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République française : colosse fragile repu de la sottise et de l’apathie du populaire ?

1549 : Etienne de La Boétie n'a pas encore 18 ans lorsqu'il écrit le Discours de la servitude volontaire ou Le Contr'Un, en réaction au sac de Bordeaux, consécutif à la révolte de sa population contre l'établissement d'une nouvelle taxe, mené par le connétable Anne de Montmorency qui outrepasse les souhaits du roi. Futur conseiller au parlement de Bordeaux, puis à la Cour, le jeune Etienne y voit l'un des stigmates d'un absolutisme qu'il entreprend de dénoncer et dont il accuse le peuple d'en être non seulement le complice, mais encore le véritable responsable.

Charles Lenient, relatant dans La satire en France ou la littérature militante au XVIe siècle (1866) les circonstances ayant présidé à la rédaction de ce Discours, explique que « ce hardi factum (on ne saurait lui contester ce titre), quoique étouffé dès sa naissance, n'en est pas moins une œuvre vivante, sortie des entrailles de la société, sous le coup des émotions contemporaines », ajoutant qu' « il faut se représenter La Boétie tel qu'il dut être alors, jeune homme rêveur et enthousiaste, avec son âme fière et généreuse, son imagination ardente, ayant vécu jusque-là de cette vie chaste et pleine d'illusions, que donne l'étude, en société des plus honnêtes gens de tous les siècles », bientôt révulsé par le sac sanglant dont il a été le témoin, des centaines de Bordelais ayant été pendus, décapités, roués, empalés, brûlés vifs, démembrés à quatre chevaux : « Il a entendu les cris des femmes et des enfants fuyant devant la soldatesque ; il a vu les confiscations, les emprisonnements, les pendaisons sans jugement, tout un peuple hébété de terreur, baisant la main de son bourreau : et le cœur navré, blessé dans sa dignité d'homme, de chrétien, de Français, il se demande quel pacte a livré ainsi à un seul tout ce troupeau de bétail humain ».

Etienne de La BoétieEtienne de La Boétie s'interroge sur l'origine de la servitude qu'il observe chez ses contemporains et, explique encore Lenient, « ce terrible problème assiège et tourmente l'imagination du jeune publiciste. Ira-t-il en chercher la source dans une sorte d'investiture divine, injurieuse pour la Providence ? Dans le droit d'usurpation ou de conquête ? Est-ce la force, la ruse ou le génie même qu'il faut maudire ? Non ; mais la sottise et l'apathie du populaire. C'est ce gros populas toujours soupçonneux à l'égard de ceux qui l'aiment, toujours crédule envers ceux qui le trompent, c'est lui qui s'est créé cette idole dont le poids l'écrase, ce Moloch auquel il faut des victimes humaines ».

Le connétable Anne de MontmorencyEt de La Boétie d'interpeller ainsi son lecteur : « Celui qui vous maîtrise tant, n'a que deux yeux, n'a que deux mains, n'a qu'un corps, et n'a autre chose que ce qu'a le moindre homme du grand nombre infini de nos villes : sinon qu'il a plus que vous tous, c'est l'avantage que vous lui faites pour vous détruire. D'où a-t-il pris tant d'yeux ? D'où vous épie-t-il, si vous ne les lui donnez ? Comment a-t-il tant de mains pour vous frapper, s'il ne les prend de vous ? Les pieds dont il foule vos cités, d'où les a-t-il, s'ils ne sont les vôtres  ? Comment a-t-il aucun pouvoir sur vous que par vous autres mêmes ? Comment vous oserait-il courir sus, s'il n'avait intelligence avec vous ! Que vous pourrait-il faire, si vous n'étiez receleurs du larron qui vous pille, complices du meurtrier qui vous tue, et traîtres de vous-mêmes ?

« Soyez résolus de ne servir plus, et vous voilà libres. Je ne veux pas que vous le poussiez ou l’ébranliez, mais seulement ne le soutenez plus, et vous le verrez, comme un grand colosse à qui on a dérobé sa base, de son poids même fondre en bas et se rompre. »

Le connétable Anne de MontmorencyUn esprit caustique pourrait bien y voir, aujourd'hui, le portrait saisissant de « l'électeur français moyen ». Gavé, jusqu'à en perdre son libre arbitre, de sermons culpabilisants lui promettant l'opprobre de ses congénères s'il s'avisait de manquer à son « devoir de citoyen » – celui qui lui enjoint de cracher au bassinet électoral, fût-ce pour un coquin qu'il méprise et qui le méprise au centuple – notre naïf, pourtant groggy par des désillusions en cascade, semble toujours fier de se donner pour chef un bourreau, celui-là même dont il aura dressé le piédestal de ses propres mains, et qu'il rendra responsable de ses maux, lesquels il ne devra pourtant qu'à sa propre inconséquence.

De nos jours, l'absolutisme est celui d'une démocratie d'apparence laissant accroire aux Français qu'ils plébiscitent par leur vote un régime respectueux de leurs libertés et soucieux de leur bien-être, cependant qu'ils se débattent au sein d'un État policier aux yeux duquel ils ne sont plus que contribuables à rançonner. Vaincre triomphalement bien que sans péril un régime républicain détruisant la France à petit feu suppose seulement d'en avoir pleinement conscience, et de, très logiquement, refuser d'accorder son obole électorale tant à la peste qu'au choléra... Un sursaut dérobant la base d'une République qui, rappelons-le, fut imposée à nos ancêtres dans la foulée du coup d'État révolutionnaire mené, non par le peuple, mais par cette bourgeoisie affairiste ayant enfanté les financiers mondialistes d'aujourd'hui.

