Résultats 2012 : La France sérieuse a voté sans surprise et se prépare à un changement sérieux

 Aucune surprise dans ce premier tour des élections et c’est une surprise. Finalement, retour à la case départ en 1969, élection sans surprise avant d’autres scrutins qui ont vu émerger le FN à 15 points, puis au second tour en 2002 et Bayrou, jeune premier qui fit presque 20 points. En 2012, les scores étaient attendus ou du moins prévisibles. Car la campagne n’a pas fait émerger d’idée nouvelle. On reprend les mêmes partis et on recommence, même si Jean-Luc Mélenchon a laissé planer un délicieux suspense pendant quelques semaines, après des meetings de grand spectacle et une verve de tribun jouant dans un péplum. A regarder de près, on s’aperçoit que les résultats approchent ceux prédis par les sondages dès la fin janvier. Quand Marine le Pen approchait les 20 points. Sauf pour la quatrième place, tout était joué, y compris dans les chiffres. Pour ma part, je prévois avant toute estimation le chiffrage suivant, 29, 25, 18, 12, 10 et 6 points à partager entre cinq candidats. 20 heures, les chiffres sont donnés par les médias. La course aux analyses est lancée. Quels messages décrypter de ces chiffres sortis des urnes ? Hollande, gagné ; Sarkozy, perdu ; Le Pen, gagné ; Mélenchon, perdu ; Bayrou, perdu.

 D’abord, François Hollande, avec 28-29 points confirme la confiance des électeurs et le désir de changement qui ne soit pas une rupture, bref, un changement doucement mené par un candidat normal qui doit rassurer par temps de crise et rompre avec l’agitation du précédent mandat qui a inquiété pas mal de gens sans rassurer pour autant les autres. Sarkozy avec 25-26 points se positionne comme le candidat sortant suscitant la défiance. Le score des deux premiers traduisant une bipolarisation appuyée de la vie politique mais pas si grande qu’on ne le pense. Au vu des défauts à corriger, les Français veulent un cap assez clair, qu’il soit de droite ou de gauche.

 Marine le Pen récupère avec 19 points l’électorat de son père avec un petit plus dû sans doute aux jeunes. On se retrouve à la case départ, comme en 2002, avec un FN dépassant les 15 points mais une moindre dispersion des voix car on est passé de seize à dix candidats. La case départ signifiant que le FN a fait le carton plein de ses parts de marchés électoral et que les électeurs siphonnés en 2007 par Nicolas Sarkozy sont retournés au bercail, ayant été déçus par le président. 

 François Bayrou avec 9 points n’a visiblement pas réussi son positionnement. Là aussi, les égarés socialisant de 2007 (clin d’œil à qui de droit !) sont revenus au bercail ce qui explique le bon score de François Hollande. A moins d’être anesthésié du neurone ou fervent supporter du modem, on savait pertinemment que ce positionnement central visant à faire un gouvernement de salut public tout en cognant sur à droite et à gauche sur les principaux membre de cette coalition était franchement intenable. Ça aurait pu marcher mais en Allemagne. Bayrou a bénéficié les premiers temps de l’effet soufflet à retardement émané de 2007 puis le soufflet est retombé lentement et le candidat centriste à perdu quelques points entre février et avril. Ce qui est logique car Bayrou avait ratissé parmi les indécis qui se sont décidés entre temps après cette campagne où ce ne sont pas quelques mots livrés en incantations qui ont permis aux ouailles d’aller voter Bayrou. Vérité, effort, ouais, peu mieux faire dirait le professeur de science po.

 Le cas de Jean-Luc Mélenchon relève aussi de l’effet soufflet. La ferveur a monté mais en observant d’un œil lucide, on pouvait prévoir que l’étincelle du front de gauche allait s’éteindre pour nombre d’indécis. Néanmoins, l’effet soufflet a été rapide en produisant l’effet hystérésis bien connu des physiciens mais atténué. Le niveau est parti assez bas, 8 à 9 points, pour monter de semaines en semaines et culminer à 15 ou 17 points selon les instituts puis, le soufflet se dégonfle progressivement pour un score honorable mais décevant de 11-12 points dû à des partisans convaincus. D’autres ont quitté le soufflet de gauche, réfléchissant sans doute aux récents propos du candidat Mélenchon affirmant qu’il ne participerait pas au gouvernement. Cela donne le sentiment de voter pour rien. Cela dit, le score très honorable de Mélenchon se veut un message pour peser à gauche. Les Français sont tout de même assez lucides pour prendre conscience que les inégalités sociales sont dues aux gouvernements de droite.

 Si on voulait donner une teinte globale à ce scrutin, on dirait alors que les Français ont joué les électeurs sérieux. C’est la tendance qui se dégage avec deux candidats clairement en tête et trois moyens candidats clairement orientés idéologiquement, le centre étant le grand perdant. La participation très importante (la seconde de la cinquième république pour un premier tour) confirme que les Français sont des gens sérieux qui ont pris position sans que les grandes orientations ni thèmes fondamentaux ne fussent vraiment débattus. La crise sociale, finalement, n’incite pas à la fantaisie, à l’audace. La rupture de droite et d’ouverture de Sarkozy a été une expérience ratée. La rupture de gauche avec les patrons mis au garde-à-vous devant le peuple est modérément appréciée. Néanmoins, le message envoyé est clair et la France se prépare, sauf coup de théâtre exceptionnel, à sortir le président qui n’a visiblement plus la cote auprès des Français. Sans doute allons-nous subir deux semaines à s’ennuyer avec comme temps forts des grands meetings et deux débats qui seront suivis par les amateurs de boxe politicienne.

 Le mot caractérisant 2012, c’est la France sérieuse. Et comme on l’aura noté, Hollande est le candidat qui s’adresse à la France sérieuse, plus qu’à la France silencieuse que vise Sarkozy mais qui visiblement, n’a pas été pris au sérieux. Après la force tranquille de Mitterrand, le changement sérieux de Hollande. Au bout du compte, mieux vaut un changement sérieux qu’un sérieux changement, on dit les Français ce 22 avril 2012.