Renault/Nissan/Mitsubishi : クーデター , Kūdetā, Coup d’Etat, coup fourré et jeu de Go vers le prochain renversement de l’alliance industrielle

Un accident de parcours - véritable accident industriel majeur , pour user ici d'une expression souvent galvaudée -, vient de se produire, pourtant prévisible, inéluctable, imputable au « toujours plus », aux limites sans cesse repoussées de la course à l'argent et à la cupidité qui a constitué le prétexte et l'outil imparable pour prendre un personnage important à sa propre faiblesse et le faire chuter.
I-Question de culture
Renault, l'Etat, seront-ils en mesure de comprendre, auront-ils le courage de se poser la bonne question pour avoir la bonne réponse ? Ont-ils suffisamment de culture japonaise pour réaliser qu'avec ce qui est en train de devenir "l'Affaire Carlos Ghosn" nous sommes en train d'assister à une histoire digne d'un film de gangsters Yakuza sur fond de contrôle d'un empire industriel automobile planétaire dans lequel un lieutenant -Hiroto Saikawa, Numéro 2 de Nissan -, vient de terrasser son Oyabun, ou à une échelle poilitique un daimyō (大名 ) vient de renverser le shōgun (将軍 ) ?
L'industrie automobile japonaise vient en effet de jouer un coup de Go magistral auquel la direction de Renault n'a probablement rien compris si l'on considère - hypothèse de travail-, qu'elle n'a manifestement pas vu venir le coup et que ses dirigeants n'ont probablement pas suffisamment réfléchi à un "après Carlos Ghosn", fidèles à l'habitude bien ancrée en France de ne jamais faire de l'ombre à un dirigeant s'estimant à son tour issu d'une cuisse jupitérienne.
Un moyen immédiat de contrer l'action mise en oeuvre par traîtrise de "l'allié" de Yokohama serait de réagir sans tarder, d'exiger la communication de l'ensemble du dossier monté à l'encontre de Carlos Ghosn, de ne pas s'excuser, de ne prêter le flanc à aucune allégation, et de lancer de manière violente une accusation d'espionnage ou de capture industrielle destinée à capturer un Ninja (dont on connaît le Clan et donc le commanditaire) pour mettre en défaut - usant à son tour de la plus parfaite mauvaise foi dans le cadre d'un rapport de force -, l'honneur et la responsabilité d'un "partenaire ami, un Allié", en réalité un traître au service, pourquoi pas ? du MITI , le Ministry of industrial trade and industry, ou ministère de l'industrie et du commerce extérieur japonais ( 通商産業省 Tsūshō-sangyō-shō).
II-La règle du jeu
Une partie de go se décompose en 3 phases : le Fuseki, le Chuban et le Yose, correspondant à l'ouverture, au milieu de partie et à la finale.
Lors du Fuseki, les joueurs vont prendre peu à peu position globalement sur le goban, le tapis, la grille sur laquelle va se dérouler la partie.
Il s'agit en l'espèce de l'enjeu que représente l'alliance Renault/ Nissan/ Mitsubishi.
Le milieu de partie (Chuban) constitue ensuite un moment critique durant lequel les 2 joueurs s'affrontent directement sur le contrôle de certaines zones. C'est le temps de la mise en œuvre du plan stratégique de chaque joueur : quelles zones contrôler, attaquer, renforcer.
Il s'agit de cibler l'ennemi, de voir ses faiblesses, de le surprendre et de le terrasser en l'enserrant dans une nasse, une grille dont il ne pourra pas ou plus s'échapper. Tous les moyens sont bons, y compris à ce niveau les moyens officiels, étatiques, les liens que la partie japonaise entretient avec le pouvoir politique et industriel.
La construction progressive de cet espace avantage ceux qui sauront appréhender l'ensemble des forces, des influences, des mouvements d'ensemble, surtout s'ils préparent leur coup dans l'ombre en "montant" un dossier fiscal implacable.
Puis on revient en fin de partie (Yose) à une partie plus technique, où les territoires sont consolidés, les frontières stabilisées.
Nous n'en sommes pas encore à ce stade et l'avenir montrera si la France, l'Etat, Renault, sauront se défendre et mener une contre-attaque victorieuse.
III-Le Shogun et ses failles
Carlos Ghosn n'est que l'instrument d'une stratégie industrielle, d'un coup de canif donné dans une alliance dont tout porte à croire qu'elle ne convenait plus à l'un de ses partenaires.
Carlos Ghosn, clé de voûte et verrou de cette alliance, était un obstacle à écarter.
