorité de l’évêque.
Devant le refus de l’Église catholique de créer de telles associations, une loi de 1907 prévoit que tous les édifices catholiques deviennent propriété publique. Ils sont mis à la disposition des fidèles et des ministres du culte. Quant aux édifices postérieurs à la loi de 1905, ils sont la propriété des associations cultuelles ou diocésaines qui les ont construits.
En 1923 un compromis est trouvé et des associations diocésaines, placées sous la présidence des évêques, sont constituées ;
- les règles concernant le régime de propriété des édifices cultuels sont redéfinies. Restent propriétés de l’État, des départements ou des communes, les édifices religieux qu’ils possédaient avant la loi (notamment ceux nationalisés en 1789).
- Les édifices religieux qui appartiennent aux établissements publics du culte sont, pour leur part, attribués aux associations cultuelles.
- Ainsi, l’église est chez elle, elle a dans son sein tous les pouvoirs, et n’est plus assujettie au pouvoir politique, contrairement à ce qui se passait sous le Concordat qui n’en finissait plus. L’Etat est aussi chez lui, l’Eglise ne peut lui dicter ses lois. Victor Hugo est exhaussé.
Pour combien de temps ? Est-ce définitif ?
Des résistances à la loi de 1905, mais aussi des soutiens vont se manifester.
Xavier de Beauvais, ancien curé de la paroisse de St Nicolas de Chardonnet, conseiller doctrinal de l’association catholique intégriste « Civitas » a fait un discours intitulé « Sus à la laïcité » lors de la « Fête du pays réel », à Rungis, le 24 mars 2018 :
« Pas de laïcité dans nos quartiers. La laïcité, avec la loi de 1905, est un produit de
La laïcité est la peste de notre époque. On passe d’une société basée sur le catholicisme à une société basée sur le principe de la laïcité. Le pluralisme conduit à l’anarchie. Aujourd’hui
Nous notons la parenté de cette expression antilaïque avec celle du président Nicolas Sarkozy, dans la basilique Saint Jean de Latran, à Rome, je cite :
« Dans la transmission des valeurs et dans l’apprentissage de la différence entre le bien et le mal, l’instituteur ne pourra jamais remplacer le pasteur ou le curé, même s’il est important qu’il s’en approche, parce qu’il lui manquera toujours la radicalité du sacrifice de sa vie et le charisme d’un engagement porté par l’espérance ».
Sarkozy est un laïc antilaïque et
Curieux rapprochement, Hitler, dans son discours du 26 avril 1933, précise, je cite :
« Les écoles laïques ne doivent pas être tolérées, car elles ne dispensent pas l’instruction religieuse, et une éducation morale sans fondement religieux est construite sur du vent. En conséquence, la formation du caractère doit venir de la foi, nous avons besoin d’un peuple croyant ».
Le nazisme s’en prenait aux Francs-maçons, comme Xavier de Beauvais.
Xavier de Beauvais, Hitler, même combat ?
Dans la même Fête du Pays réel, Virginie Vota, écrivaine catholique anti féministe, royaliste, affirme
« Le féminisme est la conséquence inéluctable du renversement de l’ordre naturel »
Les tenants de la fin de notre République laïque, ne doutent de rien, « l’Action française » du 20 octobre 2011 titre ; « 2012, en finir avec
D’un autre côté, les intégristes musulmans ne veulent pas de la loi des hommes.
Le journaliste ancien grand maître du Grand Orient de France Patrick Kessel, le 28 novembre 2015, à Lyon s’exprime dans un colloque organisé par l’Union Régionale des Fédérations des Œuvres Laïques de Rhône Alpes et le Cercle Condorcet.
« Nous affrontons une idéologie qui est fondée sur la haine de l’Occident, une idéologie qui repose sur la peur des femmes, qui se développe sur la haine de la vie, et c’est surtout une idéologie qui prend une immense majorité de musulmans en otages, qui cherche à développer la guerre civile.