H.B.


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4 réactions à cet article    


  • Ariane Walter Ariane Walter 24 septembre 2011 15:50

    J’aime d’autant plus La Boëtie qu’il était « le grand amour » de Montaigne : « parce que c’était lui, parce que c’était moi. »
    Oui, souhaitons que le peuple se réveille et soit aussi sage que Montaigne, passé d’un stoïcisme raide à une perception bcp plus humaine de la vie.

    Montaigne, mon livre de chevet.



    • VOUS PARLEZ DE QUELLE REPUBLIQUE...LA FRANCAIS ...ELLE A CESSE D EXISTER DEPUIS 2007 :
      _ le président gouverne seull...avec des ministres virtuels
      _ les sénateurs et députés font partie de CLUBS D INFLUENCE QUI LES RETRIBUENT...HIPPOCRATE ..PROMETHEE...OECONOMIA...DOMUS...ils sont donc au service des banques d’affaires et des labos pharmaceutiques ou lobbys...GENERALE DE SANTE...MALAKOFF-MEDERIC...GSK...SERVIER....TOTAL BNP...SG

      nous sommes EN OLIGARCHIE


    • easy easy 24 septembre 2011 21:24


      Je vous en demande pardon mais je ne vais parler que du discours de La Boétie parce qu’il me grattait depuis un moment et je crois commencer à comprendre pourquoi.



      Partant donc d’une situation délirante qu’il avait vécue et que vous avez très bien fait de rappeler, ce très jeune penseur s’est donc mis à en rechercher la cause. Il avait repéré la servitude, il l’a trouvée volontaire et cette servitude servant des maîtres méchants, il l’a péjorée., dénoncée.
      A bas la servitude, même volontaire et vive la liberté alors.
      En somme




      Dans le collège, Martine agacée, jalouse, reproche à Hélène « M’enfin, arrête de courrir après Gérard. Arrête de lui servir de bonniche ! : ». Et Hélène de lui répondre « Et toi alors ! Tout le monde dit que tu rampes devant Kévin. Quand il te siffle, tu accours ventre à terre »




      Tout enfant est pont ; Entre ses parents, entre ses familles, entre des communautés parfois. Et un pont, ça doit servir de passage et de lien.

      On dit couramment que les enfants de divorcés se sentent coupables ou responsables de la rupture. En analysant la détresse de l’enfant de cette manière, on se concentre sur la seule culpabilisation et on dénie alors la source qui est que l’enfant des divorcés se sent inutile, échoué, failli en son utilité de pont incarné. Pire même, parfois un des deux parents relève l’enfant en pont-levis et en fait un barrage, un bouclier.



      Quand on commence à être adulte on s’exerce à être pont donc utile entre des groupes ; Lorsqu’on achète un poisson au poisonnier, on ne voit que lui et nous alors que lui, il voit également le pêcheur. Le poissonnier est heureux de se réaliser utilement entre deux groupes les clients et les pêcheurs.

      Il va de soi que cette dévolution à servir le plus, le mieux, de la manière la plus irremplaçable possible, tel Vatel, Lully ou Vauban, se réalise, en raison de la concurrence, de mille manières possibles, dont certaines, qui servent trop Paul, désservent trop Jacques.


      On dit trop souvent que l’homme est un prédateur. Il est en réalité d’abord un pont, un serviteur et ne supporte pas qu’on ne se serve pas de lui.
      Lorsqu’on veut faire du mal à quelqu’un par défaut, de manière passive, on coupe les ponts avec lui.

      La problématique, dans cette indispensable servitude volontaire de soi, c’est de servir le maximum aujourd’hui tout en étant en capacité de servir tout autant voire plus encore demain et alors que nous subissons des accidents, des diminutions et des amputations

      Un héros de BD, c’est quelqu’un qui peut servir plus et mieux que quiconque, sans souffrir d’altération de ces capacités.


      Il est stupide de dire d’un élève qui sert bien l’enseignement qu’il est un fayot ;
      Il est stupide de dire d’un employé qu’il sert trop bien son patron.
      D’un soldat qu’il sert trop bien son général
      D’un mari qu’il sert trop bien son épouse

      Olivier, tu reproches à Fernand de trop bien servir le PDG ?
      Et bien propose lui de servir quelqu’un d’autre.



      Etant entendu qu’il est regrettable qu’un individu en soit réduit, peut-être parce que les autres le boudent, à ne plus servir qu’une seule personne, de manière alors absolue et sans partage (ce qui est ordinairement le cas des amoureux fous)


      (On ne sert pas que des personnes physiques, on sert aussi des personnes morales)


      Ainsi, il n’y a pas lieu de péjorer le notion de servitude. Il n’y a qu’à en être jaloux.



      • Luc-Laurent Salvador Luc-Laurent Salvador 25 septembre 2011 19:00

        Très bien vu de ressortir la Boëtie actuellement. Il faut le lire.
        Et en finir avec cette servitude imbécile dont les politiques et les médias sont l’instrument, les financiers l’agent.

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