Carlos Ghosn qui s'est ainsi littéralement fait piéger et « choper par la patrouille » est à l’image de ces acteurs du grand banditisme que montre le cinéma et qui se disent qu’ils se rangeront des voitures après avoir « tenté le dernier coup », le dernier hold-up, celui qui signera en réalité leur échec final plutôt qu’une retraite dorée.
Carlos Ghosn, auteur et victime d’un accident capitalistique qui n’a rien d’anormal dans la mesure où le recherche et la maximisation du profit ne sont que la face dévoyée d’un enrichissement dépourvu de ce qui en des temps normaux et avec des comportements normaux n’aurait rien d’anormal, Carlos Ghosn vient donc de faire une sortie de route et d'envoyer sa bagnole dans le ravin tout en mettant gravement en péril les actifs industriels de l'Etat.
On l’oublie trop souvent, mais il n’est pas interdit de gagner de l’argent. Il n’est pas non plus interdit d’en gagner beaucoup pourvu que cela se fasse de manière honnête, dans le respect de dispositions légales, certes, mais plus encore dans l’intérêt bien compris de ne jamais basculer dans l’excès dont chacun sait que la définition comme la frontière sont élastiques, jusqu’à un certain point : celui du rappel à la Loi, jusqu'au moment où survient cette autre règle implacable propre au Capitalisme et qui énonce que les choses ont un temps et que les situations ne sont jamais acquises pour qui que ce soit.
La jungle capitalistique obéit à des règles très strictes qu'elle respecte à la lettre : elle dévore ceux qui la gênent.
IV- Carlos Ghosn vient d’être rappelé à la Loi.
Une double loi : celle des dispositions légales qui interdisent de franchir la ligne pourtant claire des « optimisations fiscales" excessives qui finissent toujours par porter l’étiquette de fraude fiscale, mais aussi celle d’une régulation mystérieuse propre au fonctionnement interne de la machine capitaliste qui veut qu’à un moment donné Mammon (dont on sait qu’il est un dieu très exigeant), détruit celui dont le comportement peut désormais menacer l’ordonnancement disharmonieux des flux financiers et de l’accumulation de ce qu’on appellera « les richesses ».
Carlos Ghosn, le talentueux patron de l’alliance Nissan-Renault-Mitsubishi qui revendique le titre de premier constructeur assembleur automobile mondial, avec 10,6 millions de voitures vendues en 2017, a été arrêté à Tokyo et placé en garde à vue, ainsi que le rapporte notamment le quotidien japonais Yomiuri Shinbun. Les réactions des places boursières ont été immédiates et irraisonnées avec une baisse de plus de 10% du titre du groupe Renault à la Bourse de Paris, la Bourse de Tokyo ayant été fermée pour éviter un dévissage incontrôlé des cotations.
V- Une bulle méphitique
Une bulle méphitique vient en effet de remonter et d’éclater à la surface du bayou, confirmant semble-t-il des rumeurs suggérant que le PDG de Renault-Nissan aurait dissimulé depuis longtemps une partie de ses revenus au fisc.
En juin 2017, l’agence Reuters révélait déjà que l’alliance industrielle réfléchissait à un système de bonus cachés pour ses dirigeants, via une société installée aux Pays-Bas, ce que Carlos Ghosn avait démenti.
Sans attendre, le groupe Nissan – qui a procédé à une enquête interne lancée à la suite d’un lanceur d’alerte –, reproche désormais à son dirigeant de nombreuses malversations constitutives d’abus de biens sociaux pour avoir utilisé des biens de l’entreprise à des fins personnelles, tous agissements entraînant sa démission de ses fonctions de président non exécutif.
Il lui est en effet reproché d’avoir « pendant de nombreuses années déclaré des revenus inférieurs au montant réel », affirme la direction de Nissan, parlant de 5 milliards de yens (38 millions d’euros) dissimulés pendant cinq ans, à compter de 2011. Les informations proviendraient d’une enquête interne lancée à la suite d'éléments rassemblés par un lanceur d’alerte ou à tout le moins qjuelqu'un d'informé qui a probablement reçu toute licence d'ouvrir le feu.
On rappellera qu’en 2017, le cumul des rémunérations de Carlos Ghosn chez Nissan et Renault – salaire fixe, variable et stocks options additionnés – était officiellement 13 millions d’euros, plus d’un million par mois. En février 2018, le même Carlos. Ghosn avait accepté de baisser sa rémunération de 30%, une condition imposée par l’État actionnaire (la France) afin que ses administrateurs votent sa reconduction pour quatre nouvelles années, décision adoptée encore de justesse l’année précédente malgré un refus de vote initial.
