Rémy Salvat : combien de morts avant une véritable réforme de l’euthanasie ?
La décés de Rémy Salvat vient donc s’ajouter à la longue liste de ceux à qui l’on refuse obstinément d’accorder un droit à mourir dignement. Situation choquante à bien des égards, sur le plan philosophique, moral, et enfin politique. Combien de morts faudra t’il pour qu’enfin le législateur se penche honnêtement sur la question et introduise une véritable euthanasie dans notre droit ?
![](http://www.agoravox.fr/local/cache-vignettes/L300xH451/remy-salvat-9528f.jpg)
Sur un plan philosophique et moral (non, ne partez pas tout de suite, je parle de politique plus bas), je n’ai jamais compris au nom de quoi l’Etat devait décider à notre place si, en cas de maladie incurable, on pouvait mourir ou pas. Le choix de la mort étant par essence une question personnelle, en quoi cette super structure est elle concernée ? D’un autre coté, en quoi la société devrait m’imposer ses choix sur cette question ? Que ceux qui sont contre ne la pratique pas, je ne leur impose pas mes choix philosophiques, et leur demande de faire de même !
La liberté de mourir ou de vivre est la dernière - et ultime – liberté d’un individu. Il est donc parfaitement intolérable que la réponse à ce choix soit le fait d’autrui (je ne suis donc pas, comme cela peut se faire dans certains pays, pour l’euthanasie des personnes ne l’ayant pas manifestée explicitement). C’est à moi, et à moi seul, que doit incomber ce choix.
En France, après le décés de Vincent Humbert, la législation a évolué vers une réformette dont nos politiciens ont le secret, et dont Marie Humbert indiquait qu’elle n’aurait strictement rien changé dans le cas de son fils. Retour à la case départ, donc.
Pourquoi ses atermoiements de la part des politiques, alors même que la société est dans une trés forte majorité pour la pratique d’une euthanasie responsable (épargnez-moi de vous sortir les multiples sondages univoques sur la question) ?
Je pense pour ma part que la principale raison est ce cancer mental qu’est la religion. Au nom des commandements catholiques on refuse ce que la Bible interdit. Pour le coup, je ne tirerai pas sur Boutin, me contentant de souligner que sa présence dans le gouvernement est significative. Nos élites, qui sortent du même moule judéo-chrétien, font passer leur conviction religieuse avant l’intérêt général. Le Pt de la République ne dit pas autres chose quand il répond à Rémy Salvat “ Pour des raisons philosophiques personnelles, je crois qu’il ne nous appartient pas, que nous n’avons pas le droit, d’interrompre volontairement la vie" Il est vrai que cela ne manque pas de sel de la part de quelqu’un qui côtoie les dictateurs de la planète en échange d’espèce sonnantes et trébuchantes, on voit à quel niveau se situent ces “raisons philosophiques personnelles” !
La deuxième raison que j’y vois est l’abscence de réalisation du principe d’apprentissage des petits chats : quand on a le nez dedans, on obient une véritable réaction. L’histoire politique française l’a démontré à de nombreuses reprises, les parlementaires/gouvernements ne se préoccupent d’un sujet qu’à partir du moment où ils sont directement concernés (usine qui se vide = électeurs pas content, parlementaire en tôle = on se préoccupe un peu plus du sort des prisonniers etc ...). J’admet que je ne connais pas l’ensemble des vies de la pseudo élite qui nous gouverne, mais je doute que ces gens aient été souvent confrontés à la question de l’euthanasie dans leur environnement familial.
Cet article est également l’occasion de citer Roseline Bachelot, pour qui il ne faut pas"légiférer sous le coup de l’émotion". Là encore, faire parti d’un gouvernement qui fait preuve d’une véritable diarée législative dès qu’un papillon produit un battement d’aile dans une obscure commune du pays et tenir ce discours serait assez ironique si le sujet n’était aussi grave. On peut même parler de véritable cynisme, lorsque la ministre croit bon d’ajouter que la loi sur la fin de vie n’est “pas suffisament connue”. Rémy Salvat aurait donc été un ignorant, peu au fait de la législation sur cette question, merci madame la ministre, vous pourrez retourner à vos projets de déremboursements des maladies de longue durée.
