Réponse au film de Ladj Ly : Non ! Il n’y a pas que des « misérables » en banlieue parisienne !
Et ça continue ! Un nouveau film sur les banlieues vient de sortir sur les grands écrans. Encore un opus consacré aux violences urbaines, aux bandes communautaires, aux "méchants" policiers de la BAC et tout le baratin sur la présumée pauvreté des quartiers HLM, sans perspective proposée ni solution quelconque. Tout a commencé en 1995 avec le ridicule long-métrage "La haine" réalisé par le bobo Kassovitz, qui a ouvert la voie au film-voyeuriste sur la misère des autres pour "se faire de l'oseille" (comme disent les jeunes des quartiers) en vendant de la violence aux petits bourgeois abonnés aux salles obscures. Vingt-quatre ans plus tard, voici les misérables du franco-malien Ladj Ly, censé nous montrer sous l'angle réaliste les relations entre policiers et voyous dans la cité de Montfermeil (93).
La réalisation est certainement efficace, Ladj Ly sait de quoi il parle car il est natif des cités. Seulement voilà ; ses Jean Valjean sont tous issus de l'immigration africaine, d'après les photos du film et le trailer. Ses Javert ont l'air assez réalistes ; personne n'imagine prendre la place de ces policiers qui risquent leur peau en tentant de faire régner un semblant d'ordre dans des quartiers livrés aux bandes de racailles. Son film est certainement meilleur que les histoires de Kassovitz. Mais on ne comprend pas ce qu'il cherche à nous démontrer : que les cages d'escalier sont livrées aux trafiquants ? Que les policiers sont des brutes ? Que les gens normaux ont fui depuis longtemps ces quartiers ? Cela n'a rien d'original, car tout le monde le sait.
Toutefois, il est utile de rappeler qu'il n'y a pas que des misérables en banlieue parisienne, que Ladj Ly n'est pas le seul à sortir du présumé ghetto. Et pour cela, il suffit de narrer nos expériences personnelles en la matière. Votre narrateur est lui-aussi natif de cette satanée banlieue (Nanterre, en l'occurence). Mes cousins sont nés à Montfermeil et ont passé une partie de leur enfance dans la cité des Bosquets, au début des années 1970. Je n'invente rien : leur père était gardien de la paix, donc on pouvait être policier et habiter l'endroit décrit par Ladj Ly il y a quarante ans ! Aujourd'hui, ce serait de la science-fiction. Il y a bien longtemps que les infirmières, les profs et les flics ont quitté ces lieux pour aller résider aux confins de la Seine-et-Marne.
Certes, la vie quotidienne n'était pas idyllique, mais ça allait à peu près. Les cages d'escalier n'étaient pas squattées, on pouvait dormir la nuit. Il n'y avait pas de voitures brûlées, les voyous se contentaient de crever les pneus des véhicules. Surtout, il y avait une vie de quartier : associations sportives, commerces, terrains de foot, transports en commun et les logements étaient vastes, bien chauffés, peu coûteux au loyer. Les gens se contentaient de ce qu'ils avaient, et la plupart travaillaient pour gagner leur vie. C'était avant les lois démagogiques sur le regroupement familial, la mise en place dans les esprits de "l'anti-racisme", l'inversion des valeurs avec le chômeur qu'il faut comprendre et celui qui travaille contraint de déménager, la police mise à l'index.
C'était aussi l'époque de la banlieue rouge, où le PCF gérait la population avec des cadres souvent formés dans les ex-pays communistes. On savait quadriller la population, l'encadrer avec les maisons du peuple, les cinémas de quartier qui passaient les films est-allemands, les colonies de vacances en Tchécoslovaquie etc. Quand le mur de Berlin s'est effondré, et le communisme avec, les pouvoirs publics n'ont pas su prendre le relais. D'ailleurs, la "politique de la ville" se mariait mal avec les dénationalisations, l'abandon des services publics et la libéralisation de l'économie... Donc il a fallu remplacer l'encadrement des quartiers par autre chose. Le communautarisme et le développement de l'islamisme ont été encouragés. De même, les trafics de drogue ont permis de faire rentrer de l'argent dans les cités. On connait la suite...
Du coup, le rôle de la police dans les banlieues est ambigu : il n'a jamais été question de faire cesser les trafics. Le policier n'est qu'un faire-valoir pour donner l'impression que l'état est toujours présent. Il n'y a jamais eu de volonté poltique de reconquête républicaine et autres sophismes. Pour cela, il faudrait appliquer la tolérance zéro à l'américaine, expulser les délinquants bi-nationaux, construire des prisons, rendre public les commissions d'attributions des logements sociaux. Impossible à l'heure actuelle en France, pays rééduqué par quarante ans de droits de l'hommisme.
Et pourtant, le natif du 92 populaire et enseignant du 93 dans les années 2000 (Pantin, Epinay-sur Seine, La Courneuve) peut témoigner qu'il reste beaucoup de braves gens, de toutes origines, dans les quartiers. Que des pères de famille aimeraient éduquer leurs enfants sous avoir l'épée de Damoclès du 119 au-dessus de la tête. Que certains expulsent en Afrique leurs enfants délinquants, malgré les protestations des enseignants permanents syndicaux d'extrême-gauche qui contrôlent encore les écoles primaires. Que beaucoup de jeunes voudraient travailler, mais qu'on ne leur propose que des petits boulots mal payés. Que les gérants d'office HLM refusent d'expulser les locataires bruyants, inciviques, qui pourrissent la vie des autres. D'une façon générale, que notre pays marche sur la tête au lieu de prendre le problème à bras le corps.
Au fond, que nous étions heureux, vers 1980, à "taper le ballon" sur les terrains vagues de Nanterre, avant que les démagogues ne démolissent les quartiers populaires.
Voilà pour l'histoire, dont Ladj Ly est issu. Il est d'ailleurs la preuve qu'il n'y a pas que des miséreux à Montfermeil. Son film plaira certainement aux moralistes de gauche (inrockuptibles, nouvel obs' et autres bourgeois curieux de voir la misère des autres), mais il n'apportera aucune solution, bien au contraire. Qui recrutera un type domicilé aux Bosquets après avoir vu la photo d'illustration ? Qui aura envie d'investir là-bas ? Quel enseignant, quel médecin, quelle assistante sociale seront volontaires pour y exercer ?
A défaut de régler les problèmes par des solutions concrètes, on les entretient, on discute, on détourne comme on le fait depuis des années. Les vrais misérables, responsables de la désintégration de nos quartiers populaires, habitent les beaux quartiers et ne fréquentent pas le petit peuple. Que Ladj Ly s'en souvienne, entre Kassovitz et la caste politico-médiatique d'un côté, et Montfermeil de l'autre, il y aura toujours un gouffre autant idéologique qu'économique.
Source de la photo du haut : https://www.20minutes.fr/arts-stars/cinema/2653491-20191118-miserables-ladj-ly-remet-haine-opprimes-gout-jour
Montfermeil en 1980... Les Bosquets à l'époque où il y avait encore des commerces dont une maison de la presse(!) : remplacée par un kebab aujourd'hui ?
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