VI-Règlement de comptes ou rééquilibrage industriel ?Les deux, naturellement !
Le marché ayant accordé toutes ses faveurs et largement récompenseé les talents de celui qui avait su redresser Nissan, Carlos Ghosn personnifiait son alliance avec Renault et préparait une intégration encore plus poussée au sein de l’Alliance qui emploie 470.000 salariés.
Son déboulonnage pose de nombreuses questions. En France, le Parquet national financier (PNF) affirme « qu’aucun dossier n’est ouvert aujourd’hui à l’encontre de Carlos Ghosn ». Restons sérieux trois secondes et considérons qu'à pareil niveau (d'ordre diplomatique) il n'y a aucun doute doute que si la procédure japonaise demandait des actes judiciaires en France, cela pourrait conduire à ouvrir plus que pour la forme une « enquête miroir » pour prévenir tout autre dérapage intempestif dans la révélation de turpitudes ou d'informations sensibles.
« Il faut une gouvernance intérimaire », a affirmé le ministre sur FranceInfo, au lendemain de l’arrestation à Tokyo du PDG, accusé de malversations par la justice japonaise. Pour rappel, l’État détient 15 % de Renault.
L’alliance Renault-Nissan est le premier constructeur automobile au monde, a déclaré Bruno Le Maire. Notre priorité, c’est la stabilité de Renault et de l’alliance Renault-Nissan. Il faut que soit mis en place, le plus vite possible, une gouvernance intérimaire #8h30Politiquepic.twitter.com/mFyaCqzLbo
— Bruno Le Maire (@BrunoLeMaire) 20 novembre 2018
« Nous n’allons pas demander le départ formel de Carlos Ghosn au conseil d’administration pour une raison simple : nous n’avons pas de preuve (l’accusant) », a encore déclaré le ministre.
https://www.bbc.com/news/business-46271048
https://www.ctvnews.ca/business/arrest-of-nissan-s-ghosn-in-financial-probe-stuns-japan-1.4184242
https://www.ctvnews.ca/business/nissan-chairman-arrested-in-probe-of-financial-misconduct-1.4182647
M. Le Maire a précisé qu’il se réunirait « avec les administrateurs de l’État au sein du groupe, ainsi que l’administrateur de référence Philippe Lagayette, « pour leur demander de mettre immédiatement une gouvernance intérimaire puisque M. Ghosn est aujourd’hui empêché de diriger l’entreprise ».
Renault étant bien entendu parfaitement informé des informations diffusées par Nissan, la véritable raison de l’éviction de Carlos Ghosn est encore à chercher dès lors que ce n’est rien d’autre que l’avenir de l’alliance industrielle et financière du groupe automobile qui est désormais en jeu.
Si Renault a contribué à relancer Nissan au début des années 2000, le constructeur japonais a depuis quelques années repris suffisamment du poil de la bête pour exprimer des velléités d’indépendance et reprendre ce qui lui a un temps échappé.
D'où ces questions auxquelles il va falloir répondre :
L’Etat a-t-il venu venir le coup ou serait-ce que les partenaires industriels japonais ont décidé de se séparer d’un acteur industriel devenu trop puissant en lui retirant le tapis sous les pieds par le biais d’une procédure fiscale et pénale à la fois classique et imparable ?
Quelles sont les motivations profondes de cette véritable "nasse judiciaire" qui s'est emparée de Carlos Ghosn ?
La réponse ici proposée est très simple à comprendre : l'Alliance Renault/ Nissan/Misubishi a vécu et le constructeur Japonais veut tout simplement récupérer ce qu'il considère lui appartenir.
La manoeuvre est commencée et l'intention nippone de reprendre le contrôle sur son deuxième constructeur automobile. parfaitement établie.
Biroto Saikawa, Numéro 2 de Nissan et "tombeur" de Carlos Ghosn, dispose de la volonté, du soutien politique et des moyens financiers pour mettre Renault sur une voie de garage.
L'Etat et la France vont-ils réagir et si oui, de quelle manière ?
Quelle est la raison du silence observé par le patronat français ?
La réponse est ici et mérite le détour.
- Selon deux spécialistes interrogés par 20 Minutes, le mutisme des grands patrons après l'arrestation de Carlos Ghosn s’explique tout d’abord par le grand respect qu’ils ont pour ce grand capitaine d’industrie .
- Eux qui sont souvent décriés par l’opinion publique pour leur rémunération conséquente, pourraient craindre que l’opinion publique les mette dans le même sac que Carlos Ghosn.
- En s’exprimant sur cette affaire, ils redoutent aussi que l’on finisse par critiquer leur mode de gouvernance.
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