Pour revenir à Rémy Salvat, son décés fait directement suite à une lettre en réponse de Sarkosy dont je n’ai pas pu trouver l’intégralité (si quelqu’un l’a et peut la poster dans les commentaires...).
Il s’en explique dans une cassette audio, qui a été partiellement dévoilée dans un reportage de France2. Je tiens au passage à signaler que je ne cautionne pas la méthode puante du journaliste de Rance2, qui utilise des images d’une mère en pleurs pour tomber dans le registre compationnel, et faire monter l’audience du JT, bien loin d’une analyse de fond sur le sujet, mais enfin, s’il fallait demander aux journalistes de devenir des journalistes d’investigations, où irait la télévision d’Etat ?
Voici la lettre que Mr Salvat a envoyé le 24 mai dernier au Président de la République
Monsieur le Président,
Je sais qu’un jour, je vais perdre mes moyens.
Je ne pourrai plus marcher mais aussi plus utiliser mes bras et mes mains. Ma mémoire sera aussi tombée et je ne sais pas si je pourrai encore lire ...
Mais mon coeur et mes poumons tiendront le coup. On pourra me maintenir en vie pendant des annéesen me fournissant [NDR : pas sur que ce soit “fournissant”] par exemple une sonde.
Je ne veux pas rester comme ça, je ne veux pas que l’on m’oblige à vivre en m’abandonnant à mon corps si j’en suis prisonnier. Comme Vincent Imbert, je demande à ce moment qu’on me permette de mourir pour me libérer de mes souffrances.
Je sais qu’en france, il n’y a pas de loi qui permette aux équipes médiales de pratiquer l’euthanasie. Ça m’empêche de vivre en paix ...
Alors, j’ai demandé à ma mère d’avoir le courage de m’aider à partir quand je serai trop malade. Mais je sais que je lui demande quelque chose de terrible pour une maman. Il faut que la loi change !
Le problème est que vous, Monsieur Nicolas Sarkosy, vous ne voulez pas en entendre parler. Moi, Rémy Salvat, je vous demande laisser de coté votre avis personnel et d’arréter d’être sourd. Vous le pouvez, si vous êtes Président de tous les français.
Rémy Salvat
ps : à mon insistance, mes parents vont écrire ceci : Monsieur le Président, je vous demande d’avoir du courage. Vraiment. Et [illisible] de ne pas être sourd, de pas vous laisser influencer par ceux qui ne sont pas directement concernés. Contactez-nous, nous les malades !! Merci d’avance.
Ce à quoi NC répondait le 6 aout entre autre “Pour des raisons philosophiques personnelles, je crois qu’il ne nous appartient pas, que nous n’avons pas le droit, d’interrompre volontairement la vie" "Mais je ne veux pas fuir mes responsabilités (...) Je voudrais que soit privilégié le dialogue au chevet du malade, entre lui-même, le médecin et la famille, en toute humanité afin que soit trouvée la solution la plus adaptée à chaque situation."
Je laisse à chacun le soin d’en tirer ses conclusions. Pour sa part, Rémy a considéré qu’on lui refusait l’aide dont il avait besoin, et a décidé de mettre fin à ses jours.
L’affaire Salvat aurait pu s’en tenir là, si le parquet de Pontoise n’avait décidé de demander une autopsie la veille des obsèques. Il est vrai qu’avant d’être diminué par sa maladie, Rémy a sans doute gagné une fortune, ce qui rend son décés éminement suspect, d’autant que sa mère avait déjà tenté de mettre fin à ses jours lorsqu’il avait neuf ans. Son fils lui en a alors voulu .. de ne pas être allée au bout. Elle fut mise en examen pour tentative de meurtre, avant qu’un non-lieu soit heureusement prononcé.
Combien de Chantal Sébire, de Vicent Humbert et de Rémy Salvat faudra t’il pour que nos politiciens admettent que la loi existante ne suffit pas, ne vas pas assez loin, ne répond absolument pas à la question posée ainsi qu’aux besoins des malades, et qu’il serait grand temps de mettre en place un système qui permette une mort digne et sans souffrance ?
Témoignage de l’avocate et proche de la famille
Témoignage de Régine Salvat, la mère de Rémy
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