Nous sommes pris en étau entre d’un côté la montée d’un islamo-fascisme qui veut draguer nos jeunes paumés, et de l’autre côté la montée d’une extrême droite qui se sert de la peur suscitée pour essayer de gravir les échelons du pouvoir.
Ce que constatait Joseph Kessel en 2015 est malheureusement illustré, en ce mois de décembre 2021 par les déclarations de candidats à la présidentielle 2022 !
Faut-il donc désespérer ?
Non, car les défenseurs de la laïcité sont nombreux ; toutes les loges maçonniques, des philosophes ayant une large audience comme Henri Pena-Ruiz, Monique-Carillon, présidente de l’association « Chrétiens pour une Egalité dégagée de l’Ecole confessionnelle (CEDEC), Pierre Jourde, Professeur à l’Université de Genoble/Valence, Caroline Fourest, Michèle Vianès de Caluire (Rhône), qui au plan mondial, à l’ONU, fait avancer l’égalité hommes femmes.
En cette fin 2021, les manifestations de défense de la laïcité se multiplient.
Et bien sûr, nous tous et nous toutes réunis pour célébrer à Ucel cet anniversaire du 9 décembre, celui de la loi de 1905.
Suite à l’assassinat de Samuel Paty, Henri Pena-Ruiz écrit le 22 octobre 2020 dans « Marianne »/
« On ne peut se taire devant l’infamie d’un acte barbare qui s’en prend à l’humanité de l’homme, à l’école, à
La première de ces causes, c’est l’abandon graduel de la lutte culturelle contre le détournement de sens imposé par les Frères musulmans, qui ont voulu appeler islamophobie le racisme qui s’en prend aux personnes. Ce n’est pourtant pas le vrai sens du terme, qui veut dire la peur de la seule religion musulmane. Cet abandon est une lâcheté aux lourdes conséquences, dont entre autres la violence mortifère présentée indûment comme une résistance légitime.
La deuxième cause, c’est le rôle néfaste de certains parents d’élèves, pour l’instant minoritaires, qui, au nom de leurs traditions, refusent à l’école laïque son rôle émancipateur. Ce faisant ils nuisent à leurs propres enfants.
La troisième cause, c’est une lâcheté d’un autre type : celle d’une hiérarchie administrative obsédée par le souci de ne pas faire de vagues, qui en vient à désarmer la volonté d’émancipation des enseignants.
Il n’est pas étonnant qu’aujourd’hui dans les grandes agglomérations de nombreux enseignants du secteur public cherchent à changer d’emploi, et que les concours d’accès au professorat manquent de candidats.
C’est sur les jeunes qu’il faudrait pouvoir compter.
Proviseur du Lycée Lumière à Lyon, j’ai vécu en mai 1987 une extraordinaire manifestation de laïcité réinventée même si elle n’a alors à aucun moment été nommée.
Le lycée Lumière, à la frontière de Vénissieux, recrute des élèves du sud du département et d’un collège de Saint-Priest. Mon bureau est toujours ouvert, sans rendez-vous pour les élèves.
Un matin, au moment de la récréation, une jeune fille de 17 ans d’origine algérienne, se présente pour solliciter mon aide. Ses parents lui ont annoncé qu’elle va épouser en Algérie quelqu’un que d’ailleurs elle ne connait pas. Ceci avant son bac de Français, mais l’important n’est pas là. Je suis devant un mariage forcé qui s’annonce.
Je lui promets de m’en occuper, je lui explique que ses parents ne sont pas dans leur droit, elle est française, et la loi ne permet pas cela.
J’organise le soir même une réunion des professeurs de sa classe et des délégués élèves de sa classe. Tout le monde est outré, je demande à être immédiatement informé dès le début de la première heure où elle serait absente.
Cela ne tarda pas
Je téléphone chez elle, c’est sa mère qui répond et qui me dit que Messaouda est malade. Je lui demande de me la passer, Messaouda me confirme qu’elle est malade. Je lui dis que ça tombe mal avec le bac, et des papiers à faire et je lui dis : « je vais arranger ça « je m’occupe de tout ».
Dès 9 heures je téléphone aux services du procureur de
Pas de nouvelle à midi. J’appelle les services du ministère de l’intérieur, mon interlocutrice est très attentive à mes explications, elle s’en occupe immédiatement.
A 17 heures le commissariat de police m’appelle, je dois venir m’occuper de récupérer la jeune fille rapidement car ils ferment à 18 heures.
Logé au lycée, je vais chercher mon épouse qui m’accompagne. Nous trouvons la jeune fille en pyjama, pieds nus, boitillant.
Les policiers bloquent la circulation derrière moi, me demandent de ne pas m’arrêter. Retour sans problème. Mon épouse donne aussitôt un change de vêtements à la blessée. Elle dîne avec nous, mais sans appétit, bien tristement. Elle raconte. Les billets d’avion étaient pour le lendemain. Sa mère avait été intriguée par ma phrase au téléphone « je m’occupe de tout ». Messaouda avait compris mais n’avait rien expliqué. Elle fut donc enfermée à clef dans sa chambre.
Elle tenta de s’enfuir en sautant du balcon, (un demi-étage). Mais ses deux frères l’ont vue et l’ont ramenée à la maison.
J’accompagne Messaouda à l’infirmerie où Madame Pornet prendra soin d’elle, dans l’une des chambres d’isolement. J’informe les filles pensionnaires de sa classe. Madame Lamy, conseillère d’éducation chargée de l’internat, organise son admission à l’internat.
Des filles de sa classe de toutes obédiences religieuses ou philosophiques lui fournissent des vêtements et la reçoivent à tour de rôle en week-end chez elles. Elle partira même en vacances en août avec une famille.
La caisse de solidarité du lycée l’équipe d’un cartable, de classeurs et autres fournitures. Ses professeurs lui fournissent des photocopies des cours récents faites au CDI.
La solidarité est générale. Cette fraternité sans frontière rend tout le monde heureux. La jeunesse vient sans la nommer de réinventer la laïcité.
C’était l’époque des « TUC » avec un demi SMIC pour 20 h de travail par semaine, Messasouda peut payer son internat, c’est facile le lycée a son autonomie financière. Je l’embauche à mon secrétariat, et Madame Autran, secrétaire l’initie à l’informatique élémentaire. Elle travaillera là pendant les petites vacances, et déjà tout le mois de juillet, à plein temps (elle est seulement élève les jours de classe).
Plus tard sa famille la reprendra, elle se mariera, et bien sûr je la perdrai de vue.
Je me souviendrai de cet épisode en 1993 au lycée et CFA hôtelier avec internat de Dardilly. A Lumière j’avais un peu pataugé, il s’en est fallu de peu pour que Messaouda puisse être empêchée de prendre l’avion.
Une apprentie qui était régulièrement violée par son oncle, son père la lui livrant moyennant finance, vint à mon bureau pour m’indiquer qu’elle ne supportait plus sa situation, et me demanda quelle aide je pouvais luis apporter. Elle avait peur que sa sœur, un peu plus jeune qu’elle, subisse le même sort. Je l’accompagnai immédiatement à l’infirmerie pour son hébergement, ce que j’aurais dû faire pour Messaouda.
J’alertai l’assistante sociale qui plaça l’intéressée à
Claude Barratier
(conférence du 9 décembre 2021 à Aubenas (ardèche)
P.S La loi de 1905 n’est pas appliquée partout. Sept territoires d’outre-mer : Guyane, Mayote, Saint-Pierre-et-Miquelon, Polynésie française, Wallis-et-Futuma, Nouvelle-Calédonie et Terres australes ne sont pas soumis à la loi du 9 décembre 1905 comme les départements du grand Est de
52 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON